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Les lectures plus prudentes et productives (le choix d’un canon de littérature pour enfants)

3.2 « Connaître la langue, connaître la langue des poètes et connaître l’homme »

4.3. Les lectures plus prudentes et productives (le choix d’un canon de littérature pour enfants)

4.3.1. Pluralité des textes

La littérature portugaise pour l’enfance utilise, d’après J. A. Gomes (2000, p. 293) de multiples modes d’expression : poésie lyrique, texte dramatique, fable, conte de type réaliste ou fantastique, récit d’aventures (de type policier ou non), histoires de voyages dans le temps, fiction scientifique, récit sur fond historique, roman d’enfance ou d’adolescence. A son avis les textes recueillis et/ou adaptés de la tradition orale (poésies enfantines, romans traditionnels et contes populaires) ont toute leur importance. Une telle pluralité ne signifie cependant pas nécessai- rement qualité ni équilibre de tous les genres, car, comme l’on peut le constater, d’une part « le livre de qualité en termes littéraires se dilue et disparaît quasiment » (Riscado, 2002, p. 119) et, d’autre part le récit et le texte informatif dominent géné- ralement, le théâtre et la poésie devenant rares.

En effet, comme nous l’avons déjà mis en évidence, la poésie et le théâtre occupent une place mineure, même dans la réflexion de type théorétique : « les contes » sont les plus répertoriés. Des contes de fées, des contes merveilleux, des contes traditionnels sont unanimement reconnus comme bénéfiques pour le développement de l’enfant car, outre le fait de lui procurer des expériences inté- ressantes, variées et productives, ils favorisent le développement de mécanismes

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Le texte littéraire à l’école primaire au Portugal : programmes, projets, théories et pratiques

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psychologiques essentiels pour que l’enfant trouve un sens à la vie et atteigne un certain niveau de maturité psychologique. Les contes de fées et les contes traditionnels s’adaptent parfaitement, pour nombre de chercheurs, aux exigences de l’enseignement et de l’apprentissage de la compréhension du texte. De plus, notre héritage culturel s’y dépose et contribue ainsi à l’éducation morale et sociale des enfants.

Dans le domaine du récit, l’exemple d’Harry Potter apparait comme para- digmatique, étant donné qu’il offre non seulement le pouvoir d’identification et de projection, mais également la frayeur, la peur de l’inconnu et la magie.

Bien que peu présente, la poésie est légitimée, essentiellement au travers de poèmes au caractère oral et populaire. Mais la poésie est également défendue par ceux qui écrivent de la littérature enfantine et qui se battent pour une écriture littéraire qui libère « les enfants de la prose de la vie ». Ainsi, Alvaro Magalhães, l’un des auteurs de littérature pour l’enfance les plus connus, et dont les livres ont été l’objet d’interprétations et d’analyses, procède justement, lorsqu’il « théorise » sur la (bonne) littérature, à une dualisation de ces œuvres : d’un côté la prose, c’est-à-dire « des textes de caractère rationnel et utilitaire qui ne suggèrent pas de transcendances ; de l’autre, la poésie, qui inclue non seulement les livres de poésie, mais aussi des œuvres en prose, qui valorisent la fonction magique et imaginaire de la littérature » (2002, p. 213) . Dans cette optique, ce qui importe donc est de privilégier les textes où l’écrivain n’a pas déversé des données et des idées, mais où il s’emploie à travailler, de l’intérieur, le langage.

4.3.2. Un canon d’auteurs

Après tout ce que nous avons dit, on comprend que le besoin de définir ou non un canon d’auteurs de littérature pour le premier cycle de l’enseignement initial soit un sujet de discussion au Portugal. Généralement, le consensus s’éta- blit autour de la difficulté à établir une liste unique. Comme le dit Cristina Serôdio (2002, p. 134) « les textes devront être proches de l’univers des enfants, mais ils devront également les libérer du confinement de leur expérience. Ils devront présenter un langage accessible, mais devront aussi s’appuyer sur des dimensions verbales familières et connues, en introduisant des mots inusités, des expressions mystérieuses ». Toutefois certains auteurs pensent qu’il faut courir le risque de définir un corpus littéraire obligatoire, étant donné que son absence a été respon- sable de la piètre qualité des lectures des enfants qui sont ainsi exclusivement à la merci « de la plus ou moins grande culture et ou du goût littéraire plus ou moins fin de leurs éducateurs et de leurs professeurs et, dans le cas du 1er cycle, de la qualité des textes du manuel de langue portugaise choisi » (Serôdio, 2002, p. 135). C’est pour cela que la situation idéale serait le profil d’un professeur ayant une « éducation littéraire solide, connaissant ses élèves, convaincu de la valeur de la littérature dans l’apprentissage et de l’écriture, et possédant une capacité de recherche et d’actualisation » (p. 136).

Isabel Alçada rejette toute idée de liste officielle parce qu’à ses yeux l’obliga- tion peut éloigner les élèves des œuvres prescrites aussi bien que de l’activité de lecture elle-même. Elle va plus loin en condamnant également une simple recom- mandation de lectures annexée au programme d’enseignement de Portugais, dans la mesure où les professeurs peuvent considérer cette liste comme obliga-

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REPÈRES N° 32/2005 L. ALVARES PEREIRA et F. ALBUQUERQUE

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toire. Selon l’opinion générale, c’est au professeur qu’il incombe de faire un choix rigoureux des textes, en sélectionnant des œuvres présentant les plus grandes qualités littéraires, et en ayant toujours à l’esprit la spécificité des élèves.

Ceux, parmi les universitaires, qui sont actuellement formateurs de futurs professeurs, pourront peut-être exercer leur influence et développer chez leurs étudiants une prise de conscience de l’importance de toutes ces valeurs asso- ciées au texte littéraire à l’école primaire. Il est donc possible de croire qu’une « nouvelle » génération de professeurs est peut-être en train d’être formée, avec pour objectif de développer chez les élèves la lecture littéraire. Mais tant qu’une telle formation de cette sorte n’est pas généralisée et systématisée, la littéra- ture continuera de se faire rare dans de nombreuses classes primaires. Nous ne pouvons donc pas passer sous silence les lacunes qui demeurent dans les programmes des cours de formation des professeurs du 1er cycle, que ce soit, comme nous l’avons vu, dans la formulation de quelques programmes de littéra- ture enfantine, ou dans la présence réduite de problématiques liées au domaine de la Littérature et de la théorie littéraire / poétique.

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