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ANTHOLOGIES ET MORCEAUX CHOISIS POUR LA LECTURE Les nouveaux manuels scolaires des divers niveaux d’enseignement compor-

tent des extraits de bonne qualité, puisés dans la littérature polonaise et mondiale. De plus, des anthologies d’extraits littéraires ont été officiellement recommandées pour un usage scolaire. Le remplacement des listes étendues de livres imposés par des recueils d’extraits littéraires donne lieu à des débats passionnés entre les professeurs de polonais, tant à l’université qu’à l’école. Les défenseurs de l’uti- lisation des extraits mettent en avant l’entrainement fourni dans l’aptitude à lire et à comprendre un texte ; cet objectif est plus facile à atteindre dans le cours de polonais avec des passages plus courts. Citons quelques opinions recevables :

32. Liste tirée de l’article de D. Bator. 33. M. Ingot, T. Patrzałek, op. cit., p. 66.

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« Un extrait est une petite pièce ou partie arrachée à un tout, il se trouve publié séparément dans, par exemple, une anthologie, un périodique ou un recueil. Il peut être également une partie d’un tout inachevé publiée pendant ou après la vie d’un écrivain »34.

L’anthologie didactique peut être organisée autour d’un thème (par exemple les paysages Espaces et paysages de J. Kobuszewski, ou Lis, roses et tubercules. La représentation symbolique de fleurs dans la poésie de la jeune Pologne d’I. Sikora), à partir d’un corpus de passages humoristiques, d’un corpus illustrant un genre littéraire (L’anthologie de fables polonaises de W. Woznowski, par exemple). Souvent le fragment est représentatif du texte dont il est issu en tant qu’élément typique ou même en tant que synecdoque, pars pro toto (en y assignant un sens soit plus général soit plus spécifique que celui que l’on attribue habituellement à l’extrait didactique)35.

Ainsi, le duel entre Achille et Hector est à la fois une présentation du style homérique et une synecdoque pour l’épopée héroïque toute entière.36 Dans le recueil Éksplikacje literackie (Éxplications littéraires), les passages de L’Iliade et de La chanson de Roland fonctionnent de façon semblable. Pour illustrer : la descrip- tion du bouclier d’Achille37 dans L’Iliade et la mort de Roland38 dans La chanson de Roland ont de tels rôles.

Dans l’ensemble, les enseignants sont favorables à l’anthologie, qu’ils consi- dèrent comme « une sélection d’extraits littéraires les plus beaux »39, « une collec- tion des plus beaux monuments de la littérature »40, « une collection des pièces prisées de la littérature »41. Sans doute, les opinions ci-dessus sont-elles influen- cées par l’étymologie du mot anthologie (du grec, anthos, fleur et lego cueillir). La littérature grecque nous offre les collections suivantes d’épigrammes : Les roses de Safona, Les lis d’Anyta et Les lis blancs de Moiro42. Dans O antologii edytors- kiej (De l’édition d’anthologies), Bednarek soutient qu’au sens figuré « les fleurs servaient non seulement à désigner des œuvres entières, rédigées en respectant les canons acceptés de la beauté, mais aussi des œuvres significatives grâce à leur contenu philosophique, religieux ou moral ; Les Fioretti ou Petites fleurs de

34. Basé sur : Słownik terminów literackich édité par Sławinski, J. Wrocław, p. 131, 1976.

Voir aussi. Bartoszynski, K. O Fragmencie, in Problemy teorii literatury. Seria IV, p. 71- 94, Varsovie, 1997.

35. M. Jastrun, Fragment i szczegół. dans : Éseje wybrane, p. 24, Wrocław, 1971, d’après

Bartoszynski, K., p. 80. op. cit. 36. Ibid.

37. A. Labuda, Éksplikacja fragmentu Iliady dla szkół. dans : Lekcje czytania. Éksplikacje

literackie. Édité par Labuda, A. W. et W. Dynak. Volume 1. Wrocław, 1989.

38. B. Bednarek, Éksplikacja fragmentu Piesni o Rolandzie dla szkół, ibid.

39. S. B. Linde, Słownik jezyka polskiego. Volume 1. Partie 1, p. 20., Varsovie, 1807. 40. Złota przedza poetów i prozaików polskich. Édité par Chmielowski P. et S. Krzeminski. 41. Encyclopedia Britannica. Volume 2. Chicago-London-Toronto-Geneva-Sydney, 1964. 42. Sinko, T. Literatura grecka. Volume 2. Partie 2, p. 173. Cracovie, 1948.

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Saint François d’Assises ou Le grand livre des fleurs du bouddhisme43 ». Stefania Skwarczynska catégorise les anthologies en termes de tension et de contraste entre deux facteurs déterminant le choix des extraits : la variété et les incontour- nables conséquences de chaque décision.44

Selon Bednarek, « Une anthologie existe réellement si elle est publiée avec des textes qui sont : a) d’un ou de plusieurs auteurs ; b) au moins au nombre de deux (le minimum nécessaire à établir des rapports inter textuels45) ; c) réunis selon un choix, c’est-à-dire selon un critère approprié dans une transition du général vers le particulier ; d) organisés conformément aux méta textes rédaction- nels en un ensemble délibérément structuré. »46 L’anthologie définit le statut de l’œuvre incluse qui se distingue par là même de celui d’une œuvre omise.

Les éléments pris en considération dans la sélection de textes et d’extraits pour l’école démontrent clairement que ce processus a pu être soumis à l’appa- reil didactique. Le contenu des anthologies scolaires était souvent idéologique. Des modifications délibérées (voire des expurgations) de textes utilisés dans les cours de polonais concernaient la littérature contemporaine écrite après 1945. Les anthologies et manuels de littérature de l’après guerre ne sont que des reflets de la réalité socialiste. Les exemples de ces manipulations sont nombreux47. Dans Literatura współczesna ‘zle obecna w szkole, BoZena Chrzastowska aborde la question de la littérature interdite dans une discussion des créations de beau- coup d’écrivains : l’œuvre en exil de Miłosz ; Les portes du Paradis d’Andrze- jewski (extraits ; la confession de Robert ; la confession de Jakob) ; des fragments des Journaux de la période 1953 à 1956 de Gombrowicz ; Le journal intime de Jasienica (l’extrait, De la censure) ; des fragments de 1984 d’Orwell (Winston corrige Big Brother ou bien le rôle de Newspeech) ; Confession de l’immigré de Lipska ; L’histoire de Gydan de Warłam Szałamow (fragments : La Croix Rouge ; Le panier repas) ; Le journal rédigé la nuit de Gustaw Herling-Grudzinski (passages concernant SołZenicyn, Mandelsztam et Szałamow, ainsi que Bicie w bebny naro- dowe, un récit des journées de Gierek).

Une des meilleures anthologies de textes littéraires pour l’école est la série d’explications de textes Lekcje czytania. Il s’agit d’un manuel joignant aux textes

43. Bednarek, B. O antologii edytorskiej. dans Prace literackie XXI. Wrocław 1981, p. 169- 170.

44. Skwarczynska, S. Kariera literacka form rodzajowych bloku silva. Dans : Wokół teatru i literatury (Studia i szkice), p. 185-186. Varsovie 1970. D’après Bednarek, B. O antolo- gii edytorskiej. Dans : Prace literackie XXI. Wrocław 1981, p. 169-170.

45. D’après B. Bednarek, Ibid. « Ces deux éléments sont deux faits littéraires, chacun présent et identifiable avec son existence propre dans l’anthologie. Une réserve est formulée en raison de l’évidente opposition relative entre le tout et la partie. Ainsi, selon le contexte, une composante du cycle peut être traitée comme une unité autonome ou une partie d’une œuvre. »

46. Ibid.

47. Voir la liste des manuels scolaires de 1945 à 1985 établie par I. Sikora dans : Literatura

Młodej Polski w szkolnej edukacji polonistycznej, t. 2, Młoda Polska w szkole PRL (1945-1990), Wrocław 1995, p. 138-140. Les livres de F. Bielak, W. Szyszkowski et

A. Barchard de la période 1946 à 1947 méritent consultation.

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un enseignement de la critique littéraire. Il est possible de situer cette méthode par rapport à son contexte : autres manuels, programmes et objectifs de la discipline. Il est également possible de se référer aux travaux de Chrzastowska, Poetyka stosowana ou Lektura i poetyka.48 Dynak et Labuda soulignent que, sur un fond de ltradition du travail scolaire, un élément nouveau est mis en relief dans cette méthode : la lecture (une nouveauté dans les années quatre-vingt-dix selon l’in- troduction de Lekcje czytania). La lecture « qui est le point de départ et d’arrivée. Toute la méthode est centrée sur la lecture (et la facilitation de) l’art de lire. A l‘école il faut lire beaucoup et avec soin. Parmi la multitude de passages littéraires lus à l’école l’on se doit de rechercher des textes qui méritent une lecture appro- fondie pour tous. » 49

Le morceau choisi devrait « ravir l’enseignant par sa beauté puisqu’il est diffi- cile de parler avec conviction des choses qui ne nous émeuvent pas, (il) devrait être riche sur le plan cognitif et avoir une valeur éducative. » Par ailleurs, il ne devrait pas être trop difficile à lire ; n’oublions pas les contraintes liées au temps : le cours ne dure que 45 minutes, ce qui nous limite mécaniquement à trente lignes. Dans le processus de l’explication, l’extrait constitue « toujours un ensemble fermé et autonome comme, par exemple, une description, un portrait, un mono- logue, une scène ou un épisode ». Il s’agit de petites unités que nous resituons dans l’analyse de la composition d’une épopée, d’une pièce ou d’une œuvre plus longue. Cependant, la selection de tel ou tel ensemble est soumise à des critères esthétiques, cognitifs et éducatifs au moment du choix de l’extrait littéraire. De plus, il est essentiel d’opérer des choix qui permettent d’illustrer une convergence de points forts de l’idéologie ou d’éléments artistiques significatifs.

Les rédacteurs concluent : « lorsqu’un extrait faisant l’objet d’une explication est une scène d’une pièce de théâtre, un épisode d’un roman, un fragment d’une épopée, alors, la nécessité de se familiariser avec l’œuvre entière est évidente. Afin de pouvoir comprendre le sens interne et les fonctions structurantes de cet extrait, il nous faut le situer dans l’œuvre et établir des liens thématiques et struc- turels avec ce qui précède et ce qui suit ce fragment […] Le modèle de l’enseigne- ment littéraire du XXe siècle, qui n’est plus rhétorique et critico-littéraire, met en valeur la lecture, comme activité muette, et, sauf cas exceptionnel, non affirmable extérieurement. Or l’école se doit d’enseigner la capacité de s’exprimer, et aussi de vérifier ce que l’élève a lu, et comment il l’a lu. Les manuels et listes de lectures d’aujourd’hui comportent des époques, tendances, et genres littéraires divers plutôt que des textes isolés. L’école attend de l’élève la production des formula- tions de critique littéraire sans fournir des modèles. Dans une certaine mesure ce vide est comblé par l’explication de textes. »50

48. B. et S. Chrzastowska, Wysłouch. Poetyka stosowana. 2e édition modifiée. Varsovie 1987, pp. 503-508. et Chrzastowska, B. Lektura i poetyka. Varsovie 1987. Voir notam- ment les chapitres sur « l’art de l’interprétation » See chapters on the « art of interpre- tation ».

49. Lekcje czytania. Éksplikacje literackie. Partie 1. édité par Dynak, W. et A. W. Labuda. Varsovie 1991, p. 7 et p. 13.

50. Ibid. Partie 2. Wrocław 1999, p. 22. Voir aussi : A. Labuda, W. Éksplikacje literacka czyli

lekcje czytania. Dans : Inglot, M. et W. Dynak. Édukacja literacka w szkole. Antologia Opracowan. Volume 2. Wrocław 1988, p. 117 et p. 127.

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Labuda et Dynak, concepteurs de cette méthode scolaire, ont pris en consi- dération l’acte de parole et la fonction pragmatique d’un texte mis en voix, l’effet obtenu ou visé par la lecture oralisée : « Une signification pragmatique d’un énoncé peut être aisément saisie à partir de son contexte (lyrique, narratif ou conversa- tionnel) dès que l’on peut imaginer les circonstances possibles de sa production et son destinataire. L’agent d’un énoncé littéraire cherche parfois à faire du lecteur un interlocuteur, et parfois il se retourne vers quelqu’un dans l’espace fictionnel de l’œuvre. Dans ce cas, le lecteur devient le témoin de la conversation d’un autre51 et tente d’y associer une signification pragmatique, un objectif à l’énoncé : accu- sation, admonition, déception, divertissement, taquinerie, consolation, etc. Tous ces procédés littéraires rentrent dans le champ de l’analyse et de l’interprétation d’une œuvre ».

Depuis quelques années (et plus particulièrement ces deux dernières années), nous notons une introduction réelle des exercices de compréhension de la lecture à l’école. Souvent, ces collections de textes sont à la frontière du littéraire et de l’utilitaire. De fait, les textes sont de nature de plus en plus instru- mentale. Actuellement, dans l’enseignement du polonais à tous les niveaux, des fragments de textes longs servent de base à divers types d’opération mentale. Il y a même une liste pertinente de verbes opérationnels concernant la mémo- risation ou le savoir : nommer, définir, lister, identifier, énumérer ; concernant la compréhension d’un message ou d’une instruction : résumer, expliquer, illustrer, différencier. S’agissant de la capacité à appliquer des savoirs dans des situations typiques la liste est la suivante : résoudre, appliquer, comparer, caractériser, préci- ser etc. ; enfin, au niveau le plus élevé de l’application des savoirs à des situations problématiques : analyser, évaluer, proposer, planifier, anticiper. (Propos inspirés du travail de K. Cizkowicz et J. Ochenduszka)

Beaucoup de ces éléments sont utilisés par les auteurs du manuel To Lubie. De façon excellente, ils ont traité les aspects de la pragmatique linguistique au niveau élémentaire (remarquer, comprendre, énoncer, exprimer). Quelques exem- ples suivent en illustration. Dans le manuel du niveau 4, on trouve un extrait d’Antek de Prus sous le titre Antek w szkole, un autre d’Alice au pays des merveilles inti- tulé Alice au sujet de l’école, un autre des Aventures de Tom Sawyer sous le titre La gifle, un autre de Niby gaj de Jerzy Andrzejewski sans titre. Dans le manuel du niveau 5 on trouve un texte de Piecioro dzieci i cos intitulé Cały kamieniołom bogactw, un extrait de Momo de Michael Ende sous le titre La poupée parfaite, Pour le niveau 6, il y a Samo Zycie ! tiré de la nouvelle Wilczeta z czarnego podwórza de M. Dabrowska, Jesc ! – wrzasneła nagle Pulpecja de Kwiat Kalafiora par Musierowicz (beaucoup d’extraits de son œuvre traitant de la vie familiale se trouvent dans les anthologies actuelles) et un extrait de Robin des bois de Howard Pyle. Au premier niveau du collège, les élèves se familiarisent avec la littérature mondiale de qualité à travers des extraits de l’œuvre de Homer, Cortazar, Tolkien, Salinger, Shakespeare. Figurent également des œuvres de science-fiction. À partir de ces extraits nous pouvons pratiquer les exercices suivants : 1) lire et raconter la biographie d’une personne célèbre et mettre cette information dans l’ordre ; 2) présenter une personne célèbre, afin de stimuler l’intérêt d’un autre ; 3) parle- rons-nous tous une même langue à l’avenir ? Peser le pour et le contre, justifier,

51. Lekcje czytania, p. 18.

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prouver ; 4) comment écrire le courrier officiel et personnel (de Jan III Sobieski à Marysienka, par exemple) ; 5) le pouvoir de la presse (exercices de formulation). Écrire des publicités avec des abréviations. Ces exercices linguistiques ont une dimension pragmatique et ils relèvent de l’analyse d’un texte, d’un extrait ou d’une situation particulière de communication52. Dans chaque séquence du manuel on fait référence à une situation de la vie qui stimule certains comportements commu- nicationnels et provoque la production langagière des élèves. Ainsi, les taches associées à un texte donné mettent en œuvre les capacités et compétences des élèves. Nous pouvons travailler de multiples façons à partir d’extraits : de l’inter- prétation à la découverte de la fonction instrumentale d’une œuvre littéraire.

5. L’ENSEIGNEMENT CENTRÉ SUR L’APPRENANT :

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