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Résumé : Le besoin de réviser le statut de la littérature est en soi-même un indice évident du contraste qu’il y a entre la conception théorique des études littéraires,

1. LA LITTÉRATURE DANS LE SYSTÈME SCOLAIRE ESPAGNOL La construction de l’Europe implique une connaissance plus grande et plus

1.4. Quels genres privilégie-t-on ?

Le fait de privilégier un genre4 dépend du type de lecture que l’on veut prati- quer. Pour celle que nous avons appelée « semi verticale », c’est-à-dire la litté- rature pour la jeunesse provenant de la bibliothèque scolaire, le genre roi est, incontestablement, le récit. Des récits sous la forme de roman, de conte ou de bande dessinée, essentiellement contemporains, et, comme nous l’avons déjà dit,

3. Des institutions comme la Fundación Germán Sánchez Ruipérez, à Salamanque ou Rosa Sensat, à Barcelone; des projets comme SOL, sur Internet, essayent d’orienter les critères de sélection de la littérature pour enfants. Les tentatives pour établir des listes prescriptives dans ce domaine s’avèrent complexes et, parfois, conflictuelles. 4. Pour répondre à la question des genres privilégiés, nous allons nous borner au schéma

classique de récit, poésie et théâtre, tout en laissant de côté toutes sortes de considé- rations critiques par rapport à cette approche.

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REPÈRES N° 32/2005 A. MENDOZA et A. DÍAZ-PLAJA

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penchant vers l’internationalisme : J. K. Rowling ou R. Dahl à présent, M. Ende il y a quelque temps, et Tintin ou Astérix toujours, sont lus par nos adolescents avec la même intensité qu’en France ou en Inde. Il est plus difficile d’orienter filles et garçons vers le récit classique : J. Verne ou R. L. Stevenson tombent généra- lement des mains à cause de leurs « longues descriptions », ou de la « lenteur de leur action ». Parmi leurs lectures libres, les élèves adorent les livres jeu, les bandes dessinées japonaises ou les livres d’épouvante de qualité discutable qui paraissent en séries (R. L. Stine).

La poésie occupe normalement les deux franges les plus opposées des types de lecture que nous avons signalés ci-dessus : soit c’est le genre prédominant de la « lecture verticale » en classe de littérature, soit il fait partie de la « lecture libre », ou, pour mieux dire, de la « non lecture » : les élèves, spécialement les adoles- cents du secondaire, se passionnent d’ordinaire pour le genre poétique fourni par la culture pop. Cette immersion dans le genre lyrique peut atteindre de très hauts niveaux de subculture, mais, en même temps, elle peut devenir une intéressante passerelle vers une expression poétique plus élaborée, comme nous l’avons déjà signalé à d’autres reprises (Díaz-Plaja, 2002).

Le théâtre est traité différemment, selon qu’on considère l’élève comme acteur ou comme spectateur. La première approche – les enfants acteurs – est très déve- loppée en éducation enfantine et dans les premières années de l’école primaire. Les représentations de contes, les dramatisations, les récitations et toutes les formes d’expression dramatique sont employées souvent comme ressource du cours de langue, comme divertissement et même comme activité complémentaire de formation. En revanche, cette pratique diminue peu à peu dans le secondaire, où elle apparait occasionnellement dans le cours de littérature d’un professeur enthousiaste.

Occupons-nous maintenant de la seconde approche, l’éducation du spec- tateur. Comme la fréquentation du théâtre par les enfants est une pratique cultu- relle fort peu répandue au niveau familial (Codina, 1994 ; Séry, 1997b), devenir un spectateur de théâtre – pour la plupart des élèves – relève de l’activité scolaire (ou le devrait). Ainsi, de plus en plus souvent, les théâtres municipaux, nationaux ou privés, mettent à la portée de la population scolaire des cycles de théâtre. Ils reçoivent un très bon accueil quant au nombre d’élèves qui y assistent5, mais la réussite n’est pas aussi bonne en ce qui concerne le profit réel des séances. Souvent, les résultats sont quelque peu décevants : de mauvaises habitudes dans les salles, de faibles capacités d’exploitation de la part des professeurs, etc.

Restent les autres genres, ou pour mieux dire, les autres supports littéraires : la presse spécialisée pour les enfants et adolescents, beaucoup moins déve- loppée en Espagne qu’en France, et dont on se sert souvent, dans le Primaire, comme support de lecture dans la bibliothèque de l’école ou en classe de langue. Au niveau du secondaire, les élèves achètent leurs propres périodiques, générale- ment de maigre qualité littéraire, mais très attrayants pour les jeunes lecteurs.

5. Nous recommandons, spécialement, le programme « Connecta’t del Teatro Nacional de Catalunya ». Consulter sur www.tnc.es.

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De l’enseignement de la littérature dans le cadre scolaire espagnol…

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1.5. Comment lit-on ? Méthodes d’approche de la littérature

La méthode d’approche employée varie énormément en fonction du champ littéraire choisi et du genre de lecture que l’on applique. Ainsi, généralement, on applique une approche de type historiciste pour la présentation en classe de la littérature « nationale », avec des modèles parfois quelque peu corsetés et un emploi peut-être excessif du recours à la mémorisation.

Cependant, on peut trouver à présent des efforts très intéressants pour aborder l’histoire de la littérature à travers des dispositifs didactiques plus vivants, qui peuvent insérer des approches thématiques ou génériques (empruntées à la littérature comparée) ou des approches interdisciplinaires6.

Pour l’analyse des textes poétiques dans la classe, la perspective formelle, débitrice des approches structuralistes françaises ou de la stylistique espagnole, devient l’épreuve du feu pour les élèves ; disons, à titre d’exemple, qu’elle fait partie des épreuves d’accès à l’université. Les élèves la craignent, et, fréquem- ment, ils n’axent pas leurs analyses sur leurs perceptions de lecture, mais sur le modèle proposé ; en tout cas, ce qui est vrai, c’est qu’ils finissent pour maitriser assez bien la technique.

Il existe une autre approche de la poésie plus créative, centrée sur le lecteur, et, spécialement, sur la capacité créative. Ainsi, quelques professeurs transfor- ment le cours de littérature en ateliers de création littéraire, selon divers modèles7. Quant au théâtre, on applique normalement les mêmes méthodes d’analyse formelle ou structurelle du texte, bien qu’une approche du fait théâtral plus complexe, comprenant ses aspects visuels, musicaux ou plastiques, commence à avoir du succès.

Concernant la lecture plus libre, appelée « semi verticale », pratiquée à partir de la littérature de jeunesse pendant les années quatre-vingt-dix, il s’agit d’appro- ches basées sur le goût de la lecture, la liberté du lecteur, sa capacité de choix et de jouissance, sur la ligne des fameuses recommandations de Daniel Pennac, qui ont eu bonne fortune. Ainsi, la création de clubs de lecteurs, la rédaction de recommandations mutuelles entre les élèves, les « lettres » écrites à leurs auteurs et, ou même, à des personnages préférés, l’écriture de suites d’œuvres, ont été des pratiques communes, spécialement en Primaire. Les approches, débitrices de celles de G. Rodari, de type ludique ou créatif : des jeux, des ateliers littéraires, des expériences méthodologiques sur la ligne d’OULIPO, ont connu, elles aussi, un grand succès.

La fin des années quatre-vingt-dix a considéré aussi le développement de la lecture a travers la quête de valeurs morales ou idéologiques des œuvres. Le travail de rapprochement de contes, de romans ou de poèmes à partir de diffé- rentes notions, comme le pacifisme, la multi culturalité, la tolérance, le sexisme, tant en primaire qu’en secondaire, a déterminé les sélections de livres (les « guides

6. Voir les exemples de Bordons et Díaz-Plaja (eds.) (2004) Ensenyar literatura a

Secundària, ou bien les travaux recueillis par A. Mendoza (ed.) Lecturas de Museo

(2001).

7. A. López Valero, Taller de creación poética, sur une ligne inaugurée par les professeurs

S. Enciso et Francisco Rincón fin des années quatre-vingt.

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de lecture ») et même l’offre des maisons d’édition. Les lectures deviennent, quel- quefois, un prétexte pour la réflexion éthique ou même politique. Au XXIe siècle déjà, cette tendance commence à s’essouffler et on observe un besoin de revalo- riser la lecture libre comme créatrice de compétence littéraire chez les lecteurs du primaire et du secondaire8.

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