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Les conclusions obtenues mettent en évidence l’existence d’un enseignement en forme de monologue, où le travail sur la poésie est réduit à l’enseignement de la

rime et où l’élève lecteur subit le préjudice ne pas apprendre à lire la dimension

socio communicative du poème.

INTRODUCTION

Considérés comme des objets étranges4, mais dont il est impossible de se dispenser, pour des raisons d’accessibilité, de prix et de facilité d’utilisation, les livres didactiques, également désignés au Portugal sous le terme de manuels scolaires, constituent un élément central dans le processus de l’enseignement - apprentissage (Chopin 1992 ; Johnsen, 1993). En effet, s’ils sont, la plupart du temps, pour le professeur le plus important, voire le seul référent des pratiques pédagogiques, dans la mesure où ils semblent fonctionner comme décodeur / retransmetteur des programmes et des orientations pédagogiques officielles

1. Cet article a été traduit par Sylvie Nestolat.

2. Département d’Éducation – Faculté de Sciences et de technologie, UNESP, 19060- 900-Presidente Prudente, Estado de São Paulo-Brasil, renata@prudente.unesp.br 3. Département des Sciences Intégrées et de la Langue Maternelle – Institut d’Études de

l’Enfant, université du Minho ; Braga ; Portugal, fraga@iec.uminho.pt

4. Castro, Rodrigues, Silva e Sousa (1999, p. IX) évoquent, dans la présentation du volume des actes de la 1re Rencontre internationale sur les manuels scolaires, le fait que les livres scolaires semblent avoir une existence quasiment marginale, parce qu’ils sont parmi les moins visibles sur les rayons des libraires, que leur lancement ne fait l’objet d’aucune annonce et qu’ils n’apparaissent jamais sur les listes des livres les plus vendus, bien qu’ils atteignent, en fait, des tirages élevés.

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(Zabalda, 1991 ; Aran, 1996), ils sont également très souvent, pour l’élève, le premier livre avec lequel il a un contact, et qui l’incitera à en découvrir d’autres. Dans cette optique, Magalhães (1999, p. 285) note que « le manuel scolaire est l’une, sinon la principale porte d’entrée dans la vie et la culture ».

Une étude récente5 a montré que le livre scolaire règne encore en maitre sur les bancs des écoles brésiliennes. Le matériel pédagogique utilisé par les sujets étudiés pendant l’enquête se limite à l’usage d’un livre scolaire unique, qui contraint en grande partie la pratique pédagogique des enseignants. 75 % des professeurs consultés pour l’étude déclarent n’utiliser qu’un seul livre scolaire, 25 % utilisent plusieurs manuels. Dans le cas du Portugal, l’absence d’études systématiques nous empêche d’identifier le pourcentage de professeurs qui utili- sent le livre scolaire comme principale ressource pédagogique. Il est cependant admis parmi les chercheurs qui se penchent sur ce thème que le livre scolaire constitue le référent le plus important des pratiques pédagogiques (Tormenta, 1996).

Nous procèderons dans notre étude à l’appréciation de la qualité des maté- riels pédagogiques cités.

Pour ce qui est de la nature même et de la fonction des textes répertoriés dans les livres scolaires, plusieurs théoriciens nous alertent sur leur faible valeur, principalement sur ce qui a trait aux propositions en matière d’éducation au goût de la lecture, ou sur les propres connaissances que l’élève va acquérir sur ce que sont la langue et ses usages. De fait, en sélectionnant des textes et des auteurs déterminés, en valorisant certains thèmes et en mettant en relief certains genres, le livre scolaire se présente comme un dispositif régulateur de la connaissance et, par ces sélections, mais également par les questions et les activités proposées6, il conditionne amplement à un type de pratiques qu’il juge pertinent que les jeunes générations d’enseignants mettent en œuvre. Dans cette perspective, il véhicule toujours, implicitement ou explicitement, des conceptions et des représentations déterminées sur ce qu’est la langue et sur ce que sont ou doivent être ses prati- ques, dans l’optique des communautés interprétatives (Fish, 1980) qui ratifient socialement cet objet (Azevedo, 2003, p. 227)7.

Les livres scolaires présentent en général plusieurs erreurs méthodologiques en ce qui concerne l’enseignement de la lecture, et c’est pourquoi nous considé- rons nécessaire d’aborder l’étude de ces manuels avec l’intention de vérifier la qualité de l’enseignement de la poésie dans la salle de classe. L’objectif est de

5. Thèse de doctorat intitulée : Poésie enfantine : conceptions et modes d’enseigne-

ment.

6. Voir Ma de Lourdes T. Dionísio (2000, p. 149), « à travers les activités sollicitées sont présentés les modes de relation possibles entre textes « valides » et les modes « légi- times » de les utiliser, on conditionne l’accès à des produits verbaux, à des procédés et à des pratiques communicatives ». Des considérations identiques sont également applicables aux livres appelés parascolaires ou livres auxiliaires de lecture, comme on peut le déduire de l’étude d’Angelina Rodrigues (2000).

7. Notons, comme l’a souligné John Guillory (1993), que le livre scolaire se présente comme une sorte de « capital culturel » intentionnellement partageable.

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Le traitement méthodologique de la poésie enfantine dans le livre scolaire brésilien et portugais

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savoir si les enseignants de primaire que nous avons interrogés suivent ou non le modèle préparé pour l’étude par le livre scolaire.

Nous savons que, tant dans les écoles brésiliennes que portugaises, le livre scolaire est l’élément central responsable de la diffusion de la connaissance. Lajolo définit le livre scolaire comme celui qui sera utilisé en cours et qui a probablement été écrit, édité, vendu et acheté dans un but d’utilisation scolaire systématique. Ce but explicite vient du fait qu’à l’origine de son existence se trouve un objectif d’amélioration du processus même d’apprentissage. (Gérard et Roegiers, 1993, p. 5).Lajolo souligne que l’importance du livre scolaire augmente dans des pays comme le Brésil, « où une situation très précaire de l’éducation fait en sorte qu’il finit par déterminer des contenus et qu’il conditionne des stratégies d’enseigne- ment en indiquant de façon décisive ce qui s’enseigne et comment s’enseigne ce que l’on enseigne. » (1996, p. 4)

Nous comprenons également que le livre scolaire est un instrument impor- tant dans le processus d’enseignement et d’apprentissage, mais nous insistons sur le fait qu’il doit y avoir une interaction entre le livre et le professeur, car ils ont tous les deux un objectif commun, celui d’éduquer l’élève.

Ce que l’on attend d’un livre scolaire, c’est que l’on puisse résoudre des exer- cices et réaliser des activités dont la réalisation doit favoriser l’apprentissage, à partir des textes informatifs, des illustrations, des diagrammes et des tableaux. (Lajolo, 1996, p. 5)

En fait, le livre utilise des textes pour enseigner aux apprentis lecteurs à lire et à écrire.

Cependant, la réception de ces textes, et plus particulièrement lorsqu’il s’agit de textes littéraires, ne pourra jamais être envisagée comme un acte passif, car, conçu comme une machine à créer des interprétations (Eco, 1985), le texte exige du lecteur une coopération active et engagée. Perçu comme un signe vivant, dialectique, tourné vers l’autre, sa lecture devient, de l’avis de Tauveron (2002, p. 40) « une activité à la fois cognitive et culturelle, plus exactement une activité dans laquelle le cognitif est largement piloté par le culturel ».

De la même façon, il incombe à l’école d’orienter le travail de lecture vers différents types de textes, élargissant ainsi les horizons des jeunes lecteurs. Mais, lorsque l’école adopte un livre scolaire, elle se limite simplement à l’utilisation des textes qui s’y trouvent. Ainsi, nous constatons que les professeurs finissent par travailler les textes choisis par les auteurs de livres scolaires. Silva souligne que ces textes s’inscrivent dans le premier niveau de la préparation didactique :

L’auteur du manuel sélectionne des textes qui, en général, n’ont pas été écrits dans un but d’enseignement, et il élabore un travail sur ces textes. Ainsi, en adoptant le livre ou en le consultant, le professeur a recours à des textes déjà didactisés et il se limite à transmettre le processus de didactisation du matériel qu’il apporte à ses élèves. (1997, p. 32)

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1. UNE ANALYSE DE MANUELS SCOLAIRES

Pour confirmer ce premier niveau de didactisation utilisé dans des manuels scolaires, et afin de mettre en évidence le type de textes qui prédomine dans de tels livres, en remarquant le peu de place accordé à la poésie, nous avons réalisé une analyse 1) de textes inscrits dans les livres scolaires adoptés par des écoles brésiliennes faisant partie du PNLS (Programme national du livre scolaire), qui sélectionne de « bons » livres pour faciliter le choix des écoles. Nous avons choisi quatre collections ; 2) de textes se trouvant dans des manuels scolaires portugais fréquemment adoptés par des écoles portugaises.

1.1. Prose et poésie

Nous observons que ces livres utilisent plus de textes en prose (narratifs) que de poèmes. Cependant, l’erreur qui consiste à présenter des textes sous forme de vers apparait dans plusieurs d’entre eux. Les textes considérés comme des poésies se répartissent ainsi :

1. poèmes enfantins et juvéniles ;

2. paroles de chansons ou comptines populaires ; 3. textes para scolaires présentés sous forme de vers.

La recherche effectuée par Souza (2000) a analysé quatre collections scolaires de premier cycle (4 ans) ; sur un total de 156 textes étudiés, seuls 29 sont classés par les auteurs comme des poésies, c’est à dire 18,5 %.

Outre ces indices révélant une plus grande importance accordée à la prose, comme nous l’affirmons plus haut, la transformation de textes littéraires narratifs en poèmes en vers est courante, comme par exemple dans la 10e unité du livre de 2e année, de la collection Langue et Langage, dans laquelle un extrait de l’œuvre de Ziraldo, Le petit diable, est présenté sous forme de strophes.

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