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faculté d’enseignement primaire, département des sciences humaines Résumé : Le point de vue qui est avant tout défendu dans cet article est qu’une

2. GEORGES SÉFÉRIS, UN POÈTE DIFFICILE ?

De nos jours, les idées reçues sur la difficulté prétendue insurmontable de certains écrivains7 sont remises en cause et, avec elles, le clivage entre littérature pour enfants et littérature pour adultes. Certaines considérations dans le champ de la théorie de la littérature nous invitent à reconsidérer la notion de difficulté en littérature, qui n’est pas une notion stable et rigide. Ce qui est dit difficile pour un

4. How to Read and Why, (Comment lire et pourquoi ?) London: Fourth Estate 2000,

p. 28.

5. Un certain nombre d’ouvrages récents en Grèce ont mis de diverses manières l’ac- cent sur l’exploitation des oeuvres éducatives et poétiques des poètes comme Ritsos. Citons, par exemple, J. Kalogirou, Pleasures and Days of Reading. Teaching Literature

in Elementary School, (Plaisirs et journées de lecture. L’enseignement de la littérature à l’école élémentaire) Athens, I.M. Panagiotopoulos’ School’s, Editions 2002, pp. 157-

177 et Odysseus Ely tis in Education (Odysséas Elytis dans l’enseignement), edité par Th. Pylarinos, Athens: I.M. Panagiotopoulos’ School’s Editions, 2002.

6. Gardons à l’esprit que des auteurs éminents tels Gabriel Garcia Marquez, Sylvia Plath, Toni Morrison, Jostein Gaarder, Nikos Kazantzakis etc. ont également écrit des ouvrages de littérature pour la jeunesse.

7. Alan C. Purves, «Indeterminate Texts, Responsive Readers, and the Idea of Difficulty in Literature», The Idea of Difficulty in Literature, édité par Alan C. Purves, State University of New York Press 1991, p. 167.

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L’enseignement des grands auteurs dans les écoles élémentaires de la Grèce : lecture et réaction

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âge donné n’est pas considéré comme tel pour un autre. La difficulté d’un texte littéraire n’est que partiellement déterminée par les caractéristiques propres du texte. Selon Purves, la difficulté d’un texte « dépend de la nature de la compré- hension attendue »8. La communauté établit le critère à partir duquel déterminer la difficulté du texte. Des poètes « difficiles » comme le moderniste Georges Séféris, inscrit dans le mouvement de la Nouvelle Poésie, sont enseignés à l’école primaire9 ; un certain nombre de poèmes ou d’extraits de ce lauréat du Prix Nobel figurent dans le Programme élémentaire de littérature.

Les nouveaux programmes pour l’école (2002) déconnectent l’enseignement de la littérature de l’enseignement de la langue grecque (grammaire, vocabu- laire, etc.). Les activités variées proposées aux élèves-lecteurs (écriture créative, projets, approche interdisciplinaire des textes littéraires, liaison littérature et autres modes d’expression artistique, comme la peinture, la musique, l’art dramatique, etc.) mettent en valeur les vertus de l’implication de l’élève et le rôle important de la littérature dans le développement du sens esthétique, du sens critique, de l’esprit créatif, aussi bien que de la socialisation.

La poésie de Georges Séféris, représentative du modernisme, est caracté- risée par l’abstraction, l’obscurité et la multiplicité des perspectives. Ses vers sont un enchevêtrement enchanteur de métaphores inattendues et d’allusions inexpli- quées, son art se révèle souvent dans la désintégration de situations cohérentes en un ensemble d’images surprenantes et apparemment sans liens. Malgré tout, cette complexité n’interdit pas de réussir l’initiation des jeunes lecteurs au monde de ce poète important. Prenons comme exemple l’extrait suivant d’un poème sans titre (XII) de Mythologie (1935) de Georges Séféris. Bien qu’absent du programme officiel, ce texte peut être approché avec succès au niveau 6 et provoque bien des réactions.

Trois rochers, quelques pins calcinés, un ermitage. Un peu plus haut

Se réitère le même paysage :

Trois rochers en forme de vantail, rouillés, Quelques pins calcinés noirs et jaunes,

Une maisonnette carrée engloutie dans la chaux Et plus haut, encore, plusieurs fois,

Reprend le même paysage, en gradins

Jusqu’à l’horizon, jusqu’au soleil du couchant.10

8. Situation semblable à celle de William Carlos Williams. Voir Francis E. Kazemek «When shuttled by the / playful hand : The poetry of William Carlos Williams and the Elementary Literature Curriculum», Children’s Literature in Education, v. 20, n° 2 / June 1989, p. 111-119.

9. Voir Anda Katsiki-Givalou, «George Seferis in Elementary Education», George Seferis

in Education, National Ministry for Education and Religion / Pedagogic Institute 2001,

p. 77-87.

10. Georges Séféris, Poèmes, 1933-1955, traduit par Jacques Lacarrière et Egérie Mavraki,

Paris: NRF Poésie/Gallimard 2002. Cette traduction se trouve p. 31.

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REPÈRES N° 32/2005 J. KALOGIROU

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Il s’agit de la première strophe du poème. Le paysage décrit est typiquement celui d’une île grecque. Le paysage grec est plutôt rocailleux et sans arbres, mais la représentation du poète est plus lugubre que la réalité. Les pins sont calcinés, noirs et jaunes, les rochers sont rouillés et la maisonnette est engloutie dans la chaux. Le poète emploie ce mot chargé de connotations symboliques afin d’ex- primer un climat psychologique de frustration et de découragement. En premier lieu, Séféris crée une scène réaliste avant d’y introduire ses personnages mythi- ques, ce qui, grâce à une signification claire, rend le passage plus « facile ». Dans la dernière partie du poème (non présentée) se trouvent de nombreuses réfé- rences intertextuelles aux mythes de l’Odyssée et des Argonautes. La plupart des critiques de la poésie de Séféris s’accordent à dire que, dans Mythologie, Séféris utilise plusieurs mythes anciens afin de réaliser la technique moderniste de la méthode mythique11. Les mythes des Argonautes, de l’Odyssée, de l’Iliade etc. sont confondus de manière à se conformer aux différentes conditions de notre monde. Il y un parallélisme permanent entre le contemporain et l’antique avec dans l’esprit du lecteur, Ulysse, ses compagnons ou les Argonautes.

Dans l’approche en classe de cette partie du poème de Séféris, il n’est pas nécessaire de se référer à ses allusions mythiques et symboliques. On n’attend pas des élèves une exposition de toutes les interconnexions et ambiguïtés poéti- ques afin d’élaborer une vision cohérente du paysage désertique, décharné et répétitif du poème en tant que « symbole du voyage frustrant de l’Ulysse moderne ou de l’échec du paradis insulaire dont il rêve12 ». Le maitre peut diriger l’élève vers une vision plus « impressionniste » de la description du paysage et de la création d’une certaine perspective psychologique.

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