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Organisation de la réflexion

1. Un processus ou un état

En science des risques, le terme de résilience peut être considéré à la fois comme un processus et comme un état ou une propriété du système (Djament-Tran et al., 2012). Dans le premier cas, lorsque l’on parle d’un système résilient, « on cherche à rendre compte du processus qui a conduit à cette

résilience ». En d’autres termes, « c’est acter a posteriori le fait qu’il a su se maintenir malgré un choc et dépasser la crise qui en résulte » (Djament-Tran et al., 2012). Ici la résilience correspond en

quelque sorte à l’aboutissement de la post catastrophe. Dans le second cas, la résilience est une propriété intrinsèque du système, « une capacité qui se manifeste au moment du choc mais qui est déjà

présente antérieurement » (Djament-Tran et al., 2012). Dans cette conception, on se concentre avant

tout sur une propriété du système. Ici la résilience est « explicable par de multiples facteurs

(biophysique, sociaux ou spatiaux) et on peut, une fois qu’on les a identifiés, adopter une démarche prospective, donc opérationnelle, pour améliorer le potentiel de résilience » (Djament-Tran et al.,

2012). Dans le cadre de nos travaux, c’est cet aspect qui nous intéresse.

Le redémarrage d’un système sera décrit à travers le terme de post catastrophe, et ceux définis précédemment, comme le relèvement, la reconstruction et le rétablissement (Cf. Chap. 1, § I.B.1, p. 43). La question de la dynamique de retour est en effet très importante pour notre propos.

2.

De l’ « engineering resilience » à l’ « ecological resilience » : différenciation entre la

résilience et la stabilité

Après son apparition dans le domaine de la physique et avant d’être fortement modifiée par les travaux de quelques écologues, la résilience a d’abord été étudiée dans le domaine de la psychologie, en particulier dans l’étude du passage de l’enfance à l’adolescence (Dauphiné et Provitolo, 2007). À partir des années 1970, l’écologie, à l’instar de nombreuses sciences, va s’intéresser aux paradigmes systémiques, et ainsi ne plus considérer le monde naturel comme un système stable. La notion de résilience va alors être reprise (De Bruijne et al., 2010).

Ainsi, dans les années 1970, l’écologue canadien C. S. Holling développe une nouvelle vision de la résilience marquant une rupture avec les acceptions anciennes qui permettra la diffusion du concept vers d’autres domaines, notamment dans les sciences humaines et la gestion des risques. C. S. Holling utilise la résilience pour décrire la capacité des systèmes à se maintenir malgré une perturbation (Holling, 1973). Les systèmes évoluent en effet de manière permanente. Ils ne sont pas caractérisés par un état d’équilibre, mais par une stabilité générale qui est celle du maintien de leur fonctionnement. La résilience est alors définie comme la persistance des relations à l’intérieur du système et comme la

mesure de la capacité de ce système à absorber et à intégrer les changements de ses composants (Holling, 1973). Elle est une caractéristique interne propre qui relève de l’auto-organisation du système. Cependant, la persistance des systèmes ne signifie pas leur résilience, comme C. S. Holling l’a ensuite déclaré (Lhomme et al., 2010). Un système qui persiste en changeant presque toute sa structure qualitative ne peut être considéré comme résilient39. Il est en effet nécessaire de différencier la persistance qui est la constance d’un état par rapport à un état de référence, alors que la résilience est alors définie comme l’aptitude d’un écosystème à revenir à l’état d’équilibre après une perturbation (Dauphiné et Provitolo, 2007). Cette notion d’état d’équilibre a également été remise en cause par les travaux de Holling et de ses successeurs à travers la différenciation entre « l’engineering resilience « et l’ « ecological resilience » (Provitolo, 2011 ; Woods et al., 2009).

Figure 10 : Schématisation de l'"engineering resilience" et de l'"ecological resilience" (De Bruijne et al., 2010) La première correspond à la définition initiale de la résilience, c’est-à-dire la capacité d’un système à rebondir vers des conditions normales après un choc ou une perturbation. Elle correspond en quelque sorte à la capacité de résistance d’un objet et fait référence à la stabilité (Woods et al., 2009). Un système est dit stable quand il est capable de revenir à un état d’équilibre après une perturbation, (schéma A, Figure 10, p. 70). À l’inverse, comme l’ont montré les travaux de C. S. Holling et de ses successeurs, une résilience « écologique » peut être définie pour les systèmes dynamiques. En effet, pour ceux-ci, il ne peut y avoir de retour à un équilibre. Il n’y a pas de point d’équilibre ou d’état normal, les systèmes sont en constante évolution (schéma B, Figure 10, p. 70). Il s’agit donc de

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Cependant, parler de changement « structure qualitative » suite à un choc ne signifie pas grand-chose pour une ville. En effet, cela signifierait « un retour à la ruralité suite à la non reconstruction de la ville, situation qui a concerné moins d’une cinquantaine de villes depuis le Moyen Age et aucune depuis le XIXe siècle » (Hernandez, 2010).

favoriser la capacité d’adaptation au changement et à la dynamique afin de maintenir le fonctionnement (De Bruijne et al., 2010). La résilience ne signifie donc pas la stabilité. Dans cette acception, la stabilité ne correspond plus au retour à un état d’équilibre, mais davantage à une variabilité de la trajectoire du système en fonction des événements. Le système évolue alors dans un bassin d’attraction (Gallopin, 2006 ; Woods et al., 2009). La trajectoire d’un système peut fluctuer vers un état d’équilibre sans jamais l’atteindre. Cette évolution, ou variabilité, est comprise dans le cadre d’un bassin d’attraction dans lequel s’inscrit le système (Figure 11, p. 71). Lorsqu’une perturbation arrive, soit le système est capable de l’intégrer (il reste dans son bassin d’attraction), il est alors résilient ; soit le système n’est pas capable (il sort de son bassin d’attraction), il est alors détruit à plus ou moins long terme par le changement de sa structure (Sanders, 1992).

Figure 11 : Schématisation de la notion d'attraction (Woods et al., 2009)

On appelle ce changement de trajectoire qui mène à la destruction du système tel qu’il existe, une bifurcation. Ainsi, L. Sanders définit la dynamique du système comme la somme d’un déséquilibre permanent et d’un réajustement continuel. C’est ce réajustement continuel à travers des équilibres dynamiques qui caractérise les systèmes homéostatiques12. Or, pour A. Wildavsky qui est le premier chercheur à avoir introduit la résilience dans les sciences sociales, un système résilient doit être, entre autres, homéostatique (Pelling, 2003). Dans le cadre de ses travaux, ce chercheur a également montré que la résilience suggère une position proactive du système envers le risque. Ce sont ainsi les caractéristiques internes du système qui lui permettent de réagir face au risque (homéostasie, redondance, connectivité,…) (Pelling, 2003). Une organisation résiliente au sens « ecological » n’est donc pas une organisation stable. C’est une organisation qui peut se maintenir dans la dynamique.

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A. Cambien qualifie les systèmes homéostatiques de « systèmes ouverts maintenant leur structure et leurs fonctions par

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