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2.1 1975, parution de loi fondatrice de la gestion des déchets en France

3. La question des acteurs et des responsabilités

Pour pouvoir gérer ce surplus d’activité, de nombreux acteurs interviennent en parallèle des services de gestion des déchets : service de l’État et ses services déconcentrés, les services des différentes collectivités territoriales, armée, bénévoles, associations caritatives, ONG, etc. La question des déchets englobe en effet un domaine de compétences diverses : de la propreté aux routes et au patrimoine, en passant par les services d’hygiène et de sécurité ou de la gestion de crise (City of New Orleans, 2008). Cette diversité des acteurs intervenant n’est pas sans poser de difficultés. Lors de la gestion des déchets générés par l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans, des problèmes de coordination des actions entre les différents acteurs ont ainsi été observés, notamment entre le niveau local et le niveau fédéral (Moe, 2010). De manière plus générale, le rôle et les responsabilités de chaque acteur peuvent avoir été mal définis en raison, ou à cause, de la diversité des acteurs intervenant sur cette question avec des objectifs différents (environnementaux, économiques, sociaux) (Brown et Milke, 2010). Faire cohabiter l’ensemble des intervenants n’est pas toujours aisé.

En France, de telles difficultés n’ont pas encore été observées, peut-être parce que, jusqu’à présent, les volumes produits par les inondations ont pu être gérés par les gestionnaires. Néanmoins, sur des catastrophes de plus grandes ampleurs, la question des responsabilités de la gestion ne serait pas négligeable. Où s’arrêtent les compétences du maire ? Dans quelle mesure une structure intercommunale à laquelle la commune a délégué la collecte et / ou le traitement des déchets est responsable de la gestion des déchets post inondation ? Qui est responsable de la gestion des déchets post inondation issus de l’inondation des entreprises ? Le maire est garant de la salubrité et de la santé publique à travers son pouvoir de police, et responsable du service public de gestion des déchets ménagers (Cf. Chap. 3, § I.A.1, p. 132). Pour cela, il est possible qu’il ait à pallier la défaillance d’un producteur. En effet, il est demandé au prestataire ou à la structure compétente en matière de gestion des déchets de maintenir l’activité au nom du principe de continuité (Cf. note de bas de page 111, p. 133). Néanmoins, en cas de défaillance, c’est le maire qui reste responsable. Cependant, cette obligation est complétée par B. Burg (Burg, 2009). Dans l’analyse que cet avocat fait de la loi de modernisation de la sécurité civile, il montre que le préfet peut se substituer à la responsabilité du maire en matière de gestion de crise, si les conséquences de la catastrophe débordent du territoire. Or, dans ce cas-là, selon l’auteur, « il lui [préfet] revient de déployer les moyens propres à assurer les

secours, mais aussi la collecte, le tri et le traitement des déchets issus des catastrophes » (Burg,

2009). Cette question n’est pas négligeable car, derrière les interrogations sur les responsabilités, se cachent celles concernant les coûts.

Dans le Var, la gestion des déchets produits par les inondations qui ont touché la Dracénie en juin 2010 a coûté 4,5 millions d’euros selon la Communauté d’Agglomération dracénoise (Liquet, 2011) dont 2,8 millions d’euros pour la seule collecte (Cour Des Comptes, 2012). Sur le littoral atlantique, suite au passage de la tempête Xynthia, la collecte et le traitement des déchets ont coûté près de 400 000 euros en Vendée (Cour Des Comptes, 2012 ; Trivalis, 2010) et 1 million d’euros en Charente Maritime (Cour Des Comptes, 2012). Le coût de la gestion des déchets post catastrophe a été estimé par la FEMA aux États-Unis comme équivalent à 27 % du coût total de la remise en état du territoire126. Cependant, cette estimation et ces coûts ne prennent en compte que les coûts directs de la gestion des déchets post inondation (tri, collecte, traitement, élimination). Ils n’incluent pas les coûts indirects, comme ceux liés à l’interruption des activités, des infrastructures de gestion, aux délais de leur redémarrage, à l’impact sur l’économie locale comme le tourisme, à la réduction des surfaces d’enfouissement, à l’impact du traitement des sols pollués, etc. Les coûts peuvent donc être très importants.

Depuis le 7 octobre 2011, et la publication de la circulaire COT/B/11/18700/C, il est possible au titre du programme 122127 de financer les travaux contribuant à la sécurité de la circulation et à la restauration de la capacité d’écoulement des rivières, en d’autres termes l’enlèvement de certains déchets. En outre, à la suite de la tempête Xynthia et des inondations dans le Var, il a été décidé que la Taxe générale sur les activités polluantes ne s’appliquerait plus aux déchets issus des catastrophes naturelles (loi de finance 2011)128. Ces deux dispositions permettent quelque peu de réduire les coûts de la gestion pour la collectivité.

Cependant, une grande majorité d’entre eux reste à la charge des producteurs ou des responsables de la gestion. Lors de nos entretiens, les communes interrogées avaient globalement conscience de leur responsabilité en la matière. Néanmoins qu’en sera-t-il lorsque la facture arrivera ? Cette question se posera notamment si les communes ont eu à gérer les déchets des activités économiques. La question de la responsabilité de gestion des déchets post inondation est donc prégnante. Elle doit donc être clarifiée en amont de la crise.

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Cette estimation a été faite à partir d’une étude de catastrophes ayant touché les États-Unis entre 2002 et 2007. Ces catastrophes sont principalement des ouragans et des tempêtes (Brown et al., 2011). Néanmoins, cette estimation donne un ordre de grandeur intéressant qui, il nous semble, peut être pris en compte pour les inondations.

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Les dépenses de l’État en matière d’aides exceptionnelles aux collectivités territoriales sont en partie retracées dans le programme 122 « concours spécifique et administration ». Ce programme liste un certain nombre d’actions qu’il peut financer. Les crédits des finances publiques sont en effet spécialisés par programme, en fonction des objectifs de la politique publique auxquels ils contribuent (Vie-publique.fr). En 2010, dans le Var, les collectivités ont bénéficié d’une aide de l’État au titre des crédits d’extrême urgence du programme 128 « coordination des moyens de secours » (Cour Des Comptes, 2012). L’utilisation de cette ligne budgétaire n’était pour la Cour des Comptes pas justifiée. La circulaire du 7 octobre 2011 a permis de pallier ce manquement.

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La TGAP s’applique en effet aux déchets qui sont acheminés vers les centres de stockage et d’incinération. Plus précisément, cette exonération s’applique aux déchets non dangereux « générés par une catastrophe naturelle, dont l’état est

constatée par arrêté », « entre le début de survenance d’une catastrophe naturelle et jusqu’à soixante jours après son achèvement » (Projet de loi de finances pour 2011, article 71 bis). Cette dernière condition n’est pas sans interroger sur son

applicabilité. A quoi correspondent les soixante jours ? La date de traitement ? La date de collecte ? Si c’est la date de traitement, le respect d’un tel délai pour une catastrophe de grande ampleur paraît compliqué.

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