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Organisation de la réflexion

2. Le déroulement de la catastrophe

2.4 La post crise

La phase de post crise ne correspond pas au moment où l’aléa est terminé. « La crise est une

dynamique qui, le plus souvent, commence par un pic, se prolonge par une phase de plateau (comportant de nombreux rebondissements) et se termine de façon brusque ou au contraire (c’est le cas le plus fréquent) avec de forts effets de traîne » (Godard et al., 2002). J. E. Haas, dans un ouvrage

sur la reconstruction après une catastrophe, montre bien l’enjeu de la temporalité de la post catastrophe à travers une modélisation des différentes phases (Figure 5, p. 42) (Haas et al., 1977).

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Figure 5 : Schématisation de la phase de post crise suite aux inondations du 9 juin 1972 à Rapid City dans le Dakota du Sud (États-Unis) (Haas et al., 1977)

Cette phase correspond donc à la période où la crise au sens strict est terminée, mais au cours de laquelle les perturbations se prolongent. Sa délimitation dans le temps est souvent problématique. Dans la littérature, elle est définie comme commençant, soit avec l’intervention des secours (Chance et Noury, 2011 ; Haas et al., 1977 ; Thouret et D' Ercole, 1996 ; Vinet, 2007), soit après leur passage (Barrère-Lutoff, 2000). Cette différenciation s’explique par la nature de l’aléa concerné : pour un aléa d’une durée très courte, si la période de post crise débute après son passage, elle est contemporaine à l’intervention des secours ; en revanche, pour un aléa à cinétique lente, l’intervention des secours débute lors de la phase de crise. Lorsque l’eau se retire, au bout de plusieurs jours, a priori, la mise en sécurité des personnes n’est plus à faire. La phase de post crise débute alors avec la décrue et se termine avec l’effacement des derniers stigmates de l’inondation. Cette délimitation un peu schématique peut être approfondie.

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1.

Les différentes phases

Figure 6 : Les phases de la post inondation et leur inscription dans la temporalité de la crise

La post catastrophe peut être divisée en trois phases distinctes : le relèvement, la reconstruction, le rétablissement (Figure 6, p. 43).

1.1

Le relèvement

La phase que nous avons appelée « relèvement » est la mieux anticipée et prise en compte (Rosenthal et al., 1998). C’est une phase de transition entre la phase d’urgence et la mise en place des dispositifs de reconstruction à moyen et long terme. Il s’agit de rétablir les services urbains, de nettoyer la zone impactée, de relancer l’activité, de permettre le retour de la population dans son habitation. Cette phase comprend également la première estimation des dommages menée par les services de l’État. C’est donc une phase stratégique pour le relèvement d’un territoire à la suite d’une inondation, car elle impulse ainsi une dynamique pour la suite de la post catastrophe (Barrère-Lutoff, 2000 ; Chance et Noury, 2011).

1.2

La reconstruction

Ensuite débute la reconstruction, phase longue, silencieuse et fastidieuse qui se prolonge généralement durant plusieurs années (Chance et Noury, 2011 ; Haas et al., 1977 ; Thouret et D' Ercole, 1996 ; Vinet, 2007). Nous entendons à travers cette dénomination le processus de reconstruction physique des bâtiments et des infrastructures. C’est le temps de la confrontation entre des acteurs ayant des

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objectifs, des méthodes et des intérêts différents. De manière schématique, aux sinistrés désirant effacer rapidement les traces de la catastrophe s’opposent les services de l’État souhaitant souvent en profiter pour modifier les politiques de construction et d’aménagement existantes. La reconstruction représente l’opportunité de faire émerger de nouvelles stratégies d’urbanisation des territoires inondables, et de favoriser l’implantation de politiques de prévention (Barrère-Lutoff, 2000).

Deux logiques de reconstruction peuvent donc s’opposer. Celle des sinistrés prône souvent la reconstruction à l’identique, la conservation des formes urbaines telles qu’elles existaient avant la catastrophe. S. Revet dans sa thèse sur les coulées de boue au Venezuela, parle alors d’une logique de reconstruction dans la continuité qui met en avant le vivre avec (Revet, 2006). Elle vise à « intégrer

les traces de la catastrophe, à s’adapter aux transformations que celle-ci a opérées et, dans une dynamique de continuité, de rétablir des cadres physiques permettant aux cadres sociaux et symboliques de se remettre en place » (Revet, 2006). Cette dynamique est souvent prise en main par la

population. Ainsi, dans le quartier de La Vaguita étudié par l’auteur, la reconstruction s’est déroulée en s’appuyant sur les compétences des individus, sur la solidarité au sein de la communauté. « La

reconstruction met donc avant tout en jeu dans ces quartiers la capacité des acteurs à construire »

(Revet, 2006). De telles observations ont également été faites à la Nouvelle-Orléans (Hernandez, 2010).

À cela s’oppose une stratégie visant à rompre avec les cadres existants souvent portée par les autorités. Dans ce cas-là, après une phase de diagnostic des dommages et des défaillances, il s’agit de « bâtir de

nouveaux cadres physiques et de rompre avec certains cadres sociaux et symboliques existants pour en introduire de nouveaux » (Revet, 2006). En d’autres termes, il s’agit de reconstruire différemment

et, au-delà, d’agir sur le comportement de la population. Le vocabulaire médical est souvent utilisé pour justifier ces changements. Ainsi, à Vargas au Venezuela, la reconstruction est justifiée par le fait que « Vargas est présenté comme un corps malade que la reconstruction doit permettre de soigner » (Revet, 2006). L’exemple de Vargas est quelque peu extrême dans les oppositions qui se manifestent entre les deux partis. Néanmoins, dans une moindre mesure, elles ont été observées en France à la suite d’inondations. La phase de la reconstruction est ainsi animée par ces oppositions entre acteurs, entre visions et projets de développement pour le territoire (Vinet, 2010). F. Vinet cite l’exemple de la reconstruction des littoraux antillais à la suite du passage du cyclone Lenny en 1999. « L’État et

certains élus souhaitaient profiter de l’occasion pour limiter l’occupation des littoraux alors que d’autres élus, sinistrés et acteurs socio-économiques faisaient pression pour reconstruire sur place le plus rapidement possible de façon à (…) effacer les traces de la catastrophe » (Vinet, 2010).

L’exemple du littoral vendéen à la suite du passage de la tempête Xynthia est également caractéristique de cette opposition. Suite à cette catastrophe, l’État a décidé de classer certaines zones des communes inondées comme zones inhabitables. Baptisées successivement « zones de danger mortel », « zones noires », « zones de solidarité », puis « zones d’acquisition amiable », et enfin

« zones d’utilité publique » ou « zones d’expropriation », elles ont suscité une certaine incompréhension chez les sinistrés et leurs habitants (Mercier et Chadenas, 2012). Les critères de leur définition ont notamment été fortement contestés13.

La fin de la reconstruction du tissu physique de la ville ne signifie pas que la ville a réussi à se rétablir complètement du désastre. Une troisième phase est pour cela nécessaire.

1.3

Le rétablissement

Moins traitée dans la littérature, plus discrète et plus difficile à anticiper, la phase de rétablissement est pourtant essentielle pour la post crise. Elle comprend l’« ensemble des décisions et des actions prises à

la suite d’un sinistre pour restaurer les conditions sociales, économiques, physiques et environnementales de la collectivité et réduire les risques » (Wells, 2011). Il s’agit alors, au-delà de la

reconstruction physique, de reconstruire la société (remettre en marche l’économie, reconstruire le lien social, etc.). Ainsi, J. Hernandez dans le cadre de ses travaux de thèse sur la Nouvelle-Orléans met bien en évidence cette différence : « reconstruire la Nouvelle-Orléans ne signifie pas seulement

rebâtir sa maison et s’y installer (…). La reconstruction d’un quartier viable et vivable suppose aussi le retour de l’emploi, la réouverture des commerces et des services locaux, la réinvention des pratiques publiques, bref la recréation d’un tissu social et d’une urbanité de quartier » (Hernandez,

2009). D’autres auteurs ayant travaillé sur la Nouvelle-Orléans mettent en évidence cette difficulté du rétablissement (Maret et Cadoul, 2008 ; Wells, 2011). Ainsi, à la Nouvelle-Orléans, « la véritable

catastrophe semble résider dans le prolongement de ses conséquences trois ans plus tard, dans les vulnérabilités persistantes de la société urbaine, et dans la reproduction des conditions d’un futur désastre, qui s’opposent à une reconstruction durable » (Maret et Cadoul, 2008). Cette phase de

rétablissement peut être synonyme de la notion de « recovery » en anglais. Ce terme est très employé aux États-Unis pour parler de la post catastrophe. Pour J. Hernandez, il peut être défini comme englobant la reconstruction, « mais [qui] y ajoute la « chair » du tissu social et économique

(reformation des réseaux sociaux, redéveloppement du marché de l’emploi et des échanges) »

(Hernandez, 2010). Contemporaine de la phase de reconstruction, elle peut se poursuivre bien au-delà. C’est la phase ultime de la post catastrophe.

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