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2.1 1975, parution de loi fondatrice de la gestion des déchets en France

2. Les difficultés liées au choix de la stratégie de traitement

2.1

Disponibilité et adéquation des exutoires

Avant de se lancer dans la collecte des déchets, il est nécessaire d’anticiper leur traitement : enfouissement de l’ensemble des déchets produits par l’inondation123 ou traitement spécifique en fonction de la nature du déchet. Dans les retours d’expérience (Luther, 2008 ; Moe, 2010 ; Robin Des Bois, 2010 ; Trivalis, 2010), nous avons généralement constaté que les autorités essaient de traiter séparément certains déchets comme les déchets des équipements électriques et électroniques (DEEE), les véhicules hors d’usage (VHU), ou les déchets de la construction et de la déconstruction. L’objectif est alors de réintroduire ces déchets vers les filières de traitement existantes, et ainsi, de ne pas encombrer les potentialités de gestion futures (Cf. Chap. 3, § I.B.3.2, p. 144). Cette solution semble donc la plus raisonnable. Dans le cadre de la filière Responsabilité élargie des producteurs (REP) DEEE des ménages, les éco-organismes ont, par exemple, depuis 2009, l’obligation de reprendre les équipements qui auraient été endommagés par une catastrophe124. Cette disposition, inscrite dans le cahier des charges des éco-organismes pour la REP DEEE, devrait être inscrite également dans celui de la REP ameublement. Cependant, hormis, ces exceptions, la mise en place de filières de gestion spécifiques à certains types de déchets n’est pas sans contraintes.

Tout d’abord, elle nécessite de s’interroger sur la capacité de ces installations à traiter un tel volume de déchets. Comment traiter de tels volumes de déchets générés en quelques jours, alors qu’il faut plusieurs mois, voire plusieurs années, pour atteindre ces quantités en temps normal ? La communauté de communes de Lunel avait, suite aux inondations du Vidourle en 2002, rencontré d’importantes difficultés pour évacuer ses déchets de l’inondation. Pour éviter de connaître de nouveau une telle situation, elle a conclu un marché auprès d’une société de traitement des déchets lui permettant de bénéficier d’une capacité d’accueil de 10 000 tonnes de déchets non recyclables et non incinérables par an, en prévision de la prochaine inondation. « En dehors de l’inondation, cette filière sert

également à traiter les déchets non incinérables » (Pouzenc, 2009). Cette solution de passation

préventive de marché est préconisée par plusieurs auteurs pour anticiper la collecte ou le traitement des déchets (Brown et al., 2011 ; Epa, 2008 ; Fema, 2007 ; Fetter et Rakes, 2011 ; Mc Entire, 2007 ; Roper, 2008). Elle nécessite cependant une connaissance minimale du gisement de déchets qu’une inondation pourrait potentiellement générer. Or, cette question est loin d’être facile à régler (Cf. § III.A.3, p. 161).

123

Les déchets post inondation étant mouillés, leur incinération est souvent compliquée techniquement. Le choix est donc le plus souvent d’orienter les déchets vers des centres d’enfouissement.

124

« Le titulaire reprend gratuitement au niveau des collectivités territoriales dont il est le référent tous les DEEE ménagers

endommagés dans le cadre de catastrophes naturelles ou accidentelles, dès lors que ceux-ci ont été préalablement extraits et triés, et qu’ils ne font pas l’objet d’une contamination chimique ou radioactive d’origine externe » (Annexe de l’arrêté du 23

décembre 2009 portant agrément d’un organisme ayant pour objet d’enlever et traiter les déchets des équipements électriques et électroniques ménagers).

En outre, la production de certains déchets pose le problème de l’existence même de certaines filières de gestion. En Vendée, suite aux inondations de 2010, plus de deux cents mobil homes ont dû être détruits (Robin Des Bois, 2010). Or, il n’existe pas de filières spécifiques de déconstruction de ce type de biens. Cette soudaine production de mobil homes « hors d’usage » a ainsi mis en lumière ce déficit et obligé les acteurs de la filière à lancer une réflexion sur la structuration de la filière. De même, il n’existe pas de filière de traitement des boues générées par une inondation. Suite aux inondations dans le Gard en 2002, certaines collectivités avaient ainsi épandu les boues dans les champs, faute d’exutoires. Or, ces boues peuvent transporter d’importants polluants nécessitant un traitement spécifique.

Enfin, la mise en place de traitements différenciés par type de déchet oblige à instaurer des procédures de tri contraignantes, ce qui n’est pas sans poser quelques difficultés.

2.2

Enjeux du tri des déchets post inondation

Du choix de ces filières de traitement, et donc des exutoires, dépendent en effet les flux de déchets qu’il va falloir trier et le mode de tri qui va être mis en place. Plusieurs stratégies de tri peuvent être instaurées (Tableau 14, p. 151).

Tableau 14 : Les différents types de tri et de collecte (D’après (Fema, 2007), avec données de (Epa, 2008 ; Luther, 2008 ; Pouzenc, 2009 ; Robin Des Bois, 2010 ; Umugiraneza, 2011)

Tri Collecte Avantages Difficultés Exemples

Cas 1 1. Sur le trottoir 2. Collecte groupée Permet un traitement spécifique de certains déchets.

Demande aux sinistrés de trier leur déchet.

Compréhension des consignes de tri. Vendée et Charente- Maritime (Xynthia), Australie, Nouvelle- Orléans Cas 2 2. Zone de stockage temporaire 1. Collecte

groupée Les sinistrés n’ont pas à trier les déchets.

Tri souvent difficile ensuite. Nécessité d’avoir une grande zone de stockage. Communauté de communes de Lunel, Nouvelle-Orléans, Australie Cas 3 2. Zone de stockage temporaire 1. Collecte individuelle Possibilité de différenciation importante.

Difficilement gérable dans des zones fortement urbanisées. Plutôt pour zones rurales.

Charente-Maritime (Xynthia), Louisiane (Katrina)

Il est en effet possible d’une part de pratiquer le tri avant la collecte. Ainsi, les sinistrés, lorsqu’ils sortent les déchets de leur habitation, les déposent sur le trottoir en différents tas. Dans ce cas-là, le tri s’organise autour de quelques flux faciles à identifier et à trier (DEEE, déchets dangereux, déchets mous125, ferrailles). Cependant, cette solution peut s’avérer complexe. Comme le déclare J. Medina

125

Les déchets mous désignent l’ensemble des meubles constitués de mousses ou de tissus de type canapé, fauteuil, matelas, etc. Ces déchets présentent la particularité de se dégrader très vite en contact avec l’eau et de favoriser le développement de moisissures.

dans son article sur la Nouvelle-Orléans, « peu ont le temps ou l’envie de veiller à ce que les boîtes de

conserve soient empilées à distance des fours à micro-ondes. Il est plus facile de tout traîner sur le bord du trottoir » (Medina, 2005). Il est en effet généralement difficile de demander aux habitants de

trier leurs déchets en raison de leur état psychologique (Cf. Chap. 2, § I.B.2, p. 140), mais également de la difficulté d’une telle démarche (Luther, 2008). Les consignes de tri ne sont pas toujours faciles à comprendre. De ce fait, plusieurs spécialistes recommandent de définir les flux de déchets à trier avant la catastrophe (Epa, 2008 ; Fema, 2007 ; Luther, 2008 ; Roper, 2008). Une telle anticipation permet de mettre en place une communication claire et précise sur le tri, dès le premier jour du nettoyage. En outre, l’accompagnement des sinistrés par des professionnels est souvent un élément de la réussite de tri. Cela a par exemple été fait en Vendée. Le syndicat de traitement des ordures ménagères (TRIVALIS) a ainsi envoyé sur le terrain une équipe d’ambassadeurs du tri pour aider la population (Photo 12, p. 152) (Trivalis, 2010). Un fonctionnement similaire avait été mis en place à la Nouvelle- Orléans (Epa, 2008).

Photo 11 : Centre de tri des déchets dangereux à la Nouvelle-Orléans (Epa, 2008)

Photo 12 : Un ambassadeur de tri de TRIVALIS avec un sinistré (Trivalis, 2010)

Le tri peut également être pratiqué sur des zones de stockage temporaire par des personnes connaissant les différents flux. À la Nouvelle-Orléans, de telles zones ont été mises en place pour trier les déchets dangereux (Photo 11, p. 152). Il s’agissait alors de mener un second tri plus précis. Quinze centres de ce type ont été ouverts et ont permis la collecte et le tri de 10 000 tonnes de déchets dangereux. La plupart de ces déchets ont ensuite pu être recyclés (Epa, 2008 ; Luther, 2008 ; Moe, 2010). À Lunel dans le Gard, suite aux inondations de 2002, les déchets ont été stockés sur un site des services techniques de la commune. Les opérations de tri ont alors consisté à retirer la ferraille de l’amas de déchets (Pouzenc, 2009). À Aytré, en Charente-Maritime, suite au passage de la tempête Xynthia, « aucun tri n’a été demandé aux sinistrés. Dès le lendemain de la tempête, trois sites de regroupement

ont été constitués. (…) Les personnels techniques triaient les tas en séparant les « fermentescibles » et les « inertes » » (Robin Des Bois, 2010). Cette solution paraît plus simple en matière de tri. Elles

posent néanmoins le problème de la création de zones temporaires de stockage (Cf. § II.B.3, p. 155) et de la connaissance des volumes de déchets post inondation.

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