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La phase de rétablissement : le grand oublié des dispositifs et des outils d’anticipation et de gestion de la post catastrophe

Organisation de la réflexion

1. La phase de rétablissement : le grand oublié des dispositifs et des outils d’anticipation et de gestion de la post catastrophe

1.1

Le prolongement des outils relatifs à l’organisation des secours

Même si le plan ORSEC concerne avant tout l’organisation des secours (Cf. Chap. 1, § I.A.2.3, p. 40), il peut prendre en compte certains aspects de l’immédiate post catastrophe. Ainsi, le décret n° 2005- 1157 du 13 septembre 2005 relatif au plan ORSEC précise que « les dispositions générales du

dispositif opérationnel ORSEC départementale définissent : (…) 5° les modes d’action communs à plusieurs types d’événements, parmi lesquels ceux destinés à assurer : (…) l’organisation prenant le relais de secours d’urgence à l’issue de leur intervention ». Il s’agit en effet de faire face à la

« nécessité d’une prise en charge élargie des populations qui dépasse la phase de l’urgence dédiée

aux opérations de secours. Ainsi, la protection et l’accompagnement des populations, qu’elles soient sinistrées, déplacées, proches ou membres de victimes constituent une mission essentielle des pouvoirs publics » (Viret et Queyla, 2011).

B. Ledoux, dans le cadre d’un retour d’expérience suite aux inondations dans l’Aude et le Tarn en 1999, a mis en évidence le rôle du plan ORSEC dans la gestion de la post catastrophe (Ledoux, 2000). Il l’a alors jugé comme un instrument important de la gestion de l’immédiate après-crise : « la

Préfecture de l’Aude a choisi de faire durer le plan ORSEC afin de disposer juridiquement et opérationnellement des différents moyens de secours et d’intervention ». En effet, le déploiement de ce

plan permet au préfet de mobiliser et de financer16 des moyens militaires et civils, de réquisitionner des entreprises17. « Hors de ce cadre juridique, les procédures pour mobiliser des moyens équivalents

sont jugées très lourdes » (Ledoux, 2000).

La loi de modernisation de la sécurité civile complète le dispositif d’organisation des secours à travers la mise en place des Plans communaux de sauvegarde. Ces plans fixent l’organisation de l’alerte et le

16

Article 27 de la loi de modernisation de la sécurité civile « Les dépenses directement imputables aux opérations de secours

au sens des dispositions de l’article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales sont prises en charge par le service départemental d’incendie et de secours.(…) Dans le cadre de ses compétences, la commune pourvoit aux dépenses relatives aux besoins immédiats des populations. L’État prend à sa charge les dépenses afférentes à l’engagement des moyens publics et privés extérieurs au département lorsqu’ils ont été mobilisés par le représentant de l’État ».

17

Article 17 de la loi de modernisation de la sécurité civile « En cas d’accident, sinistre ou catastrophe dont les

conséquences peuvent dépasser les limites ou les capacités d’une commune, le représentant de l’État dans le département mobilise les moyens de secours relevant de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics. En tant que de besoin, il mobilise ou réquisitionne les moyens privés nécessaires aux secours. (…) ».

soutien à la population. Leur élaboration est à la charge de la commune et est obligatoire pour les communes dotées d’un plan de prévention des risques naturels (PPRN)18 approuvé ou comprises dans le champ d’application d’un Plan particulier d’intervention (PPI)19. Les autres communes n’ont pas l’obligation de l’élaborer (Pondaven, 2010). Bien que centrées sur la gestion de l’urgence, l’alerte de la population et l’organisation de la protection et du soutien des personnes, comme les plans ORSEC, leurs actions se prolongent au-delà de la seule gestion de crise. En effet, l’article 3 du décret n° 2005- 1156 du 13 septembre 2005 relatif au plan communal de sauvegarde, déclare que « (…) le plan

communal est éventuellement complété par (…) les dispositions assurant la continuité de la vie quotidienne jusqu’au retour à la normale ». Ainsi, l’emploi du terme « sauvegarde » donne au maire

la mission d’intervenir sur « la protection de ses administrés, avant la crise (alerte, évacuation…),

pendant (hébergement) et après (assistance psychologique, relogement, ravitaillement…) » (Ledoux,

2006).

En complément de la création du PCS, la loi de modernisation de la sécurité civile propose de mieux encadrer les acteurs intervenants suite à la mise en sécurité de la population. En effet, le passage de la crise à la post crise se traduit souvent par un désengagement des moyens de secours publics et par l’arrivée d’autres acteurs (experts, assureurs, associations, etc.) (Viret et Queyla, 2011). Cette évolution, associée à une temporalité longue, soulève des difficultés importantes, notamment de coordination des actions. Pour y faire face, elle propose donc aux pouvoirs publics d’agréer des associations pouvant intervenir dans le domaine de la sécurité civile, et aux communes de créer des réserves communales de sécurité civile (RCSC). Ces réserves permettent notamment de mieux encadrer les personnes qui se manifestent pour aider à la suite d’une catastrophe. « Bénévole,

facultative et placée sous la seule autorité du maire, elle [la réserve communale de sécurité civile] est chargée d’apporter son concours au maire dans les situations de crise, mais aussi dans les actions de préparation et d’information de la population, comme dans le rétablissement post-accidentel des activités » (Circulaire du 12 août 2005 relative aux réserves communales de sécurité civile). Les

RCSC ont également pour mission de mettre en place les dispositifs d’aide aux particuliers et aux entreprises leur permettant de reprendre leurs activités rapidement. Cette aide est extrêmement variée et relève de dispositifs formalisés ou plus ou moins spontanés (Ledoux, 2006). À l’heure actuelle, il n’existe pas de bilan de la mise en place et de l’intérêt de ces réserves.

18

Cf. Chap. 1, § II.B.1.2, p. 58. 19

« Les plans particuliers d'intervention sont établis, en vue de la protection des populations, des biens et de

l'environnement, pour faire face aux risques particuliers liés à l'existence ou au fonctionnement d'ouvrages ou d'installations

[installations classées, ouvrages hydrauliques, centrales nucléaires, stockages souterrains de gaz, d’hydrocarbures, etc.) » (Source : Décret n°2005-1158 du 13 septembre 2005 relatif aux plans particuliers d'intervention concernant certains ouvrages ou installations fixes).

La mise en place de ces dispositifs s’est accompagnée d’une réflexion plus large émanant du monde de la recherche ou d’opérationnels sur les outils permettant une meilleure anticipation de la gestion de crise, et par la même occasion, de l’immédiate après crise. La plateforme OSIRIS, par exemple, élaborée dans le cadre d’un projet européen a ainsi comme objectif d’aider à la réalisation des PCS et, à travers eux, à préparer et à gérer la crise. La mise en place d’une telle plateforme permet aux gestionnaires du risque de réfléchir aux moyens nécessaires à la gestion de la période de crise, mais également d’anticiper les difficultés potentielles (Morel et Hissel, 2010 ; Morel et al., 2009).

À la gestion des secours succèdent l’indemnisation et la reconstruction.

1.2

Indemnisation et reconstruction

Figure 7 : Le dispositif de reconstruction après les crues de 1999, 2002 et 2003 dans le sud de la France (Vinet, 2007)

La loi du 13 juillet 1982 a mis en place une indemnisation des sinistrés en cas d’inondation majeure qui repose sur la solidarité nationale20. Cette indemnisation se fait dans le cadre de la garantie « catastrophes naturelles », et est soumise à plusieurs conditions21. Ce système assurantiel, ainsi que

20

Cette solidarité nationale est exprimée par le fait qu’un contrat d’assurance « dommages aux biens » comporte obligatoirement la garantie contre les catastrophes naturelles. Sur ces contrats, un taux uniforme de prime CatNat est payé par tous les assurés (Grislain-Letrémy et Peinturier, 2010).

21

Les sinistrés sont dédommagés s’ils sont couverts par un contrat d’assurance « dommages aux biens », et si l’état de catastrophe naturelle a été constaté par arrêté interministériel et inscrit au Journal officiel. Ne sont considérés comme effets

les solidarités financières qui peuvent exister de manière sectorielle, permet une remise en état relativement rapide des zones sinistrées. Cette phase débute généralement deux mois après que les premières estimations de dégâts soient lancées (Vinet, 2010). Elle est pilotée par les Préfectures de département. Suite aux inondations dans l’Aude en 1999, et pour les inondations du sud de la France au début des années 2000, un guichet unique fut mis à la disposition des sinistrés pour faire leur demande de financement de la reconstruction. La reconstruction était alors gérée par une structure composée d’un comité technique qui préparait les dossiers de reconstruction et d’un comité de programmation qui les validait (Vinet, 2010). Les financeurs (Conseils régionaux, Conseils généraux, Préfectures et services de l’État, trésorerie générale, Agence de l’Eau) étaient invités à participer à ces comités (Figure 7, p. 50). Cette organisation n’est pas institutionnalisée. Le dispositif d’aide et d’accompagnement à la reconstruction est ainsi défini au cas par cas (Chance et Noury, 2011). « Cependant, ce dispositif s’est installé empiriquement et il est dépendant de la culture et de la

mémoire locale en matière de crue (préfets, services de l’État, élus locaux) » (Vinet, 2010).

Enfin, l’Union européenne a mis en place en 2002 le fonds de solidarité de l’Union européenne (FSUE). Il accorde une aide financière aux États membres en cas de catastrophes naturelles22. Cette aide financière est destinée aux opérations de « retour à la normale ». En effet, ne sont éligibles que les mesures visant à la remise en état des infrastructures et des équipements (santé, énergie, eau potable, télécommunication, transport, enseignement), à l’amélioration de l’hébergement des sinistrés, et à la prise en charge de leurs besoins, à la protection du patrimoine culturel et au nettoyage des zones sinistrées (Chance et Noury, 2011).

Ce rapide état des lieux nous permet de faire un premier constat : dans la longue phase de la post catastrophe, c’est principalement l’immédiate post crise qui est prise en compte, c’est-à-dire la phase que nous avons appelée « relèvement » (Figure 8, p. 52). Or, cette phase succède à la phase d’urgence pendant laquelle les moyens humains, matériels sont encore très importants, et où il s’agit essentiellement de mettre à l’abri la population. Les moyens engagés se prolongent donc généralement d’une catastrophe naturelle, que « les dommages matériels directs « non assurables » ayant eu pour cause déterminante

l’intensité anormale d’un événement naturel exceptionnel lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises » (Viret et Queyla, 2011).

Ce système est de plus en plus décrié. Ainsi, dans un rapport de la Cour des Comptes en 2009, une analyse de la procédure CatNat estime que « le régime de primes uniques n’incite pas les assurés à prendre conscience des risques naturels auxquels

ils sont exposés » (cité par (Viret et Queyla, 2011). Suite à ce rapport et au rapport d’enquête sur la tempête Xynthia en 2010,

une réforme du régime a été lancée. Un des objectifs de cette réforme est de réfléchir à l’instauration d’une « modulation de

la prime additionnelle d’assurance en fonction de l’exposition au risque et des mesures de prévention mises en œuvre mais aussi en excluant de la garantie des biens immobiliers construits en méconnaissance des PPRN ou de la réglementation en vigueur » (Viret et Queyla, 2011).

22

Les subventions ne peuvent être accordées que dans des circonstances de catastrophes précises :

- en cas de catastrophe naturelle majeure c’est-à-dire dont les dégâts sont estimés à plus de 3 milliards d’euros (2002) ou représentent plus de 0,6 % du revenu national brut ;

- en cas de catastrophe naturelle régionale, c’est-à-dire qu’une région est touchée par une catastrophe avec des dégâts affectant la majeure partie de la population avec des répercussions graves sur le niveau de vie et la stabilité économique (Chance et Noury, 2011).

dans les quelques jours qui suivent la décrue. Comme cela a été observé dans l’Aude suite aux inondations en 1999, le plan ORSEC a été prolongé un mois durant, permettant ainsi de couvrir les dépenses inhérentes à la remise en état des réseaux vitaux ou à l’hébergement des sinistrés dans les premiers jours. C’est également la phase durant laquelle la pression de la population est souvent très forte sur les autorités. Les traces de la catastrophe doivent être effacées rapidement, les sinistrés souhaitant revenir rapidement dans leur habitation et les entreprises reprendre leurs activités. C’est ainsi la phase la plus visible de la post catastrophe.

Figure 8 : Les dispositifs d'aide à la gestion de la post catastrophe

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