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2.1 1975, parution de loi fondatrice de la gestion des déchets en France

1. Conséquences sanitaires et environnementales

Les eaux de l’inondation transportent souvent des hydrocarbures, des substances toxiques susceptibles de polluer les biens, les équipements, les bâtiments, le sol, générant ainsi des déchets potentiellement dangereux. Or, la présence de ces amas de déchets, se décomposant à l’air libre, peut avoir des impacts sanitaires et environnementaux importants (Photo 4, p. 139).

Photo 4 : Réfrigérateurs endommagés par les inondations de 2011 à Brisbane en Australie (Agence Reuters, 2011)

Photo 5 : Traces d’hydrocarbures sur un parking ayant servi de zones de stockage temporaire pour les déchets de Xynthia à la Faute-sur-Mer (Robin

Des Bois, 2010)

« Dans certains quartiers [de la Nouvelle-Orléans, suite au passage de l’Ouragan Katrina], des tas

d’ordures putrides imprègnent l’air d’une odeur de lait tourné, d’eau croupie et de viande avariée »

rapporte une journaliste du The New York Times (Medina, 2005). « Les habitants ont du mal à

supporter cette puanteur, ainsi que les asticots qui l'accompagnent. Ils portent souvent des gants en caoutchouc et des masques pour se protéger de l'odeur et se prémunir contre les bactéries et les moisissures ». Prolifération d’animaux nuisibles, développement de bactéries, de maladies,

ruissellements, infiltrations d’eaux souillées, dépôts de boues contaminées, migrations éoliennes de particules, pollution des eaux de surface, des eaux souterraines, de l’air sont quelques exemples courants de conséquences de la présence de déchets post inondation.

À la Nouvelle-Orléans, des niveaux élevés de pollution de l’air et du sol ont ainsi été observés à la suite du stockage de déchets de la construction sur des sites inappropriés. Ainsi, un mois après la catastrophe, on dénombrait, en milieu ouvert, dans les quartiers ayant été inondés, 50 000 spores par m3 et jusqu’à 650 000 spores par m3 dans certaines habitations116 (Robin Des Bois, 2007). D’importantes teneurs en plomb ont également été mesurées dans le sol et les boues de certains quartiers à la Nouvelle-Orléans (Carte 1, p. 140).

116

Carte 1 : Teneur en plomb mesurée dans les sédiments à la suite du passage de l’ouragan Katrina (NRDC cité par (Robin Des Bois, 2007)

« Les inondations ont [en effet] éparpillé le plomb en surface du sol où des gens, particulièrement les

enfants, peuvent facilement être en contact avec lui : contact cutané, par la respiration, par les yeux et la bouche » (National Resources Defense Council, cité par (Cepri, 2012). De même des pollutions

liées à l’infiltration d’effluents produits par le stockage sans précaution de déchets post inondation ont été observées en Vendée suite à la tempête Xynthia (Photo 5, p. 139) (Robin Des Bois, 2010). La question de l’amiante est également une question prégnante, car nombre de bâtiments en sont encore composés. Or, il est souvent difficile de mettre en place des procédures spécifiques de traitement dans l’urgence (Boxer et Oberstar, 2008 ; Moe, 2010). En effet, la réglementation en vigueur en matière de protection de l’environnement et de la santé est souvent mise de côté (Cf. Chap. 3, § II.B.3, p. 155).

Malgré ces difficultés, les conséquences sanitaires et environnementales des déchets post inondation sont globalement prises en compte par les autorités, à la différence notable des conséquences psychologiques moins étudiées.

2.

Conséquences psychologiques

Les déchets post inondation ont également des conséquences plus méconnues et difficiles à traiter sur la santé psychique de la population. Ainsi, après une inondation, les sinistrés témoignent souvent de

leur dégoût envers la souillure de leur maison et la pollution du paysage « méconnaissable sous un

voile de boue » (Langumier, 2006). Comme le cite J. Medina dans son article sur la Nouvelle-Orléans,

« le plus difficile, ce sera quand les gens commenceront à réaliser que des maisons entières vont être

classées comme déchets » (Medina, 2005). Les déchets post inondation sont en effet des objets

personnels qui peuvent avoir une valeur sentimentale forte. J. Langumier dans sa thèse sur les inondations de l’Aude met très bien en évidence les impacts de cette transformation des objets identitaires en déchets. Nous nous appuierons sur ses réflexions dans cette partie.

Comme nous l’avons montré dans le chapitre précédent (Cf. Chap. 2, § I.A, p. 88), il y a une opposition entre la notion de déchet qui fait généralement référence à la déchéance, à une volonté d’abandon, et ces objets dont les victimes n’ont pas choisi de se débarrasser. Le déchet c’est l’extérieur, c’est le sale ; alors que l’intérieur c’est le propre. L’inondation détruit en quelque sorte la frontière qui peut exister entre ces deux notions. Ainsi, « la souillure de l’inondation résulte, à la fois

de la destruction de l’ordre domestique mais aussi de la mise en contact de substances qui doivent être symboliquement tenues à l’écart. Ainsi, le limon dans les draps de lit, la boue entrant dans le congélateur rempli de nourriture (…) témoignent de la disparition de la séparation, tant matérielle que symbolique, entre l’extérieur et l’intime, entre l’immondice et le propre » (Langumier, 2006). Un

couple de sinistrés suite aux crues dans l’Aude exprime ce désarroi face à ces objets personnels devenus déchets : « Quand vous voyez une tractopelle pour enlever tout votre bien qui est en déchet,

ça secoue, c’est des vêtements, c’est des jouets, c’est des photos » (Langumier, 2006). Les sinistrés

oscillent entre, d’un côté, une volonté d’oublier, et donc de se débarrasser de toutes les traces de l’inondation, et, de l’autre, une difficulté à admettre la séparation de ces biens proches qui, bien que non réutilisables, souillés, restent encore reconnaissables. La volonté de tout jeter permet aux sinistrés de se protéger face à la contamination de soi par les objets domestiques. « Le nettoyage est une

reconquête de l’ordre qui passe par la nécessité de faire disparaître les objets altérés par l’eau »

(Langumier, 2006). Il faut alors se débarrasser de tout, au plus vite, parfois même sans attendre le passage des experts des assurances, pourtant étape essentielle pour être indemnisé (Robin Des Bois, 2010). « Ça fait du mal au cœur quand on trie, quand on est dans la boue… (…) On avait tellement

mal qu’à le voir comme ça, finalement, on aurait jeté tout, tout, tout ! On n’aurait rien gardé » comme

le témoigne une habitante de Cuxac d’Aude inondée en 1999, interrogée par J. Langumier (Langumier, 2006). Cependant, les objets domestiques constituent l’âme, la biographie des habitants. S’en débarrasser revient alors à se débarrasser d’une partie de soi. Certains objets portent en eux les souvenirs. Leur disparition est donc porteuse d’oubli. Ainsi, J. Langumier montre que ce sentiment peut même conduire à une impression pour les sinistrés d’être dépouillé des traces matérielles de leur existence (Langumier, 2006).

Les autorités doivent donc arbitrer entre gérer rapidement les déchets pour effacer les traces de l’inondation et laisser le temps à la population de trier ses affaires. La phase de nettoyage est de ce fait souvent difficile à mener. Un accompagnement des sinistrés peut être très profitable. Pour T. Gaudin administrateur de la FENVAC117, laisser la possibilité à la population inondée de trier ses affaires personnelles, afin de récupérer celles qu’elle souhaite « est une étape essentielle pour qu’elle puisse se

reconstruire » (Assises Nationales Des Déchets, 2007). Cette étape doit être menée avec précaution. Il

ne s’agit en effet pas de laisser penser à la population qu’elle est abandonnée. Or, un amas de déchets qui perdure sur la chaussée peut le laisser croire. Il ne cesse de rappeler la catastrophe aux habitants et de les ramener à leur statut de sinistrés, de relégués. Des émeutes ont ainsi éclaté face à la lenteur du nettoyage dans certains quartiers de la Nouvelle-Orléans (Brown et Milke, 2010). Cette ambivalence entre la volonté d’effacer le plus rapidement possible les traces de la catastrophe et la nécessité d’avoir le temps de trier est donc souvent difficile à appréhender pour les gestionnaires. Cependant, elle ne doit pas être négligée.

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