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D’un déficit de connaissance au vide juridique : réflexion sur quelques facteurs d’explication de cette prise en compte encore restreinte

2.1 1975, parution de loi fondatrice de la gestion des déchets en France

2. D’un déficit de connaissance au vide juridique : réflexion sur quelques facteurs d’explication de cette prise en compte encore restreinte

Face à cette dynamique, comment expliquer le relatif retard de la France en la matière ? Le premier constat qui peut être fait c’est que, globalement, depuis plusieurs dizaines d’années, la France n’a pas été touchée par des catastrophes de grandes ampleurs en termes d’étendue géographique et de dommages générés136. La production des déchets post inondation lors des inondations de ces dernières années est donc restée modérée au regard de la capacité d’absorption des infrastructures de gestion. Ainsi, les services de gestion des déchets n’ont pas rencontré de grandes difficultés à faire face aux nouvelles productions. Par la mise en place de solidarité territoriale, par la taille du service et de son territoire d’action, les déchets, malgré quelques choix de traitement malheureux, ne sont pas restés pendant des mois en attente de traitement. Or, il y a fort à parier qu’il n’en serait probablement pas de même dans le cadre de la gestion de déchets produits par une crue majeure de la Seine en région parisienne, du Rhône ou de la Loire. Le service de gestion des déchets serait-il capable d’absorber de telles productions ?

La plupart des réflexions ont été amorcées en France face aux difficultés rencontrées à la Nouvelle- Orléans suite au passage de l’ouragan Katrina en 2005. Cette catastrophe a créé une réelle prise de conscience car les difficultés de gestion étaient ici rencontrées par les structures d’un pays développé, première puissance économique mondiale. La question méritait donc d’être étudiée pour la France. Néanmoins, en dépit de la parution du décret n° 2011-828 du 11 juillet 2011 sur les zones de

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Le guide publié par le département des Nations-Unies en charge des questions humanitaires « Disaster waste management guidelines » propose des conseils et des outils pour gérer les déchets post catastrophe et post conflit. Son objectif premier n’est pas la planification, mais la réaction face à l’urgence. Il a donc une visée très opérationnelle.

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stockage137 et de l’inscription au cahier des charges des éco-organismes de la REP DEEE et de la REP ameublement138 de l’obligation de reprise des équipements endommagés par une catastrophe, cette prise de conscience rencontre pour l’instant quelques difficultés à dépasser un petit cercle restreint de gestionnaires de déchets ou de gestionnaires de l’inondation.

Ce manque de prise en compte peut être expliqué de différentes façons. D’une part, la question des déchets post inondation est marquée par un manque de connaissances des impacts d’une inondation sur le service de gestion des déchets. Ce service n’est en effet pas concerné par les obligations auxquelles sont soumis les services considérés comme vitaux. De fait, à quelques exceptions près139, peu d’acteurs de la gestion des déchets se sont intéressés à l’étude de leurs dysfonctionnements en cas d’inondation. La complexité de fonctionnement et d’organisation du service de gestion des déchets (grande diversité des acteurs (publics et privés), la nature des flux, les échelles de territoire (Cf. Chap. 2, § III.A.2, p. 121) ne favorisent pas non plus cette prise en compte. Ensuite, la gestion des déchets post inondation n’est pas évidente. Les acteurs se trouvent souvent très démunis face aux volumes et à la nature des déchets. Les solutions semblent rares. Les connaissances sont encore parcellaires notamment sur les coûts, les moyens de gestion, les impacts environnementaux ou encore les aspects réglementaires (Brown et al., 2011 ; Epa, 2008). Mais plus que tout, c’est la question de l’estimation du volume et de la qualité de ces déchets qui pose actuellement de nombreuses difficultés. Or, c’est une étape centrale pour pouvoir anticiper, organiser et planifier la gestion des déchets post inondation. Elle constitue en effet un préalable nécessaire à la définition des moyens de collecte, de stockage et de traitement, à la passation de marchés (Cf. Chap. 3, § II.B.2.1, p. 150, § II.B.3, p. 153 et § II.B.4, p. 155). Elle permet également de mobiliser les décideurs et les politiques sur la question des déchets post inondation en la rendant plus concrète. Cependant, cet aspect est encore peu traité (Cf. Chap. 3, § III.A, p. 161). Enfin, cette question semble être prise dans un vide juridique, ce qui ne favorise pas son appropriation. B. Burg explique ainsi que « dans le code de l’environnement, catastrophes et déchets

se croisent mais ne se rencontrent pas » (Burg, 2009). Il analyse, pourtant, l’élimination des déchets

comme une « des conséquences prévisibles d’une inondation » et, à ce titre, devant faire partie des moyens propres de la commune prévus par le PCS. Plus encore que le manque de solutions, c’est la difficulté à poser le problème dans sa nature et son ampleur qui rend toute anticipation ou préparation délicate à envisager (Beraud et al., 2011b).

137 Cf. Chap. 3, § II.B.3, p. 155. 138 Cf. Chap. 3, § II.B.2.1, p. 150. 139

Par exemple, depuis 2009, l’Agglomération d’Orléans, accompagnée par le CEPRI, mène une réflexion novatrice visant à trouver des solutions opérationnelles à la question de la gestion des déchets produits par une inondation, rassemblant différents acteurs de la décision publique (DDT, Conseil général du Loiret, Conseil régional du Centre, ADEME, etc.). Le syndicat intercommunal de traitement de déchets de l’Agglomération parisienne s’est également attelé à la question depuis quelques mois sous l’impulsion du Secrétariat général de la zone de défense et de sécurité de Paris (SGZDS).

Or, l’absence d’anticipation ou de préparation peut empêcher le rétablissement du système urbain. Il est donc nécessaire de travailler sur la gestion des déchets, et par là même sur les difficultés mises en évidence ci-dessus. Nous avons fait le choix de nous concentrer sur les actions que nous pouvons mener à l’échelle même du service de gestion des déchets, c’est-à-dire sur l’amélioration de la connaissance de son fonctionnement en période de post inondation, ainsi que sur la question de la quantification et de la qualification des déchets post inondation. Ces deux axes d’étude nous semblent intéressants car ils permettent de travailler sur les dysfonctionnements directs du service en cas d’inondation, et ainsi de travailler à l’amélioration de sa résilience.

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Comme nous venons de le montrer, la désorganisation et le dysfonctionnement du service de gestion des déchets peuvent avoir des conséquences importantes pour le rétablissement d’un système urbain à la suite d’une inondation. Travailler sur sa résilience semble donc pertinent.

Au vu des définitions données précédemment (Cf. Chap. 1, § III.C.1, p. 82), nous pouvons définir la résilience du service de gestion des déchets comme sa capacité à récupérer à la suite d’une inondation un fonctionnement acceptable pour le système urbain sur lequel il est implanté et pour lequel il a été créé. Cette capacité nécessite des capacités de récupération, d’adaptation et d’apprentissage. S’interroger sur la résilience du service de gestion des déchets n’est pertinent qu’en lien avec des interrogations sur la résilience du système urbain. Or, dans le premier chapitre, la résilience du système urbain a été définie comme dépendante, en partie, de la résilience des infrastructures urbaines (Cf. Chap. 1, § III.C.4, p. 84). Trois leviers d’actions ont été présentés pour travailler sur leur résilience (Barroca et al., 2012) : la résilience fonctionnelle, la résilience corrélative et la résilience territoriale. Nous les utiliserons en les adaptant pour construire notre méthodologie de diagnostic de la résilience du service de gestion des déchets.

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1.

Inadaptation de la résilience corrélative

La résilience corrélative a été définie comme la propension de l’infrastructure urbaine à adapter le besoin du système urbain à sa capacité de service (Barroca et al., 2012). En d’autres termes, il s’agit de mesurer si le système urbain peut diminuer sa sollicitation de l’infrastructure urbaine. Pour cela, cette résilience se base sur l’hypothèse que l’on connaît l’impact de l’inondation sur la demande de service. En effet, il s’agit d’essayer de faire corréler l’offre de service proposée par l’infrastructure urbaine et la demande de service du système urbain. Or, à la différence des autres infrastructures urbaines, la demande en service du système urbain n’est pas connue. Comme nous venons de le montrer une inondation provoque une modification importante du gisement de déchets. Il est donc certain que le système urbain ne pourra réduire sa sollicitation envers le service de gestion des déchets, mais dans quelle ampleur, cela n’est pas connu. De ce fait la résilience corrélative n’est pas adaptée à ce service urbain. Il nécessite donc de mettre en place un nouveau levier d’action que nous avons appelé résilience cognitive.

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