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Procédés d’analyse

4. Procédures adoptées

L’objectif, avant de clore ce cinquième chapitre, est d’exposer au lecteur la manière dont j’ai travaillé à partir des entretiens effectués. Mon souhait, dans un premier temps, est de partager ce que les personnes m’ont raconté lors de nos rencontres-entretiens, comme s’il me demandait « Et les vieux alors, qu’est-ce qu’ils t’ont raconté ? Et les jeunes ? Et les agents de santé ? ». L’analyse a été envisagée en trois temps. Le premier a déjà eu lieu, il s’agit des réflexions qui précèdent développées à partir de la lecture de Dubar et Demazière. Dans un second temps prend place un compte rendu global des propos recueillis (chapitre 6), ensuite un retour à la problématique à travers une réflexion sur les logiques de l’échange développées à partir de l’analyse de Boltanski et Thévenot (op. cit.) (chapitre 7). Partageant le point de vue

selon lequel décrire, c’est déjà interpréter (Laplantine, op. cit.; Geertz, op. cit.), les comptes rendus des discours ne sont pas conçus comme une mise à plat objective des données verbales produites qui demanderait à être interprétée pour qu’en soit découvert le sens. Il s’agit davantage, d’une part, d’avoir sous les yeux une vue d’ensemble des discours produits afin de réfléchir à la pertinence ou non d’un recours à un univers théorique sociologique ou anthropologique. Rédiger ces comptes rendus constitue d’autre part à mes yeux un prolongement, ou, en quelque sorte, un double aboutissement : celui de la prise en compte du raisonnement idiographique identifié par Groulx (chapitre trois) ; celui des réflexions proposées concernant l’engagement du chercheur (chapitre quatre). Cela signifie qu’ils doivent permettre de ne pas « reprendre » trop ni trop tôt la parole « donnée » aux personnes interviewées au moment de l’enquête (Fassin, 1990). Parmi les éléments ayant motivé ce choix de comptes rendus relativement exhaustifs et constitués en majeure partie d’extraits d’entretiens, il y a donc un point de vue proche de celui défendu par les chercheurs inscrits dans la posture restitutive exposée par Dubar et Demazière : celui de se demander qui peut prétendre exprimer mieux ce que les interlocuteurs expriment. La différence est que je ne livre ici aucun entretien dans son intégralité mais que j’opte pour la citation d’extraits plus ou moins larges accompagnés de résumés et de commentaires, d’une part, et que je ne fais pas l’économie d’une réflexion sur les significations d’autre part. Ma posture est ainsi plutôt hybride, située entre la restitution et l’analyse. Elle est proche en cela du langage de clarification des contrastes développé par Taylor (chapitre 3), à savoir que pour rendre l’agent plus compréhensible, il est nécessaire d’éclairer la signification de l’action et de la situation. Autrement dit, ne pas ignorer les descriptions des agents, mais ne pas les considérer non plus comme « incorrigibles ».

Afin de suivre la logique de l’enquête exposée dans le chapitre quatre, je présente en premier lieu les discours des vieux. Dans un second temps, les propos des jeunes. Dans un troisième et dernier temps, je croiserai les regards de tous les interlocuteurs (vieux, jeunes et agents de santé) concernant le sida. Le chapitre six comprend donc trois moments : le regard des vieux sur le passé et le présent, le regard des jeunes sur le présent et le futur, les regards croisés des vieux, des jeunes et des agents de santé sur le sida. Si le processus global d’analyse est semblable dans les trois moments, il n’en reste pas moins des éléments spécifiques liés à la nature des discours des groupes interviewés. Le marquage temporel par exemple, est avant tout caractéristique des entretiens avec les vieux. Il constitue en effet un principe organisateur de leurs discours qu’on ne retrouve ni chez les jeunes ni chez les

infirmiers (ou dans une moindre mesure seulement). Une partie du procédé d’analyse demeure donc propre à chacun des trois moments.

Le style adopté pour la rédaction des comptes rendus doit permettre de rester au plus proche des discours retranscrits. Le moyen le plus adéquat pour y parvenir est l’emploi de la citation7, mais celle-ci nécessite commentaires et mises en relations des entretiens entre eux. En effet, utiliser la citation de façon exclusive reviendrait à adopter la position restitutive exposée par Dubar et Demazière que je ne juge pas suffisamment pertinente. Après le constat, exposé plus haut, de ne pouvoir produire une analyse thématique, il m’est apparu souhaitable et nécessaire de ne pas considérer uniquement les interventions des interlocuteurs. Souhaitable pour donner à voir un peu de la dynamique entre le chercheur et ses interlocuteurs ; nécessaire pour mettre en évidence les processus de co-construction à l’œuvre dans tout entretien (la construction des données), et pour mettre en évidence les difficultés de la catégorisation envisagée au premier abord. Quand je parle de « famille » par exemple, de quoi me parlent les interlocuteurs ? Cette mise en rapport entre les questions de l’enquêteur et les réponses des enquêtés est importante à mes yeux car dans la plupart des analyses de contenu, les premières n'apparaissent pas. Elles sont même souvent supprimées au moment de la retranscription car jugées ne présenter d'autre intérêt que de soutenir le propos du locuteur (Freyssinet-Dominjon, 1997).

J’ai alors identifié, dans chaque entretien, ce que je nomme les questions phares, autrement dit les questions constitutives de la grille d’entretien propre à chaque groupe interviewé, et j’ai repéré, pour chacune des questions, des extraits qui me semblaient illustrer aux mieux les discours. Illustrer peut signifier que les éléments abordés dans les extraits sont représentatifs du plus grand nombre, tout comme cela peut signifier qu’au contraire ce sont des propos singuliers. Pour faire ressortir, au mieux toujours, les caractéristiques des extraits correspondants aux questions phares, j’ai alimenté ces derniers d’autres extraits, plus brefs, tirés soit des mêmes entretiens, soit d’autres. En résumé, il y a donc des questions phares auxquelles correspondent un ou plusieurs extraits (selon l’ampleur des développements des interlocuteurs). Ces extraits principaux sont ensuite étayés et commentés à l’aide d’autres extraits (secondaires) et diverses réflexions du chercheur. Ils ont été numérotés de 1 à n pour faciliter leur repérage dans les commentaires. Leur longueur varie, en fonction notamment des

7 Afin de faciliter la lecture des citations tirées des entretiens, j’ai parfois apporté des modifications aux textes

originaux des retranscriptions intégrales (par exemple corrections d’accord de verbe, ajout d’articles ou de pronoms, etc.).

interventions de l’enquêteur (relances …) A chacun de ces extraits principaux correspond un chiffre entre crochets ([x]) qui renvoie à l’entretien d’origine, et à chaque entretien correspond une brève présentation des interlocuteurs et du contexte de réalisation. Les présentations des entretiens sont regroupées dans le carnet annexé. Quant aux extraits secondaires, seuls ceux de plus de 40 mots sont identifiés, ceci afin de ne pas alourdir les commentaires.

Chapitre 6

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