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On a beaucoup parlé du mariage qui a beaucoup changé Lorsque vous regardez la vie actuellement, est-ce qu’il y a des choses qui vous préoccupent ?

Procédés d’analyse

Chapitre 6 Les discours

4) On a beaucoup parlé du mariage qui a beaucoup changé Lorsque vous regardez la vie actuellement, est-ce qu’il y a des choses qui vous préoccupent ?

La vie est bonne. Chaque culture est appelée à évoluer, une culture qui n’évolue pas est appelée à mourir ou à rester dans le berceau. Actuellement nous nous vivons ici, nous avons vu le passé, nous voyons le présent, c’est à nous de continuer le futur. Mais on ne peut pas faire évoluer une culture sans la base, sans une bonne base. Actuellement, nous ne voulons pas rester dans l’éternité, dans le berceau, nous voyons aussi ce que le monde est en train de faire, par exemple si vous vous venez ici, moi je ne vais pas m’approcher de vous parce que vous avez la peau blanche et moi j’ai la peau noire, vous voyez, tout ça c’est fini, peut-être un jour j’aurai des petits-fils qui seront européens ou américains… Donc il faut prendre le juste milieu, c’est-à-dire conserver dans la tradition ce qui est bien, enlever tout ce qui est mauvais, prendre ce qui est bien dans la tradition de ceux avec qui vous vivez et moderniser votre mode de vie. [E1]

Comme on a déjà pu le constater tout au long de cette exploration des discours, les éléments évoqués par les vieux sous les différentes rubriques présentées se recoupent. D’une part, les lignes de changement, parfois de fracture, entre le passé et le présent se dessinent sous toutes les rubriques. D’autre part, les interrelations entre les thèmes ou éléments abordés par les vieux sont telles qu’en aborder un, c’est les aborder tous. On remarque par exemple que des réponses apportées à une question portant sur l’éducation pourraient très bien figurer sous la rubrique famille, de même que certaines réponses aux questions sur la famille pourraient apparaître comme des réponses aux questions sur la solidarité. La dernière rubrique, quelles préoccupations face à la vie actuelle, était proposée comme partie conclusive à l’entretien. Elle devait permettre aux interlocuteurs de dresser une sorte de bilan, de faire le point par rapport aux éléments abordés tout au long des échanges. Le terme « préoccupation » a été choisi, parce qu’il semblait adéquatement traduire ce que les vieux racontaient de leur propre trajectoire, et/ou plus globalement de la voie tendanciellement suivie par la société dans laquelle ils vivent. Les extraits présentés font donc apparaître des éléments déjà commentés auparavant, comme le souci des vieux de ne pas trouver de ressources auprès de leurs enfants (extrait numéro 1). Si certains semblent aigris ou désabusés, comme le vieux désignant l’argent comme la cause de tous les maux, d’autres se montrent plus optimistes et compréhensifs. Dans l’extrait numéro 3, si la vie actuelle est dure, nous dit l’interlocuteur, elle est également simple et il faut la comprendre. Les conditions générales d’existence, tel que le climat, la colonisation ou les possibilités de voyager ont

en quelque sorte immanquablement diversifié les comportements et les attitudes et il faut « comprendre » ce changement. Autrement dit, considérer le présent dans son contexte. Dans l’extrait numéro 4, le vieux commence par affirmer que la vie est bonne. Et plutôt que de voir entre le passé et le présent des incompatibilités irréductibles, il invite les gens à s’appuyer sur les bases de leur société d’appartenance pour évoluer avec l’extérieur. Le passé comporte des éléments meilleurs que d’autres et il s’agit de faire le tri. De la même façon, le modernisme a apporté de bons et de moins bons éléments qu’il faut également savoir distinguer. Pour illustrer son propos, l’interlocuteur prend l’exemple du mariage et raconte comment il a procédé avec sa propre descendance. Tous ses enfants sont des fonctionnaires et il désirait leur laisser la liberté de choisir eux-mêmes leurs épouses. Certains ont néanmoins préféré lui demander une femme. Il a alors agi ainsi : « Il y en a qui disent non, papa, donne-moi une femme […], alors pour être plus moderne, il faut pas dire bon je te donne telle fille. J’ai dit, ah, tu as besoin d’une enfant de la famille ? Bon, dans telle famille on m’a donné une femme ; dans telle famille on m’a donné une femme. Fais le tour de mes amis, regarde parmi ces filles celle que tu veux. Si elle est d’accord avec toi, viens me dire ». Le vieux a ainsi « panaché » un aspect du mariage traditionnel (marier les filles appartenant au cercle de la famille) avec un aspect du mariage « moderne » (laisser aux futurs époux le choix de leur conjointe). On a donc une forme de mariage syncrétique. Les différences entre les modalités purement modernes du mariage (choix d’une épouse en dehors des alliances familiales « arrangées ») et les modalités syncrétiques sont conséquentes sur le plan du lien social. Les enfants qui ont opté pour le choix d’une épouse en dehors de la famille ne peuvent pas recourir à cette dernière en cas de problème. C’est avec les témoins de mariage que les litiges devront être réglés. « Va voir tes témoins, ce n’est pas mon langage [ça ne me regarde pas] », dit le vieux. A l’inverse, dans la formule « traditionello-moderne », l’homme peut à tout moment demander conseil ou aide à la famille qui, par l’intermédiaire de son chef, a le devoir de chercher une solution au problème exposé. « Le chef de famille est obligé de faire tout pour toi ». Cet exemple développé par l’interlocuteur traduit une forme de compromis entre les modes d’organisation d’autrefois et ceux inhérents au processus de modernisation en cours.

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