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illicite de biens culturels

D. La procédure de restitution

277. Lorsqu’un bien est illicitement exporté d’un Etat, qu’il soit partie à la convention de la Haye de 1954 ou à la convention de l’UNESCO de 1970, ce dernier a la possibilité de déposer une requête par écrit auprès du ministre compétent390 en vue de la restitution du bien illicitement exporté, que le bien soit en possession d’un particulier, d’un établissement ou de l’administration.

278. La procédure de restitution est identique pour les deux types de biens (art. 36.1 al. 4 ss et 37 al. 3 ss de la loi canadienne). Le procureur général du Canada peut ensuite, sur la base du dépôt de la demande, intenter une action portant sur la restitution du bien devant la Cour fédérale au nom de l’Etat partie (art. 36.1 al. 4 et 37 al. 3 de la loi canadienne)391.

279. Le tribunal saisi, après avoir entendu toutes les personnes intéressées et après avoir constaté que le bien avait effectivement été illicitement exporté, rend une ordonnance portant sur la restitution du bien à l’Etat d’origine (art. 36.1 al. 6 et 37 al. 5 de la loi canadienne.

280. Le tribunal fixe également le montant de l’indemnité, s’il y a lieu d’en verser une à la personne devant restituer le bien, notamment en raison de sa qualité d’acheteur de bonne foi ou de son titre de propriété valide et de son ignorance, au moment de l’acquisition, du fait que le bien avait été exporté illégalement de l’Etat contractant (art. 36.1 al. 7 et 37 al. 6 de la loi canadienne). Le montant de l’indemnité est à la charge de l’Etat requérant. Au terme de la procédure, le ministre délivre une ordonnance permettant à toute personne autorisée par l’Etat de provenance de rapporter le bien culturel sur ledit territoire.

389 Il y a eu quelques cas de restitutions dans lesquels les inculpés ont fait l’objet d’une procédure pénale. Il s’agissait notamment de l’affaire de la remise à la Bolivie de tissus « Coroma ». A ce sujet, voir PATERSON, Cultural Property Export, p. 11 et PATERSON, Bolivian Textiles.

390 L’art. 2 de la loi canadienne définit le ministre comme le membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada chargé par le gouverneur en conseil de l’application de la présente loi.

391 PATERSON, Cultural Property Export, p. 10.

281. Précisons que selon les articles 43 et 45 de la loi canadienne, celui qui exporte ou tente d’exporter des biens en violation des articles 36.1 al. 2 ou 37 al. 2 ss de la loi peut encourir jusqu’à 5 ans de prison et une amende de 25’000 dollars canadiens au maximum.

§ 2. Le modèle des Etats-Unis d’Amérique (avec accord)

A. Le fonctionnement général

282. Selon le régime douanier appliqué aux Etats-Unis, il n’existe pas, sous réserve d’exceptions, de restrictions à l’importation ou à l’exportation d’œuvres d’art. De plus, bien qu’il soit nécessaire de les déclarer, les œuvres d’art ne sont pas taxées à l’importation392.

283. Les douaniers ont néanmoins la compétence générale de saisir et de confisquer tout type de biens considérés comme illicitement importés. Cette faculté résulte d’une part de la législation douanière ou pénale sur les biens illicitement importés aux Etats-Unis393 et, d’autre part, dans le cas où il s’agit de biens culturels, de la Pre-Colombian Monumental or Architectural Sculpture or Murals Law de 1972, ou d’autres mesures spéciales portant spécifiquement sur des biens culturels dues à la mise en application de la convention de l’UNESCO de 1970.

284. La Pre-Colombian Monumental or Architectural Sculpture or Murals Law est une législation douanière unilatérale restreignant l’importation de certains types de biens originaires d’Amérique latine. Elle est indépendante de la convention de l’UNESCO de 1970. Cette loi est considérée comme unilatérale car elle n’est pas basée sur un accord avec un autre Etat, mais sur la volonté des Etats-Unis de restreindre l’importation de ce type de biens.

285. Cette loi permet aux autorités douanières de saisir des biens précolombiens lorsque la personne qui souhaite les importer ne bénéficie pas des certificats d’exportation nécessaires.

Une fois saisi, le bien est restitué à son pays d’origine, pour autant que ce dernier accepte de prendre en charge tous les frais y afférant (art. 203 de la loi). Aucune indemnité n’est prévue pour un éventuel acquéreur de bonne foi394.

286. En 1972, les Etats-Unis ont signé la convention de l’UNESCO de 1970. Ils représentaient alors l’un des seuls pays du marché de l’art à avoir ratifié cette convention. En 1982, ils ont

392 Le régime est un peu différent en ce qui concerne les œuvres d’art modernes dans le sens où des questions de droits d’auteur ou de droit de suite peuvent se poser selon les Etats, voir MERRYMAN, American Law, p.

426 s. ; KAUFMAN, p. 396.

393 Il s’agit notamment de saisies basées sur une fausse déclaration (titre 18 U.S.C. § 542) ou sur des actes de contrebande (titre 18 U.S.C. § 545). Voir aussi, NAFZIGER/SCOVAZZI, p. 216 ss ; SCHÖNENBERGER, p. 77 ss.

394 Voir NAFZIFER/SCOVAZZI, p. 220 ss.

adopté la Convention on Cultural Property Implementation Act (CPIA), loi d’application de la convention de l’UNESCO de 1970395. Le CPIA est une réglementation douanière qui a notamment pour fonction de contrôler l’importation de biens culturels aux Etats-Unis396. 287. Cette loi d’application ne prévoit pas de sanction pénale, ni d’action civile privée visant la

restitution du bien. Seules des mesures de saisie et de confiscation sont prévues pour les biens culturels illicitement importés, mesures qui sont mises en application par le Bureau of Immigration and Customs Enforcement (BICE)397.

288. Les Etats-Unis ont choisi de ne concrétiser que deux des articles de la convention de l’UNESCO de 1970 dans leur loi d’application. Il s’agit de l’article 9 de la convention traitant de l’importation illicite de certains biens archéologiques et ethnologiques (art. 303 et 304 CPIA) et, de l’article 7 b (i) de la convention portant sur les biens volés dans les musées ou autres institutions similaires (art. 308 CPIA).

289. Le système de contrôle à l’importation de biens culturels illicitement exportés (art. 303 et 304 CPIA), est limité aux biens archéologiques et ethnologiques en situation de danger. En effet, selon l’article 9 de la convention de l’UNESCO de 1970, les Etats parties s’engagent à participer à toute opération internationale ayant pour but de répondre à l’appel des Etats dont le patrimoine culturel est mis en danger par des pillages archéologiques ou ethnologiques.

290. L’article 302 al. 2 CPIA définit les biens archéologiques et ethnologiques. Sont considérés comme tels, les biens datant d’il y a au moins 250 ans. Cette limitation dans le temps ne correspond étonnamment pas à celle de la loi nationale des Etats-Unis sur la protection des biens archéologiques398, selon laquelle sont considérés comme biens archéologiques, les biens qui ont plus de cent ans399.

291. Pour lutter contre la composante d’exportation illicite, l’article 304 CPIA prévoit l’adoption de mesures d’urgence qui ont pour but de mettre un terme aussi rapidement que possible aux dommages irrémédiables créés par le pillage du patrimoine culturel de l’Etat demandeur.

395 Le CPIA est entré en vigueur le 12 janvier 1983.

396 Elle fait en effet partie du Customs Statute sous le Titre 19 U.S.C. DUBOFF/KING/MURRAY, p. 47 ; GERSTENBLITH, p. 624.

397 GERSTENBLITH, p. 624 s.

398 The Archeological Ressources Protection Act de 1979 (Titre 16 U.S.C).

399 GERSTENBLITH, p. 629.

L’article 303 CPIA règle au contraire, dans une perspective de durée, la mise en place d’accords bilatéraux visant l’interdiction d’importation de ce type de biens400.

292. Pour lutter contre la composante de vol, l’article 308 CPIA interdit l’importation de biens culturels volés dans un musée, un monument public, civil ou religieux ou une institution similaire se trouvant sur le territoire d’un Etat partie à la convention, et ce pour autant qu’il soit prouvé que le bien est inscrit dans un inventaire de ladite institution.

293. Comme nous le verrons ci-dessous401, le National Stolen Property Act (NSPA) constitue également une loi permettant de contrôler l’importation illicite de biens culturels, tout comme les mesures d’embargos envers certains Etats qui ont également pour effet de restreindre l’importation de biens. Dans cette dernière hypothèse, les Etats-Unis refusent l’importation de tous biens provenant dudit Etat, que ce soit des biens culturels ou tous autres biens402.

294. Nous allons tout d’abord examiner de manière détaillée le système de contrôle à l’importation de biens illicitement exportés (art. 303 et 304 CPIA), qui est composé de mesures d’urgence restreignant l’importation de biens archéologiques et ethnologiques mis en danger (B), ainsi que d’accords bilatéraux avec d’autres Etats parties à la convention de l’UNESCO de 1970, portant sur le contrôle de l’importation desdits biens (C).

295. Après avoir passé en revue ces deux moyens de lutte contre l’exportation illicite, nous examinerons la procédure de restitution du bien à l’Etat d’origine (D). Nous nous pencherons ensuite brièvement sur le système mis en place par le CPIA pour restituer les biens culturels volés car il fait également partie de l’application par les Etats-Unis de la convention de l’UNESCO de 1970. Nous terminerons en examinant plus spécifiquement le cas particulier de l’application du NSPA portant sur les biens volés. Cet acte est en effet fréquemment utilisé pour la restitution de biens illicitement exportés (E). Nous ferons enfin quelques remarques synthétiques sur le système de contrôle à l’importation de biens culturels illicitement exportés tel qu’il est mis en place par les Etats-Unis d’Amérique (F).