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illicite de biens culturels

B. La définition au niveau national (LTBC)

194. Avant l’adoption de la LTBC, le droit fédéral suisse considérait les biens culturels comme de simples marchandises. Pourtant, il existait déjà un régime spécial pour certains types de biens tels que les papiers-valeurs, les bateaux ou encore, plus récemment, les animaux313. Il est vrai que certains cantons précurseurs avaient déjà mis en place un système de protection particulier pour les biens culturels cantonaux. A titre d’exemple, le canton de Fribourg, aux articles 3 ss de sa loi sur la protection des biens culturels, définit les notions de biens culturels et de biens culturels protégés314.

195. L’article 2 LTBC renvoie à la définition de la convention de l’UNESCO de 1970. Le législateur suisse a décidé de reprendre telle quelle la définition prévue par la convention, malgré les nombreuses critiques qu’elle avait essuyées315. Il a en effet été reproché à cette définition d’être trop vaste et par conséquent difficilement applicable. Toujours est-il qu’elle constitue aujourd’hui un standard accepté par la communauté internationale dans la mesure où 120 Etats ont ratifié la convention.

196. Pour qu’un bien soit considéré comme bien culturel et qu’il puisse donc être soumis au champ d’application de la LTBC, il doit être considéré comme « d’importance »316 pour l'archéologie, la préhistoire, l'histoire, la littérature, l'art ou la science et faire partie au moins de l’une des onze catégories prévues par la convention de l’UNESCO (art. 2 al.1 LTBC). Il n’existe pas de règle juridique précise, la qualité de chaque bien devant être examinée in concreto sur la base de différents indices317. Il s’agit alors de déterminer si le bien constitue objectivement un bien culturel, ou a contrario, de déterminer si la non qualification du bien comme bien culturel constitue une perte pour l'archéologie, la préhistoire, l'histoire, la littérature, l'art ou la science. Il ne suffit pas que le bien puisse subjectivement avoir de l’importance pour ces domaines. Ainsi, plus un bien est rare, plus il y a de probabilité qu’il

313 FOEX, p. 18.

314 L’article 3 al. 1 de la loi fribourgeoise sur la protection des biens culturels du 7 novembre 1991 (RS/FR 482.1) précise que : « L’expression bien culturel désigne un objet, immeuble ou meuble, ancien ou contemporain, qui présente, pour la communauté, de l’importance comme témoin de l’activité spirituelle, de la création artistique et de la vie sociale. » ; quant à l’article 4 de la loi fribourgeoise, il dispose que :

« L’expression bien culturel protégé désigne tout bien culturel mis sous protection conformément à la présente loi ou à la législation sur l’aménagement du territoire et la police des constructions ».

315 KKR-RASCHÈR/RENOLD, chap. 6 N 181 ss ; LALIVE, Réflexions, p. 171 ss ; RASCHER/RENOLD, chap. 6 N 181 ss. Pour une approche critique de la définition de biens culturels, plus particulièrement sous l’angle du droit pénal, voir CASSANI, Les infractions, p. 46 ss.

316 GABUS/RENOLD, ad art. 2 LTBC N 7 s. ; KKR-RASCHÈR/RENOLD, chap. 6 N 183. Le terme

« d’importance » n’est en effet ni défini dans la convention de l’UNESCO, ni dans la LTBC.

317 KKR-RASCHÈR/RENOLD, chap. 6 N 183.

soit considéré comme d’importance pour un domaine et qu’il le restera également pour les prochaines décennies318. Le service spécialisé319 propose également comme indice le fait de déterminer si le bien est « exposable» dans un musée. Signalons en outre que le service spécialisé met à disposition sur son site internet des documents contenant des exemples de biens culturels320.

197. Contrairement à ce qui avait été prévu par le message du Conseil fédéral321, la LTBC a retenu une définition générale des biens culturels sans distinction des biens en fonction de leur importance. Deux groupes de biens peuvent néanmoins être différenciés.

198. Font partie du premier groupe, les biens répondant à la définition de l’article 2 al. 1 LTBC. Le critère de l’ancienneté du bien n’est pas déterminant pour la qualification de bien culturel, sauf pour les antiquités et les objets d’ameublement, comme le prévoit également la convention de l’UNESCO de 1970. Les biens antiques et les objets d’ameublement constituent une exception puisqu’ils doivent avoir plus de cent ans d’âge pour pouvoir entrer dans l’une des catégories prévues par l’article 1er de la convention de l’UNESCO de 1970, respectivement celle des biens culturels antiques (art. 1 lit. e et k de la Convention UNESCO 1970). Cela ne signifie pas pour autant que les objets d’ameublement issus d’une période plus récente ne puissent pas être protégés en tant que biens culturels. Ils peuvent, par exemple, être classés dans la catégorie des biens d’importance pour l’histoire ou l’ethnologie.

199. Bien plus que le critère de l’ancienneté, c’est la valeur symbolique que présente le bien pour l’archéologie, la préhistoire, l’histoire, la littérature, l’art ou la science, et ce, à titre religieux ou profane qui est déterminante322.

318 ERNST, p. 4.

319 Le service spécialisé, au sein de l’Office fédéral de la culture, est l’autorité compétente pour l’application de la LTBC. Voir infra N 227 ss.

320 Exemples de jurisprudence des cantons concernant les biens culturels de juillet 2009 ainsi que les documents

« Liste de contrôle : le bien culturel » du 1er décembre 2006 et « exemples de biens culturels en Suisse » du 17 juin 2010 figurants sur le sit de l’OFC (www.bak.admin.ch).

321 Message du Conseil fédéral (FF 2002 505, 542 ss). Le Conseil fédéral avait proposé dans son message de différencier deux catégories de biens culturels : les biens culturels généraux tels que prévus à l’article 2 al.1 LTBC et les biens culturels au « sens strict ». Etaient considérés comme biens culturels au « sens strict », les biens revêtant une importance déterminante pour l’identité culturelle d’une communauté tels que les produits de fouilles archéologiques et paléontologiques, les éléments de monuments, d’édifices, sacrés ou profanes, ou de sites archéologiques, les objets d’intérêt ethnologique ou culturel ainsi que les archives. Il reste une trace de cette approche à l’article 16 al. 3 lit. a OTBC.

322 Informations données par le service spécialisé (voir infra N 227 ss) au sein de l’OFC (FAQ du 27 juillet 2005, OFC).

200. Même s’il ne s’agit pas d’une distinction formelle, certains biens faisant partie de ce premier groupe bénéficient d’un régime de protection particulier (art. 16 al. 3 OTBC)323. Il s’agit des produits de fouilles archéologiques ou paléontologiques, des éléments provenant du démembrement de monuments artistiques ou historiques et de sites archéologiques ainsi que des objets ethnologiques324. Ces biens font partie de la catégorie des biens culturels « au sens strict » que l’on retrouve dans le message du Conseil fédéral, c'est-à-dire des biens qui ont une importance particulière pour l’identité culturelle d’une communauté.

201. Il est important de ne pas confondre les biens archéologiques et les biens ethnologiques. Les biens archéologiques constituent des vestiges matériels qui permettent d’étudier les civilisations depuis l’apparition de l’homme. Il s’agit généralement de traces d’habitat, d’offrandes funéraires, de mosaïques, de fresques ou encore de fossiles. Les biens archéologiques peuvent être sous-terrain ou non. Il existe en effet des biens archéologiques qui sont déjà découverts et qui se trouvent par exemple dans un musée.

202. Font partie des biens ethnologiques, les biens qui appartiennent à la vie culturelle d’une communauté notamment ceux qui sont utilisés dans le cadre de rites religieux ou profanes (masques, fétiches, figures ou images sacrées). Pour être considérés comme tels, les biens ethnologiques doivent encore remplir leur fonction dans le cadre d’une communauté. Les biens qui sont par exemple désacralisés et mis sur le marché ne constituent plus des biens ethnologiques325.

203. Le second groupe comprend les biens propriétés de la Confédération et désignés comme revêtant une « importance significative » pour le patrimoine culturel suisse. Il s’agit d’une catégorie de biens culturels plus fermée que celle visée par l’article 2 al. 1 LTBC. Les biens culturels en faisant partie doivent être inscrits à l’inventaire fédéral (art. 3 LTBC)326.

204. Les biens culturels pouvant figurer à l’inventaire fédéral doivent être propriété de la Confédération, contrairement aux biens visés par l’article 2 al. 1 LTBC pour lesquels la propriété publique n’a aucune incidence sur la qualification327. Les cantons ont également la possibilité de mettre en place un inventaire cantonal des biens culturels et, s’ils le souhaitent, de le rattacher à l’inventaire fédéral (art. 4 LTBC). Les cantons peuvent choisir de donner les

323 Voir infra N 577.

324 Message du Conseil fédéral (FF 2002 505, 541 s.).

325 Message du Conseil fédéral (FF 2002 505, 541 s.).

326 ERNST, p. 3 s. ; GABUS/RENOLD, ad art. 2 LTBC N 14 s. et ad art. 3 LTBC N 3 s.

327 Sur la procédure d’inscription des biens culturels à l’inventaire, voir ERNST, p. 3.

mêmes effets à l’inscription d’un bien à l’inventaire cantonal (art. 4 al. 2 LTBC) que ceux dont bénéficient les biens inscrits à l’inventaire fédéral.

§ 2. Les fondements des moyens de lutte contre le trafic illicite de biens culturels

205. Nous avons classé les moyens législatifs de lutte contre le trafic illicite de biens culturels mis en place par la LTBC en deux catégories :

- les nouveaux moyens consacrés par la LTBC visant le retour de biens culturels illicitement exportés : les accords bilatéraux (A) ; et

- les autres moyens repris par la LTBC permettant la restitution ou le retour de biens culturels volés ou illicitement exportés (B).

206. Cette construction constitue le fondement du système suisse de lutte contre le trafic illicite de biens culturels et nous allons mettre en évidence les instruments qui y sont ancrés. Les nouveaux moyens de la LTBC sont ceux qui ont été conçus spécifiquement pour lutter contre l’exportation illicite de biens culturels, alors que les autres moyens repris par la LTBC sont ceux qui, à l’origine, avaient pour but de lutter contre la criminalité de manière générale (traite d’enfants, trafic de stupéfiants, d’armes, etc.) et qui servent également à la répression de la criminalité portant sur les biens culturels.