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La loi fédérale sur le transfert international de biens culturels de 2001

120. La loi sur le transfert international de biens culturels du 20 juin 2003 (LTBC) est la loi d’application suisse de la convention de l’UNESCO de 1970. Elle est complétée par l’ordonnance sur le transfert international de biens culturels (OTBC), adoptée le 13 avril 2005. La LTBC et l’OTBC sont entrées en vigueur le 1er juin 2005. Sous certains aspects, la LTBC va plus loin que ce que prévoit la convention de l’UNESCO (interprétation extensive), alors que sous d’autres, elle s’en tient au minimum requit par la convention (interprétation restrictive).

121. En ratifiant la convention de l’UNESCO de 1970 et en adoptant la législation d’application, la Suisse a considéré que les biens culturels, au contraire des simples marchandises, devaient

182 Rapport de la Commission au Conseil, 2000, p. 4 ; DURET-ROBERT, N 192.11 ; CARDUCCI, La restitution, p.

99 ss.

183 Rapport de la Commission au Conseil, 2000, p. 3 ; MATERRA, p. 110.

184 Rapport de la Commission au Conseil, 2000, p. 10.

185 Rapport de la Commission au Conseil, 2005, p. 5.

bénéficier d’un statut particulier au niveau fédéral et que, par conséquent, ils nécessitaient un régime juridique spécifique. De manière non équivoque, le message du Conseil fédéral relatif à ces textes législatifs débute en ces termes : « les biens culturels sont des biens particuliers» 186. La LTBC et l’OTBC permettent à la Suisse de mettre en œuvre les objectifs de lutte contre le trafic illicite de biens culturels exprimés dans la convention de l’UNESCO de 1970 et de satisfaire aux obligations internationales y afférant.

122. Selon l’article 69 al. 1 de la Constitution fédérale (Cst)187, la culture relève de la compétence des cantons et il peut dès lors sembler étrange que ce soit une loi fédérale qui régisse ce domaine188. L’article 54 al. 1 Cst dispose que la Confédération est compétente dans le domaine des affaires étrangères et qu’elle a le pouvoir d’adopter des conventions internationales. Il s’agit d’une compétence générale de la Confédération en matière de politique étrangère, indépendante de la répartition interne des compétences entre Confédération et cantons189. Cette compétence générale légitime l’adoption de cette loi fédérale dans un domaine relevant principalement de la compétence cantonale. Il convient de relever que la procédure de consultation concernant le projet de la LTBC révèle une volonté d’adopter une loi fédérale sur le transfert international de biens culturels190. De plus, bien que la protection de la nature et du patrimoine soit également principalement du ressort des cantons (art. 78 al. 1 Cst), la Confédération doit, dans l’accomplissement de ses tâches, prendre en considération les intérêts de la nature et du patrimoine (art. 78 al. 2 et 3 Cst)191. 123. La LTBC se compose d’une trentaine de dispositions qui ont pour but de protéger le

patrimoine culturel, d’assainir le marché de l’art et de lutter contre le trafic illicite de biens culturels (art. 1 al. 2 LTBC). Nous nous limiterons à la présentation des dispositions ayant directement pour but de lutter contre le trafic illicite.

124. Les articles 3 à 6 LTBC permettent de contrôler les exportations de biens culturels suisses.

Les biens d’importance significative pour le patrimoine culturel suisse et qui sont propriété de

186 Message du Conseil fédéral (FF 2002 505, 509).

187 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999, entrée en vigueur le 1er janvier 2000 (Cst ; RS 101).

188 Certains domaines comme la réglementation de l’exportation ressortent de la compétence des cantons mais la Confédération est en principe compétente en matière d’importation de biens ainsi que pour ce qui touche aux biens culturels d’importance nationale, voir message du Conseil fédéral (FF 2002 505, 516).

189 AUER/HOTTELIER/MALINVERNI, N 1262 ss ; AUBERT, p. 8 ss ; FRAOUHA, La base constitutionnelle, p. 76 ; GABUS/RENOLD, Titre et préambule N 9 ss ; message du Conseil fédéral (FF 2002 505, 585).

190 Message du Conseil fédéral (FF 2002 505, 516).

191 GABUS/RENOLD, Titre et préambule, N 9 ; message du Conseil fédéral (FF 2002 505, 585).

la Confédération doivent figurer dans l’inventaire fédéral (art. 3 LTBC)192. Les cantons peuvent en faire de même avec les biens cantonaux (art. 4 LTBC). L’inscription de ces biens à l’inventaire produit de nombreux effets, notamment l’interdiction de l’exportation définitive de ces biens.

125. Les articles 5 à 9 LTBC permettent quant à eux de contrôler les importations de biens culturels illicitement exportés sur le territoire suisse. Conformément à l’article 7 LTBC, le Conseil fédéral peut conclure des accords bilatéraux permettant le retour de biens culturels illicitement exportés par le biais d’une action en retour (art. 9 LTBC)193.

126. L’article 16 LTBC durcit les obligations des marchands d’art et des personnes pratiquant la vente aux enchères en les soumettant à un devoir de diligence particulier lors d’une opération de transfert de biens culturels. La violation du devoir de diligence entraine des sanctions dont certaines sont pénales (art. 24 et 25 LTBC).

127. Les articles 21 à 23 LTBC rappellent formellement que l’entraide en matière administrative et l’entraide judiciaire internationale en matière pénale sont des moyens qui peuvent être utilisés pour lutter contre le trafic illicite de biens culturels. Ces deux instruments feront l’objet d’une analyse approfondie ci-après194.

128. Les infractions pénales de la LTBC sont prévues aux articles 24 et 25. Ces derniers seront examinés de manière détaillée ci-dessous195.

129. Selon l’article 33, la LTBC n’a pas d’effet rétroactif.

§ 2. Autres instruments de coopération pénale ayant un impact en matière de lutte contre le trafic illicite de biens culturels

130. Bien qu’il existe une multitude de textes de droit international et de droit national portant sur la coopération internationale dans le domaine de la criminalité, nous avons choisi de traiter les plus pertinents pour notre étude. Au niveau international, nous examinerons la convention des

192 Cet inventaire n’a cependant pas encore vu le jour.

193 Le fonctionnement des accords bilatéraux sera détaillé ci-dessous, voir infra N 348 ss.

194 Pour l’entraide judiciaire internationale en matière pénale, voir infra N 406 ss et pour l’entraide en matière administrative, voir infra N 864 ss.

195 Voir infra N 508.

Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée196. Puis, au niveau européen et au niveau suisse, nous nous concentrerons sur les textes traitant de la coopération judiciaire internationale en matière pénale. Les principales conventions européennes ont été adoptées par le Conseil de l’Europe (CEEJ et CEExtr). Ces dernières sont complétées par des accords bilatéraux entre la Suisse et les Etats européens, ainsi que par les accords bilatéraux signés entre la Suisse et l’Union européenne (Accords Schengen, AAS)197.

131. Les Etats membres de l’Union européenne sont quant à eux liés par d’autres instruments relatifs à la coopération judiciaire en matière pénale, dont les conventions européennes d’extradition198, la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale199, ainsi que par la convention d’application de l’accord Schengen (CAAS)200 ou la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen201. Etant donné que la Suisse n’est pas un Etat membre de l’Union européenne, elle ne peut pas être intégralement partie à l’ensemble de la législation européenne et associée à l’espace de coopération judiciaire de l’Union202. Nous examinerons ces textes de l’Union européenne uniquement sous l’angle des éléments repris en droit suisse par le biais de l’AAS.

A. La convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale