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71. La convention de l’UNESCO concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites de biens culturels, du 14 septembre 1970 (convention de l’UNESCO de 1970), fut élaborée suite à l’impulsion des Etats d’Amérique latine, plus particulièrement le Mexique et le Pérou, lors de la 11ème Conférence de l’UNESCO de 1960. Ces Etats souhaitaient attirer l’attention de la communauté internationale sur le pillage de leurs biens culturels et monuments historiques ainsi que sur le trafic illicite qui en résultait. Il est intéressant de noter que les pays formant le marché de l’art, la Suisse et la Grande Bretagne notamment, n’ont pas souhaité faire partie du comité chargé de l’élaboration de la convention, à l’exception des Etats-Unis qui, au dernier moment, ont décidé de l’intégrer117.

72. La convention de l’UNESCO de 1970 est entrée en vigueur le 24 avril 1972. Fin 2010, 120 Etats l’avaient ratifiée118. La Suisse a approuvé la convention le 12 juin 2003 et déposé son instrument de ratification le 3 octobre 2003119. Elle est entrée en vigueur pour la Suisse le 3 janvier 2004.

73. Cette convention de l’UNESCO a pour objectif de promouvoir la protection des biens culturels dans les différents Etats parties ainsi que de protéger et de sauvegarder le patrimoine

116 Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, l’Union européenne est dotée de la personnalité juridique (art. 47 de la version consolidée du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne du 30 mars 2010 (TUE ; JO C 83))et la Communauté n’existe plus en tant que telle. Le système des piliers a en effet été supprimé. Voir, FLORE, p. 40 s. ; PRADEL/CORSTENS/VERMEULEN, p. 755 ss ; LABAYLE, p. 4 s. Cela étant, pour des raisons de simplification, nous allons néanmoins continuer de nous référer à la Communauté car les textes législatifs que nous examinons ont été adopté par la Communauté et non par l’Union.

117 O’KEEFE, p. 7 ss. Pour un développement précis du travail de l’UNESCO, voir PROTT, Witness to History, p. 12 s.

118 www.unesco.org.

119 RO 2004 p. 2879.

culturel de l’humanité par le biais de la coopération interétatique (principe de non-appauvrissement du patrimoine culturel des autres Etats)120. Elle reconnaît le droit de chaque Etat à la protection de son patrimoine culturel.

74. Elle représente à l’heure actuelle le traité multilatéral le plus important en matière de protection et de restitution de biens culturels en temps de paix121. Elle constitue « le premier instrument juridique mondial de protection du patrimoine culturel contre le vol et le pillage »122. Par l’adoption de ce texte, la communauté internationale reconnaît que les biens culturels ne sont pas de simples marchandises et qu’ils doivent par conséquent bénéficier d’un statut juridique propre ainsi que d’une protection adéquate.

75. Cette convention régit les relations entre Etats. Ainsi, seuls les Etats ont la qualité pour agir même si le bien est de propriété privée. L’Etat peut en revanche agir au nom du propriétaire particulier (art. 13 de la convention)123.

76. Les dispositions de la convention UNESCO de 1970 ne sont pas «self executing»124, ce qui implique l’adoption d’une loi d’application pour sa mise en œuvre125. Les termes choisis pour la rédaction de la convention sont très larges, chaque Etat est donc libre de concrétiser les

120 NAFZIGER/SCOVAZZI, p. 62 s.

121 BORGHI, p. 10 ; NAFZIGER/SCOVAZZI, p. 562. En effet, avant l’entrée en vigueur de la convention de l’UNESCO de 1970, les biens culturels ne bénéficiaient que d’une protection en temps de conflit armé.

122 L’UNESCO avait déjà adopté, le 5 décembre 1956 lors de la neuvième session de la Conférence générale, une recommandation portant sur la restitution de produits de fouilles encourageant les Etats membres à prévoir d’une part, des dispositions réglementant le commerce de biens archéologiques et, d’autre part, à faciliter leur rapatriement vers leur pays d’origine. Voir CARDUCCI, La restitution, p. 122.

123 BORGHI, p. 13 et CARDUCCI, La restitution, p. 208 s.

124 AUER/HOTTELIER/MALINVERNI définissent l’applicabilité directe («self executing») comme « l’aptitude d’une règle de droit international à conférer par elle-même aux particuliers, sans requérir aucune mesure interne d’exécution, des droits et des obligations dont ils peuvent se prévaloir devant les autorités de l’Etat où cette règle est en vigueur ». Ceci signifie que l’on considère qu’aucune des dispositions de la convention UNESCO de 1970 ne peut être directement invoquée devant les tribunaux internes d’un Etat et, a contrario, ces derniers ne peuvent pas directement appliquer l’une des dispositions de cette convention. Voir AUER/HOTTELIER/MALINVERNI, N 1307 s. et ZIEGLER, N 271 ss. Nous sommes toutefois d’avis que l’article 7 lit. b i) pourrait peut-être bénéficier d’un contenu suffisant pour être directement applicable. Notons également que c’est au Tribunal fédéral qu’appartient le pouvoir de déterminer, dans un cas d’espèce, si une norme est directement applicable ou pas.

125 AUER/HOTTELIER/MALINVERNI, N 1257 ss et N 1308 ss. Le fait qu’elle ne soit pas directement applicable explique probablement son succès quant au nombre de ratifications.

mesures prévues par les moyens de son choix, en fonction des possibilités ouvertes par sa législation et en les adaptant à sa situation particulière126.

77. Le Canada127, l’Afrique du Sud128 et l’Australie129 ont adopté une législation d’application reflétant une acceptation très large des obligations prévues dans la convention. Les législations d’application des Etats-Unis130 et de la Suisse131 sont au contraire relativement restrictives. La France132 et le Royaume-Uni133 ont estimé que leur législation nationale respective était suffisante à la mise en vigueur et à la mise en œuvre de la convention et qu’il n’était par conséquent pas nécessaire d’adopter une loi d’application spécifique134. La manière dont chaque Etat met en œuvre la convention démontre l’intensité de son engagement dans la lutte contre le trafic illicite de biens culturels. De manière générale, les Etats importateurs de biens culturels ont tendance à interpréter la convention de façon restrictive, alors que les Etats exportateurs acceptent l’ensemble les obligations prévues135.

78. L’article 1er de la convention de l’UNESCO de 1970 constitue l’un des articles les plus importants de la convention car il expose le champ d’application matériel de celle-ci en définissant la notion de biens culturels. Nous ne nous attarderons pas sur cette définition dans le présent paragraphe étant donné qu’elle fera l’objet d’une analyse détaillée ci-après136. L’article 4 de la convention définit quant à lui la notion de patrimoine culturel, notion plus étroite que celle de biens culturels.

79. Selon l’article 5 de la convention, les Etats parties s’engagent à instituer un ou plusieurs services de protection du patrimoine culturel chargé d’assumer un certain nombre de

126 Document de travail de l’Office fédéral de la culture, 1999 ; CARDUCCI, La restitution, p. 137 s. Voir aussi ASKERUD/CLEMENT, p. 19 ss pour les conseils de mise en œuvre de l’UNESCO.

127 Le Canada est partie à la convention depuis le 28 mars 1978 et a adopté le Cultural Property Export Control List.

128 L’Afrique du Sud est partie à la convention depuis le 18 décembre 2003.

129 L’Australie est partie à la convention depuis le 30 octobre 1989 et a adopté le Cultural Heritage Export Control List, Statutory Rules 1987 No.149 as amended made under the Protection of Movable Cultural Heritage Act 1986.

130 Les Etats-Unis sont partie à la convention depuis le 2 septembre 1983. Pour plus d’informations, voir O’KEEFE, p. 107 ss. Voir aussi infra N 286 ss.

131 Voir la LTBC et l’OTBC.

132 La France est devenue partie à la convention le 7 janvier 1997.

133 Le Royaume-Uni a tout de même adopté un texte légal portant sur les sanctions pénales, Dealing in Cultural Objects (Offences) Act 2003; PROTT, UNIDROIT convention, p. 236 ; O’KEEFE, p. 140 ss.

134 O’KEEFE, p. 98 s.

135 O’KEEFE, p. 99 ; NAFZIGER/SCOVAZZI, p. 560 s.

136 Voir infra N 187 ss.

fonctions, notamment celle de la contribution à l’élaboration de textes législatifs (lit. a), de l’établissement d’un inventaire national de protection des biens culturels importants (lit. b), de l’organisation et du contrôle des fouilles archéologiques (lit. d).

80. L’article 6b de la convention incite les Etats à adopter un certificat d’exportation pour les biens culturels sortant de leur territoire, ce qui a pour but de permettre aux autres Etats parties à la convention de vérifier la licéité de l’exportation.

81. Conformément à l’article 7a de la convention, les Etats parties s’engagent à prendre les mesures nécessaires et conformes à leur législation pour empêcher l’acquisition, par les musées et autres institutions similaires, de biens culturels exportés illicitement d’autres Etats parties après l’entrée en vigueur de la convention. L’article 7b i) interdit l’importation de biens culturels volés dans un musée, un monument public, civil ou religieux, ou une institution similaire situés sur le territoire d’un autre Etat partie à la convention à condition que le bien figure dans un inventaire.

82. L’article 7b ii), qui est certainement l’un des plus important de la convention, incite les Etats à prendre toutes mesures appropriées et conformes à leur législation pour saisir et restituer les biens à leur Etat d’origine. Aux termes de cet article, les Etats s’engagent à restituer, par voie diplomatique, le bien sous réserve d’indemnisation d’un éventuel acquéreur de bonne foi137. Les termes « mesures appropriées » laissent la liberté aux Etats d’adopter les moyens de leur choix pour aboutir au résultat souhaité. Soulignons que cet article ne prévoit rien ni en ce qui concerne la dépossession de particuliers, étant donné qu’il est limité aux musées et autres institutions similaires, ni pour les biens n’étant pas préalablement inventoriés, comme c’est le cas des biens provenant de fouilles138.

83. Selon l’article 8 de la convention, les Etats s’engagent à frapper de sanctions pénales ou administratives toutes personnes ayant importé un bien culturel volé ou ayant exporté un bien culturel sans le certificat d’exportation nécessaire (art. 7 et 6 de la convention).

84. L’article 9 de la convention prévoit que les Etats parties dont le patrimoine culturel est mis en danger par des actes de pillages archéologiques ou ethnologiques peuvent faire appel aux autres Etats parties. Les Etats s’engagent en effet à participer aux opérations de coopération internationale ayant pour but de déterminer et mettre en place des mesures concrètes de lutte contre ce phénomène, dont le contrôle de l’exportation, de l’importation et du commerce

137 O’KEEFE, ad art. 7 de la convention de l’UNESCO de 1970 p. 61 ss. Certains Etats ont formulé des réserves à cet article, notamment sur l’obligation d’indemnisation qui n’est pas toujours perçue comme justifiée. Voir NAFZIGER/SCOVAZZI, p. 64 s.

138 NAFZIGER/SCOVAZZI, p. 65.

international des biens culturels spécifiquement concernés. Chaque Etat est tenu de prendre les dispositions provisoires nécessaires pour prévenir un dommage irrémédiable en attendant l’adoption d’un accord139.

85. Aux termes de l’article 10 lit. a de la convention, les Etats sont incités à mettre en place un régime contraignant les commerçants en objets d’art à tenir un registre indiquant la provenance de chaque bien culturel ainsi qu’à informer l’acheteur de l’interdiction d’exportation dont le bien peut être frappé sous peine de sanctions pénales ou administratives.

Cet article impose également aux Etats des devoirs d’éducation et de sensibilisation de la population à l’importance de la préservation des biens culturels et au danger que représente le trafic illicite.

86. L’article 13 lit. d de la convention traite de différents engagements devant être pris par les Etats. Le droit de chaque Etat de classer certains biens et de les déclarer inaliénables et, par conséquent, d’en interdire l’exportation doit notamment être reconnu. Si de tels biens sont illicitement exportés, les Etats s’engagent à en faciliter la restitution. Cet engagement ne correspond pas pour autant à une obligation de retour car les Etats ne s’engagent que dans le cadre de leur législation. Il n’existe que peu de biens revêtant les qualités d’inaliénabilité et de classement, ce qui limite d’autant plus la portée de cet article140.

87. Quant à l’application dans le temps, il a été décidé que la convention de l’UNESCO de 1970 n’aurait pas d’effet rétroactif141. Ce choix n’a pas fait l’unanimité au sein de l’Organisation et plus particulièrement auprès des anciens Etats coloniaux qui espéraient pouvoir revendiquer les biens exportés par les Etats colonisateurs. Cette revendication n’a pas pu être satisfaite car, à l’évidence, ces derniers n’auraient jamais adhéré à la convention si de telles possibilités avaient été ouvertes. Or, il était primordial pour les Etats victimes du trafic illicite que les Etats importateurs de biens culturels, représentant souvent les Etats colonisateurs, signent et ratifient la convention142. Ainsi, seules les importations et exportations illicites ayant lieu après l’entrée en vigueur de la convention y seront soumises143.

139 O’KEEFE, ad art. 9 de la convention de l’UNESCO de 1970 p. 69 ss.

140 CARDUCCI, La restitution, p. 271 s.

141 Conformément à l’article 28 de la convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des Traités (convention de Vienne sur le droit des traités ; RS 0.111).

142 O’KEEFE, p. 9. Pour la problématique du retour des biens aux pays colonisés, COULEE, p. 373 ss ; GOY, p.

963 ss.

143 Sur la question de savoir s’il est nécessaire que les deux Etats aient ratifié la convention pour pouvoir restituer un bien volé puis importé, voir O’KEEFE, p. 10 s. ; CARDUCCI, La restitution, p. 194. Selon lui, en