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illicite de biens culturels

C. Les autorités de poursuite pénale

245. Selon l’article 27 LTBC, la poursuite et le jugement des actes punissables selon la LTBC incombent aux cantons367. Ces derniers interviennent principalement à la suite d’une dénonciation du service spécialisé (art. 17 al. 2 LTBC) ou des autorités douanières (art. 19 al.

2 LTBC). Conformément à l’article 20 LTBC, qui renvoie à l’article 27 LTBC, les autorités cantonales compétentes sont les seules habilitées à ordonner le séquestre368 de biens, les autorités douanières étant uniquement en mesure de les retenir.

246. L’article 20 al. 1 LTBC permet ainsi aux autorités de poursuite pénale de bénéficier d’un instrument d’intervention rapide permettant le maintien des biens culturels d’origine suspecte sous la main de la justice369. Selon BOMIO, cette disposition devrait permettre d’attirer l’attention des autorités de poursuite pénale suisses sur une forme de criminalité malheureusement trop souvent laissée pour compte370.

247. Au sens de l’article 20 LTBC, les autorités de poursuite pénale peuvent séquestrer un bien culturel soupçonné d’avoir été volé, enlevé à son propriétaire sans sa volonté ou importé illicitement en Suisse. L’article 24 LTBC371 étant subsidiaire aux articles pénaux prévoyant une peine plus sévère, nous devons en déduire que la mesure prévue à l’article 20 LTBC s’applique également dans l’hypothèse d’un vol (art. 139 CP), de recel (art. 160 CP) ou encore de blanchiment (art. 305bis CP)372.

248. S’il s’avère que les biens culturels séquestrés proviennent d’une infraction commise à l’étranger, les autorités de poursuite pénale devront généralement provoquer une procédure d’entraide judiciaire internationale en matière pénale, par exemple au moyen de la transmission spontanée d’informations à une autorité étrangère (art. 22 LTBC et art. 67a EIMP), pour être en mesure de donner suite à l’enquête373.

367 GABUS/RENOLD, ad art. 27 LTBC N 3 ; RASCHÈR/BOMIO, chap. 6 N 433.

368 On entend par séquestre la saisie provisoire des biens. Le terme de séquestre n’existe pas dans tous les codes de procédure pénale cantonaux. Le code de procédure pénale genevois (code de procédure pénale du 29 septembre 1977, RS GE E 4 20) utilise le terme de saisie uniquement, alors que le code vaudois (code de procédure pénale du 12 septembre 1967, RS VD 312.01) n’utilise que celui de séquestre. Le code de procédure pénale fédérale, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2011, a retenu le terme de séquestre et non de saisie, voir le message du Conseil fédéral (FF 2006 1227).

369 GABUS/RENOLD, ad art. 20 LTBC N 4 ; message du Conseil fédéral (FF 2002 505, 564).

370 BOMIO, Le rôle, p. 118.

371 Pour une analyse détaillée de l’article 24 LTBC, voir infra N 508 ss.

372 BERTOSSA, p. 69 s. ; GABUS/RENOLD, ad art. 20 LTBC N 5. Voir aussi infra N 465 ss.

373 BOMIO, Le rôle, p. 118 s. ; GABUS/RENOLD, ad art. 20 LTBC N 6.

249. Selon la lettre de l’article 20 al. 2 LTBC, tout séquestre pénal doit être annoncé au service spécialisé. Ce devoir d’information fait partie de l’obligation générale de collaboration entre les autorités de mise en œuvre de la LTBC (art. 29 LTBC).

Chapitre IV :

Tableau de synthèse

250. Ce tableau de synthèse a pour objectif de résumer la problématique du trafic illicite de biens culturels exposée dans cette première partie. Les trois composantes du trafic illicite (exportation illicite, vol et autres infractions, produits de fouilles) ainsi que les principales questions juridiques qui s’y rapportent y sont mises en évidence.

251. Ces questions juridiques représentent les obstacles à la restitution ou au retour d’un bien culturel d’origine illicite à son légitime propriétaire, obstacles qui peuvent s’avérer plus ou moins difficile à surmonter selon la composante du trafic illicite. Il s’agit, pour l’exportation illicite, du droit de propriété de l’Etat et de la reconnaissance du droit public étranger, pour le vol et les autres infractions du degré de reconnaissance de l’infraction dans les divers régimes nationaux et, pour le produit de fouilles, des questions liées au droit de propriété de l’Etat ainsi qu’à la preuve de l’origine du bien.

252. Ce tableau indique également les moyens juridiques qui ont été adoptés par la Suisse dans le but de lutter contre le trafic illicite et qui permettent la restitution ou le retour d’un bien culturel à son légitime propriétaire en fonction de la composante du trafic dont il a fait l’objet.

253. L’entraide administrative ne figure pas en tant que telle comme moyen de restitution car, comme nous le verrons ci-dessous374, il s’agit d’un moyen de transmission d’informations entre les autorités suisses et étrangères et non d’un moyen de restitution à proprement parler.

374 Voir infra N 861 ss.

LE TRAFIC ILLICITE DE BIENS CULTURELS Composantes du trafic

illicite

Exportation illicite Vol et autres infractions Produits de fouilles

Principales questions juridiques

- Droit de propriété de l’Etat

- Reconnaissance du droit public étranger

Degré de reconnaissance de l’incrimination d’un comportement

- Droit de propriété - Preuve de l’origine du bien

Moyens juridiques adoptés par la LTBC

Accords bilatéraux Coopération judiciaire internationale en matière pénale

- Accords bilatéraux - Coopération judiciaire internationale en matière pénale

Entraide administrative

D

EUXIÈME

P

ARTIE

: L

ES ACCORDS BILATÉRAUX

254. La deuxième partie de notre étude porte sur les moyens mis en place par les Etats parties à la convention de l’UNESCO de 1970 pour lutter contre l’exportation illicite de biens culturels375. Après quelques remarques introductives (chapitre I), nous présenterons les systèmes de contrôle à l’importation des biens culturels illicitement exportés mis en place par le Canada et les Etats-Unis (chapitre II). Puis nous examinerons de manière plus approfondie le choix du législateur suisse (chapitre III). Enfin, dans le quatrième chapitre, nous ferons la synthèse des différents types de systèmes de contrôle à l’importation de biens culturels illicitement exportés (chapitre IV).

Chapitre I :

Introduction

255. Les accords bilatéraux ont été expressément prévus comme moyen de lutte contre la composante d’exportation illicite en droit suisse, raison pour laquelle ils font l’objet du titre de cette partie. Les références aux autres types de mise en œuvre de la convention de l’UNESCO de 1970 n’ont pour but que de mettre en évidence le choix du législateur suisse parmi les solutions adoptées par les autres Etats parties.

256. L’objectif de cette partie est donc de présenter les différents modèles mis en place par les Etats parties à la convention de l’UNESCO de 1970 permettant le contrôle de l’importation de biens culturels illicitement exportés sur leur territoire.

257. Nous avons choisi de traiter la composante de l’exportation illicite de biens culturels sous l’angle de l’importation, c’est-à-dire du contrôle opéré par l’Etat étranger des biens qui entrent sur son territoire, et non sous celui de l’exportation, qui consiste dans le contrôle effectué par l’Etat d’origine sur les biens qui sortent de son territoire. Ce choix a été dicté par deux raisons.

258. La première, nous l’avons vu, les législations nationales visant la protection du patrimoine en interdisant par exemple l’exportation de certains biens ou en la soumettant à autorisation -ne permettent le retour du bien que si leur violation est prise en considération par les Etats sur le territoire desquels les biens sont importés376. Sur ce point, elles ont donc un effet qui est

375 Pour les différentes composantes du trafic illicite de biens culturels, voir supra N 26 ss.

376 Voir supraN 29 ss.

principalement extraterritorial377. La seconde, le retour d’un bien illicitement exporté dépend principalement de la volonté de l’Etat sur le territoire duquel il a été importé.

259. Pour ces deux raisons, il est plus intéressant d’examiner quelles sont les procédures de retour et à quelles conditions elles s’opèrent plutôt que d’étudier les mesures visant à empêcher l’exportation du bien de son pays d’origine378. Ceci ne signifie pas pour autant que les mesures de contrôle à l’exportation soient inutiles. Elles permettent en effet de limiter le nombre de biens illicitement exportés et la manière dont elles sont rédigées a un impact sur leur reconnaissance par l’Etat d’importation.

260. Nous allons donc analyser l’efficacité des moyens législatifs mis en place par les Etats pour lutter contre l’exportation illicite de biens culturels par le biais du contrôle à l’importation des autres Etats parties à la convention de l’UNESCO de 1970. Précisons que lorsque nous parlons de contrôle à l’importation, nous entendons un contrôle plus large que celui de la bonne application des mesures douanières de l’Etat d’importation. Ainsi, un bien peut être licitement importé du point de vue douanier car le formulaire a été correctement rempli, mais illicitement exporté de son Etat d’origine.

261. Le modèle canadien et le modèle des Etats-Unis d’Amérique de mise en œuvre de la convention de l’UNESCO de 1970 en matière d’exportation illicite sont généralement évoqués par la doctrine comme les deux principaux, dès lors que l’un est basé sur la conclusion d’accords bilatéraux (Etats-Unis), alors que l’autre ne l’est pas (Canada)379.

262. Cela étant, ces deux méthodes ne sont pas les seules, et même s’il est vrai que les Etats s’inspirent généralement de l’une ou de l’autre (avec ou sans accords bilatéraux)380, la philosophie qui sous-tend le choix de mise en application canadien ou des Etats-Unis n’est pas toujours reprise par les autres Etats.

263. Le terme de modèle fait appel, à notre sens, à une vision de la convention de l’UNESCO de 1970 et de ce qu’elle représente pour la communauté internationale. Cette vision est différente

377 PATERSON, A proposed strategy, p. 57 s.

378 Dans ce sens, il est intéressant de noter que l’article 7 LTBC fait référence à l’importation et au retour, et non à l’exportation de biens culturels.

379 GABUS/RENOLD, ad art. 7 LTBC N 4 ; KKR-RASCHÈR/RENOLD, chap. 6 N 197.

380 Dans ce sens, l’Australie et le Japon se sont plutôt inspirés du modèle dit canadien, alors que la Suisse s’est inspirée du modèle des Etats-Unis. Cela étant, l’Australie considère comme illicite toutes les importations violant une législation nationale sur l’exportation, que l’Etat en question soit partie ou non à la convention UNESCO de 1970. La France, en revanche, ne s’est basée sur aucun des deux modèles puisqu’elle a estimé que sa législation était suffisante pour répondre aux objectifs de la convention. Voir O’KEEFE, p. 100 ss et GERSTENBLITH, p. 633.

d’un Etat à l’autre et elle est généralement conditionnée par les intérêts de chacun, qu’ils soient économiques ou idéologiques381. Il nous paraît dès lors réducteur de classer les différents systèmes de mise en application de la convention dans ce domaine en deux catégories dont le seul signe distinctif serait l’utilisation ou non d’accords bilatéraux pour le contrôle à l’importation de biens culturels.

264. En qualifiant de modèle l’option choisie par le Canada ou les Etats-Unis, l’on pourrait s’attendre à ce que tous les Etats, desquels l’on dit avoir suivi l’une ou l’autre des deux options, aspirent à la même philosophie. Comme nous le verrons, cela est loin d’être le cas.

Par exemple, le système suisse est prétendument « inspiré du modèle des Etats-Unis », alors qu’en réalité, le seul point que ces deux systèmes ont en commun, est de fonctionner sur la base d’accords bilatéraux.

265. Il n’existe donc pas deux modèles principaux mais une multitude de modèles véhiculant une conception différente des objectifs de la convention en matière de contrôle à l’importation et servant des intérêts spécifiques à chaque Etat. Le système choisi reflète ainsi le degré d’investissement des Etats dans la lutte contre le trafic illicite de biens culturels. Pour des raisons de clarté et malgré les critiques émises à l’égard de l’utilisation des termes de

« modèle », nous avons décidé de maintenir cette terminologie car elle est aujourd’hui entrée dans le langage courant.

Chapitre II :

Le contrôle à l’importation de biens culturels

266. Le modèle canadien du contrôle à l’importation de biens culturels illicitement exportés (§ 1) se base sur la reconnaissance générale de législations étrangères relatives à la protection du patrimoine, alors que celui adopté par les Etats-Unis (§ 2) est basé sur la conclusion d’accords bilatéraux avec les Etats parties à la convention de l’UNESCO de 1970. Ainsi, seule l’exportation des biens soumis à l’accord est reconnue comme illicite par les Etats-Unis. Le mécanisme des Etats-Unis est donc plus restrictif que le canadien, qui favorise au contraire une collaboration aussi large que possible avec les autres Etats parties à la convention.

§ 1. Le modèle canadien (sans accord)

267. Nous allons dans un premier temps exposer le fonctionnement général du modèle canadien (A). Puis, dans un deuxième temps, nous commenterons les moyens dont il est composé (B) et

381 Voir les intérêts différents entre Etats importateurs et exportateurs, supra N 16.

(C). Nous terminerons par l’analyse de la procédure permettant de retourner les biens culturels illicitement exportés (D).