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Autres moyens repris par la LTBC : la coopération judiciaire internationale en matière pénale et l’entraide internationale en matière administrative

illicite de biens culturels

B. Autres moyens repris par la LTBC : la coopération judiciaire internationale en matière pénale et l’entraide internationale en matière administrative

209. Avant l’entrée en vigueur de la LTBC, les moyens législatifs généraux étaient les seuls

moyens dont bénéficiait la Suisse pour permettre la restitution d’un bien culturel volé ou illicitement exporté à son légitime propriétaire (en dehors des moyens issus du droit international privé qui ne font pas l’objet de cette étude). Le nombre de demandes de coopération judiciaire en matière pénale adressées à la Suisse dans le domaine des biens culturels volés ou illicitement exportés démontre l’usage fréquent de cet instrument de coopération335.

210. La LTBC a formellement intégré les moyens de coopération judiciaire internationale en matière pénale et d’entraide en matière administrative dans le système de lutte contre le trafic illicite de biens culturels par le biais des articles 21 à 23 LTBC. A l’instar d’autres lois fédérales336, la LTBC prévoit la coopération entre les autorités suisses et les autorités

330 Accord entre le Conseil fédéral de la Confédération suisse et le Gouvernement de la République hellénique concernant l’importation, le transit et le retour de biens culturels, conclu le 15 mai 2007 et entré en vigueur le 13 avril 2011 (RS 0.444.137.21).

331 Accord entre le Conseil fédéral suisse et le gouvernement de Colombie concernant l’importation et le retour de biens culturels, conclu le 1er février 2010 et entrée en vigueur le 4 août 2011 (RS 0.444.126.31).

332 Accord entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République arabe d’Egypte concernant l’importation et le transit illicites ainsi que le retour d’antiquités à leur lieu d’origine, conclu le 14 avril 2010 et entré en vigueur le 1er février 2011 (RS 0.444.132.11).

333 Accord entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République italienne concernant l’importation et le retour de biens culturels, conclu le 20 décembre 2006 et entré en vigueur le 27 avril 2008 (RS 0.441.145.41).

334 RENOLD, Entrée en vigueur, p. 1 ; WIDMER, p. 85.

335 Voir le message du Conseil fédéral (FF 2002 505, 515). Selon BOMIO, il n’existe pas de statistiques précises dans le domaine du trafic illicite de biens culturels mais les arrêts que le Tribunal fédéral a rendus ainsi que les communiqués de l’OFJ permettent d’affirmer que le trafic est important. Voir BOMIO, L’entraide, p. 23 s.

Voir aussi les arrêts suivants : arrêt non publié du Tribunal fédéral du 18 décembre 1998 (1A.58/1998), ATF 123 II 134, ATF 123 II 268, arrêt non publié du Tribunal fédéral du 26 avril 2000 (1A/117/2000), arrêt non publié du Tribunal fédéral du 6 juin 2003 (1A.229/2002), ainsi que les communiqués suivants : communiqués de presse de l’OFJ du 1er décembre 1999 (restitution à l’Italie de quatre tableaux volés) ; communiqué de l’OFJ du 2 juin 2000 (remise à l’Italie de milliers de pièces archéologiques trouvées aux ports francs de Genève) ; communiqué de l’OFJ du 27 septembre 2002 (remise à l’Italie de deux tableaux et d’une sculpture volés) ; communiqué du 23 novembre 2003 (restitution à l’Egypte de biens culturels saisis) ; communiqué de l’OFJ du 19 mai 2004 (restitution à la Géorgie d’un triptyque) ; communiqué de l’OFJ du 8 octobre 2004 (remise à la Russie de quatre tableaux) ; communiqué de l’OFJ du 6 juillet 2004 (restitution à la Turquie de carreaux de faïence volés).

336 Article 115 de la loi fédérale sur les douanes du 18 mars 2005, entrée en vigueur le 1er mai 2007 (LD ; RS 631.0) ; article 31 de la loi fédérale sur la lutte contre le blanchiment dans le secteur financier du 10 octobre

étrangères par le biais du système existant de l’entraide internationale en matière pénale et celui de l’entraide internationale en matière administrative. Les articles 21, 22 et 23 LTBC servent de base ou de point d’ancrage spécifique liant la LTBC à la coopération judiciaire internationale en matière pénale et l’entraide administrative.

211. L’introduction de l’article 24 LTBC reconnaissant des infractions pénales portant expressément sur la répression de comportements liés au trafic illicite de biens culturels constitue cependant une nouveauté de taille qui permet de réactualiser le moyen législatif de coopération judiciaire internationale en matière pénale. En raison de cet article, la coopération judiciaire internationale en matière pénale peut être considérée comme un moyen juridique de lutte contre le trafic illicite à part entière.

212. Nous nous concentrerons, lors de cette étude, sur les aspects de coopération judiciaire internationale en matière pénale ainsi que sur leur apport aux moyens suisses de lutte contre le trafic illicite de biens culturels. Nous traiterons subsidiairement de l’entraide administrative dans la mesure où, à notre sens, elle a pour principale fonction de renforcer le système général de lutte contre le trafic illicite en améliorant la communication entre les autorités nationales et internationales337.

1. La coopération judiciaire internationale en matière pénale dans le domaine du trafic illicite de biens culturels

213. La coopération judiciaire internationale en matière pénale consiste en « l’exécution par l’Etat requis, au besoin par la coercition, de mesures propres à faciliter la poursuite et la répression des infractions pénales dans l’Etat requérant, à la demande de celui-ci »338.

214. Dans le domaine du trafic illicite de biens culturels, ce moyen de lutte vise la répression des infractions pénales portant sur des biens culturels et présentant des éléments d’extranéité.

215. L’article 23 LTBC prévoit expressément que les infractions pénales retenues par la LTBC (art. 24 LTBC) peuvent donner lieu à l’ouverture d’une procédure d’entraide internationale en matière pénale au sens de l’EIMP.

1997, entrée en vigueur le 1er avril 1998 (LBA ; RS 955.0) ; article 38 de la loi fédérale sur les bourses et le commerce de valeurs mobilières du 24 mars 1995, entrée en vigueur le 1er février 1997 (LBVM ; RS 954) ; article 7 de la loi fédérale sur l’application des sanctions internationales du 22 mars 2002, entrée en vigueur le 1er janvier 2003 (LEmb/loi sur les embargos ; RS 946.231).

337 Voir infra N 861 ss.

338 ZIMMERMANN, La coopération judiciaire, N 1.

216. Selon les articles 2 ss EIMP, la demande d’entraide pénale est considérée comme irrecevable lorsque la nature de l’infraction porte atteinte aux valeurs juridiques fondamentales de l’Etat requis. Il en va ainsi des infractions de nature politique, militaire, monétaire, douanière, économique et fiscale339. Il semble en effet plausible qu’une infraction portant sur l’importation ou l’exportation d’un bien culturel puisse être considérée comme infraction au sens des articles 2 ss EIMP, notamment comme délit douanier au sens de l’article 117 lit. c de la loi sur les douanes (LD)340.

217. En l’exprimant formellement, l’article 23 LTBC évite qu’une demande d’entraide pénale portant sur un bien culturel et correspondant à l’une des infractions prévues par la LTBC ne se heurte aux articles 2 ss EIMP341.

2. L’entraide administrative dans le domaine du trafic illicite de biens culturels

218. L’entraide nationale et internationale en matière administrative porte sur l’assistance entre les autorités administratives suisses (fédérales, cantonales et communales) et les autorités administratives suisses et étrangères. Dans le cas de l’entraide internationale, elle permet à l’Etat requis de contribuer au bon déroulement d’une procédure administrative ouverte dans l’Etat requérant.

219. Cette forme d’assistance vise uniquement des tâches qui relèvent de l’administration publique et qui n’ont aucun caractère judiciaire ou contentieux342. Elle consiste principalement en la transmission d’informations en possession de l’autorité requise à l’autorité requérante (partage de renseignements, production de pièces ou permission d’accès à une base de données, etc.). Elle peut être utile à des fins de recherches de moyens de preuves et de renseignements en Suisse ou à l’étranger ainsi qu’à la notification d’actes ou de décisions administratives343.

220. Au contraire de l’entraide internationale en matière pénale, il n’existe pas à proprement parler de base légale générale, à l’instar de l’EIMP, dans le domaine de l’entraide en matière

339 ZIMMERMANN, La coopération judiciaire, N 611 s. Pour plus de précisions sur la nature de ces diverses infractions, voir ZIMMERMANN, La coopération judiciaire, N 613 à 651.

340 Loi fédérale sur les douanes du 18 mars 2005 entrée en vigueur le 1er mai 2007 (LD ; 631.0). Voit l’arrêt ATF 110 Ib 83 cons. 4b portant sur le trafic prohibé au sens de l’article 76 aLD.

341 ZIMMERMANN, La coopération judiciaire, N 631.

342 MOREILLON, Entraide internationale, N 102 s. ; BELLANGER, p. 9 ; BREITENMOSER, Neuere Rechtsentwicklungen, p. 13 ss ; SANSONNETI, p. 10 s.

343 AMY, p. 225 ; MOREILLON, Entraide internationale, N 102.

administrative, que ce soit sur les plans fédéral ou cantonal344. La coopération par le biais de l’entraide administrative requiert cependant une base légale formelle afin d’éviter que l’administration n’agisse en dehors de son champ d’activité345.

221. Cette base légale est généralement réglementée par des législations spéciales et de manière différente dans chaque domaine du droit346. Les articles 21 et 22 LTBC représentent ainsi la base légale formelle nécessaire dans le domaine du trafic illicite et ils servent de point d’ancrage à l’entraide nationale et internationale en matière administrative dans le domaine de la lutte contre le trafic illicite de biens culturels.

222. L’article 21 LTBC constitue la base légale nécessaire aux autorités fédérales, cantonales et communales à l’échange d’informations relatives au transfert international de biens culturels par le biais de l’entraide administrative. L’article 22 LTBC poursuit le même but en matière d’entraide administrative et judiciaire entre les autorités suisses et étrangères ainsi qu’avec les enceintes internationales347.

223. L’article 22 LTBC porte principalement sur l’entraide administrative bien que le titre de l’article vise également l’entraide judiciaire. Cet article permet de favoriser l’entraide administrative tout en l’articulant avec l’entraide judiciaire pénale, le but étant que les règles de l’entraide pénale ne soient pas détournées par celles, plus souples, de l’entraide administrative. Conformément au principe de la spécialité348, il faut en effet éviter qu’une autorité étrangère n’obtienne des informations transmises par le biais de l’entraide administrative pour les utiliser dans une procédure pénale débouchant sur une demande d’entraide judiciaire en matière pénale.

344 FREY, p. 161. La Suisse a signé, le 24 novembre 1977, mais non ratifié, la convention du Conseil de l’Europe sur la notification à l’étranger des documents en matière administrative (STCE 094). Pour la position officielle de la Suisse concernant la ratification de cette convention, voir le Neuvième rapport du Conseil fédéral (FF 2008 4077, 4098 s.). Il est toutefois intéressant de noter qu’il existe actuellement un projet de loi fédérale sur l’assistance administrative internationale en matière fiscale (LAAF). Pour plus d’informations, voir le Rapport du Département fédéral des finances.

345 BELLANGER, p. 9 ; WYSS M. P., Relations, p. 63.

346 BELLANGER, p. 18 ss. Pour quelques exemples de dispositions au sein de législations spécifiques à certains domaines du droit : article 115 LD ; article 42 de la loi fédérale sur l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers du 22 juin 2007 (Loi sur la surveillance des marchés financiers, LFINMA ; RS 956.1) ; article 38 LBVM ; article 7 Lemb.

347 Par enceintes internationales, il faut entendre celles dont les membres sont des Etats, par exemple, INTERPOL.Voir GABUS/RENOLD, ad art. 22 LTBC N 1 s. ; WYSS M. P., Relations, p. 70 s.

348 Pour plus d’informations sur le principe de spécialité, voir infra N 451 ss.

224. Selon les articles 21 et 22 al. 1 lit. a LTBC, l’entraide administrative doit porter sur des informations nécessaires à l’exécution de la LTBC.

§ 3. Les autorités de mise en œuvre de la LTBC et leurs fonctions respectives

225. Les articles 18 à 20 LTBC désignent les autorités compétentes pour exécuter et veiller à la bonne application de la LTBC. Il s’agit du service spécialisé (A), des autorités douanières (B) et des autorités de poursuite pénale (C). L’interaction entre ces trois piliers de l’application et de la mise en œuvre de la LTBC constitue un élément majeur de l’efficacité de la loi, raison pour laquelle ces autorités ont un devoir mutuel de communication (art. 17 al. 2, art. 18, art.

19 al. 2, art. 20 al. 2, art. 29 LTBC).

226. Nous allons présenter les différentes tâches de chaque autorité afin de mieux saisir le rôle fondamental qu’elles jouent au sein du système suisse de lutte contre le trafic illicite de biens culturels.