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La convention d’application de l’accord de Schengen de 1990

160. La Suisse a conclu plusieurs accords sectoriels avec l’Union européenne, notamment les accords relatifs à l’association de la Suisse à l’acquis Schengen267. L’acquis Schengen constitue dès lors une nouvelle source du droit suisse en matière de coopération judiciaire internationale en matière pénale. La CEEJ et ses protocoles additionnels ainsi que la CEExtr

261 (STCE 141). Cette convention sera remplacée par la convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme du 16 mai 2005 (STCE 198). Cette dernière n’est toutefois pas encore en vigueur.

262 RS 0.311.53.

263 Rapport explicatif de la convention 141, p. 3 ss. Voir aussi LABORDE, N 119 s.

264 Rapport explicatif de la convention 141, p. 3 ; MOREILLON, Entraide internationale, N 323 ; LABORDE, N 114 ss.

265 Précisons que la Suisse a émis une réserve à ce sujet en limitant l’application de la convention aux infractions qualifiées de crime au sens de l’article 10 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP ; RS 311.0), ATF 123 II 134 cons. 5b.

266 Rapport explicatif de la convention 141, p. 6 s. et 13 s ; LABORDE, N 120 ; ATF 123 II 134 cons. 5b.

267 Accord entre la Confédération suisse, l’Union européenne et la Communauté européenne sur l’association de la Confédération suisse à la mise en œuvre, à l’application et au développement de l’acquis Schengen du 26 octobre 2004, entré en vigueur le le 1er mars 2008 (AAS, RS 0.362.31). Pour plus de précisions sur l’acquis Schengen, voir FLORE, p. 53 ss.

en constituent cependant, au niveau international, le noyau dur (art. 48 et 53 CAAS)268. L’objectif de Schengen dans ce domaine est donc d’améliorer les moyens de coopération entre la Suisse et les Etats membres de l’Union européenne269.

161. La coopération judiciaire en matière pénale est réglée aux articles 48 à 69 CAAS. Les principaux développements résultant de l’entrée en vigueur des accords Schengen consistent en trois éléments270. Premièrement, il s’agit de la suppression de la condition de double incrimination (art. 49 CAAS)271, sauf en ce qui concerne les mesures de contrainte (perquisition et saisie, art. 51 CAAS)272, la poursuite d’infractions par des autorités administratives (art. 49 CAAS)273 et la fiscalité indirecte (art. 50 et 51 CAAS).

Deuxièmement, l’entraide judiciaire peut être accordée pour les infractions poursuivies par des autorités administratives (art. 49 lit. a in fine CAAS)274, pour autant qu’un recours puisse être déposé devant une autorité pénale. Troisièmement, la communication entre les autorités suisses et étrangères est facilitée275.

162. Il existe bien évidemment d’autres éléments découlant de l’entrée en vigueur de cet accord, mais ils sortent du champ d’application de notre étude et ils n’ont par conséquent pas lieu

268 MOREILLON, La coopération judiciaire, p. 467 ; PFENNINGER, p. 332.

269 L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009 a eu pour conséquence la suppression du système des piliers. Aussi, l’Union européenne désormais dotée de la personnalité juridique, consacre-t-elle un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures (art. 3 TUE). Cela implique notamment la coopération entre les autorités judiciaires et policières, la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et, le cas échéant, le rapprochement des législations pénales. Pour un aperçu détaillé de l’évolution historique de la coopération judiciaire en matière pénale en droit européen, voir FLORE, p. 26 ss, p. 48 ss et, surtout, p. 325 ss.

270 WYSS R., Strafrechtshilfe, p. 301.

271 Pour une analyse du principe de double incrimination, voir infra N 434 ss.

272 Notons que la Suisse a émis une réserve à ce sujet dans le sens où la condition de double incrimination doit être respectée pour toutes les mesures de contraintes, voir BREITENMOSER, Amts-und Rechtshilfe, p. 935 s. ; WYSS R., Strafrechtshilfe, p. 305.

273 PFENNINGER, p. 336 s. Le maintien du respect du principe de la double incrimination dans le cas où l’infraction est poursuivie par une autorité administrative a pour but d’éviter le contournement des règles de l’entraide judiciaire pénale par celles, plus souples, de l’entraide administrative.

274 Le Tribunal fédéral interprétait déjà de manière extensive l’article 1 al. 3 de la loi fédérale sur l’entraide internationale en matière pénale (EIMP ; RS 351.1) de manière à élargir le champ d’application aux autorités administratives. Voir ROTH/AMIRDIVANI, p. 254 et 257 ; PFENNINGER, p. 337.

275 PFENNINGER, p. 336 ss ; message du Conseil fédéral du 1er octobre 2004 relatif à l’approbation des accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union européenne, y compris les actes législatifs relatifs à la transposition des accords (accords bilatéraux II) (FF 2004 5593).

d’être examinés276. Cela étant, les éléments mentionnés n’ont que peu d’impact en pratique car le deuxième protocole additionnel à la CEEJ, les traités bilatéraux conclus entre la Suisse et les différents Etats membres de l’Union européenne ainsi que le droit interne suisse permettaient déjà une coopération de niveau égal.

163. L’extradition fait l’objet des articles 59 à 66 CAAS. Ces dispositions ont également pour but de compléter la CEExtr et les conventions européennes d’extradition de 1995 et 1996277. La principale modification en résultant en droit suisse porte sur la prescription de l’action pénale.

Aussi, aux termes de l’article 62 CAAS et contrairement à l’article 10 CEExtr, la prescription sera-t-elle déterminée par le droit de l’Etat requérant. Cela a pour conséquence que les autorités suisses ne pourront pas refuser d’extrader une personne en invoquant la prescription de l’action ou de la peine en droit suisse278.

164. Notons que le principe «ne bis in idem»279 est consacré par les articles 54 à 68 CAAS, que ce soit pour l’entraide judiciaire ou l’extradition280.

165. Il sied de relever que le système d’information de Schengen (SIS II)281 ne constitue pas, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, un instrument propre à améliorer la coopération policière dans le domaine des biens culturels.

166. Les objets figurant dans cette base de données sont classés en 5 catégories : les véhicules à contrôler et à saisir, les pièces d’identité, les armes à feu, les documents de voyage vierges ou attribués et les billets de banque. Elle ne contient donc aucune information spécifique sur les biens culturels. Il est intéressant de souligner qu’au temps où elle était présidente de l’Union européenne, la France avait fait une proposition visant l’intégration des biens culturels dans le système d’information Schengen II. INTERPOL s’y était alors opposé en invoquant que sa propre base de données remplissait déjà cette fonction et que l’introduction des biens culturels dans la base Schengen ne ferait que créer un doublon. Il a alors été proposé de former un

276 Il s’agit notamment des éléments relatifs à l’entraide en matière fiscale. Voir, MOREILLON, La coopération judiciaire, p. 470 s. ; PFENNINGER, p. 343 ss.

277 MOREILLON, La coopération judiciaire, p. 472 s. ; PFENNINGER, p. 339 s. Notons que la décision-cadre 2002/584/JAI du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen ne fait pas partie de l’acquis Schengen et la Suisse n’est pas conséquent pas liée par cet acte.

278 Pour plus de détails à ce sujet, voir MOREILLON, La coopération judiciaire, p. 489 ; PFENNINGER, p. 340 s. ; BREITENMOSER, Amts-und Rechtshilfe, p. 936 s.

279 CP-HARARI/LINIGER GROS, ad art. 3 CP N 23 et 32 ss. Voir aussi infra N 786.

280 MOREILLON, La coopération judiciaire, p. 511 ss ; PFENNINGER, p. 342 ss.

281 Pour l’application du SIS II en Suisse, voir l’article 16 de la Loi fédérale du 13 juin 2008 sur les systèmes d’information de police de la Confédération (LSIP ; RS 361) et l’ordonnance du 7 mai 2008 sur la partie nationale du système d’information Schengen (N-SIS) et le bureau SIRENE (ordonnance N-SIS ; RS 362.2).

groupe de travail ayant pour objectif d’améliorer la base de données INTERPOL en y intégrant les principales bases de données nationales (France, Italie, Espagne) recensant les biens culturels ayant fait l’objet d’une infraction. La phase pilote de ce projet fut un succès et l’intégration des bases nationales à celle d’INTERPOL devrait avoir lieu prochainement282. 167. La Suisse s’est également engagée à reprendre les règles portant sur l’échange d’informations

policières. Pour ce faire, elle a adopté la loi sur l’échange d’informations entre les autorités de poursuite pénale de la Confédération (art. 3 LEIS)283 et celles des autres Etats Schengen (LEIS)284. Les informations accessibles par la mise en œuvre de mesures de contrainte sont exclues du champ d’application de la loi (art. 2 al. 2 LEIS). La LEIS a pour but de simplifier et d’accélérer l’échange d’informations entre les autorités. Le texte de loi est divisé en deux sections. La première traite de la communication d’informations suite à une demande, en vue de prévenir ou de poursuivre des infractions, pour autant qu’une loi spéciale prévoit que ces données puissent être échangées (art. 1 al. 1 lit. a et 7 LEIS)285. Selon l’article 6 LEIS, les demandes d’informations doivent être traitées de la même manière, que la demande émane d’un Etat Schengen ou d’une autorité suisse. La seconde section porte sur l’échange spontané d’informations qui est obligatoire lorsqu’il fait référence aux infractions prévue par le mandat d’arrêt européen (art. 1 al. 1 lit. b LEIS)286, sous réserve des motifs prévus à l’article 12 LEIS.

Comme la décision relative au mandat d’arrêt européen ne lie pas la Suisse287, l’échange peut avoir lieu que s’il se rapporte à des infractions nationales correspondant à celles désignées par le mandat d’arrêt européen. Le trafic illicite de biens culturels, y compris d’antiquités et

282 Entretien du 21 juin 2010 avec M. Jean-Robert GISLER, coordinateur biens culturels, Fedpol.

283 Message du Conseil fédéral (FF 2008 8124, 8142).

284 Loi sur l’échange d’informations entre les autorités de poursuite pénale de la Confédération et celles des autres Etats Schengen du 12 juin 2009, entrée en vigueur le 1er janvier 2010 (LEIS ; RS 362.2). Cette loi constitue la mise en application suisse de la décision-cadre 2006/960/JAI relative à la simplification de l’échange d’informations et de renseignements entre les services répressifs des Etats membres de l’Union européenne adoptée par le Conseil de l’Union le 18 décembre 2006. Les objectifs d’amélioration de la coopération policière énoncés aux articles 39 à 46 CAAS n’ayant pas été atteints, il s’est en effet avéré nécessaire de les concrétiser par l’approbation de cette décision cadre. Voir le message du Conseil fédéral relatif à l’arrêté fédéral portant approbation et mise en œuvre de l’échange de notes entre la suisse et l’Union européenne sur la repose de la décision-cadre 2006/960/JAI relative à la simplification de l’échange d’informations entre les services répressifs (développement de l’acquis Schengen) du 19 novembre 2008 (FF 2008 8124).

285 Message du Conseil fédéral (FF 2008 8124, 8144). Voir aussi infra N 862.

286 Selon le mandat d’arrêt européen, la condition de double incrimination n’a pas besoin d’être examinée pour les infractions figurant dans la liste pour autant qu’elle soit réprimée dans l’Etat membre par une peine privative de liberté d’un maximum d’au moins trois ans. Voir PRADEL, p. 98 ; FLORE, p. 422 ss.

287 MOREILLON, La coopération judiciaire, p. 472.

d’œuvres, figure dans la liste d’infractions du mandat d’arrêt européen et correspond selon l’annexe 1 de la LEIS, aux articles 24 à 29 LTBC288.

168. L’entrée en vigueur l’accord Schengen en Suisse le 1er mars 2008 n’a pas eu de réel impact pratique dans le domaine de la coopération judiciaire internationale en matière pénale dans la lutte contre le trafic illicite de biens culturels. Les conventions européennes ainsi que les traités bilatéraux conclus entre la Suisse et les Etats membres de l’Union permettaient déjà une coopération avancée dans ce secteur de la criminalité.

169. Cela dit, le développement de l’acquis Schengen pourrait, dans un avenir plus ou moins proche, renforcer le système suisse de lutte contre le trafic illicite de biens culturels par le bais de la coopération judiciaire internationale en matière pénale. L’on pourrait par exemple imaginer que la Suisse renonce un jour à la condition de la double incrimination ou soit liée par le mandat d’arrêt européen, ce qui pourrait avoir un effet sur le trafic illicite de biens culturels.