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PREMIERE PARTIE : LES LIMITES DU DROIT INTERNATIONAL DANS L’APPREHENSION DU FAIT ENVIRONNEMENTAL TRANSNATIONAL TEL

QUE L’EROSION DE LA FAUNE TERRESTRE SAUVAGE

Le droit international est basé sur le dogme de la souveraineté. Le fait pour un État de s’obliger à l’égard de la communauté internationale à travers la coutume ou des normes conventionnelles implique, en fonction de la portée juridique de la norme, une limitation de cette souveraineté dans la mesure où la norme liera subséquemment l’État. En conséquence, le consentement de l’État est au cœur du régime des obligations internationales, dont la mise en œuvre dépendra entièrement de ce dernier.

Or, au stade même de l’élaboration de la norme environnementale internationale, le principe de souveraineté, protecteur de intérêts nationaux, va constituer un premier obstacle. Beaucoup d’auteurs à commencer par Fitzmaurice ont dénoncé l’inadéquation du système westphalien à la matière environnementale basée sur le primat de la souveraineté de l’État145 en matière environnementale qui explique également les

carences de la diplomatie traditionnelle dans ce domaine jusqu’au processus législatif lui- même qui de par sa lenteur permet à la situation environnementale de se dégrader davantage. En effet, les traités multilatéraux ne deviennent pas effectif jusqu’à ce que 2 à 12 ans se soient écoulés depuis l’accord forme146. Selon l’Institut des Nations Unies pour

la formation et la recherche (UNITAR), le rythme moyen d’entrée en vigueur est de 5 ans147. Selon Peter Sand la lenteur du processus actuel constitue l’un des deux défauts

majeurs du processus législatif actuel avec le fait qu’il soit basé sur le consensus (souveraineté de l’État oblige) ce qui signifie que le régime mis en place constituera le dénominateur commun le plus bas ou le compromis le plus extrême.

145 Malgosia FITZMAURICE, « Non-Compliance Procedures and the Law of Treaties », Non-Compliance

Procedures and Mechanisms and the Effectiveness of International Environmental Agreements, Tullio

TREVES, Laura PINESCHI, Attila TANZI, Cesare PITEA, Chiara RAGNI, Francesca ROMANIN JACUR, T.M.C. Asser Press, 2009 p. 457.

146 Peter H. SAND, « Lessons Learned in Global Environmental Governance », Boston College

Environmental Affairs Law Review, Vol.18, Issue 2, Article 2, 1991, p. 237.

52 Le deuxième obstacle se trouve dans la décentralisation de la mise en œuvre de la norme internationale. En effet, une fois adoptée, il appartient à chaque État de mettre en œuvre ladite norme sur son territoire sur la base de sa compétence territoriale normative. Ce système fonctionne tant que la matière, le secteur, l’activité ou le sujet objet de régulation est situé ou se déroule entièrement au sein des frontières d’un État. En effet, la compétence territoriale de l’État va permettre à ce dernier de prendre les mesures législatives nécessaires pour mettre en œuvre à l’échelle nationale la norme élaborée à l’échelle internationale. Ce système décentralisé de la mise en œuvre se heurte en revanche à un écueil s’agissant d’une problématique transnationale comme l’environnement, qui par nature ne peut relever du ressort d’un seul État. En effet, ce système de mise en œuvre cloisonnée vise à protéger des intérêts étatiques individuels alors même que ce qui caractérise la matière environnementale c’est qu’elle transcende les frontières et que les intérêts de l’État décideur ne sont donc pas seuls en cause. En conséquence, le principe de souveraineté sur lequel se base la compétence territoriale normative de l’État semble automatiquement limité dans la mesure où la matière objet de régulation dépasse le cadre de son territoire et va donc au-delà de sa compétence. Toute mesure ou absence de mesure d’un État donné est donc susceptible d’avoir des effets extraterritoriaux.

Or, l’État a tendance à agir à l’échelle internationale de la même manière qu’un individu en défendant ses intérêts individuels, l’atteinte potentielle aux intérêts de la communauté internationale ou d’États tiers entre rarement en ligne de compte. Dans la plupart des cas, l’intérêt général ne sera défendu que dans l’hypothèse où il épousera l’intérêt individuel. Selon Bilderbeek : « les Gouvernements utilisent le concept de

souveraineté nationale pour promouvoir leurs propres intérêts De nombreux exemples peuvent être cités où la souveraineté nationale a été avancée au nom de l’exploitation des ressources naturelles mais lorsque des efforts sont faits pour conserver ces ressources la souveraineté nationale est avancée pour les en empêcher »148. Ces intérêts nationaux étant

aussi variés que les États qui composent la communauté internationale, le régime d’obligations issu des négociations entre États sera le plus souvent un compromis entre ces divers intérêts dont le but sera de ne pas heurter la souveraineté de chacun.

148 Simone BILDERBEEK, Biodiversity and International Law, Netherlands National Committee for the

53 Le régime juridique actuel relatif à la protection de la faune terrestre n’échappe pas à ce phénomène en raison d’une interdépendance du monde du vivant transcendant les frontières. Basé sur un tel paradoxe, le régime actuel peine donc à concilier les impératifs écologiques qui sont ceux de la communauté internationale au sens large avec le principe de souveraineté permanente destiné à protéger les intérêts étatiques (Titre I). Le régime juridique actuel est donc marqué par sa fragmentation, conséquence d’instruments et de dispositions conventionnelles à la portée juridique limitée (Titre II).

55 TITRE I : LA DIFFICILE CONCILIATION DES IMPÉRATIFS DE PROTECTION DE LA FAUNE TERRESTRE AVEC LE PRINCIPE DE SOUVERAINETÉ PERMANENTE SUR LES RESSOURCES NATURELLES

Ce premier titre sera l’occasion d’exposer l’incohérence qui existe entre le principe de souveraineté permanente sur les ressources naturelles et la réalité écologique (Chapitre I)dans la mesure où la faune sauvage terrestre présente des propriétés naturelles différentes des ressources extractives auxquelles le principe de souveraineté permanente avait initialement vocation à s’appliquer. En conséquence, il conviendrait d’opérer une dichotomie au sein de la catégorie des ressources naturelles afin de distinguer entre ressources extractives soumises à la compétence de l’État sur le territoire duquel elles sont situées et les ressources biologiques comme la faune qui devraient être considérées comme des ressources globales partagées (Chapitre II).

CHAPITRE I : L’INCOHÉRENCE ENTRE LE PRINCIPE JURIDIQUE DE SOUVERAINETÉ

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