• Aucun résultat trouvé

La compétence normative de l’État en matière d’exploitation de la faune sauvage terrestre

CHAPITRE I : L’INCOHÉRENCE ENTRE LE PRINCIPE JURIDIQUE DE SOUVERAINETÉ PERMANENTE SUR LES RESSOURCES NATURELLES ET LES PROPRIÉTÉS

A. La compétence normative de l’État en matière d’exploitation de la faune sauvage terrestre

Les manifestations de la compétence normative des États en matière de contrôle de l’exploitation de la faune terrestre se sont matérialisées par la législation relative à l’industrie cynégétique afin d’éviter la surexploitation des espèces de gibier. En d’autres termes, peu d’espèces animales bénéficiaient donc d’une protection contre la surexploitation. Ce n’est qu’après la Conférence de Stockholm et la prise de conscience de la communauté internationale sur la valeur intrinsèque de la faune que des lois de protection de la faune d’application générale ont vu le jour. Les mesures qu’un État peut prendre en vue de la protection de la faune terrestre sont de trois ordres : la prohibition des atteintes à l’intégrité physique de l’animal à travers l’interdiction ou la limitation de l’abattage et de la capture, la protection de l’habitat où vivent les espèces (forêts, zones humides) et la création d’aires protégées d’où seront bannies certaines activités humaines de nature à perturber le cycle biologique ou d’avoir un impact sur l’habitat de la faune terrestre qui s’y trouve. S’agissant de ces dernières, elles peuvent être créées par l’État

64 soit par le biais d’une loi déclarant qu’une partie de territoire sera désormais protégée ce qui traduira par la prohibition de certaines activités humaines voir interdira la présence humaine dans le périmètre de l’aire désignée à travers son pouvoir de police. Le plus souvent il s’agira d’aires appartenant au domaine public.

Toutefois le pouvoir normatif de l’État même à l’échelle domestique n’est pas illimité et peut se heurter à certains droits fondamentaux notamment le droit de propriété lorsque des ressources naturelles, en l’occurrence ici des espèces animales, se trouvent sur la propriété privée d’un citoyen. Dans cette hypothèse, l’État peut-être amené à exproprier le propriétaire terrien moyennant indemnisation ou limiter son droit de propriété en échange d’une compensation. En Afrique du Sud et en Afrique australe en général se développe la pratique des concessions où l’État loue à des parties privées des zones riches en faune en leur imposant la protection des espèces qui s’y trouvent tout en leur permettant d’exploiter les fruits générés par ces mêmes espèces. De nombreuses concessions de safari photo et chasse appartenant initialement à l’État sont donc gérées par des intérêts privés qui se voient déléguer une mission de service public, celle de la gestion des espèces de faune présentes sur le territoire concédé.

L’État peut également décider d’accorder à une concession à des entités étrangères en échange de redevances ou de royalties donnant le droit à ces dernières d’exploiter les ressources animales présentes sur la concession à l’image des contrats bilatéraux d’exploitation de ressources extractives conclues entre un État et une entreprise étrangère ou l’État d’origine de ces dernières à travers un traité bilatéral. Cette formule n’est pas sans générer des abus. On peut ainsi citer l’exemple de l’Aire de Gibier Contrôlée de Loliondo adjacente au Parc Naturel du Serengeti en Tanzanie. Selon la législation tanzanienne, qui ne définit pas ce qu’est une aire de gibier contrôlée, il s’agit d’une zone où la faune sauvage bénéficie d’une protection partielle dans la mesure où elle peut être chassée après délivrance d’une autorisation par les autorités de l’aire contrôlée169. Qui

plus est, la présence humaine à l’intérieur de ces aires est autorisée à condition d’avoir sa résidence au sein de la zone. L’aire de Loliondo située entre le Serengeti et la frontière kényane bénéficie de ce statut et était habitée par des tribus masaï qui partageaient donc leur territoire avec les populations d’animaux sauvages.

65 En 1992, le Président Mwinyi accorda une concession à l’Orthello Business Company (OBC) incorporée aux Émirats Arabes Unis et détenue par un membre de la famille royale (Mohamed Abdul Rahim al Ali) pour une valeur de 1 million de dollars170.

Des concessions de chasse furent attribuées à OBC au sein de la zone pour que la famille royale puisse s’adonner à la chasse au gros gibier sans que les populations masaï résidentes soient consultées ce qui entraina de facto leur éviction171. Cette affaire de

spoliation de terres a eu un certain écho à l’échelle internationale et a donné lieu à un abondant contentieux devant les cours tanzaniennes. En 2013, le Premier ministre Mizengo Pinda en exercice a finalement reconnu les droits des masaïs sur ces terres172.

Parallèlement à l’éviction des populations locales, le retentissement donné à cette affaire est du aux abus commis par la compagnie émiratie qui a pu utilisé l’aire de conservation à sa guise en organisant de gigantesques parties de chasse regroupant des centaines de chasseurs accompagnés de véhicules, radios et hélicoptères où un nombre considérable d’espèces animales furent abattues ou capturées au mépris des conventions internationales et législation locale pour alimenter les jardins zoologiques et ménageries privées très courues aux Émirats173. Au cours d’une expédition du Roi Abdallah II

Jordanie, 60 spécimen furent tués ou blessés en l’espace de deux jours174. Cet exemple

permet d’illustrer les éventuels désavantages d’accorder des concessions à des intérêts privés pour lesquels les considérations environnementales ne constituent pas l’élément central de leur stratégie et où le pouvoir de police de l’État est susceptible d’être quelque peu entravé en raison de l’exclusivité d’exploitation accordée sur la base du contrat passé.

Outline

Documents relatifs