• Aucun résultat trouvé

PRÉSERVATIFS, PRÉVENTION COMPORTEMENTALE DU VIII/SIDA

Dans le document LISTE DES CARTES, GRAPHIQUES ET IMAGES (Page 148-152)

PRÉSERVATIFS, PRÉVENTION

Une prévention tardive

qui dépend de campagnes d'information Alors que l'Afrique est le foyer d'origine de l'épidé-mie, pendant longtemps, elle ne s'est pas sentieconce~­

née,àl'exception notable de l'Ouganda (v. VllI/Sida). A Kinshasa (RDC), elle était rebaptisée Syndrome Imaginaireà Décourager les Amoureux. On peut souli-gner le rôle des gouvernements : au Burkina Faso, en 1986, comme dans de nombreux autres pays africains, le pouvoir considérait que c'était une maladie inventée par les laboratoires pharmaceutiques occidentaux pour mieux ruiner le peuple africain - une forme de réaction contre le système néo-colonial-, tandis qu'au Kenya les autorités évoquaient une "campagne de haine" occidentale contre leur pays. Par ailleurs, les premières campagnes de sensi-bilisation européennes, les seulesàêtre disponibles sur les ondes africaines faute de production locale, mettaient l'accent sur les problèmes de la communauté homo-sexuelle.À ses débuts, l'épidémie était donc considérée, en Afrique, comme une maladie "d'hommes homosexuels blancs", ne pouvant pas toucher une population noire dont la plupart des sociétés refusaient, avec une virulence parfois extrême, l'idée même d'homosexualité pour ce qui les concernait. La maladie était alors toujours cel1e de l'autre. On refusait même, comme partout dans le monde, de la nommer: elle était "la chose", la "sale maladie". Au Burkina Faso toujours, la prise de conscience a été brutale, liée à la diffusion télévisée lors de la journée mondiale du Sida de 1991, d'une séquence d'une minute montrant un village tanzanien décimé, où ne vivaient plus que des vieillards s'occupant d'enfants et de bébés eux-mêmes mourants. L'épidémie est alors brusquement deve-nue aussi africaine (v. p. 256). El1e est aujourd'hui avant tout africaine (v. VllI/Sida) et nécessite des programmes d'intervention spécifiques conçus dans un esprit de lutte (v. Pietà).

La première nécessité des campagnes de prévention a donc été de trouver un support de diffusion de l'informa-tion efficace. La radio en milieu rural, la télévision en milieu urbain ont été les médias les plus efficaces, relayés par les campagnes d'affichage. La coopération culturelle

avec les anciennes puissances coloniales a permis la production de programmes ciblés destinésàdes téléspec-tateurs africains (en Afrique ou hors d'Afrique). La série de 7 téléfIlms à visée pédagogique traitant du VllI/Sidaà travers la vie quotidienneàAbidjan, tournée en 2001 en Côte-d'Ivoire par le réalisateur ivoirien Henri Duparc, intituléeMoussa le taximan, comprend 2 fIlms portant spécifiquement sur le préservatif:Ledragueur fataliste traite du thème de l'usage du préservatif dans le multipar-tenariat ;La jeune fille responsable,de la négociation du préservatif entre femme et homme; tandis que les 5 autres fIlms traitent des tests de dépistage, des fausses croyances sur la transmission du virus et des rapports entre médecine traditionnel1e et médecine occidentale. Ces téléfIlms sont diffusés sur le réseau télévisuel français en Afrique (Canal France International, TV5 et Canal Horizon), mais ils sont aussi disponibles en cassettes vidéo et destinés aux acteurs de la santé en Afrique. Depuis 2003, un autre support fait son apparition, avec un poids variable suivant les pays: les cybercampagnes sur Internet diffusées par le biais de sites dédiés de plus en plus nombreux et effica-ces. La cybercampagne abidjanaise chapeautée par l'UNFPA (Fonds des Nations unies pour la population) estàl'origine de la production de nouveaux lieux de lutte contre la maladie : les cybercafés. Lieux de rencontre privilégiés des jeunes urbains, ils sont devenus des lieux de sensibilisation, mais aussi de prévention Oes cybercen-tres abriteront des distributeurs automatiques de préserva-tifs), voire de soins.

La diffusion de l'information en matière de préven-tion dépend aussi, dans ces pays où le taux d'équipement des populations est inapteàporter des campagnes d'en-vergure, d'un travail de proximité auprès des populations et de visites de sensibilisation (chez les prostituées, dans les maternités, les bureaux, etc.). Les ONG locales ou internationales sontà même de conduire cetype d'inter-ventions. En Côte-d'Ivoire, dans le cadre du Programme national de lutte contre le Sida (pNLS), une association conduit le PPP ("prévention, protection des femmes libres et de leurs partenaires") pour sensibiliser les prosti-tuéesà l'usage du préservatif et effectue des distributions gratuites de préservatifs. Depuis 2003, l'organisation

internationale émanant de l'ONU, Hunger Project, qui, consciente des effets systémiques de l'épidémie (v. VIHlsida), conduit une campagne de prévention du VIHISida dans 6 pays africains (Sénégal, Bénin, Burkina Faso, Ghana, Malawi, Ouganda). Celle-ci prend la forme d'ateliers itinérants: les "Ateliers sur le Sida et l'inéga-lité des sexes". La bonne utilisation du préservatif est un des points travaillés dans ces ateliers où l'on a recours pour ce faire à des démonstrations menées par des hommes et des femmes.

Les campagnes de prévention, fondées sur l'usage du préservatif, se sont souvent heurtées au monde religieux qui tente d'instaurer l'ordre moral en moyen de préven-tion. Si les imams de la plupart des pays (avec des excep-tions dans le nord du Nigeria ou au Soudan, par exemple) ontfini par l'accepter, les autorités catholiques continuent de prêcher abstinence et fidélité conjugale et le refusent.

Le président du Conseil pontifical pour la famille décla-rait ainsi le 1erdécembre 2003 : "L'Église catholique a maintes fois critiqué les programmes de promotion des préservatifs comme étant des moyens totalement efficaces et suffisants dans la prévention du Sida", se faisait l'écho des évêques catholiques de l'Afrique du Sud, du Botswana et du Swaziland qui "considèrent la promotion diffuse et intempestive des préservatifs comme une arme immorale et malencontreuse dans notre lutte contre le VIHlSida pour les raisons suivantes : 1) l'usage des préservatifs va à l'encontre de la dignité humaine, 2) les préservatifs changent le bel acte d'amour en une recher-che égoïste du plaisir - tout en rejetant la responsabilité, 3) les préservatifs ne garantissent pas la protection contre le VIHlSida, 4) les préservatifs peuvent même être une des raisons principales de la diffusion du VIHlSida. En plus de la possibilité que les préservatifs soient défec-tueux et qu'ils soientmalutilisés, ils contribuent à nuire à la maîtrise de soi et au respect mutuel." Ainsi, au Botswana, le slogan anti-Sida officiel maintient d'abord une position morale en matière de prévention, qui se lit dans l'ordre énonciatif du discours: "se protéger c'est simple comme ABC: A comme Abstain (abstinence), B comme Be faithful (être fidèle) et enfin C comme Condomize (se protéger avec un préservatif)."

Un objet devenu banal mais dont l'accessibilité pour les populations dépend desÉtats Grâce aux campagnes de prévention et malgré l'op-position des autorités religieuses, le préservatif masculin est largement banalisé en Afrique, depuis le milieu des années quatre-vingt-dix. De grandes affiches publicitaires en prônent l'usage : "confiance d'accord, prudence d'abord", lance le slogan publicitaire ivoirien de la marque la plus répandue en Afrique de l'Ouest, la bien nommée Prudence. Mais la banalisation symbolique de l'objet ne réduit pas les problèmes liés à son accessibilité commerciale. En 2000, les besoins en préservatifs estimés par l'UNFPA pour la prévention de la maladie en Afrique, Amérique latine et Europe de l'Est atteignaient un total de 8 milliards. Àla même date, les donneurs - principale-ment USAID (l'Agence américaine de développeprincipale-ment) et UNFPA - en avaient fait distribuer 950 millions, dont 400 millions dans l'ensemble de l'Afrique subsaharienne.

L'intervention des États est donc requise pour assurer les conditions d'approvisionnement des populations et d'ac-cessibilité des préservatifs. Les besoins pour 2015 ont été estimés à 18,6 milliards.

Les récentes politiques en faveur du développement du préservatif féminin, Femidom, posent les données du problème en matière de lutte contre l'épidémie, c'est-à-dire celui de son accessibilité (financière et pratique) pour des populations pauvres. Produit d'une entreprise américaine (Femal Health Company) localisée à Chicago, l'établissement de son prix dépend des négo-ciations multilatérales entre les organisations internatio-nales (ONUSIDA ,et OMS) impliquées dans la lutte contre le virus, les Etats africains porteurs des politiques nationales de prévention, les agences internationales qui jouent le rôle de distributeurs relais des États et l'entre-prise monopolistique nord-américaine qui vise un marché rémunérateur. Ces négociations, qui s'effectuent dans un contexte d'urgence sanitaire spécifique, n'échap-pent donc pas à une logique de marché global et sont menées par l'entreprise américaine dans la perspective générale du développement du produit sur un marché réputé peu solvable. Dans les pays d'Afrique, l'accès des

populations aux préservatifs masculins ou féminins dépend essentiellement des États (v.). Ceux-ci les achè-tent par appel d'offres international auprès des entrepri-ses industrielles, parfois au moyen de prêts spécifiques de la Banque mondiale, et subventionnent leur prix de vente sur le marché national ou organisent leur distribu-tion dans le réseau public de santé. Les préservatifs arri-vent en vrac dans chaque pays (sans packaging ils sont moins chers), puis y sont conditionnés et dotés d'un nom de marque régionale. En 2000, les achats de préservatifs masculins des gouvernements de l'Afrique du Sud et du Botswana s'établissaient respectivement à 290 et 12 millions (de pièces). Le gouvernement sud-africain fait distribuer le préservatif gratuit de la marque Choice et intervient même sur son conditionnement afin de le rendre attrayant et d'améliorer sa distribution parmi les populations jeunes. En 2004, le gouvernement malgache a lancé un programme quadriennal de subventionnement des prix de vente des préservatifs, le Condom program-ming.Grâce au subventionnement étatique, les préserva-tifs sont le plus souvent vendus en dessous du prix ouà prix coûtant, le prix à l'achat pour le consommateur ayant été calculé selon les ressources du pays. Ainsi la commercialisation des préservatifs masculins a pu sortir des officines urbaines pour aller dans la rue où ils sont commercialisés à l'unité sur les marchés et dans les réseaux du secteur informel* - àtitre d'exemple le prix du préservatif masculin est de 100 FCFA (v.) les 4 en Côte-d'Ivoire et de 50 FCFA les 3 au Burkina Faso.

Le préservatif féminin : une nouvelle donne pour la prévention au féminin?

La tentative contemporaine de développement du préservatif féminin par les décideurs politiques soutenus par les associations de femmes, permet aussi de consi-dérer l'autre problème crucial en matière de lutte contre le VlH/Sida en Afrique, celle de l'utilisation du préser-vatif. Elle renvoieàla question des genres tels qu'ils se définissent dans les comportements sexuels età l'im-portance des statuts respectifs, en Afrique, des hommes

et des femmes dans la gestion de l'épidémie. Ces derniè-res sont en effet caractérisées par un pouvoir de négo-ciation de la relation sexuelle limité, un faible contrôle sur leur corps et une dépendance économique impor-tante, même si elle est en évolution (v. Nana-Benz).

Leur accès aux techniques de prévention de l'infection est par conséquent limité, alors même que, dans beau-coup de pays, la polygamie (légale ou non) les inclue dans un multipartenariat qu'elles ne sont pas en mesure de maîtriser, et que la prostitution est pour nombre d'en-tre elles le moyen de survivre (v. VIHlSida). Cet accès est limité alors même que les femmes constituent 58 % des malades en Afrique et qu'elles sont hautement susceptibles de transmettre le virus aux enfants qu'elles portent. Le Femidom (préservatif féminin), coûte plus cher (prix moyen de 1 200 FCFA, dans l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest) et il est techniquement plus diffi-cile d'utilisation que son équivalent masculin, il ne peut pas être utilisé par les femmesàl'insu de leur partenaire masculin, il convient par conséquent de relativiser sa portée. Il est néanmoins considéré comme une voie possible d'une prévention au féminin. L'association des femmes africaines contre le Sida, la SWAA, créée en 1988, qui estàl'origine d'actions de prévention menées dans 36 pays d'Afrique, a récemment lancé en direction des femmes africaines une campagne d'information sur le Femidom, et mené, auprès des États, des actions visantàobtenir son subventionnement.

Le préservatif féminin souligne l'importance des mesures d'éducation sexuelle et sanitaire des hommes et des femmes, ainsi que celle des mesures de sensibilisation des prostituées. Ces mesures constituent une part non négligeable des méthodes générales de prévention mises en place aussi bien par les États que par les ONG, qui pratiquent un travail de proximité. Les "ateliers sur le Sida et l'inégalité des sexes" conduits par le Hunger Project visent, comme l'indique leur intitulé, la sensibilisation des populations aux effets de la domination sexuelle.

Dans le document LISTE DES CARTES, GRAPHIQUES ET IMAGES (Page 148-152)