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MOUSTIQUES ET FIÈVRES

L'Afrique des clichés (v.) est aussi celle d'un conti-nent au taux de mortalité particulièrement élevé, attei-gnant 15,5%0 pour l'Afrique subsaharienne alors que la moyenne mondiale est à 9 %0 (Source : World Population Data Sheet, PRB Washington, 2003). Cette forte mortalité s'accompagne d'un état de santé souvent médiocre de l'ensemble de la population.

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faut rappe-ler que ces données démographiques sont révélatrices du niveau de développement des pays étudiés: ainsi, l'état de santé dépend des conditions de vie (accès à l'eau potable, gestion des eaux usées ...), des modes de vie et des comportements (alimentaires, sexuels ... ) mais aussi de la politique de santé puisque la qualité et l'accessibi-lité (physique comme fmancière) du système de soins jouent évidemment un rôle majeur dans l'état de santé d'une population.

Les pathologies dont souffrent les Africains sont de plusieurs types, mais il faut retenir que le continent est globalement en phase prétransitionnelle : la transition épidémiologique*, qui marque l'évolution des causes majoritaires de décès, avec le passage des maladies infec-tieuses et parasitaires à des maladies chroniques et/ou liées à l'âge (maladies cardio-vasculaires, maladies dégé-nératives comme les cancers...). Aujourd'hui, les maladies infectieuses (v. VIHfSida) et parasitaires forment la moitié de la charge morbide en Afrique.

Ces maladies sont variables. Certaines sont tropicales, mais beaucoup d'autres sont ubiquistes, c'est-à-dire exis-tant partout sur la planète. L'état de sous-développement africain les rend plus meurtrières, alors qu'on sait bien souvent les soigner ou les prévenir: la rougeole en est le meilleur exemple. La géographie de la santé en Afrique est donc très largement une géographie du développe-ment: le mauvais état sanitaire général du continent, les personnes touchées (femmes, enfants, jeunes par exem-pie), la répartition spatiale des affections pathogènes, les types de maladies eux-mêmes sont des révélateurs. Ainsi, les maladies endémiques (c'est-à-dire d'abord liées à l'en-vironnement physique et/ou humain), traduisent de

mauvaises conditions de vie. Elles comprennent notam-ment les maladies parasitaires dont beaucoup sont trans-mises par des moustiques. Le principal vecteur est l'ano-phèle, mais d'autres espèces de moustiques interviennent aussi dans la diffusion des maladies.

Aedes

L'aedes est un vecteur de maladie qui transmet le virus amaril, responsable de la fièvre jaune. L'Afrique compte 33 pays à risque totalisant 508 millions d'habitants, dans une zone s'étendant de 15° de latitude nord à 10° de lati-tude sud. Plusieurs formes de fièvre jaune existent mais la forme urbaine peut être extrêmement meurtrière. De vastes épidémies peuvent survenir lorsque des migrants introdui-sent le virus dans des régions à forte densité de population.

Les moustiques domestiques (appartenant à l'espèce Aedes aegypn) transportent le virus d'une personne à l'au-tre. Ces épidémies tendent à se propager en tache d'huile jusqu'à couvrir une région étendue.

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existe pourtant un vaccin efficace. Ainsi, entre 1939 et 1952, les cas de fièvre jaune avaient presque disparu en A-OF à la suite de campagnes intensives de vaccination.

De même, la Gambie a mis en place une vaccination de masse de routine après l'épidémie de 1979-1980 et a par la suite incorporé le vaccin antiamaril dans son programme de vaccination infantile. Dans ce pays, la couverture vaccinale était de 85%en 2000. Aucun cas n'a été rapporté depuis 1980, bien que le virus soit resté présent dans l'environnement.

Cependant, le taux de couverture vaccinale décroît avec les difficultés économiques croissantes rencontrées par les pays africains. En Afrique,ilexiste une très vaste population réceptive non vaccinée. Or, le nombre de moustiques s'accroît ainsi que leurs habitats. Les modifi-cations de l'environnement à l'échelle mondiale, comme la déforestation et l'urbanisation, ont intensifié les contacts avec les moustiques et donc avec le virus. En conséquence, les épidémies de fièvre jaune ont augmenté ces vingt dernières années et un nombre croissant de pays déclare des cas.

Anophèle

L'anophèle transmet les parasites à l'origine du paludisme, le plus meurtrier étant Plasmodium falcipa-rum.40%de la population mondiale est exposée à cette maladie et, chaque année, on dénombre au moins 300 millions de cas aigus, menant à plus d'un million de décès. 90%de ces décès surviennent en Afrique, prin-cipalement chez les jeunes enfants: un enfant subsaha-rien décède d'un accès palustre toutes les 30 secondes, et 20%de la mortalité des enfants de moins de 5 ans est due au paludisme. Il est responsable de 40%des dépen-ses de santé publique et d'environ la moitié des consul-tations médicales. Les femmes enceintes sont égale-ment particulièreégale-ment victimes de la maladie.

Le paludisme fait partie des maladies liées à l'envi-ronnement : il faut à P. falcïparum une température minimale de 18 oC toute l'année, ce qui limite son déve-loppement à la zone chaude et humide. Les larves d'anophèle se développent dans les petites étendues d'eau, par exemple dans les nids-de-poule de la voirie, dans les décharges où des mares d'eau stagnante se développent, voire dans un peu d'eau au fond d'une jarre ou d'un vieux pneu. Les mauvaises conditions de vie dans les villes africaines (v. Urbanités; Brazzaville) offrent ainsi de nombreux abris aux moustiques. Les anophèles femelles infectés par le parasite le transmet-tent à l'homme lors des piqOres. Le parasite se loge d'abord dans le foie, puis se répand dans le sang en atta-quant les globules rouges. La crise de paludisme est généralement caractérisée par une très forte fièvre, des maux de tête...

D'autres types d'espaces sont favorables au déve-loppement des anophèles : par exemple, à Brazzaville, l'espèce d'anophèle représentée, A. Gambiae ou

"moustique des champs", est un animal qui ne supporte que la propreté et la lumière. Il se développera donc plus en périphérie, dans les vallées maraîchères, les jardins des villas aisées et les hôtels des beaux quartiers [DORIER-A!'PRILL et al., 1998]. Les zones rurales, où les eaux polluées sont plus rares et où la densité de l'habi-tat est plus faible, restent donc plus infectées.

Le milieu offre certes des conditions nécessaires au développement du parasite, mais il ne faut pas pour autant le voir comme déterminant: ces conditions ne sont pas suffisantes au développement de la maladie, dans la mesure où le contact entre l'homme et le vecteur est également nécessaire. Les conditions de ce contact sont éminemment géographiques, puisqu'elles dépen-dent de l'organisation de l'espace et des pratiques spatiales. Ainsi, l'importance de l'urbanisation et de l'irrigation a des conséquences majeures sur l'ampleur de la maladie.

Il faut enfin prendre en compte la complexité des modalités de transmission et d'infection par le palu-disme. Par exemple, le système immunitaire humain est capable de résister au parasite s'il est suffisamment sollicité, c'est-à-dire si les piqOres sont suffisamment fréquentes et régulières, et que le patient ne décède pas.

Cette résistance peut donc se développer plus facile-ment en zone équatoriale. En zone tropicale, le palu-disme est saisonnier, fonction des précipitations : le stade de la résistance au parasite est plus difficile à atteindre. Quant au milieu sahélien, les conditions climatiques nécessaires n'y sont pas remplies tous les ans et la résistance ne peut se bâtir. Cette résistance dépend donc du climat, mais aussi de l'urbanisation et des modes de vie: on a vu que l'anophèle préférait les zones rurales. Les citadins sont donc moins fréquem-ment piqués et leur résistance s'amoindrit. Un tel système rend les changements de milieu plus difficile à interpréter: par exemple, la multiplication des aména-gements hydrauliques à des fins agricoles multiplie les plans d'eau, donc les anophèles, donc les piqOres, donc la résistance ... de ceux qui ne meurent pas.

Le paludisme, maladie de la pauvreté, est aussi une cause de la pauvreté: selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la croissance économique des pays de forte transmission a toujours été inférieure à celle des pays sans paludisme. Le paludisme coOte chaque année à l'Afrique 12 milliards de dollars et il réduit de 1,3% la croissance économique de certains pays subsaha-riens. Le paludisme affecte aussi directement les

ressources humaines en Afrique. Outre les vies perdues et la baisse de productivité due à la maladie et aux décès prématurés, le paludisme entrave la scolarité des enfants et le développement social en raison de l'absen-téisme et des atteintes neurologiques permanentes, conséquences des accès graves.

La lutte contre le paludisme en Afrique rencontre toute une série de problèmes, que l'on peut résumer en disant que les armes peu onéreuses et auparavant effi-caces n'ont plus d'effet. Ainsi, de plus en plus d'ano-phèles résistent aux insecticides classiques et les parasi-tes deviennent pharmaco-résistants : la quinine de synthèse (chloroquine) n'est plus efficace et d'autres molécules plus récentes voient elles aussi leur efficacité régresser. Les armes efficaces sont donc des médica-ments chers, que les patients ou les systèmes de santé de ces pays pauvres peuvent difficilement se procurer.

L'OMS tente de promouvoir l'usage de moustiquaires imprégnées d'insecticides: une vingtaine de pays afri-cains ont déjà abaissé ou supprimé les droits de douane sur ces produits.

Le paludisme pose donc, comme le VIHlSida (v. Trithérapie), la question de l'accès des pays pauvres à des médicaments sophistiqués et cofiteux, mais aussi du développement de nouveaux traitements pour des clients non solvables : un vaccin contre cette maladie n'est toujours pas opérationnel.

Dans le document LISTE DES CARTES, GRAPHIQUES ET IMAGES (Page 136-139)