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MUSÉES D'lllSfOIRE ET UNITÉ NATIONALE Il existe aujourd'hui un peu plus de 250 musées en

Dans le document LISTE DES CARTES, GRAPHIQUES ET IMAGES (Page 196-200)

investissements déjà réalisés dans la maison du township ou la difficulté à vendre à un bon prix l'ancienne maison, peuvent jouer. C'est par exemple le cas à Diepkloof et Kliptown, quartiers anciens faisant partie de Soweto.

Une ville post-apartheid

L'évolution des villes post-apartheid se caractérise d'abord par l'abolition de la ségrégation imposée par la loi ainsi que par l'abandon d'autres restrictions. Les conséquences de cette évolution sur l'espace des grandes villes sud-africaines sont les suivantes:

- L'application de la loi du marché, sans restriction de

"race", aux transactions immobilières. En conséquence, les Africains, les Indiens et les Coloureds ayant des reve-nus suffisants ont pu se porter acquéreurs de logements dans des quartiers de standing ou de classes moyennes, précédenunent réservés aux Blancs.

- La rapide évolution de certains quartiers péricen-traux: quartiers blancs (du fait du Group Areas Act, sévè-rement appliqué et donc de la structure effective de la population) il y a une quinzaine d'années, ils sont passés par une phase demixité"raciale" dans la seconde moitié des années vingt et au début des années quatre-vingt-dix. Ils sont aujourd'hui habités par une population majoritairement africaine. C'est notamment le cas des quartiers de Hillbrow et Yeoville [GUILLAUME, 2001].

- La croissance de quartiers informels africains, surtout en périphérie de l'agglomération.

- La construction massive de quartiers d'habitat social conune celui de Devland par les autorités. Ces quartiers accueillent les populations les plus pauvres, donc majori-tairement voire exclusivement africaines. En outre, pour limiter leur coat financier, ces quartiers sont construits à la périphérie des villes, à proximité des townships afri-cains existants.

- Des politiques de réhabilitation des townships exis-tants, comme Soweto et Alexandra, développant l'accès à la propriété et la mise en place de services.

Ces dynamiques sont complexes puisque certaines tendent à défaire la ville de l'apartheid, d'autres la font

perdurer: par exemple, la création de quartiers de classes moyennes "racialement" mixtes brise les logiques de l'apartheid, tandis que les quartiers d'habitat social ne remettent pas en cause, ou rarement, la géographie de la ségrégation raciale. Cependant, ce renforcement éventuel n'est plus le résultat d'une action politique volontariste sur l'espace, mais simplement la conséquence des prix du foncier sur les stratégies de l'acteur public: l'État cons-truit dans les parties de l'agglomération qui sont caracté-risées par un faible coat d'achat du terrain. Par ailleurs,les formes de la ségrégation évoluent: sur le plan spatial, des zones déségréguées apparaissent alors que d'autres, comme Hillbrow et Yeoville, sont restées racialement très ségréguées, même si leur population a radicalement changé: en 15 ans, ils ont évolué de quartiers à popula-tion très majoritairement blanche à quartiers très majori-tairement noirs. Il faut cependant rappeler qu'à l'échelle métropolitaine la géographie "raciale" et sociale de Johannesburg a peu changé : la carte dessinée par le Group Areas Act est toujours clairement visible et la corrélation entre "race" et revenu est forte: les plus pauv-res pauv-restent majoritairement Noirs et habitent toujours dans les townships ou dans des quartiers proches.

MUSÉES D'lllSfOIRE ET

UNITÉ

NATIONALE

indépendances, les musées d'Afrique tropicale sont consi-dérés par les gouvernements comme un des lieux devant favoriser l'émergence d'une conscience nationale (v. État). "Entrer au musée Boganda, c'est entrer en République centrafricaine", telle est la devise du conser-vateur du musée de Bangui ; pour les responsables du musée de Lomé, cette institution est "un miroir du pays [... l,le Togo en miniature", tandis qu'à Niamey le conser-vateur se propose de réaliser "une synthèse de la République du Niger sur quelques hectares de terrain".

Dans cette optique, de nombreux musées conçus à l'époque coloniale ont été réaménagés, lorsqu'ils n'ont pas été fermés, et les nouvelles expositions s'efforcent de présenter un panorama de l'histoire et des cultures natio-nales. Dans le parc du musée de Niamey, par exemple, un certain nombre d'habitats traditionnels ont été reconsti-tués suivant un même principe : sélection de l'habitat rural type de chaque groupe ethnique, édification par ceux-là même qui les construisent en brousse*, exposition de mobiliers, objets domestiques et instruments de travail à l'intérieur de chacune de ces cases ou tentes. Ainsi, chaque Nigérien est en mesure de prendre connaissance des modes de vies de ses compatriotes.

Le musée d'histoire est un des lieux privilégiés de diffusion de l'idée nationale[GAUGUE,1997]. En Afrique tropicale, les territoires étatiques, délimités à l'époque coloniale, sont le support préalable des nations à construire (v. Conférence de Berlin). Les expositions historiques abordant des périodes antérieuresàla formation du terri-toire national sont censées représenter l'ancienneté de la nation en mettant en évidence les liens historiques existant entre les peuples qui vivent aujourd'hui sur un même espace. Selon l'ancien président nigérian Babangida, "le Nigeria est davantage qu'une configuration géographique et politique ; c'est une civilisation vieille d'au moins 20 siècles", et, dans les musées du Nigeria, les pièces de Nok, d'Ife, d'Igbo Ukwu ou de Benin sont présentées comme un patrimoine commun à tous les citoyens du pays.

Inversement, certains épisodes qui ont vu ces mêmes peuples se faire la guerre ou opérer des razzias d'esclaves chez leurs voisins doivent être passés sous silence pour ne

pas nuire à l'unité recherchée. Alors que l'esclavage euro-péen et la traite atlantique sont souvent présentés (v. Gorée), les musées restent vagues sur le rôle des inter-médiaires africains ; quant aux traites arabes et intra-afri-caines, elles font l'objet d'une véritable censure. Par exemple, le musée de Fort Jesus à Mombasa (Kenya), traite du commerce dans l'océan Indien sans jamais mentionner la traite négrière. Dans le musée sont exposés les objets provenant des fouilles effectuées sur la côte kenyane : porcelaines chinoises, jarres siamoises, céra-miques perses, bijoux et armes arabes et vaisselle portu-gaise attestent l'ancienneté et la constance des relations entre l'Afrique orientale et d'autres régions du monde...

mais aucun document ni aucun panneau ne précise que les hommes étaient aussi une marchandise. En Afrique orien-tale, l'histoire de la traite n'est véritablement exposée qu'au musée privé de la mission catholique de Bagamoyo (fanzanie). Fondée en 1862, la mission de Bagamoyo se spécialise dès 1868 dans le rachat des esclaves; dans le petit musée, créé en 1963, les pères célèbrent l'action de leurs prédécesseurs. Dans la première partie de l'exposi-tion, cartes et panneaux offrent un aperçu général de l'es-clavage en Afrique de l'Est. Les documents présentés dans les salles suivantes témoignent de l'action des missionnaires en faveur des esclaves, comme les livres des rachats ou le portrait de la demière esclave du village:

capturée avec sa mère en 1890, elle est rachetée par la mission en 1922 où elle meurt en 1974. L'exposition s'achève sur le récit de l'abolition de l'esclavage à Zanzibar et en Afrique de l'Est germanique.

Les musées restent silencieux sur la suprématie, dans le passé, de tel ou tel groupe ethnique (v. Ethnie).

L'histoire des royaumes africains est généralement relé-guée dans les musées régionaux publics et surtout dans les musées privés créés par des associations villageoises ou des chefferies: à Foumban (Cameroun), capitale de l'an-cien royaume bamum, la culture et l'histoire de ce peuple sont représentées au Musée du palais, géré par la famille royale. Et si le musée national de Gorée fait commencer les "âges historiques" du pays avec les royaumes sénéga-lais, ne sont pris en compte que ceux dont les capitales se trouvaient sur le territoire du Sénégal, tandis qu'un texte

résume leur histoire sans mentionner les relations qu'ils entretenaient entre eux et construit, ce faisant, la légende de la "non-violence interne", c'est-à-dire dans les limites de l'actuel territoire étatique, une légende vitale pour la construction de la nation désirée.

Les expositions sur la période coloniale font une large part aux récits de la résistance contre la pénétration euro-péenne.EnAfrique de l'Ouest, les musées nationaux de Gorée, de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso) et de Banjul (Gambie) célèbrent les batailles d'El Hadj Omar Tall, de Samori, de Lat Dior, d'Amadou Cheikou Bâ contre les avancées européennes.À Gorée, une salle intitulée "les guerres de résistance contre l'hégémonie française"

présente des gravures qui rappellent la défaite de Lat Dior Diop en 1864, lors de la bataille de Loro, et le combat d'El Hadj Omar Tall au fort de Médine, qui pendant 60 jours essaya d'en expulser les garnisons françaises. Face à face, deux vitrines, l'une consacrée aux Africains, l'autre aux Français, abritent des documents sur les chefs (Lat Dior et Samba Ndiaye côté sénégalais et Faidherbe, Dodds et Gallieni côté français), les hommes (les guerriers wolof ou tukuloor face à l'infanterie de marine et aux spahis sénégalais) et les forts. Des textes retracent les hauts faits de dix résistants sénégalais, montrant ainsi que l'opposi-tion à l'hégémonie française est toujours vivace au xx" siècle, lorsque Lamine Senghor devient président de la Ligue de défense de la "race*" nègre ou que, dans les années quarante, Alinsinoé Diatta exhorte ses compatrio-tes de Casamance à refuser de payer l'impôt, à se dérober à l'enrôlement et à abandonner la culture de l'arachide pour retournerà celle du riz rouge traditionnel. Le choix de ces dix résistants permet de montrer que pratiquement toutes les régions du Sénégal actuel ont participé à la lutte contre les Français. Les mouvements qu'ils ont conduits sont présentés comme ayant eu pour unique motivation la résistance à l'avancée des troupes françaises, et les hommes et femmes cités deviennent ainsi "les héros d'une histoire nationale avant la lettre" [COQUERY-VIDROVlTCH, 1985]. Or, il s'agissait souvent "de mouve-ments plus étatiques et politiques que nationaux et popu-laires". À Bobo-Dioulasso, un des vêtements exposés est présenté comme étant celui d'unsofa(soldat) de Samori

ayant participé au siège de Sikasso en 1887-1888. Selon un historien burkinabé, il existe bien à Bobo une tenue sénoufo de l'époque de Samori, mais rien ne permet d'af-firmer qu'elle fut celle d'un sofa; "la science est une chose, ce qui plaît aux gens en est une autre", conclut-il.

En revanche, peu de musées s'étendent sur la coloni-sation elle-même: certains conservateurs refusent d'ex-poser cette période qu'ils considèrent comme une paren-thèse ne faisant pas partie de l'histoire de la nation, mais des États européens ou des associations d'expatriés ouvrent des musées sur l'historie coloniale. À Aného, ancienne capitale du Togo allemand, le musée a été financé et conçu par le gouvernement allemand. Inauguré en 1986, au cours des fêtes célébrant le centenaire des

"relations" germano-togolaises, il est situé dans une villa construite en 1884, dans l'enceinte de ce qui est aujourd'-hui la préfecture. L'exposition rappelle les bonnes rela-tions entre les Togolais et les Allemands. Ici,iln'est pas question de résistance et de guerre mais de traité d'amitié entre les deux partenaires. La reproduction du traité de Bagida du 5 juillet 1884, premier traité de protectorat signé au Togo; figure en bonne place, à côté des portraits de Nachtigal, signataire du traité, et de Jeso von Puttkamer, qui dirigea la colonie de 1891 à 1895. Les photos du Togo sous administration allemande mettent en scène les thèmes chers à la propagande coloniale: scola-risation, médecine pour tous, transports et aménagement du territoire, etc.

Une trentaine de musées abordent l'histoire depuis les indépendances.ils'agit avant tout de musées politiques:

leur propos n'est jamais de retracer toute l'histoire de cette période mais de mettre en scène l'homme politique, le parti ou l'événement qui a contribuéà la formation de la nation désirée. Le rôle de ces institutions est toutàla fois de créer et de conserver ce qui est jugé par le régime comme devant appartenir à la mémoire collective de la nation, y compris les lieux des événements célébrés, instaurés par leur reconversion muséographique en hauts lieux*.ÀMaputo, la capitale mozambicaine, deux musées mettent en scène la révolution menée par le Frelimo (Frente de Libertaçao de Moçambique), parti unique

jusqu'en 1990, tandis qu'à Brazzaville, le musée Marien Ngouabi célèbre sur un mode hagiographique la mémoire du président assassiné en 1977. Installé dans l'ancienne résidence du président, le musée permet au visiteur de pénétrer dans l'intimité de celui-ci, en découvrant la salle à manger, le salon, les chambres et le cabinet de travail dont les murs sont ornés de portraits photographiques de Ho ChiMinh,Mao Tsé-Toung, Lénine, ainsi que de ceux de ses proches.ÀArusha, en Tanzanie, le bâtiment où se déroula la réunion à l'issue de laquelle le parti unique, le Tanu, adopta en 1967 la déclaration-programme d'Arusha qui prônait une politique socialiste, abrite aujourd'hui le Musée de la déclaration d'Arusha, inauguré par le prési-dent Julius Nyerere le 5 février 1977, lors des cérémonies du dixième anniversaire de la déclaration. Les expositions sur l'histoire depuis les indépendances sont des lieux d'au-tolégitimation des pouvoirs en place et des instruments de propagande politique; l'histoire représentée n'est pas celle de la nation, mais de l'État.

Cependant, avec l'instauration du multipartisme depuis les années quatre-vingt-dix dans quelques États africains, des changements se font jour dans le récit de ces cinquante dernières années. Au Mali, Moussa Traoré, au pouvoir depuis 1968 est renversé en mars 1991, après plusieurs mois d'émeutes sanglantes. Quelques mois après, une exposition temporaire au musée national de Bamako, Le Pouls du pays, met en scène la dictature et la dette. Cette exposition politique est l'œuvre d'un peintre, Abdoulaye Konaté, qui, à travers des installations artis-tiques utilisant divers types de matériaux (tableaux, fac-sirnilés de squelettes humains, miroirs, pierres, etc.), dépeint l'Afrique d'aujourd'hui. L'une de ces installations représentait la fragilité des États africains : sur le sol, posés sur untasde sable, des œufs; au-dessus, une pierre suspendue à unfIlmenaçait à tout moment de tomber en réduisant ces œufs en omelette. Une autre utilisait les débris d'une voiture calcinée lors des émeutes de mars 1991 sur laquelle étaient collés les prerniers journaux d'opposition contre le régime de Moussa Traoré: Les Échos, la Rue, l'Auroreet, à proximité, une vidéo diffu-sait les images des émeutes de Bamako.

OASIS: LA FIN DU MODÈLE L'oasis a été pendant des siècles la base du maillage de l'espace saharien, occupé de façon sporadique au gré des ressources locales en eau. Le commerce transsaharien dynamisa les oasis, relais indispensables des routes cara-vanières jusqu'au déclassement de ces dernières à l'orée du

xxe

siècle. Concurrencées par l'essor des villes saha-riennes, elles connaissent aujourd'hui des mutations qui aboutissent tantôt à leur renouveau agricole tantôt à l'abandon des palmeraies et à leur dévitalisation [COTE, 2002;BISSON,2003].

L'existence d'îlots de verdure dans le désert repose sur la rnise en place d'un système hydraulique collectif, à l'origine du développement de la palmeraie et d'un noyau villageois, le ksar (pluriel ksour), composé d'habitations en terre argileuse ou toub. Les eaux (source, oued, nappe souterraine superficielle ou profonde) sont mobilisées avec ingéniosité par gravité ou par des procédés d'ex-haure traditionnels tels que les puits à balancier (chadouf), à traction animale, à poulie... Ces réalisations sont certes moins spectaculaires que le système ancestral de galerie drainante souterraine (foggara ou khettara au Maroc) qui donne, vu du ciel, un alignement régulier de puits s'éten-dant sur plusieurs kilomètres jusqu'aux terres culti vées de la palmeraie (ainsi dans les régions algériennes du Gourara, Touat et Tidikelt, dans le Fezzan libyen et le Kawar nigérien). La proximité de l'eau en profondeur conditionne l'épanouissement des oasis et éclaire leur localisation privilégiée dans des zones déprimées (vallée, fossé tectonique) qui crée parfois des formes de chapelets verdoyants, par exemple dans le Fezzan libyen, le Jerid tunisien, la vallée du Mzab ou du Gourara (Grand Erg occidental). La diffusion des motopompes dans les années soixante-dix/quatre-vingt a marqué une révolution en permettant de s'affranchir de ces contraintes topogra-phiques : les nouveaux champs s'étendent en périphérie de la palmeraie, à distance des fonds de vallée et des cuvettes (les sebkha).

Dès l'Antiquité, les oasis ont été décrites en termes de paradis par les voyageurs, émerveillés par le paysage

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