• Aucun résultat trouvé

DEVELOPMENT COMMUNITY - SADC L'Afrique est un continentoù le découpage étatique a

Dans le document LISTE DES CARTES, GRAPHIQUES ET IMAGES (Page 110-118)

tions et 63%des importations de l'organisation. TI accueille la plus grande place financière du continent et concentre les plus importantes entreprises, qui investissent massivement les autres pays de laSADCdans les mines, l'industrie, la distribution, etc. 11 est le premier fournisseur de tous les États de la communauté, à l'exception de l'Angola [Cureau in FOUCHER et DARBON, 2001].

Les polarisations régionales

Dans ces conditions, la question se pose de savoir si la dynamique d'intégration entre le géant sud-africain et ses voisins peut profiter à l'ensemble de la région ou si, au contraire, 1« rapprochement économique et politique va consolider la place de Pretoria au détriment des autres capitales. De fait, le gouvernement de Pretoria joue un jeu ambigu, cherchant à privilégier ses relations avec les pays de laSADCsans freiner ses propres intérêts inter-nes et extra-régionaux.

D'un point de vue politique, l'arrivée au pouvoir en 1994 de l'ANC (African National Congress) et l'élection de Nelson Mandela (v.) ont permis à l'Afrique du Sud de prendre une place centrale dans les orientations du conti-nent tout entier. L'élection de Thabo Mbeki en 1999 et sa réélection en 2004 n'ont pas fragilisé cette position. Au contraire, elles ont permis de renforcer le message démo-cratique du pays face à des partenaires africains souvent moins soucieux de légitimité populaire.

Sur le versant économique, l'initiative du NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement en Afrique) proposée par le Nigeria, l'Algérie et l'Afrique du Sud (rejoints par le Sénégal) est un projet qui vise à réintégrer l'Afrique dans l'économie mondiale. Le gouvernement de Thabo Mbeki a joué un rôle prépondérant dans la défini-tion de ce projet, en associadéfini-tion avec le Nigeria.

D'orientation libérale, le NEPAD viseàcréer les condi-tions institutionnelles favorables à l'initiative économique privée etàl'investissement international. Dans la termi-nologie des leaders politiques sud-africains, le NEPAD s'inscrit dans une "renaissance africaine" associant projet démocratique et économie libérale. Selon eux en effet, la

renaissance doit se faire à l'échelle continentale, à la fois dans une intégration entre les pays et dans un renforce-ment de l'autonomie vis-à-vis des autres continents.

Pourtant, malgré cette prétention continentale, la "renais-sance africaine" profite principalement... à l'Afrique du Sud, celle-ci présentant sur la question démocratique et sur la compétitivité économique un avantage comparatif évident sur ses partenaires de la SADC, et plus largement sur les autres pays du continent [CROUZEL, 2002].

Certains pays de laSADCne voient pas d'un bon œil ces initiatives économiquement et politiquement libérales.

Les réticences de Robert Mugabe, président du Zimbabwe depuis son indépendance en 1980, illustrent la méfiance que peuvent inspirer les manœuvres sud-africai-nes. Le Zimbabwe était au temps de l'apartheid sud-afri-cain le pays le plus industrialisé des États de la ligne du front. Laréintégration de l'Afrique du Sud a eu un effet dévastateur sur son économie, mais également sur la stature internationale de Mugabe qui s'enorgueillit d'être le chef de fIle de l'opposition régionale au régime raciste*

de Pretoria. La démocratisation réussie de l'Afrique du Sud a privé le président zimbabwéen d'une légitimité politique régionale capitalisée durant la décennie quatre-vingt. Alors que la démocratie s'ancre dans le système politique sud-africain, le président zimbabwéen est engagé dans une répression violente des mouvements d'opposition dans son pays, poursuivant une politique autocratique déjà amorcée dans les années quatre-vingt.

Ces divergences éclairent également la position qu'ont prise les deux États vis-à-vis de la guerre en RDC (elle-même membre de la SADC). Alors que l'Afrique du Sud se plaçait en médiateur du conflit, le Zimbabwe intervenait militairement dans le pays aux côtés du gouvernement de Kabila, suivant en cela l'action de l'Angola. La crise congolaise est ainsi un élément qui touche directement la SADC et divise ses membres, alors même que l'organisa-tion régionale avait pour but de pacifier la région après la période de conflits répétés et de longue durée qu'a connu la région [SINDJOUN et VENNESSON, 2000].

Laquestion des ressources minières est bien évidem-ment au centre des stratégies étatiques dans la région. Les

interventions des gouvernements étrangers en RDC sont principalement dictées par des considérations économiques liées au partage de la rente minière du pays. Si l'Afrique du Sud a adopté une position plus impartiale sur ce sujet, c'est sans doute que son gouvernement est moins corrompu que celui du Zimbabwe ou de l'Angola, mais c'est aussi qu'elle sait avoir les moyens d'assurer une présence industrielle dans des situations plus normalisées, en particulier avec la position dominante qu'occupent ses compagnies(DeBeers contrôle 65 % du commerce de diamants, dont 30 % des réserves mondiales sont situées en RDC ; les compagnies sud-africaines dominent le secteur aurifère dans lequel la RDC est le deuxième producteur du continent).

De fait, si la nécessité d'une coopération s'est égale-ment imposée dans le domaine minier, elle semble surtout profiter à l'Afrique du Sud. L'Afrique australe est une zone particulièrement riche en ce domaine (v. Copperbelt ; Johannesburg/Soweto). Elle abrite par exemple 89 % des ressources mondiales en platine, 83 % du manganèse, 51% de l'or et 37%du diamant. Les mines représentent 60% des revenus du commerce extérieur de la SADe. Répartis sur le socle précambrien à l'intérieur du continent, ces minerais sont acheminés vers les ports des façades océa-niques. En ce sens, les réseaux de transports comme la gestion des ports intéressent tous les pays de la région.

Mais, là encore, l'Afrique du Sud exerce une influence disproportionnée par rapport à ses voisins. Richard's Bay, non loin de Durban, avec un trafic de 91 millions de tonnes métriques en 2001, est de loin le premier port du continent, maisilse trouve relativement loin des centres miniers. Dar es-Salaam (ranzanie), le troisième port d'Afrique australe (après Le Cap, lui aussi très loin des centres miniers), ne fait transiter que quatre millions de tonnes par an. Les ports angolais, et notamment celui de Luanda, pourraient, avec la findes conflits dans ce pays, accueillir les productions du Shaba et du Copperbelt. Mais c'est le port de Maputo (Mozambique) qui a pour l'instant profité des principaux investissements de la région. TI faut dire que celui-ci est le port le plus proche du Gauteng, principale zone minière et industrielle d'Afrique du Sud, produisant plus du tiers du

pm

du pays. Les investissements effectués sur le port de Maputo font partie d'un programme plus large, le "Corridor

de Maputo", qui associe le développement portuaire et l'aménagement routier entre le Gauteng et la capitale mozambicaine, dans le but principal d'offrir un débouché aux matières premières (et aux touristes!)de Johannesburg.

Dans des logiques similaires, la question de l'eau est aussi polarisée en fonction des besoins sud-africains.

Alors que la SADC a voté dès 1995 un protocole sur le partage des cours d'eau, les intérêts immédiats de Pretoria priment sur une gestion régionale sur le long terme. Les gouvernements de Pretoria et de Maseru (Lesotho) ont ainsi signé le Lesotho Highlands Water Project qui prévoit le transfert d'eau depuis le Lesotho jusqu'à la région du Gauteng [BLANCHON, 2001].

On voit ainsi se dessiner une intégration régionale largement tournée vers les besoins immédiats de l'Afrique du Sud. Une première couronne de pays est directement touchée par les politiques d'aménagement et de dévelop-pement de l'Union sud-africaine (Lesotho, Sud du Mozambique, investissements miniers en Namibie et au Botswana). Un second cercle a une importance moins stratégique pour l'Afrique du Sud, mais peut présenter des opportunités ciblées - Nord du Mozambique où se trouve le barrage de Cahora Bassa (v. Grand barrage) dont l'élec-tricité est destinée à l'Afrique du Sud, mines en RDC et en Zambie, industrie zimbabwéenne dont l'évolution dépendra de l'avenir politique du président Mugabe.

Enfm un troisième groupe de pays se dessine où l'in-fluence sud-africaine est moins forte mais où les échanges commerciaux restent polarisés par Pretoria, parfois comme relais vers d'autres régions du monde (ranzanie, Angola, Seychelles, Maurice) [GERVAIs-LAMBONY, 2002].

Nouvelles territorialités?

Mais au-delà de ces données géo-économiques, la consolidation d'une entité régionale se fera très probable-ment à travers des dynamiques que ne contrôleront pas entiè-rement ni les États ni les grands groupes industriels.

L'ensemble de l'Afrique australe est en effet traversé par des mouvements de population très importants. Ceci était déjà vraisous le régime d'apartheid, où la main-d'œuvre

étran-gère originaire de l'ensemble des pays de la région était utili-séedansles mines. Le mouvement s'est ralenti depuis 1994, avec les pertes d'emploi du secteur minier et les politiques en faveur de l'emploi national. Néanmoins, les flux d'immi-gration n'ont pas été stoppés. D'une part, l'immid'immi-gration illé-gale reste importante : on estime que de 2 à 4 millions d'étrangers sont présents illégalement sur le territoire sud-africain. Mais, surtout, cette immigration s'est diversifiée et touche désormais des populations plus favorisées qui cher-chent de meilleurssalairesà l'étranger. Parallèlement, d'au-tresmouvements de population sont actuellement visibles dans la région, qu'il s'agisse des Blancs zimbabwéens expulsés de leurs terres et trouvant refuge au Mozambique ou en Zambie, ou des réfugiés de la RDC ou de l'Angola accueillis en Zambie, ou encore des réseaux informels* de commerce qui transgressent les frontières étatiques. Ces déplacements se font le plus souvent dans la douleur, mais ils forgent néanmoins de nouvelles identités.Onpeut imagi-ner que ces identités en formation puissent avoir à terme une influence sur les politiques de la SADe.Laconsolidation d'une identité territoriale régionale pourrait en effet inciter les acteurs politiques à approfondir et à diversifier leurs actions à l'échelle du sous-continent austral.

D'ores et déjà, la SADC occupe une place importante dans la constitution progressive de politiques publiques coordonnées à l'échelle régionale. Sur des domaines variés - amélioration de l'élevage, gestion de l'eau, éducation, lutte contre le Sida (v. VllI/Sida ; Préservatifs), etc. -, la SADC favorise la création de secteurs d'activité régionaux, avec 400 programmes d'action totalisant 6 milliards de dollars en 2001. Les objectifs sont princi-palement de coordonner les politiques publiques dans la communauté d'États, en renforçant notamment l'harmo-nisation des structures législatives et administratives. On en est encore loin, mais la coopération transnationale des acteurs de ces secteurs d'activité consolide déjà des réseaux sociaux à l'échelle régionale.

On peut imaginer que si la démocratisation des États de la SADe se confirme et si, à plus long terme, le projet de zone de libre échange voit le jour, ils renforceront des

~ques-sGGiaIBS-l.'égieIlflles-tléjà-bienentamées.

WORLD WIDE FUND FOR

NATURE-WWF

Le Fonds mondial pour la nature (plus connu sous son acronyme anglais: WWF, ou WorIdWide Fund for Nature) est la plus grosse organisation non gouvernementale d'en-vironnement au monde. Avec un budget de 340 millions de dollars, principalement financé par des dons privés (environ cinq millions de donateurs par an), l'ONG inter-vient dans 96 pays, sur des actions de terrain principale-ment destinées à la conservation des milieux naturels.

L'histoire du WWF est étroitement liée au continent africain. Créé en Suisse en 1961, le WWF a toujours été présent en Afrique. En 1999, l'organisation a dépensé 23 millions de dollars pour ses actions sur l'ensemble du continent, où elle est présente à travers cinq programmes régionaux (Afrique de l'Ouest, Afrique centrale, Afrique australe, Afrique de l'Est et ouest de l'océan Indien).

Deux ONG nationales africaines sont par ailleurs ratta-chées à la structure internationale : le WWF-Afrique du Sud et la Nigerian Conservation Foundation.

Ces différentes structures permettent au WWF d'être l'un des acteurs principaux de la protection de la nature en Afrique. Dans un contexte où la majorité des États (v.) du continent ont peu de moyens, le rôle du WWF est central dans la mise en place des actions de conservation de la nature.La structure peut être à la fois bailleur de fonds, conseiller technique et acteur de terrain. Ceci permet à l'ONG de présenter une double facette. D'une part, elle a acquis une compétence de gestionnaire des espaces naturels protégés tels que les réserves et les parcs nationaux (v.) et des espèces sauvages (le plus souvent des grands mammi-fères). D'autre part, la dimension mondiale de la structure, avec ses bureaux régionaux, ses organisations nationales et sa structure internationale de tutelle, lui permet d'être au cœur des politiques globalisées de conservation.

On pourrait penser que la double étiquette de spécia-liste de la gestion locale et d'acteur mondial permet au WWF d'articuler efficacement les politiques du local jusqu'au global et de coordonner entre eux le travail des acteurs à différentes échelles. L'ONG aurait en particulier

une marge de manœuvre transcalaire beaucoup plus importante que les États. Cette thèse du lien entre le local et le global est a priori intéressante. Elle répondrait en particulier aux nouvelles formes de fonctionnement démocratique (rassemblées dans le vocable "gouver-nance*") qui exigent que l'on déborde par le haut et par le bas l'action classique de l'État centré sur son territoire national et que l'on multiplie les types d'acteurs et leurs modalités d'intervention. Selon cette approche, les ONG, par nature non politiques et non lucratives, pourraient jouer un rôle de facilitateur entre les différents acteurs aux échelles inaccessibles pour l'État [BECK, 2003]. Dans le cas du WWF, sa dimension internationale associée à ses actions concrètes sur le terrain permettraient de faire se rejoindre les attentes des communautés locales et les objectifs politiques mondiaux autour de la question de la conservation de la nature [PRINCEN et FINGER, 1994].

Le WWF, héritier des chasses coloniales Le WWF est l'héritier direct des sociétés de protec-tion de la nature apparues dès la fin du XIX"siècle en Afrique, principalement dans les colonies britanniques.

Ces structures, parmi lesquelles la Society for the Preservation of the Fauna of the Empire (SPFE), rassem-blaient une élite économique et politique partageant un intérêt commun pour la chasse et une idéologie commune de supériorité des pratiques occidentales dans la gestion des milieux naturels. Elles ont largement contribuéà la création des premières réserves de chasse au début du xxe siècle puis à la mise en place des parcs nationaux (v.) àpartir des années quarante, qui ont permis aux Blancs de s'approprier l'usage des espaces naturels et de la faune sauvage en Afrique. Le WWF est influencé par ces orien-tations coloniales. Il garde en particulier un intérêt spéci-fique pour les grands mammifères et les pratiques cyné-gétiques qui leur sont associées. Au Zimbabwe par exemple, haut lieu de la chasse sportive en Afrique, l'ONG n'a jamais, depuis ses premières interventions dans le pays en 1964, financé d'autres programmes que ceux conçus en faveur de la protection de la faune.Àlui

seul, le rhinocéros noir a justifié sept projets totalisant plus de 2,1 millions de dollars. Mais le WWF se distin-gue néanmoins de ses prédécesseurs par ses modes d'ac-tion. La création du WWF en 1961 est intervenue en effet au moment où de nombreux pays africains accédaient à l'indépendance. À cette période, le discours contre les pratiques "sauvages" des Africains dans la gestion de la nature (v. Arbre) est remplacé par un discours plus utili-tariste basé sur l'intérêt économique de la protection de la nature, c'est-à-dire principalement des activités de tourisme. Dans ce contexte, le WWF a cherché à promouvoir la dimension économique de la faune, afin de convaincre les dirigeants africains de la nécessité de poursuivre les politiques de conservation de la période coloniale. La manœuvre s'avéra efficace, car la quasi-intégralité des nouveaux gouvernements s'engagea dans cette direction, en augmentant en particulier le nombre de parcs nationaux dans leurs pays. Ces dernières décennies, les politiques de l'ONG se sont plus largement ouvertes aux questions sociales, essayant notamment d'intégrer les populations locales dans les mesures de conservation de la nature (v. Parc national). Mais la focalisation sur l'économie est restée. Elle est toujours vue comme le principal facteur susceptible de mobiliser les habitants et les décideurs en faveur de la nature. Cette exigence économique suppose de construire des programmes sur des espèces ou des milieux spécifiques capables de géné-rer des revenus. Par exemple, le programme du WWF dans l'écorégion marine d'Afrique de l'Ouest, qui vise à protéger une des zones côtière les plus riches au monde en ressources halieutiques, est principalement orientée vers la pêche. Il associe un renforcement des mesures de conservation classiques (développement des aires proté-gées côtières et protection des tortues marines) et des mesures d'aide en faveur de la pêche (orientation de la pêche artisanale vers des pratiques plus écologiques et interventions dans les traités de pêche internationaux pour plus d'équité).

Mais l'objectif des fondateurs du WWF était égale-ment de créer une structure financièreégale-ment autonome, basée sur les dons privés, afin d'être capable d'intervenir de manière directe sur le terrain, pour la gestion des

milieux naturels ou la protection d'espèces menacées.fia dans cet objectif consolidé ses liens avec les milieux d'af-faire et l'aristocratie européenne.Leprince Bernhart des Pays-Bas fut président du WWF de 1961 à 1976.fifut remplacé par un ancien PDG de la compagnie pétrolière Shell, John H. Loudon. Le prince Philip, duc d'Édim-bourg, occupa ce poste trèsmédiatique de 1981 à 1996.

Dans ce contexte, l'Afrique est surtout une zone réceptacle pour les programmes menés par le WWF. On y gère des espaces réglementés et on y protège des espèces menacées, mais les instances dirigeantes et les donateurs sont ailleurs.

fiexiste néanmoins une exception, l'Afrique du Sud, qui a joué un rôle central dans l'histoire du WWF, en fournissant quelques-unes des dirigeants les plus influents de l'ONG.

Anton Rupert, ami du prince Bernhart, propriétaire de la compagnie de cigarettes Rothmans et deuxième fortune d'Afrique du Sud, a été membre du comité exécutif du WWF international de 1968 à 1990.

Cet homme d'affaires est à l'origine du Club des 1 001, fondé à la fin des années soixante et qui allait s'avérer crucial pour le développement de l'ONG.fis'agissait de trouver 1 001 donateurs susceptibles de payer chacun 10 000 livres britanniques au WWF. Cette opération fut un succès: elle permit à l'organisation de se développer et elle consolida les liens entre rONG et les milieux d'af-faires anglo-saxon et sud-africain. Anton Rupert allait par ailleurs fournir à l'ONG un des cadres de Rothmans, Charles de Haes, qui devint directeur général du WWF international en 1975 et resta en poste jusqu'au milieu des années quatre-vingt-dix. Le WWF a ainsi entretenu des relations privilégiées avec les Blancs sud-africains, dans le milieu des affaires mais également dans la sphère politique du régime d'apartheid*.

Parallèlement, l'Afrique du Sud a occupé une place particulière dans les trafics d'ivoire et de corne de rhino-céros qui se sont développés dans les années quatre-vingt, à l'occasion des conflits du Mozambique, de la Namibie et de l'Angola.ELLIS[1992] démontre que le WWF était au courant de ces trafics mais que la politique officielle de l'ONG a été de ne rien dire.

Le WWF et la théorie du lien multiscalaire Le WWF a été longtemps réticent à interdire le commerce international de l'ivoire.LaConvention sur le commerce international des espèces de faune et de flore menacées d'extinction (CITES) est une structure intergou-vernementale destinée à réguler ou interdire la vente et l'achat d'espèces sauvages sur le marché international.Le WWF n'intervient pas directement dans cette convention gouvernementale, maisila un statut d'expert et intervient directement dans la gestion du secrétariat de la convention.

Face à une diminution alarmante du nombre d'élé-phants (v.)dansles années quatre-vingt, la CITES décida en 1989 d'interdire le commerce d'ivoire. Cette décision faisait suite à une campagne menée par des ONG nord-américai-nes contre l'utilisation des défenses d'éléphant.LeWWF défendait une position moins radicale proposant de contrô-ler le commerce international sans l'interdire. Mais face à l'ampleur du mouvement nord-américain, le WWF dut faire volte-face et repritàson compte la politique d'interdiction du commerce d'ivoire. Plus exactement, cette décision fut prise par le WWF-USA, contre l'avis initial de la structure internationale et notamment de ses membres sud-africains.

Depuis lors, la CITES a réintroduit un commerce limité de l'ivoire:ilconcerne uniquement des stocks ponctuels qui partent de pays d'Afrique australe vers des destinations ciblées (Japon notamment). Dans ce contexte, le WWF a adopté une position officielle, plus neutre qu'auparavant, de structure technique d'appuiàlaCITES, mais conserve un discourstrèsorienté sur les intérêts qu'offre le commerce pour la protection des ressources naturelles.

LeWWF se trouve ainsi pris dans des contradictions internes de deux ordres. D'une part, elle défend une posi-tion en faveur du commerce sans réussir à prouver que celui-ci soit efficace en termes de conservation. Au niveau international, les revenus de la conservation (tourisme des parcs et safaris) ne réussissent pas à limiter le braconnage industriel et les réseaux internationaux de vente de l'ivoire. Au niveau local, la focalisation sur la grande faune ne permet pas que l'ensemble des communautés locales profite de la conservation. Les réseaux écono-miques de valorisation de la faune peuvent être très

renta-bles, mais ils nécessitent des structures internationales très lourdes qui restent contrôlées par des entreprises privées.

En 1988, dans la réserve de Maasaï Mara au Kenya, sur 26 millions de dollars de revenus générés par le tourisme, seuls 10 % revenait à l'administration locale, 5 % à l'État kenyan et 1%aux Maasaï, le reste étant conservé par les agences de voyages et les tour-opérateurs.

D'autre part, le WWF est pris en tenaille entre ses propres orientations historiques et les exigences du public occidental où sont ses principaux bailleurs de fonds. Alors que les responsables du WWF sont proches des milieux cynégétiques et restent convaincus des possibilités de gestion de la nature à travers la valorisation économique de la chasse, l'exemple de l'ivoire montre que le public occidental peut être plus sensible à une interdiction pure et simple du commerce issu de la chasse.

La thèse d'un lien entre le local et le global qu'assu-reraient les ONG ne correspond ainsi pas au positionne-ment du WWF. Au contraire, l'ONG n'a pas été capable d'établir une articulation cohérente entre les attentes des particuliers occidentaux et les exigences des responsables, notamment sud-africains. La théorie de l'articulation multiscalaire ne permet pas d'apprécier l'action politique des grandes ONG d'environnement [CHARTIER, 2002].

L'analyse de ces ONG transnationales en termes d'insti-tutions facilitatrices entre les différents acteurs minimise les enjeux politiques qui les affectent et occulte leur dimension territoriale. Celles-ci ne sont pas de simples

courroies de transmission du local au global, réseaux fonctionnels sans attache spatiale, mais sont constituées au contraire d'une histoire qui les relie à des lieux définis et sont dirigées par des cadres qui y interviennent en fonc-tion d'enjeux et d'intérêts spécifiques. Les réseaux des ONG sont certes puissants en termes matériels et finan-ciers, peuvent toucher l'ensemble du monde et peuvent être utilisés comme outil de pression, mais l'ancrage régional ou national de ces ONG, leur institutionnalisa-tion à ces niveaux, les différences géographiques entre leurs modes de fmancement et leurs modes d'action sont déterminants dans la réussite ou non de leurs politiques.

L'exemple du WWF montre que le dépassement de l'État-nation comme base territoriale dans les actions politiques ne signifie pas sa déconnexion complète de toute localisation (v. Mondialisations). La "globalisation"

des politiques d'environnement qui touche l'Afrique et dont les ONG sont un des vecteurs privilégiés n'est pas un phénomène spatial réparti de manière homogène sur l' en-semble de la planète. Elle est au contraire composée de stratégies politiques diverses dans lesquelles la localisa-tion et l'espace (espace des projets et/ou espace référent des acteurs) ont une importance fondamentale. Si les ONG n'ont pas le rôle de rassembleurs et de coordinateurs entre le local et le global qu'on peut parfois leur prêter, elles construisent néanmoins de nouvelles formes d'ac-tions qui multiplient les échelles politiques. Elles méritent en ce sens toute l'attention des géographes.

"OBJETS"

Dans le document LISTE DES CARTES, GRAPHIQUES ET IMAGES (Page 110-118)