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L'ÉLÉPHANT D'AFRIQUE

Dans le document LISTE DES CARTES, GRAPHIQUES ET IMAGES (Page 128-133)

L'éléphant est une icône de l'Afrique: par exemple, dans les années cinquante celle du RDA (Rassemblement démocratique africain), puis du président de la République de Guinée, Sékou Touré (v.) appelé "Syli"

(éléphant en malinké), ou, dans un autre domaine, des musiciens sénégalais, les frères Touré Kunda. Il occupe une place particulière dans l'imaginaire des sociétés afri-caines comme dans les représentations occidentales. Il est l'emblème de la dimension "sauvage" du continent en même temps qu'il a toujours constitué une ressource pour les sociétés humaines. Cette position duale de l'espèce,à la fois image de la nature vierge et élément central de sa transformation, donneàl'éléphant une position originale dans les objets géographiques d'Afrique.

L'éléphant africain(Loxondota africana), plus impo-sant que son homologue asiatique, est le plus gros animal terrestre vivant. Sa distribution biogéographique englo-bait historiquement l'ensemble du continent, à l'exception du Sahara. On estime que, vers 1800, la population d'élé-phants était de l'ordre de 27 millions d' indi vidus, répartis sur 19 millions de kilomètres carrés (sur les 30 millions de kilomètres carrés du continent). Animal capable de vivre dansdes milieux naturels trèsvariés,il est néan-moins dépendant de la présence d'eau et peut, pour trou-ver des zones favorables, parcourir annuellement plusieurs centaines de kilomètres, suivant généralement les variations pluviométriques.

L'éléphant,ressource économique

Bien avant la période coloniale, l'éléphant a fait l'ob-jet d'une chasse régulière, principalement pour l'ivoire de ses défenses. Des circuits marchands d'exportation de cette ressource prisée sont attestés dès leXIVesiècle, où l'ivoire était acheminé depuis les hautes terres d'Afrique orientale jusqu'aux pays arabes et en Inde.

Mais c'est avec la pénétration des Européens à l'inté-rieur du continent et l'introduction d'armesàfeu que les populations d'éléphants ont connu une destruction à

grande échelle. Entre 1860 et 1930, de 25 000 à 100 000 bêtes sont abattues chaque année. L'espèce a d'abord servi d'apport protéique pour les premiers explo-rateurs (v. Chutes Victoria), avant de devenir le principal trophée de la chasse sportive, activité de prestige pour les administrateurs coloniaux et des touristes de marque. Les récits de chasse de Theodore Roosevelt et de Winston Churchill au début duxx"siècle, le livre Vertes collines d'Afrique d'Ernest Hemingway (1935) ont, parmi d'aut-res, popularisé les safaris du continent sauvage.

Le xx"siècle voit se consolider les complexes natio-naux d'aires naturelles protégées, d'abord réserves de chasse puis, plus tard, parcs nationaux (v.). L'éléphant reste sur toute cette période une des espèces les plus pres-tigieuses pour les chasseurs et pour les touristes des parcs.

liest le trophée le plus recherché parmi les "cinq grands"

(big five) des safaris africains (éléphant, rhinocéros, buffle, lion et léopard) et il constitue en ce sens une ressource économique non négligeable pour les acteurs de la conservation comme pour les États africains.

Laprotection spatiale de l'éléphant Mais la focalisation de la protection de la nature sur la grande faune, et notamment sur l'éléphant, entraîne également des contraintes lourdes. D'une part, les exigen-ces biogéographiques de l'éléphant supposent de mettre en place des aires protégées de très grande taille pour permettre les migrations de l'espèce et assurer la survie de populations suffisamment importantes pour être viables.

D'autre part, l'attrait économique de l'ivoire a provoqué un fort développement du braconnage, ce qui oblige les autorités à renforcer la surveillance des parcs nationaux et des réserves de chasse. Dans ces conditions, le contrôle spatial est le facteur déterminant des politiques de protec-tion de l'éléphant.

Mais les espaces naturels protégés créés tout au long du siècle se sont avérés incapables de limiter réellement le braconnage des éléphants. Entre 1980 et 1990, la popula-tion totale du continent a été divisée par deux, passant de 1,2 million à 600 000 individus. Face à cette hécatombe,

les gouvernements et les ONG (v. WWF) ont décidé d'abandonner la logique de protection autoritaire (et souvent quasi militaire) des parcs et des réserves, pour promouvoir des programmes de conservation de la nature par la participation locale. Dans ces nouvelles politiques, les villageois qui habitent en périphérie des aires protégées sont invités à participer à la gestion de la faune et reçoivent des revenus tirés des safaris et du tourisme. L'intérêt économique est vu comme le facteur susceptible de faire changer les pratiques des populations locales vis-à-vis de la grande faune. Plus généralement, la valeur économique de la nature est ainsi devenue l'argument central du monde de la conservation [RODARY etal., 2003].

n

n'y a pas de ressource naturelle

La conservation de l'éléphant soulève ainsi une réflexion fondamentale sur les liens entre la nature et la mise en valeur de l'espace; réflexion qui peut s'appliquer à l'ensemble des ressources naturelles (v. Arbre; Pétrole;

Copperbelt ; Grand barrage). Quand un élément de la nature devient une "ressource naturelle" pour les sociétés ilpasse par des processus de mise en valeur sans lesquels cette "ressource" n'est pas utilisable. Pour notre exemple, quand aujourd'hui un éléphant est transformé en ressource naturelle,il est passé, comme on vient de le voir, par deux processus. TI a été protégé depuis des décennies, à travers des parcs et des mesures de protection réglementaires. TI a ensuite été exploité économiquement par des compagnies de safari ou de tourisme pour être chassé ou photographié. Ainsi, sans une histoire (souvent autoritaire) de contrôle spatial des territoires protégés et sans une mise en valeur économique (aujourd'hui souvent mondiale), l'éléphant n'est pas une ressource pour la société. À proprement parler donc, il n'existe pas de ressource naturelle. TI n'y a que de la matière naturelle, qui est éventuellement transformée en ressource par un processus de production, avec des acteurs, des pratiques, des techniques, un encadrement et un aménagement.

La gestion des espaces naturels n'est donc pas une question purement écologique. Au contraire, elle est

davan-tage une question sociale et politique, où les hommes doivent gérer leurs relations à la nature avant de gérer la nature elle-même [Weber in COMPAGNON et CONSTANTIN, 2000]. Dans un contexte général de discours sur l'Afrique où l'absence de "ressources naturelles" (pétrole, minerais, eau, etc.) est présentée comme le facteur explicatif des difficultés économiques de nombre de pays, l'éléphant a valeur de contre-exemple pour ne pas présenter comme

"naturelles" les situations actuelles de l'Afrique.

FRANCS CFA, ''FAUX CFA" ET ''SALES CFA"

Le franc CFA (FCFA) est la dénomination de la monnaie commune des 14 pays africains membres de la Zone franc et de leurs 100 millions d'habitants. À l'ex-ception de la Guinée-Bissau (ancienne colonie portugaise ayant obtenu l'indépendance tardivement) et de la Guinée équatoriale (ancienne colonie espagnole), ces pays sont d'anciennes colonies françaises de l'A-OF et de l'A-EE Le franc CFA peut être considéré comme l'un des éléments du néocolonialisme français en Afrique, permet-tant à l'ancienne puissance coloniale de maintenir des relations privilégiées avec ces pays, qui dépassent parfois la dimension purement financière (v. État ; Développement africain), mais ilassure aussi aux États concernés une certaine stabilité financière.

Le 30 aofit 2004, le gouverneur de la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) annonce que les 600 millions de billets de 10 000, 5 000, 2 000, 1 000 et 500 francs CFA de la "gamme 1992" seront progressi-vement retirés de la circulation et privés de cours légal au 1erjanvier 2005. À cette date, seuls les billets de la

"gamme 2003", déjà en circulation, auront encore cours.

Les 72 millions d'habitants concernés par ce retrait devront changer les anciens billets contre de nouvelles coupures aux guichets des agences de la BeEAO, des banques privées africaines, des bureaux de poste et des perceptions du Trésor, avant le 31 décembre 2004. TI faut y ajouter les membres de la diaspora résidant à l'étranger qui, pour leur part, ne pourront effectuer cet échange que

par le biais de circuits plus infonnels. Le change ne sera plus possible après le 1erjanvier 2005. Au total, 8 pays de la zone franc sont concernés, pour une masse financière de 850 milliards de FCFA (1,3 milliard d'euros), correspondant à 50 % de leur circulation fiduciaire.

Outre la volonté de clarifier la situation monétaire en retirant l'une des deux gammes en circulation, les raisons de ce retrait brusque et total des billets type 1992 sontà rechercher d'une part dans la mise au jour d'un trafic inter-national de ''faux CFA" ayant cours depuis début 2002, et d'autre part dans la circulation régionale des "sales CFA"

issus des trois casses de succursales de la BCEAO en Côte-d'Ivoire qui ont eu lieu entre les mois d'aofit 2002 et 2004. L'attaque menée par une organisation criminelle internationale contre cette monnaie montre l'une des fonnes de l'intégration de l'Afrique dans les circuits de la mondialisation (v.). Quant aux casses, ils gardent un carac-tère énigmatique pour ce qui est de leurs commanditaires et des conditions de leur réalisation. Leur interprétation fraye la voie aux hypothèses les plus diverses. La démo-nétisation qui s'en est suivie a en tout cas des conséquen-ces désastreuses pour le Nord rebelle de la Côte-d'Ivoire.

La Zone franc

Le franc CFA est né le 26 décembre 1945, jour où la France ratifie les accords de Bretton Woods (mise en place d'un nouveau système monétaire international, dollar comme monnaie de référence, libre convertibilité des monnaies entre elles et avec le dollar, création du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale) et où elle procède à sa première déclaration de parité au FMI. TI signi-fie alors "franc des colonies françaises d'Afrique". En 1958, à l'issue du référendum portant sur la Communauté française (v. Sékou Touré), il devient "franc de la commu-nauté française d'Afrique". Depuis 1962, deux institutions bancaires distinctes détiennent le pouvoir exclusif d'émet-tre cette monnaie, la BCEAO qui émet le ''franc de la communauté financière d'Afrique" sur les territoires des pays membres de l'UEMOA (Union économique et moné-taire de l'Afrique de l'Ouest) : Bénin, Burkina Faso,

Côte-d'Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo; et la BEAC (Banque des États d'Afrique centrale) qui émet le

"franc de la coopération fmancière en Afrique centrale" sur les territoires des pays membres de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale) : Cameroun, République centrafricaine, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad. Les sièges sociaux des banques centrales africaines étaient localisés à Paris jusqu'en 1977 pour la BEAC, date de son installation à Yaoundé (Cameroun), et jusqu'en 1978 pour la BCEAO, date de son installationàDakar (Sénégal).

Les traités d'union monétaire qui unissent les pays de l'UEMOA et de la CEMAC entre eux et avec la France, sont au fondement de la Zone franc qui comprenait jusqu'en 1974 La Réunion (département français) et comprend toujours aussi les Comores. Celle-ci a connu des sorties et des intégrations: le retrait en 1962 et la réin-tégration en 1984 du Mali, l'inréin-tégration du Togo en 1963, le retrait de la Mauritanie en 1973, l'intégration de la République de Guinée équatoriale en 1985 et celle de la Guinée-Bissau en 1997. La convertibilité du FCFA est garantie par la Banque de France qui bat cette monnaie dans son imprimerie de Chamalières (en Auvergne, France) et par le Trésor français, tandis que la BEAC et la BCEAO ont l'obligation de déposer 65 % de leurs avoirs extérieurs sur un compte rémunéré auprès du Trésor et domiciliéà la Banque de France. Le basculement de la France dans l'Union monétaire européenne, a entraîné l'arrimage du FCFAàl'euro en janvier 1999.

L'histoire des changements de la parité entre le franc français (FF) et le FCFA est celle d'une longue stabilité de la monnaie africaine suivie de sa brutale dévaluation par rapportàla monnaie française. En 1945, la parité du franc CFA avec le franc français est flXée à 1,7 ; elle passe à 2 en 1948 (convertie en 0,02 avec le passage au nouveau franc en 1960). De la fin des années quarante au début des années quatre-vingt-dix, il fallait donc 50 FCFA pour faire 1 FE Mais, le 13 janvier 1994,ilfallait 100 FCFA pour faire 1 FF (soit une nouvelle parité établieà 0,01). C'est ce qu'on appelle, en Afrique, "la dévaluation". Une déva-luation de 50 %, préconisée depuis 1988, décidée

conjoin-tement par le gouvernement d'Édouard Balladur et les institutions fInancières internationales, destinée à restau-rer la compétitivité des pays d'Afrique subsaharienne en abaissant les prix des marchandises, exprimés en devises, sur les marchés extérieurs, et surtout à faciliter les PAS*.

Ce changement, supposé faciliter les ventes extérieures des pays exportateurs (Côte-d'Ivoire, Gabon), a surtout terriblement affecté ceux qui n'exportaient pratiquement pas (Mali, Burkina Faso, Tchad et, dans une moindre mesure, Niger), le prix des marchandises sur les marchés intérieurs ayant considérablement augmenté. Toutefois, parce qu'il a rendu les importations extra-continentales de viande ou derizplus onéreuses, la dévaluation a profIté aux pays producteurs (Burkina Faso, Mali) qui se sont trouvés ainsi mieux placés sur le marché de la Zone franc.

En1999, la parité du FCFA avec l'euro est établie auto-matiquement (c'est-à-dire sur la base de son ancienne parité avec le franc) à 655,95 FCFA pour un euro.

L'usage d'une monnaie unique transcontinentale n'est pas nouveau et constitue sans doute une grande originalité africaine. Avant la colonisation, dans toute l'Afrique subsaharienne, de Zanzibar au Sénégal, on utilisait un coquillage du type porcelaine, le cauri(monetaria annu-lus),pour les échanges. Lors de l'introduction du FCFA, les deux monnaies ont coexisté quelque temps pour les petites sommes, avant que l'usage du FCFA ne l'emporte.

Une parité tacite s'était établie à 1 cauri pour 5 FCFA (la plus petite pièce courante). Bien que l'habitude ait été perdue de rapporter les montants des marchandises à leur valeur d'échange en cauri, celui-ci est resté une unité de compte implicite qui distingue l'énoncé du prix d'un bien de sa valeur nominale en argent. Ainsi, le prix d'un bien s'élevant à 100 FCFA sera énoncé ''20'' en langue locale, sans référence à une unité de compte précise mais sous-entendu "20 pièces de 5 FCFA" (soit 20 cauris) - en revanche il sera énoncé "100 FCFA" si l'interlocuteur s'exprime en français. La référence implicite à l'ancienne monnaie est souvent oubliée, les Africains déclarant seulement qu'en langue locale "on ne compte pas l'argent comme les objets".

Les enseignements d'un faux monnayage En mars 2002, des faux billets d'une valeur de 10 000 FCFA (15 euros) font leur apparition à Ouagadougou (Burkina Faso), Lomé (Togo), Cotonou (Bénin) et Abidjan. En avril 2002, l'interpellation de plusieurs Sénégalais en provenance de France, à Dakar (Sénégal) et Tambacounda (région d'émigration du sud-est du Sénégal), met les polices sénégalaise et française sur la piste d'un trafIc de fausse monnaie dont le foyer d'émission semble être les lieux de la diaspora africaine installée à Paris.Lapolice française mettra au jour un trafIc impliquant du côté du commanditaire : un imprimeur turc d'Istanbul - connu de la police pour une opération de contrefaçon de dollars -, du côté des fInanceurs : des diamantaires liba-nais d'Anvers - impliqués dans le commerce des pierres précieuses du Liberia et de Sierra Leone, un ancien ministre du président Mobutu (ex-zarre, aujourd'hui RDC) - recon-verti dans le commerce des pierres précieuses - et du côté des fournisseurs: un entrepreneur béninois installé en région parisienne et un réseau de trafIquants congolais installés en Belgique. Les billets sont imprimés à Ljubljana (Slovénie) chez un imprimeur compromis dans un trafIc de faux timb-res fIscaux avec la Fédération de Russie. Le principe de l'ar-naque est le suivant: les trafIquants proposent aux membres de la diaspora de convertir leurs économies en billets de

la

000 FCFA (le plus gros billet existant)afInde s'éviter les commissions de la Western Union* ou des bureaux de change africains. Une fois la conversion effectuée, les billets partent vers l'Afrique par le biais des sociétés de transfert de fonds ou par celui des ressortissants qui voyagent entre la France, la Belgique et les pays africains. On estime que ce sont près de 5 millions de ''faux CFA" qui ont été imprimés et ainsi écoulés dans la partie occidentale de la zone franc, alimentés par les fIlières française et belge. Ds correspon-dent à une somme totale de 50 milliards de FCFA, soit 17 % des billets en circulation, et contribuent à déséquilibrer d' au-tant le rapport entre la masse fIduciaire en circulation et l' en-caisse bancaire des États de l'UEMOA.

La fraude, dévoilée le 15 septembre 2004 par les jour-nalistes d'investigation du quotidien français Libération et confirmée le 16 septembre par le gouverneur de la

BCEAO, met au jour une fonne très particulière d'inté-gration de l'Afrique à la mondialisation (v.) qui repose sur les rapports économiques qu'entretient la diaspora afri-caine (v. Château-Rouge) avec ses foyers d'origine, sur l'ampleur et la fonne des transferts financiers entre ces lieux et aussi sur l'importance de la circulation et de l'im-mobilisation des espèces en Afrique. Elle s'appuie en effet sur une disposition bancaire en vigueur depuis 1994 qui interdit le change du FCFA en dehors des territoires africains de la zone franc, rendant quasi obligatoire le recours à des intennédiaires voire à des fIlières infonnel-les* plus ou moins spécialisées (libanaise, par exemple).

Mais l'importance de la circulation des billets dans des pays où la grande majorité des paiements se fait en liquide (par opposition aux paiements par chèque ou carte bancaire), où le crédit est rarement bancaire mais inter-personnel et usurier, et inversement l'importance de leur immobilisation domestique dans des pays où l'épargne bancaire n'est pas une pratique courante expliquent aussi l'attaque d'une monnaie certes faible sur le marché inter-national des devises, mais très mobile et concernée par des flux de masse (constitués par des montants unitaires faibles mais innombrables). Arrivés en Afrique, les faux billets ont pu être thésaurisés ou bien ont pu devenir partie prenante de circuits économiques locaux où ils se sont mis à tourner en boucle. L'échange des billets imposé par la BCEAO vise à lever ces "faux" CFA là où ils se trouvent et à prévenir une crise financière dans la "sous-région" (le rapport entre l'encaisse métallique et la circulation des billets ayant été perturbé).

Les liens deladémonétisation avec la crise ivoirienne Le 27 aoOt 2002, des malfaiteurs ont dérobé 3 milliards de FCFA (4,5 millions d'euros) au siège natio-nal de la BCEAO à Abidjan. Si une grande partie d'entre eux a été identifiée et si certains ont été arrêtés, les vérita-bles commanditaires sont restés dans l'ombre. Plus surprenants encore ont été l'implication évidente de membres du personnel à l'intérieur de ce bâtiment très protégé et le mode opératoire, c'est-à-dire l'utilisation

d'un véhicule immatriculé à la présidence de la République. On soupçonne que l'argent a servi à financer la tentative de coup d'État qui aura lieu trois semaines plus tard (v. Crise ivoirienne). En septembre 2003, à Bouaké, des rebelles ivoiriens ont réalisé un casse dans une autre succursale de la BCEAO et emporté 18 à 20 milliards de FCFA. Certains points restent obscurs :il a fallu deux semaines pour connaître le montant du butin, les billets volés avaient été déclarés inutilisables (il s' agis-sait de billets usagés en cours de retrait qui, dans cette optique, avaient été perforés), les responsables de la rébel-lion demandaient depuis plusieurs mois que cet argent soit évacué pour éviter d'avoir à en assurer la sécurité.

L'indifférence qui a répondu à cette demande est d'autant plus singulière que les forces d'interposition présentes sur place rendaient l'évacuation possible en toute sécurité.

Plus surprenante encore a été le maintien à la BCEAO de Korhogo (nord, zone non gouvernementale) d'une masse importante d'argent, malgré l'expérience de Bouaké et,là encore, la demande d'évacuation faite par les autorités de l'ex-rébellion. De façon prévisible, la succursale de Korhogo est à son tour pillée en aoOt 2004.

Depuis 2003, le Mali et le Burkina Faso, frontaliers de la zone nord de la Côte-d'Ivoire tenue par les ex-rebel-les, voient se multiplier les tentatives de blanchiment de ces "sales CFA", parfois associés à des "faux CFA", dans les agences des banques où ils sont déposés ou échangés et sur le marché immobilier où ils sont recyclés. Mais le Togo et le Bénin ont eux aussi vu apparaître ces "billets rebelles" sur les marchés des véhicules d'occasion et des biens de consommation. L'annonce de la démonétisation fait craindre une augmentation de ces opérations illégales et a imposé la mise en place de dispositifs visant à neutra-liser leur circulation - des photocopies des "sales CFA"

ont été affichées dans certains lieux publics et des listes des identifiants numériques des billets dérobés ont été transmises aux agences bancaires des pays frontaliers de la Côte-d'Ivoire.

Lerôle clef de la Côte-d'Ivoire dans la zone franc - 40 % de la masse monétaire de la BCEAO circule dans ce pays, le gouverneur de la BCEAO, Charles Konan

Banny, est un Ivoirien - explique probablement la déci-sion des responsables de l'UEMüA de retirer de la circu-lation les billets de la "gamme 1992" - celle-ci a d'ailleurs été annoncée par visio-conférence depuis les locaux de l'agence nationale de la BCEAü à Abidjan. Ses promo-teurs auraient ainsi cherché à assainir le marché monétaire de la "sous-région" en effaçant les réserves illégales des ex-rebelles. Mais il faut sans doute attirer l'attention sur les conséquences prévisibles de cette substitution : la déstabilisation de la région nord de la Côte-d'Ivoire où les conditions pour une telle opération ne sont pas réunies (pour autant qu'elles le soient ailleurs). La démonétisation est annoncéefin août 2004, elle débute le 15 septembre 2004, les billets de la "gamme 1992" seront privés de cours légal au 1erjanvier 2005 : l'assainissement doit donc se faire en trois mois et demi. À titre de comparai-son, le change de francs en euros est légal pendant une période de 10 ans qui fait suite à la démonétisation du franc et peut s'effectuer à la Banque de France. Ce délai de change très court constitue partout une contrainte d'au-tant plus considérable que les campagnes nationales d'in-formation ont tardé à se mettre en place. Dans le nord de la Côte-d'Ivoire, les infrastructures (agences bancaires, bureaux de poste, succursales du Trésor) ont été fermées depuis la guerre de sorte qu'elles ne pourront pas délivrer les nouveaux billets ni reprendre les anciens. Entre septembre et décembre 2004, les populations seront donc amenées à se déplacer sur de longues distances pour chan-ger leurs économies constituées de billetstype 1992, ces mouvements de fonds ne manqueront pas de stimuler les activités des "coupeurs de route" et le racket des forces de sécurité, tandis que ces billets - qu'ils soient vrais, faux ou sales - ne sont déjà plus utilisables ni dans la zone sud ni dans les zones frontalières du Mali et du Burkina Faso, par le fait du refus des commerces et des services de les accepter en paiement des transactions. L'opération pour-rait ainsi entraîner la ruine et l'isolement commercial de la

"zone non gouvernementale" ivoirienne tenue par les rebelles et un mécontentement populaire...

Dans le document LISTE DES CARTES, GRAPHIQUES ET IMAGES (Page 128-133)