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JOHANNESBURG/SOWETO

Dans le document LISTE DES CARTES, GRAPHIQUES ET IMAGES (Page 193-196)

(v. Tableau), tout en n'étant pas la capitale de l'État: la structure administrative du pays était largement en place autour du Cap (actuelle capitale législative) et Pretoria (actuelle capitale de l'exécutif). Le développement minier a généré l'implantation d'autres activités industrielles et aujourd'hui de services. Johannesburg est la capitale économique et culturelle de l'Afrique du Sud.

Plus au nord encore, les suburbss'étendent sur des dizaines de kilomètres : quartiers longtemps réservés aux Blancs, ils se caractérisent par des banlieues pavillonnai-res plutôt chics, avec un paysage très vert et arboré dû aux nombreux jardins - ce qui évoque le "bocage urbain"

décrit par C. Ghorra-Gobin àpropos de Los Angeles.

L'analogie se complète puisque cette partie nord est une

"ville de l'automobile" : très peu de piétons, de grandes distances dues à l'étalement urbain, des grands axes routiers parcourus par un important trafic.

Ville peu dense, physiquement fragmentée par l'em-prise industrielle, les infrastructures et de nombreux

"trous" dans le tissu urbain, cette partie nord de Johannesburg évoque très largement d'autres métropoles modernes, notamment américaines.

Cette ville blanche est séparée de la ville noire au Sud par la zone minière: celle-ci est utilisée volontairement comme une zone tampon, séparant les "races" de plusieurs kilomètres (v. p. 260).

De SophiatownàSoweto

Au sud, c'est Soweto, la ville noire créée par l'apar-theid. Soweto est letownship*le plus connu d'Afrique du Sud d'une part, parce que c'est letownshiple plus peuplé dans la plus grande ville du pays. Sous l'apartheid, Soweto était l'un des deux seuls quartiers noirs de Johannesburg, l'autre étant Alexandra. D'autre part, il a été l'un des hauts lieux* de la résistance. Cela explique qu'il ait été particu-lièrement étudié [GUILLAUME, 2001]. Enfin, la relative uniformité des formes sociospatiales dutownship,induite par l'application systématique des principes d'aménage-ment spatial de l'apartheid, légitime le fait qu'il ait été érigé en un exemple presque idéal typique.

Ce quartier noir témoigne d'abord de la destruction des formes d'urbanité (v.) antérieures à l'apartheid qui s'étaient développées dans les quartiers péricentraux : parmi les migrants attirés par les mines d'or se trouvaient de nombreux Noirs, de l'actuelle Afrique du Sud comme des pays voisins (Mozambique, Lesotho, Swaziland...).

Dès les premières années de la villeàla[mdes années 1880, ils se sont installés et ont créé une nouvelle culture urbaine, très cosmopolite et influencée par la culture noire américaine. Cette inventivité urbaine se faisait autour de bars clandestins, lesshebeens,de styles musicaux mêlant apports traditionnels et jazz, des cinémas et de journaux comme Drum.Elle a atteint son apogée dans les deux décennies avant la mise en place de l'apartheid. Le quar-tier de Sophiatown, où quelques Noirs avaient réussi à accéderà la propriété foncière, en était le haut lieu : il accueillai t aussi bien des intellectuels et artistes noirs que les ouvriers des mines. La population noire sud-africaine est donc urbanisée de longue date et ethniquement et socialement diverse (v. Ethnie; Mandela) : par le biais de l'éducation ou du commerce, le jeu de la différentiation sociale étaitàl'œuvre bien avant 1948 et une élite noire instruite (médecins, avocats, enseignants, ecclésias-tiques...) existait. Le gouvernement d'apartheid a fait raser Sophiatown pour construire une banlieue destinée aux Blancs et baptisée du nom de Triornf... Les anciens habitants ont été déplacés brutalement en loin-taine périphérie de la ville, dans une zone encore très peu urbanisée : Soweto. L'espace approprié a donc été remplacé de manière autoritaire par un espace strictement fonctionnel, ce dont témoigne son nom: Soweto, c'est le SOuth WEstern TOwnship ...

Lamise en place d'une ségrégation résidentielle systé-matique se fait en 1953 par le moyen duGroup Areas Actet s'accompagne d'une réflexion sur les formes urbaines et sur le rôle politique de l'urbanisme. TI s'agitàla fois de créer un cadre de vie agréable, moderne et, dit-on, socialement recommandable, et, surtout, de séparer la population noire de la population blanche et de la cantonner en des quartiers facilement contrôlables : lestownships.Des idées occiden-tales comme celle de la cité-jardin d'Ebenezer Howard ou de l'unité de voisinage seront adaptéesàune volonté

ségré-gative et sécuritaire: c'est la naissance de l'urbanisme de contrôle social sud-africain. Ces quartiers résidentiels, sépa-rés des autres par l'introduction du zonage, sont isolés du reste de la ville par des ceintures vertes.Lepouvoir blanc de la ségrégation, puis de l'apartheid, les repousseraà plusieurs dizaines de kilomètres et les transformera en véritables murailles horizontales d'une cité européenne sur la défen-sive. Les ceintures vertes deviendront des zones tampons, renforcées par d'autres éléments isolants (voies de chemin de fer, autoroutes, zones industrielles, rivières, etc.).À l'in-térieur du township lui-même, l'urbanisme de contrôle social se lit encore. Soweto par exemple, est d'abord divisé en "quartiers ethniques", où le pouvoir regroupe, pour mieux régner, les ZOulou d'un côté, les Sotho de l'autre.

Tandis qu'un nombre limité d'entrées - deuxdansce cas-autorise la policeà fermer letownship en quelques minutes, des points de contrôles permettent de tenir sous le feu d'un seul véhicule de police plusieurs ruesàla fois.Ledessin des rues reproduit en plus petit celui dutownship: très peu d'en-trées mènent dans des groupes d'îlots bien séparés les uns des autres, créant ainsi une multitude de micro-espaces.

Autre caractéristique dutownship sous l'apartheid: la presque totale absence d'activités économiques légales.

Soweto n'a pas d'industries: il est fondamentalement la banlieue dortoir de l'industrie minière du Witwatersrand et des employeurs blancs.Lecommerce, même alimentaire, y est longtemps interdit : les échoppes informelles* y sont longtemps illégales et donc peu nombreuses car rapidement démantelées par la police. Seuls quelques services non marchands, étatiques, sont représentés ; encore sont-ils limités et insuffisants par rapport aux besoins de la popula-tion : écoles primaires, hôpital de Baragwanath... En conséquence, les migrations pendulaires entre Soweto et la ville blanche de Johannesburg sont extrêmement intenses, que ce soit pour le travail, les courses, ou le paiement des factures ... Fort peu de Noirs possédant une voiture sous l'apartheid (c'est encore le cas aujourd'hui), ces déplace-ments se font en transports en commun -la distance inter-disant la marcheàpied. Trains, bus et taxis collectifs (des minibus Toyota ou Volkswagen dans lesquels s'entassent une douzaine de clients) forment donc une noria incessante entre les deux pôles de l'agglomération.

Soweto a été amplement décrit (v. p. 259) : pauvreté, uniformité du bâti sous la forme de maisons ''boîtes d'allu-mettes" (matchboxes) comportant trois ou quatre pièces surpeuplées, faiblesse des infrastructures et des équipe-ments urbains, etc.À cela s'ajoutent la clôture et l'isole-ment du quartier : letownship est construit à distance du centre-ville - plus d'une dizaine de kilomètres - et est entouré des zones tafnpons de quelques centaines de mètres, le séparant des quartiers voisins [GUllLAUI'vIE, 2001 ;HOUSSAY-HoLZSCHUCH,1999 pour le cas du Cap].

Ce paysage imposé, véritable moule spatial. va pour-tant être peuà peu assumé par ses habitants et structuré par eux en un espace de vie, voire un espace vécu chargé de valeurs différenciatrices. Forcés d'y résider, ils vont développer une identité ancrée dans un certain nombre de lieux. Les shebeens, mais aussi les écoles - on peut évoquer les émeutes de 1976, dont les écoliers et lycéens sont le fer de lance (v. Pietà) - et surtout les églises se développeront et créeront des réseaux sociaux très actifs:

les sociabilités du township se créent avant tout en réseaux, parce qu'ils expriment un choix; les sociabilités de voisinage sont moins développées, les habitants n'ayant pas pu choisir leur maison ou leur entourage.

Ainsi, les différentiations sociales existant à Soweto n'ont pas pu s'exprimer spatialement sous l'apartheid : les gangsters et les médecins y sont voisins. De plus, l'espace public (v.) est souvent un lieu de violence, à laquelle les autorités contribuent amplement. Plus encore, un certain nombre de manifestations politiques anti-apartheid (boycotts, grèves, etc.) mettront à profit l'urbanisme de contrôle social dutownship: son isolement a permis d'en faire relativement facilement une zone ingouvernable par les autorités blanches ; le monopole du commerce y rendait les boycotts particulièrement efficaces ...

Aujourd'hui, cette appropriation de l'espace sowetan se manifeste par l'attachement des habitants destownships à leur quartier et leur refus de le quitter. Bien souvent, même en cas d'ascension sociale, ils préfèrent rénover et agrandir lamatchbox familiale plutôt que de déménager dans un quartier plus prestigieux - même si d'autres facteurs, comme le coût du logement dans les quartiers anciennement réservés aux Blancs, l'importance des

investissements déjà réalisés dans la maison du township ou la difficulté à vendre à un bon prix l'ancienne maison, peuvent jouer. C'est par exemple le cas à Diepkloof et Kliptown, quartiers anciens faisant partie de Soweto.

Une ville post-apartheid

L'évolution des villes post-apartheid se caractérise d'abord par l'abolition de la ségrégation imposée par la loi ainsi que par l'abandon d'autres restrictions. Les conséquences de cette évolution sur l'espace des grandes villes sud-africaines sont les suivantes:

- L'application de la loi du marché, sans restriction de

"race", aux transactions immobilières. En conséquence, les Africains, les Indiens et les Coloureds ayant des reve-nus suffisants ont pu se porter acquéreurs de logements dans des quartiers de standing ou de classes moyennes, précédenunent réservés aux Blancs.

- La rapide évolution de certains quartiers péricen-traux: quartiers blancs (du fait du Group Areas Act, sévè-rement appliqué et donc de la structure effective de la population) il y a une quinzaine d'années, ils sont passés par une phase demixité"raciale" dans la seconde moitié des années vingt et au début des années quatre-vingt-dix. Ils sont aujourd'hui habités par une population majoritairement africaine. C'est notamment le cas des quartiers de Hillbrow et Yeoville [GUILLAUME, 2001].

- La croissance de quartiers informels africains, surtout en périphérie de l'agglomération.

- La construction massive de quartiers d'habitat social conune celui de Devland par les autorités. Ces quartiers accueillent les populations les plus pauvres, donc majori-tairement voire exclusivement africaines. En outre, pour limiter leur coat financier, ces quartiers sont construits à la périphérie des villes, à proximité des townships afri-cains existants.

- Des politiques de réhabilitation des townships exis-tants, comme Soweto et Alexandra, développant l'accès à la propriété et la mise en place de services.

Ces dynamiques sont complexes puisque certaines tendent à défaire la ville de l'apartheid, d'autres la font

perdurer: par exemple, la création de quartiers de classes moyennes "racialement" mixtes brise les logiques de l'apartheid, tandis que les quartiers d'habitat social ne remettent pas en cause, ou rarement, la géographie de la ségrégation raciale. Cependant, ce renforcement éventuel n'est plus le résultat d'une action politique volontariste sur l'espace, mais simplement la conséquence des prix du foncier sur les stratégies de l'acteur public: l'État cons-truit dans les parties de l'agglomération qui sont caracté-risées par un faible coat d'achat du terrain. Par ailleurs,les formes de la ségrégation évoluent: sur le plan spatial, des zones déségréguées apparaissent alors que d'autres, comme Hillbrow et Yeoville, sont restées racialement très ségréguées, même si leur population a radicalement changé: en 15 ans, ils ont évolué de quartiers à popula-tion très majoritairement blanche à quartiers très majori-tairement noirs. Il faut cependant rappeler qu'à l'échelle métropolitaine la géographie "raciale" et sociale de Johannesburg a peu changé : la carte dessinée par le Group Areas Act est toujours clairement visible et la corrélation entre "race" et revenu est forte: les plus pauv-res pauv-restent majoritairement Noirs et habitent toujours dans les townships ou dans des quartiers proches.

MUSÉES D'lllSfOIRE ET

UNITÉ

NATIONALE

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