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CHAPITRE V PRÉSENTATION ET ANALYSE DU CORPUS ÉCRIT

1 ANALYSE DES PARATEXTES

1.2 Les préfaces

Comme la plupart des préfaces, celle du Layidukura présente le livre. Sa traduction littérale en français pourrait donner ceci :

Le livre que vous tenez, c’est Layidukura. C’est un travail collectif des églises. Il est le fruit du travail commun de l’église catholique et des églises protestantes, qui se sont donné la main pour pouvoir changer/traduire ce livre en dioula. Nous avons reçu de l’aide de l’Alliance Biblique Universelle. Nous espérons que d’ici quelques années, toute la parole de Dieu sera disponible en dioula, pour permettre aux chrétiens de la lire pendant les prières ou les enseignements. Nous vous demandons de nous aider de quelque manière que ce soit et de prier pour nous.

Vous verrez des signes dans ce livre. Certains seront comme une petite étoile placée derrière des passages jugés difficiles à saisir. Cela montre que ces passages sont expliqués à la fin de la page. Voici ce signe : *

Il y a aussi des passages qui peuvent se trouver entre ces deux signes suivants […]. Ce signe veut dire que les passages qui s’y trouvent ne se retrouvent pas dans tous les vieux livres.

Dans ce livre, voici comment nous allons nous référer à certains noms : Abraham équivaut à Ibrahima. David équivaut à Dawuda. Isaac équivaut à Isiyaka. Marie équivaut à Maryamu. Moïse équivaut à Musa. Noé équivaut à Nuhun. Salomon équivaut à Solomani. Jacob équivaut à Yakuba. Joseph équivaut à Yusufu.» (Fin de l’introduction) (notre traduction).

Les noms ci-dessus désignés comme équivalents dioula sont reconnus comme des noms musulmans dans le milieu burkinabè. Cela peut indiquer que le public visé est soit familier à l’islam, soit à ces noms dits français, soit aux deux. Ces équivalences entre noms français et dioula peuvent aussi être un indice que des versions françaises ont influencé la production du Layidukura, même si cela n’est pas expressément mentionné.

Après cette préface, est donné l’ordre de présentation des livres : Layidukura commence par les quatre évangiles (Mathieu, Marc, Luc et Jean), suivis des Actes des Apôtres, des lettres aux Romains, des deux lettres aux Corinthiens, de la lettre aux Galates, aux Ephésiens, aux Philipiens, puis de la lettre aux Colossiens et des deux lettres aux Théssaloniciens. Suivent les deux lettres de Timothée. Après, par ordre, il y a la lettre à Tite, à Philémon, aux Hébreux, de Jacques suivis des deux

livres de Pierre, des trois livres de Jean, du livre de Jude, de l’Apocalypse et d'une annexe expliquant les nouveaux concepts.

Cette préface est assez sobre par rapport à celle des versions françaises. En effet, le Français Courant commence par «des pages d’information facilitant l’accès» au livre, qui s’étalent sur vingt pages. Précisons dès à présent pour cette version que même si nous consacrons un paragraphe à part à l’analyse des illustrations en image, des références y seront faites ici ne serait-ce que brièvement, car cette préface est essentiellement basée sur le commentaire des images illustratives et serait incompréhensible si nous la présentons totalement détachée des images.

Le Français Courant présente la Bible comme une histoire d’amour. Parmi les objectifs spécifiques explicites, on peut noter :

Le livre que tu as entre les mains raconte une histoire d’amour particulière : Dieu lui-même offre son amour à tous les hommes et au monde. Tu es personnellement concerné par cette histoire. Ta curiosité est éveillée ? Alors laisse-toi entraîner dans l’aventure et lis ! Tu trouveras sur les pages en couleur tout ce dont tu as besoin pour un voyage passionnant à la découverte de la Bible : Des infos sur le monde de la Bible, des conseils pratiques, des propositions de recherche personnelle, des thèmes à discuter.

La Bible est ensuite présentée comme le best-seller mondial traduit en entier ou en partie dans plus de deux-mille langues. Cette mention de best-seller mondial est un argument publicitaire dont la valeur est attestée, ce dont témoigne sa consommation de masse.

Ensuite, des conseils pratiques sont donnés pour sa lecture, suivis d’explications sur les notes. La Bible est présentée comme un livre très ancien mais toujours d’actualité, qui concerne toutes les tranches d’âge.

Le problème des originaux est abordé par une image de grottes comportant de petits trous. En dessous, se trouve la mention «dans les grottes de Qumrâh près de la mer morte, on a découvert en 1947 des manuscrits de la Bible datant de l’époque de Jésus ». Après cette image, les langues d’origine de la Bible sont évoquées.

Les livres de l’Ancien Testament ont été rédigés en hébreu. Seules quelques parties plus récentes sont écrites en araméen. Le NT est écrit en grec. Aucun manuscrit original ne nous est parvenu, mais nous disposons de copies de peu postérieures aux originaux, en particulier pour le NT.

À la suite de ce commentaire, on explique que ces manuscrits ont été trouvés dans les bibliothèques de couvents, dans le sable du désert ou dans les grottes.

Le texte précise que la division en chapitres est l’œuvre de l’archevêque anglais Stephen Langton au 13ème siècle et que celle des versets fut mise au point par l’imprimeur genevois Robert Estienne pour une édition bilingue grec-latin du NT datant de 1551. En français, cette division s’est généralisée au 16ème siècle.

Une grande partie de cette préface est destinée à guider le lecteur dans sa découverte de ce livre, comme on peut le remarquer, par les nombreux conseils pour faciliter son usage.

Après «ces pages d’information facilitant l’accès à la Bible», sont présentés par ordre une «lettre au lecteur» de la part des traducteurs et réviseurs, la table des matières, les signes et abréviations, la présentation de «la Bible en Français Courant» (qui raconte l’histoire de cette version), suivi en dernier ressort de «l’unité, la formation et le texte» de la Bible

On peut émettre l’hypothèse que le Français Courant s’adresse à une audience plus instruite qui a une culture générale plus large par rapport à l’audience du Layidukura.

Cette préface non seulement guide le lecteur, mais l’encourage surtout de toutes les façons possibles à continuer la lecture. Les détails sur la manière dont on s’est procuré les originaux sont un indice que le lecteur est averti qu’il a affaire à une traduction.

Les déductions pouvant être faites de ces indices sont que l’audience présumée est plus prompte à la lecture et plus avisée de l’histoire de la Bible que celle du Layidukura.

Quant à la version Louis Segond Révisée encore appelée ‘La colombe’, sa préface est beaucoup plus sobre que celle du Français Courant. Après une carte de la Palestine au temps de l’Ancien Testament au tout début de cette version, suivie les références éditoriales mentionnées plus haut et de la table des matières indiquant l’ordre dans lequel sont présentés les livres, cette préface explique la méthode de travail adoptée, de même que les objectifs recherchés.

L’initiateur de cette version est l’Alliance Biblique Française et le texte mentionne qu’elle a été préparée par un comité de théologiens, de pasteurs et de laïcs. À propos de la méthode de travail, la préface dit ceci :

La méthode de Louis Segond a été conservée à chaque fois qu’elle correspondait au texte original et à la langue française en usage aujourd’hui…. A côté des traductions en Français Courant, qui sont nécessaires pour initier les gens non avertis au message biblique, le peuple chrétien doit pouvoir disposer d’une traduction qui lui permette de savoir exactement comment se présente le texte original. Sans connaître les langues bibliques, le lecteur peut ainsi se faire une idée de leur génie propre, avec leur vocabulaire, leurs répétitions, leurs formulations concrètes qui sont parfois surprenantes.

On découvre ici un objectif du Français Courant qui n’a pas été évoqué expressément dans ladite version : initier les gens non - avertis au message biblique.

La Louis Segond Révisée quant à elle, vise à «laisser le lecteur le plus proche possible des originaux par le vocabulaire, la structure, les formulations», etc. Implicitement, l’audience visée par cette version est plutôt avisée du message biblique.

Il est précisé plus loin que «Le principe adopté par les réviseurs a été de suivre d’aussi près que possible les textes hébreu et grec». Ensuite, les noms des

«principaux artisans de la traduction» sont donnés, suivis des signes conventionnels et les abréviations.

En récapitulant les différents skopos déductibles des préfaces, on peut dire que chaque version a fait preuve d’autonomie. Ainsi, Le Layidukura n’est pas resté esclave des versions source, mais a exprimé sa propre sélection. Il y a des ajouts et des omissions au sens général par rapport aux versions source. Ces notions revêtent un autre sens en traductologie, où elles sont considérées comme des fautes de traduction. Delisle et al. (1999 : 60) définissent en effet l’omission comme «une faute de traduction qui consiste à ne pas rendre dans le texte d’arrivée un élément de sens du texte de départ, sans raison valable» et l’ajout comme « une faute de traduction qui consiste à introduire de façon non justifiée dans le texte d’arrivée, des éléments d’information superflus ou des effets stylistiques absents du texte de départ (1999 : 10). Comme nous le verrons dans la discussion générale à la fin de l’analyse, cette définition mérite d’être relativisée, surtout dans ce cas précis où il s’agit de traduction biblique, où chaque version fait sa propre sélection des éléments jugés pertinents par rapport à l’audience et à la fonction visées.

Parlant d’ajouts donc, on peut citer l’introduction générale, dans laquelle il est mentionné comment on se référera aux noms propres en dioula. En ce qui concerne les omissions, elles sont difficiles à déterminer parce que les versions source entre elles n’ont pas les mêmes éléments. Si on s’en tient uniquement à la longueur de la préface (vingt pages pour le Français Courant, onze pages pour la Louis Segond Révisée et seulement quatre pour le Layidukura), on peut se rendre compte que bien des éléments ont été supprimés du Layidukura. Cela peut s’expliquer par le fait que le Layidukura ne porte que sur le Nouveau Testament alors que les versions françaises portent sur toute la Bible.

En outre, en vérifiant dans le reste du texte la représentativité de cette stratégie d’omission avec d’autres passages tirés au hasard, il est apparu que les introductions proposées aux différents évangiles par le Layidukura et les versions françaises sont différentes, chaque version ayant produit une introduction qui lui est propre. Cela conforte l’hypothèse de l’indépendance du Layidukura.

Outre ces notes introductives éloquentes, le paratexte comprend aussi les illustrations en image, les notes de bas de page et la division en péricopes (division en chapitre et versets) que nous analysons aux sous-paragraphes suivants