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CHAPITRE V PRÉSENTATION ET ANALYSE DU CORPUS ÉCRIT

3 ANALYSE THÉMATIQUE

3.1 La sexualité et la corporalité

La traduction des termes tels que l’adultère et la fornication, le baiser, la virginité et la circoncision seront les principaux points développés dans cette partie.

3.1.1 L’adultère

Dérivé du latin ‘adulteratio’, l’adultère signifiait « altération, adultération, une chose mise pour une autre, un crime de faux, fausses clefs, faux contrats, faux seing ; de là, celui qui se met dans le lit d’un autre fut nommé adultère, comme une fausse clef qui fouille dans la serrure d’autrui »32.

32 http://www.voltaire-integral.com/17/adultere.htm.

Le Dictionnaire encyclopédique biblique de Bogaert (1987) définit l’adultère au sens propre, d’une part, comme l’inconduite de la femme mariée, peu importe que le mariage ait été consommé ou non (fiancée), et d’autre part, les relations extraconjugales d’un homme avec une femme mariée, non avec une femme non mariée, ni avec une concubine ou une esclave. En d’autres termes, la femme ne pouvait violer que son propre mariage, tandis que l’homme ne pouvait violer que le mariage d’un autre homme.

Le mot ‘adultère’, dans les différents versets, a différents sens dans les saintes écritures. L’adultère est un crime contre la foi du mariage. Par extension, le mot a quelquefois été employé dans un sens métaphorique pour désigner tout péché contre le sixième commandement qui est ‘tu ne commettras pas d'adultère’. Il est alors synonyme d’idolâtrie. L’alliance du peuple fidèle avec Dieu est comparée à un mariage, en conséquence celui qui rejette Dieu pour se livrer à des idoles est appelé du même nom que celui qui viole la loi conjugale. Il en est de même pour toute altération et toute corruption, et le fait d’une famille, d’une race d’un peuple qui dégénèrent de leurs ancêtres.

Dans les exemples qui vont suivre pour l’analyse de ce thème, nous commençons tout d’abord par le sens métaphorique.

Analysons le verset suivant : Exemple 1

Mathieu 12 : 39

«Yezu y’a jaab ko : « B mgw ka jugu, u murutra Ala ma. U b’a f ne ka kabako k u nyana, n’ga ne tna kabako s k k’a yra u la n kra Zonas ta nygn t».

Traduction littérale : Jésus leur répondit : «les gens d’aujourd’hui sont méchants.

Ils se sont détournés de Dieu. Ils veulent que je fasse des miracles devant eux, mais je ne ferai pas d’autre miracle si ce n’est celui du prophète Jonas».

Versions françaises

«Jésus leur répondit en ces termes : « les gens d’aujourd’hui, qui sont mauvais et infidèles à Dieu, réclament un signe miraculeux, mais aucun signe ne leur sera accordé si ce n’est celui du prophète Jonas» (Français Courant).

«Il leur répondit : une génération mauvaise et adultère recherche un signe, il ne lui sera donné d’autre signe que celui du prophète Jonas» (Louis Segond révisée)

On se rend compte que cette notion abstraite d’adultère avait déjà été relativement simplifiée par une périphrase dans le Français Courant. Ce sens a été préservé dans Layidukura.

Au sens courant, l’adultère est défini comme tout rapport sexuel volontaire d’une personne mariée avec une personne autre que son conjoint. Différents mots ou expressions ont servi à sa traduction dans Layidukura. Il a été plus souvent traduit par kakalaya, défini en Bambara33 comme ‘débauche, fornication, luxure’ (dictionnaire bambara français de Bailleul, 2000). Ce mot est devenu, après une évolution sémantique, un hypéronyme qui désigne le ‘mal’ de façon générale. Le terme kakalaya est de nos jours employé couramment dans le langage et n’est pas forcement lié à la sexualité, ni à une infidélité quelconque. Ce n’est pas un mot tabou et il s’emploie dans tous les milieux.

Le choix de ce mot pour traduire ‘adultère’ est plutôt surprenant. Une petite enquête34 réalisée auprès de la population dioulaphone du Burkina a confirmé cette impression.

Certains ont préféré le terme ‘jnya’ (mot plutôt rare aussi dans le langage courant, mais plus fréquent lors des prêches musulmans) pour la traduction de ce terme.

Le même mot ‘adultère’ est traduit par ‘nyamgya’ dans Mathieu 19 : 18, Marc 7 : 22 alors que ce terme ‘nyamgya’ à son tour avait été employé pour traduire les termes ‘impudiques’ et ‘fornicateurs’. Nous émettons deux hypothèses : soit la langue dioula perçoit ces termes comme des synonymes, soit elle a un vide lexical pour un terme et se sert d’un terme voisin pour le combler.

La question fut posée à l’exégète Sanon Elie (entretien du 04 août 2001), à savoir pourquoi le terme kakalaya avait été choisi pour traduire ‘adultère’, dans la mesure où son sens a évolué et il n’exprime plus exactement cette idée ? Cette question n’a eu d’autre réponse que de nous demander de faire des propositions. Quelles peuvent alors être les raisons du choix des traducteurs ?

Le terme kakalaya, comme nous l’avons dit plus haut, est plus générique. Étant donné le médium oral dans lequel la traduction va être utilisée, il était sans doute plus facile de le prononcer sans être impudique. Le fonctionnement du mot a donc pu être privilégié au détriment de son sens.

Qu’en est-il du deuxième mot nyamgya employé pour traduire le même terme adultère? Le terme nyamgya ne figure pas dans le dictionnaire bambara français de Bailleul (2000), mais des adjectifs qui lui sont dérivés sont présentés. Il s’agit

33 Le dioula du Burkina n’a malheureusement pas encore son dictionnaire propre, nous permettant de vérifier les sens des mots. On a recours donc aux dictionnaires Bambara.

34 Nous avons demandé à une vingtaine de personnes adultes des deux sexes, chrétiens et musulmans, de plus de vingt ans, locuteurs natifs du dioula, ce qu’ils entendaient par «kakalaya», aucune des réponses n’était liée à la sexualité. Ensuite, nous leur avons demandé de proposer une traduction du terme ‘adultère’. Une seule personne (un musulman) a fait à ce moment le rapprochement entre ces deux mots, en reconnaissant quand même que ce sens avait évolué. Un autre musulman a proposé ‘jineya’, et une dizaine (musulmans et chrétiens) ont proposé

nyamgya’, mais tout en reconnaissant aussi que ce terme voulait aussi dire fornication. Sept personnes (chrétiennes) n’ont pas pu faire de propositions, ne trouvant pas de mot approprié.

de amgden35 (bâtard, enfant illégitime), de amgc (amant), et de amg muso (amante). Ces définitions se réfèrent toutes à la sexualité, mais ne disent pas s’il s’agit de personnes mariées ou pas.

Dans le langage courant, le terme nyamgya revêt plusieurs sens36. Les adjectifs qui en sont dérivés, notamment ‘amgden’ sont plus couramment utilisés que le substantif. Tout d’abord, nyamgya désigne toute relation sexuelle qui a lieu entre individus qui ne sont pas des conjoints, peu importe si l’un ou l’autre est marié ou pas.

Il peut aussi désigner dans les familles polygames, toute relation sexuelle entre le mari et la femme qui n’est pas de ménage. En effet, dans ces familles, le mari visite ses femmes à tour de rôle selon un calendrier bien fixé et chaque femme sait à l’avance quels jours elle doit le recevoir. Ce dernier peut, en sa qualité de maître de foyer, décider, selon ses préférences, d’aller voir une autre que celle qui est de ménage,. Cette ‘injustice’ est qualifiée de nyamgya. Par extension, ce terme est allé jusqu’à désigner le fait d’aller avec son mari en pensant à un autre homme. C’est comme un péché en pensées. Le sens de ce terme nyamgya varie donc selon qu’on soit dans une famille polygame ou pas. Même s’il touche à la sexualité, il ne correspond pas exactement à l’idée d’adultère, quoique plus proche de ce terme de nos jours que kakalaya. La préférence de ce dernier par rapport à nyamgya peut s’expliquer par les raisons évoquées plus haut. Le fonctionnement du texte à produire a pu jouer en défaveur de nyamgya, plus proche en sens d’‘adultère’, quoique toujours inexact.

Le terme ‘kakalaya’ a été noté vingt deux fois dans Layidukura. Dans Mathieu 5 : 27, Mathieu 5 : 28, Mathieu 12 : 39, Mathieu 15 : 19, Mathieu 16 : 4, le terme grec employé dans le ‘Interlinear Greek-English New Testament’ (1958) est µοιχενσειs (moicenseis), qui signifie littéralement ‘commit adultery’, tandis que dans Mathieu 5 : 32, il est question de πορνεια (porneia) qui peut vouloir dire ‘fornication’, prostitution, débauche et aussi adultère.

Layidukura a retenu le terme kakalaya pour les versets Mathieu 19 : 9, Marc 10 : 11, Marc 10 : 12, Marc 10 : 19, Luc 16 : 18, Luc 18 : 11, Luc 18, 20, Jean 8 : 3, Romains, 2 : 22, Romains 7 : 3, Romains, 13 : 9, 1 Corinthiens 6 : 9, Hébreux 13 : 4, Jacques 2 : 11, Jacques 4 : 4 2 Pierre 2 : 14 contre seulement deux fois nyamgya dans Mathieu 19 : 18 et Marc 7 : 22.

Pour tous ces versets, les versions françaises emploient le terme ‘adultère’, tandis que le grec et le dioula emploient tous les deux, deux termes comme synonymes, ce qui confirme l’influence du grec sur le Layidukura.

35 Ny et sont utilisés en dioula pour transcrire le même son. Nous avons gardé le dans ces cas pour respecter l’orthographe du dictionnaire de Bailleul.

36 Le manque de dictionnaire unilingue dioula nous a conduit à demander autour de nous dans les familles dioulaphones musulmanes ou chrétiennes, ce que ce terme signifiait. Cinq familles ont été visitées et c’est la synthèse de leurs conceptions qui est présentée ici.

La traduction de Jean 8 : 4, portant sur l’histoire de la femme adultère a particulièrement attiré notre attention. Analysons-la :

Exemple 2 Jean 8 : 4

«Muso mn tun lann b n c d ye, an y’a mn».

Traduction littérale : la femme qui était couchée avec un homme, nous l’avons prise.

Versions françaises

«Maître, lui dirent-ils, cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère» (TOB).

«Et disent à Jésus : Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère»

(Louis Segond Révisée).

La version du Layidukura est assez ambiguë. ‘La femme qui était couchée avec un homme, nous l’avons prise’, rend l’idée de sexualité, mais pas forcément d’adultère, puisque l’homme en question aurait bien pu être le mari de la femme et alors, il ne serait pas question d’adultère au sens courant. Si, ni l’un ni l’autre n’est marié, il ne s’agit pas d’adultère dans son sens classique non plus, mais le mot grec utilisé est πορνεια (porneia), qui peut bien vouloir dire ‘adultère’, fornication, débauche, comme nous l’avons vu plus haut. Quoi qu’il en soit, le Layidukura, dans sa version, banalise cette idée d’adultère et cela peut être perçu comme un euphémisme.

Il est vrai que la notion d’adultère varie selon que l’on se trouve dans une société polygamique ou pas. Au temps de l’Ancien Testament où la polygamie était permise, on imagine que la notion d’adultère avait un sens différent de ce que la loi évangélique est venue imposer. Dans les sociétés africaines où la polygamie est toujours très présente, on peut imaginer les difficultés de traduction de ce terme.

La polysémie du terme grec πορνεια (porneia) peut également justifier les choix divergents des traducteurs dans les différents versets. Ainsi, dans 1 Corinthiens 6 : 13 et 18, 2 Corinthiens 12 : 21 et Colossiens 3 : 5, le Layidukura parle de kakalaya, la Louis Segond Révisée et le Français Courant de ‘impureté’. Dans Galates 5 : 19 où il est question de πορνεια (porneia), ακαθαρσια (akatharsia) (impureté) et ασελγεια (aselgeia) (débauche et libertinage) dans le texte grec, la TOB emploie les termes débauche, libertinage et adultère, tandis que le Layidukura emploie kakalaya et ngtya (le fait d’être sale). Dans Hébreux 13 : 4 πορνουs (pornons) (fornicateurs) a été traduit par nyamgyaklaw (amants), le même terme qui avait été proposé pour ‘adultère’ dans Mathieu 19 : 18 et Marc 7 : 22. Le Layidukura emploie les termes kakalaya, mgkolonya (le fait d’être mauvais) et malobalya’

(le fait de ne pas avoir honte) pour traduire respectivement ακαθαρσια (impureté), πορνεια et αδελγεια (débauche, impureté ou impudicité) dans 2 Corinthiens 12 : 21,

tandis que la TOB employait ‘impureté’, ‘inconduite’ et ‘débauche’ et le Français Courant, ‘impureté’, ‘immoralité’ et ‘vice’.

L’inconstance lexicale constatée au niveau de ces termes liés à la sexualité est donc générale et se justifie dans le texte grec lui-même. Le recours par contre aux hypéronymes de ‘mal’ en dioula pour traduire ces termes est propre au Layidukura, ce qui revient à un euphémisme, preuve de la nature sensible de ces termes et de leur caractère tabou dans la société.

Toutes ces impudicités (adultère, fornication, débauche, prostitution) sont connues et sévèrement sanctionnées dans les sociétés africaines, même si l’amalgame est fait au niveau lexical, pour les trois premiers termes (adultère, fornication et débauche).

Quand la fornication par exemple est prouvée par une grossesse avant le mariage dans certaines sociétés burkinabès et surtout dans les familles musulmanes, la fille et sa famille sont dites déshonorées. Il n’est pas rare au Burkina de voir des filles se faire renvoyer du domicile parental pour cette faute. Dans la religion musulmane, comme chez les juifs à l’origine, le jour qui suit la première nuit des mariés, on est tenu de présenter le drap tâché de sang, sur lequel ont dormi les mariés, signe de la virginité (notion discutée au paragraphe suivant) de la fille et cela est une très grande fierté pour les parents de cette dernière. Dans le cas contraire, au cas où le drap ne serait pas tâché, c’est la tristesse et le déshonneur. Le fait que cette notion d’adultère culturellement bien connue soit confondue à d’autres notions, quoique sémantiquement proches, peut se justifier par le texte de base. Nous allons voir à présent ce qui ressort de l’analyse du terme ‘virginité.

3.1.2 La virginité

Dans le langage courant, la virginité désigne l’état d’une fille qui n’a pas encore eu de rapport sexuel. Par extension, il désigne ce qui est intact.

Ce thème, malgré le fait qu’il soit bien connu de la culture cible, n’a pas manqué de poser des problèmes de traduction. Pour preuve, la traduction de ‘Vierge Marie’, expression courante surtout dans l’église catholique en est un exemple. On se sert du néologisme ‘Maria vierzi’ qui est un emprunt du français, ou de l’expression ‘Maria Senu’ (Sainte Marie), plus usitée que ‘Maria Vierzi’ (Vierge Marie), même si les deux expressions désignent la même personne. Est-ce une option pour ne pas avoir à s’encombrer avec la traduction de ‘vierge’ ? Analysons la version que propose le Layidukura pour la traduction de ‘vierge’.

Exemple 1

Dans Mathieu 1 : 23 il est dit :

«Sunguru d bna kn taa ka denc wolo…»

Traduction littérale

Une jeune fille concevra et mettra au monde un fils.

Versions françaises

«La vierge sera enceinte et mettra au monde un fils…» (Français Courant).

«Voici que la vierge concevra et enfantera un fils …..» (TOB).

Ainsi, ‘vierge’ est traduit ici par ‘jeune fille’. Il en est de même dans Mathieu 25 : 1, 7, Luc 1 : 27, Actes 21 : 9, 2 Corinthiens 11 : 2. Si on s’en tient à la comparaison avec les versions françaises uniquement, on peut dire que la jeune fille n’est pas forcément vierge. Cette traduction peut s’expliquer dans le contexte africain toujours.

Dans le milieu traditionnel, une jeune fille est censée rester vierge jusqu’à son mariage et en se mariant, elle cesse d’être sunguru ‘jeune fille’, mais devient muso

‘femme’.

Il y a cependant la possibilité de traduire cette notion de virginité par la périphrase

‘sunguru ou muso min ma c ln. (la fille ou la femme qui n’a pas connu d’homme), mais cette option paraît susceptible de choquer. Pour ce qui est des versets spécifiques étudiés, le terme grec utilisé est παρθενον (parthenon), qui, curieusement signifie à la fois selon le lexique grec anglais Oxford (1996) ‘maiden girl’, ‘virgin’ et même ‘unmarried women who are not virgin’. La version du Layidukura se comprend donc et se justifie bien. Nous examinons à présent d’autres cas où le terme παρθενον (parthenon) est employé dans un autre contexte, lui donnant un autre sens.

Exemple 2

1 Corinthiens 7 : 37-38

«Nga n kambelen mn ya latg a yr dusu la, n degunyr t’a la fewu, n’a be se a yr kr fana, k’a latg a yr kn ko a tna se a ka mamnmuso ma fewu, ale be baaranyuman k. Mn ma furu k fana o tg ye konyuman k ksb».

Traduction littérale: mais un jeune homme qui décide de lui-même sans contrainte aucune, s’il sait se maîtriser, s’il choisit de lui-même de ne pas toucher à sa fiancée du tout, il fait un bon travail. Celui qui ne se marie pas aussi fait vraiment bien.’

Versions françaises

«Par contre si le jeune homme sans subir de contrainte a pris intérieurement la ferme résolution de ne pas se marier, s’il est capable de dominer sa volonté et a décidé en lui-même de ne pas avoir de relations avec sa fiancée, il fait bien. Ainsi, celui qui épouse sa fiancée fait bien, mais celui qui y renonce fait encore mieux» (Français Courant).

«Mais celui qui tient ferme en lui-même sans contrainte et avec l’exercice de sa propre volonté, et qui a décidé en son cœur de garder sa (fille) vierge, celui là fait

bien. Ainsi, celui qui donne sa (fille) vierge en mariage fait bien, celui qui ne la donne pas fait mieux». (Louis Segond Révisée).

Nous remarquons que pour ces versets, même en français, les textes présentent une différence entre eux. Le même mot se trouve être ‘fiancée’ dans le Français Courant, tandis que la Louis Segond Révisée a gardé le terme ’vierge’. Le texte grec utilise toujours le terme παρθενοs (parthenos), qui peut désigner, ‘vierge’, jeune fille, fiancée et même jeune mariée. Encore une fois, cette confusion apparente entre

‘jeune fille’ et ‘fiancée’ dans les versions françaises mêmes a sa source dans le texte grec.

Nous avons également choisi de présenter dans ce sous thème de la sexualité et de la corporalité la notion de baiser dont l’intérêt réside dans son étrangeté pour les sociétés dioulaphones.

3.1.3 Le baiser

Dans la tradition judéo-chrétienne, le baiser semblait être quelque chose de courant et de naturel. Il pouvait être une marque de respect aussi bien que de tendresse, ainsi qu’un mode de salutation.

Ce concept n’étant pas très familier dans la culture cible, on pouvait s’attendre à des difficultés de traduction. Ainsi donc, dans Mathieu 26 : 48, Mathieu 26 : 49, Marc 14 : 44, Marc 14 : 45, c’est un geste qui a été décrit. Il est dit en dioula ‘a ya bolo meleke a kan kan’ ce qui veut dire, ‘il a mis ses mains autour de son cou’, en prenant le soin d’expliciter qu’il s’agit de salutation. Pourquoi les traducteurs ont-ils choisi ce geste précisément ? Mettre les mains autour du cou est un geste qui se fait souvent au Burkina entre parents et enfants, surtout les petits enfants. On assiste maintenant de plus en plus à des scènes d’accolades et d’autres formes de baiser importées, mais traditionnellement, le geste décrit par les traducteurs, qui traduirait l’affection ou la salutation affectueuse, existait entre enfants et parents. Il y a eu donc adaptation à la culture cible.

Dans d’autres versets comme Luc 22 : 47, Luc 22 : 48 et 1 Pierre 5 : 14, le terme baiser a été traduit simplement par ‘salutation’ sans autres référence au geste. Dans ces cas encore, on peut parler d’adaptation au contexte cible, le baiser représentant pour les sociétés judéo-chrétiennes, ce que le salut représente pour les sociétés africaines, peu importe la manière de le faire.

Il existe un troisième groupe de versets où il est plutôt question de ‘saint baiser’ et cette notion a été traduite en dioula de différentes manières. Il s’agit de Romains 16 : 16, 1 Corinthiens 16 : 20, 2 Corinthiens 13 : 12.

Dans Romains 16 : 16, Le texte dioula dit : ‘Aw ka nygn fo n kngw ye’, ce qui signifie littéralement ‘vous avec un ventre blanc’, en d’autres termes saluez-vous avec un cœur sincère, tandis que la TOB parlait de ‘saint baiser’, le Français

Courant de baiser fraternel et le grec de φιληµατι αγιω (philêmati agio) (saint baiser).

La même expression de ‘saint baiser’ a été traduite paradoxalement dans 1 Corinthien 16 : 20 par ‘an ka nygn fo kosb k’an bolo meleke nygn kan na’ (saluez-vous bien en vous mettant mutuellement les mains autour du cou), ce qui revient à la description du geste, en plus de l’idée de salutation. Cette instabilité dans le choix des stratégies peut se justifier, soit par plusieurs objectifs combinés de la traduction de ce passage, soit par un malaise dans la traduction de ce concept.

La même expression de ‘saint baiser’ a été traduite paradoxalement dans 1 Corinthien 16 : 20 par ‘an ka nygn fo kosb k’an bolo meleke nygn kan na’ (saluez-vous bien en vous mettant mutuellement les mains autour du cou), ce qui revient à la description du geste, en plus de l’idée de salutation. Cette instabilité dans le choix des stratégies peut se justifier, soit par plusieurs objectifs combinés de la traduction de ce passage, soit par un malaise dans la traduction de ce concept.