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CHAPITRE IV CONTEXTE LINGUISTIQUE ET INSTITUTIONNEL

2 CONTEXTE INSTITUTIONNEL

2.1 L’église catholique au Burkina Faso

L’église catholique du Burkina est une succursale de l’Église Catholique Universelle dont le plus haut représentant de la hiérarchie se trouve à Rome. Ses actions s’inscrivent dans ce cadre général, même si elle a aussi des structures locales dirigées par des évêques ou archevêques qui décident sur certaines questions internes.

Parlant de l’église catholique du Burkina, une présentation intégrale serait impossible et ne se justifierait pas entièrement pour notre étude. Aussi faisons-nous une sélection des aspects permettant d’illustrer certains points de notre analyse. Nous aborderons, par ordre, le concile Vatican II qui a été une occasion historique pour l’église africaine de pouvoir s’exprimer, des questions d’ordre général comme celles liées à la position de l’église par rapport à la politique et à la formation des prêtres, et en dernier ressort, nous nous pencherons sur l’archidiocèse de Bobo.

2.1.1 Le concile Vatican II et l’inculturation

Le concile Vatican II, ouvert le 11 octobre 1962 et qui a pris fin le 8 décembre 1965 après quatre sessions, a été une occasion historique pour l’église d’Afrique de pouvoir s’exprimer et de réclamer sa place et son identité véritables au sein de l’Église Universelle. Les années 60 ont été marquées par un mouvement massif de décolonisation, qui a vu la plupart des états africains obtenir leur indépendance.

Avant cela, dans les années 30, le monde littéraire francophone noir avait entamé un mouvement de protestation contre la politique coloniale, connu sous le nom de la négritude. Ce mouvement qui constituait une réaction à la colonisation, un rejet de la domination et des idées occidentales et une valorisation de la culture et des traditions africaines, a sans aucun doute influencé la position des Africains au concile Vatican II. En effet, dans la même logique de protestation et d’affirmation identitaire, les prêtres conciliaires ont réclamé un christianisme africain dépouillé de ses empreintes occidentales. La notion d’inculturation, dont la théologie elle-même avait fourni l’argument, a vu le jour et il fallait tout mettre en œuvre pour que les aspirations culturelles des Africains soient prises en compte. Il y a eu des sessions préparatoires en Afrique d’abord entre les Africains pour accorder les points de vue et parler d’une seule voix. Ainsi, les Africains espéraient se faire mieux entendre et gagner plus de poids dans l’assemblée du concile dans lequel ils représentaient 11 % de l’ensemble.

(Conus, 1975 : 24).

Leur théologie de l’adaptation peut se résumer comme suit :

Elle se fonde sur le plan de Dieu lui-même qui crée l’homme divers d’où l’exigence d’adaptation…L’adaptation suppose la connaissance, donc l’étude des coutumes et des valeurs d’un peuple pour reconnaître celles qui sont positives et adaptables…

L’adaptation consiste à décanter le message évangélique de tout le support culturel donné, pour qu’il se présente pur aux nouveaux adeptes qui l’accueillent. De l’Europe…, nous ne voulons que l’évangile et l’évangile seul… (Conus 1975 : 46).

Dans ce combat général figurait la liturgie. En effet le latin était la langue en vigueur dans l’église et les pères conciliaires africains ont demandé que «les traditions et le génie» de chaque peuple puissent s’exprimer le mieux au cours de la liturgie. Ainsi ils ont demandé que la langue ‘vernaculaire’ soit utilisée au moins pour une partie de la messe et y voyaient les avantages suivants : «une participation meilleure et plus active, une formation religieuse plus approfondie, une assimilation plus naturelle de la messe et des sacrements» (Conus, 1975 : 47). Cette revendication fut satisfaite, puisqu’effectivement, il existe des messes faisant intervenir les langues nationales soit pour toute la messe, soit pour une partie. Mais il faut dire que les pères missionnaires du Burkina avaient devancé le concile en ce qui concerne l’utilisation des langues locales dans les célébrations religieuses. Les lectures se faisaient depuis la période missionnaire en langues locales, même si le reste de la messe se faisait en latin (interview du 18 juin 2004 avec Monseigneur Lucas Kalfa Sanon).

Il était aussi question d’introduire la musique africaine dans les célébrations, car comme le disait Rugambwa dans Conus (1975 : 48), «la musique fait partie de la vie africaine de façon essentielle. Ainsi cette musique doit trouver place dans la vie liturgique». Cette requête aussi a été prise en compte si on considère ce qui se passe actuellement dans les églises.

À la suite du concile, il y a eu un certain nombre de changements dans la liturgie pendant les célébrations de la messe dans les églises catholiques à travers le monde.

Tandis que certains parlaient de l’ouverture par ce concile de l’église catholique au monde et aux autres religions, d’autres parlaient de l’abandon des ‘valeurs essentielles et de ‘l’infidélité à la tradition de l’Eglise’ (Lambert, 1967). Parmi ces changements, on note l’emplacement de l’autel face à l’assemblée, la célébration de la messe en langues vernaculaires, l’introduction des chants en langues locales, l’implication des laïcs à la célébration (pour les lectures), l’introduction des intentions de prières, l’échange du signe de la paix, la communion au sang du Christ.

Il fut également décidé de donner une plus grande place à la parole de Dieu, par les lectures de l’Ancien Testament et par l’homélie sur les écritures. La liturgie de la messe a donc changé depuis et les églises ont revêtu la couleur locale, tout en gardant un rite de base qu’on retrouve dans toutes les célébrations : il est le même pour les messes ordinaires sans fête ni solennité. Il peut varier à quelques petites différences près, notamment dans le nombre des lectures, la longueur de l’accueil selon la circonstance.

Le rite ordinaire est le suivant :

1. Ouverture de la célébration : chant d’entrée, accueil de l’assemblée, rite pénitentiel- Kyrie, Gloria, prière d’ouverture.

2. Liturgie de la parole : première lecture, psaume, deuxième lecture, alléluia et évangile, homélie, profession de foi, prière universelle.

3. Le rite de communion : le pater, la prière pour la paix et le signe de la paix (aussi connu sous le nom de ‘don de la paix’), la fraction du pain, l’agnus dei, la communion du prêtre et celle des fidèles.

4. Bénédiction et envoi : prière finale, bénédiction et chant de sortie.

L’église catholique du Burkina a progressivement introduit ses langues nationales dans les célébrations eucharistiques. Ainsi, on trouve des messes unilingues en langues nationales ou en français, et des messes bilingues français-langues nationales dépendant du diocèse ou des circonstances. Dans ces messes bilingues, on trouve et des cas de traduction et des cas d’alternance codique.

Certaines questions générales de l’église ont un intérêt pour notre analyse, surtout celle des données orales.

2.1.2 Questions générales

Au nombre de ces questions, nous notons tout d’abord la position de l’église par rapport à la politique, étant donné les nombreuses références à cette dernière dans les données orales collectées. Pour l’église catholique, la politique et les rôles de l’état doivent être en conformité avec les principes chrétiens dans le sens des droits de l’homme. L’Église catholique est très intransigeante dans la défense de ces droits et surtout pour le respect de la vie humaine. Si traditionnellement les homélies donnent une méditation inspirée de la Bible sur un problème d’actualité, quant elles touchent à certains sujets brûlants notamment en politique, elles sont considérées comme des prises de position de la part du clergé. Elles sont prononcées devant une assemblée dans ces cas, mais ont une portée plus large. Pour preuve, les homélies de Monseigneur Anselme Sanon, de Zéphirin Toé du 18 décembre 1980 et celle du Cardinal Paul Zoungrana du 1er Novembre 1966 ont été publiées et sont toujours présentes dans les esprits et citées comme la position de l’église face à la politique voltaïque de l’époque (Doli, 2001).

Ensuite, conformément à la proposition de Nord (1991) sur l’analyse des facteurs extratextuels, notamment ceux portant sur l’auteur ou l’émetteur du message, nous faisons une pause sur la question de la formation des prêtres.

Il faut dire que le concile Vatican II (1962-1965) a proclamé l’extrême importance de la formation des prêtres et des décrets ont été pris dans ce sens. Mais ces derniers sont restés généraux vu la diversité des peuples et des régions. Ainsi, pour chaque pays et chaque rite, il fallait un « programme de formation sacerdotale spécial », fixé par les conférences épiscopales26, revu à intervalles déterminés, et approuvé par le

26 Depuis le Concile de Vatican II, les Conférences épiscopales sont des assemblées où les évêques des Églises locales - les diocèses - mettent en oeuvre la collégialité pour accomplir ensemble des tâches d'intérêt commun pour leur région.

Siège. C'est ainsi que les règles universelles sont adaptées aux conditions particu-lières des lieux et des temps, afin que la formation des prêtres réponde toujours aux besoins pastoraux des régions où ils auront à exercer leur ministère (Lambert 1967).

Dans les petits séminaires, en plus de la formation religieuse, les études sont organisées de telle sorte que les élèves puissent sans difficultés les poursuivre ailleurs, s'ils venaient à choisir un autre état de vie. Ainsi, pour le cas du Burkina, ces études sont sanctionnées par les deux diplômes de l’enseignement général, à savoir le BEPC et le BAC. La formation des prêtres se poursuit aux grands séminaires que le concile a jugés nécessaires pour leur pleine formation. Toute l'éducation des élèves doit tendre à faire d'eux, sur le modèle de Jésus-Christ, de véritables pasteurs d'âmes. Ils sont préparés au ministère de la parole, afin de pénétrer toujours plus profondément la divine parole révélée, l'assimiler par la méditation, l'exprimer par leurs paroles. La formation des prêtres comporte trois aspects : la formation spirituelle, la formation intellectuelle et la formation pastorale. Ces trois aspects doivent se trouver fusionnés dans la vie des candidats au sacerdoce. Pour la formation spirituelle, elle est conçue en lien étroit avec la formation scientifique et pastorale. Le célibat est recommandé comme un don total de soi à Dieu, ce qui revient à dire qu’ils doivent consacrer toute leur vie à ce travail. Pour accéder au grand séminaire, la connaissance du latin est exigée, de même qu’un niveau de formation qui ouvre l’accès aux études supérieures dans chaque pays, ce qui correspond au baccalauréat pour le Burkina. La connaissance du grec et de l’hébreu est aussi favorisée. Les étudiants sont initiés aux courants de pensée moderne et surtout à ceux qui exercent une influence dans leur pays. En plus de la théologie qui est enseignée, d’autres sciences humaines telles que la sociologie, la psychologie et l’anthropologie sont abordées au cours de la formation presbytérale, remplissant ainsi toutes les conditions pour avoir des prêtres bien cultivés et polyvalents (Lambert 1967).

Voici à présent un bref aperçu de l’église de Bobo, étant donné que c’est dans ce cadre spécifique qu’a eu lieu la collecte des données.

2.1.3 L’archidiocèse de Bobo

L’église catholique de Bobo, tout en respectant les règles de conduite générales dictées par la hiérarchie à toutes les églises catholiques du monde, demeure quand même particulière. Son premier responsable, Monseigneur Anselme Sanon, qui est un grand défenseur de l’inculturation, si on se réfère à sa thèse de doctorat27 qui pose ce problème de façon nette, prône une intégration des approches culturelles et chrétiennes et cela se répercute sur les célébrations au sein de l’archidiocèse. Par exemple, les célébrations des funérailles coutumières sont autorisées dans l’archidio-cèse de Bobo, contrairement à l’archidiol’archidio-cèse de Ouagadougou qui propose en lieu et place des funérailles chrétiennes, même si cette position a été justifiée aussi par

27 Tierce Eglise, ma mère, ou la conversion d’une communauté paienne au Christ.(1970).

l’inculturation (journal Sidwaya du 27 mai 2004). Chaque église est donc autonome dans la prise de certaines décisions.

Nous avons rencontré le premier responsable de l’archidiocèse de Bobo (interview du 06 décembre 2003), pour comprendre le fonctionnement de son institution.. Il en est ressorti que pour l’utilisation des langues lors des célébrations, étant donné la diversité linguistique et la montée du dioula, l’archidiocèse de Bobo a choisi cette langue comme langue pastorale et langue de base. Mais, vu le fait que beaucoup de textes ne soient pas traduits ou «valablement traduits» (sic) en dioula, il fut alors décidé de faire l’une des lectures en dioula, l’autre en français et parfois on double l’évangile en dioula et en français, de même que le commentaire ; ou encore, les deux textes peuvent être lus en français et on fait un petit commentaire en dioula pour que les gens suivent, parce qu’ils ont une connaissance, on pourrait dire, au moins passive de chacune des deux langues. La plupart des fidèles maîtrise le français dit ‘du marché ou de la rue’. Pour les chants, ce n’est pas en général le contenu qui intéresse, mais le rythme. Toutes les langues sont admises, pourvu que la chorale puisse les chanter ; tout cela, pour arriver à une certaine compréhension dans la communion.

Les données orales collectées dans les églises catholiques ont été produites dans les circonstances ci-dessus, qui aident à situer l’analyse. Qu’en est-il de l’église de l’Alliance Chrétienne, l’autre cadre de collecte des données orales ?