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Le positionnement des experts, des scientifiques et la création du Centre National des

Partie I. Les tremblements de terre de Marmara 1999

Section 3. Réactions et positionnements de divers acteurs

3. Le positionnement des experts, des scientifiques et la création du Centre National des

Les tremblements de terre de 1999 ont constitué une occasion pour analyser le rapport de la société turque à la science ainsi qu’aux scientifiques. Mais faisons d’abord un rappel sur le contexte. En premier lieu, l’ampleur des séismes (surtout celui du 17 août) n’était pas négligeable avec plusieurs dizaines de milliers de morts et la société ressentait un très fort besoin d’une explication « valable » pour ce bilan, explication autre que les discours fatalistes devenus « classiques ». En deuxième lieu, la catastrophe n’était pas « passée » pour les habitants de la ville d’Istanbul. Au contraire, elle était à venir dans un futur proche et ruinerait la capitale économique du pays comme le déclarent des scientifiques réputés.309 Hormis l’aspect économique, de manière générale, toute question qui inquiète la population d’Istanbul devient une question nationale en Turquie : la métropole abrite plusieurs millions de personnes d’Anatolie, dont une grande partie préserve ses liens avec son lieu d’origine.

308 POULTON, op.cit., pp. 229-231.

Naturellement, la sismicité de la Turquie et en particulier celle de la région de Marmara, le « prochain » séisme d’Istanbul, les méthodes de génie parasismique ont été les sujets préférés de toutes les chaînes de télévision pendant quelques mois, tout comme ils ont fait couler beaucoup d’encre dans la presse. Les médias ont favorisé cette « confusion » en donnant la parole à plusieurs scientifiques en même temps, dont une partie n’était même pas des spécialistes, c’est-à-dire des sismologues ou des géophysiciens. À ce moment, nous avons observé que même des « charlatans » (les voyants, les pseudo-scientifiques, les astrologues…) ont pu s’adresser au public à travers les médias, ce qui n’a pas aidé à clarifier les questions liées au risque sismique. En revanche, le risque sismique est devenu un instrument de pouvoir pour toutes les parties du « débat scientifique », tout comme il l’a été pour les victimes et pour les « sauveteurs » aussi.

Pour les habitants d’Istanbul la question cruciale était d’être avertis du moment et du lieu du prochain séisme qui toucherait Istanbul. Cela s’avérait une demande irréaliste mais il faut comprendre que faute de mesure parasismique, tout « indice » sur l’éventuel séisme était le bienvenu pour le citoyen, sachant qu’il ne serait pas possible de renouveler tout le stock de bâtiments de la ville d’un jour à l’autre. À défaut d’application sérieuse des principes du génie civil, le traumatisme et la peur suscités par les derniers séismes poussaient les habitants d’Istanbul vers l’irrationalité. En fin de compte, « le séisme d’Istanbul » prenait l’allure d’une pathologie : le titre du 3 septembre du quotidien Sabah l’illustrait sous le terme « La phobie du séisme ». D’après l’article « même une rumeur non fondée suffisait pour que les foules descendent dans la rue. »310

Ainsi, les scientifiques ont subi une pression sociale considérable. La réponse qui ne satisfaisait personne était sans doute le seul énoncé scientifique applicable à la situation : il est impossible de prévoir le moment, le lieu exact et la magnitude des tremblements de terre avec le niveau de connaissances scientifiques actuel. En plus, au lieu de se focaliser sur la prise en compte du risque évident et sur l’élaboration d’un plan d’action à grande échelle (par exemple, visant au moins le renforcement des bâtiments et des équipements critiques de la ville), on a cherché à obtenir des prévisions « optimistes » de la part des scientifiques turcs.311 Le sujet étant très populaire, les experts concernés sont devenus les personnes les plus sollicitées par les chaînes de télévision. À cette occasion, un grand nombre d’universitaires qui travaillaient dans les domaines de la géologie, de la

310 « Deprem Fobisi », Sabah, 3 septembre 1999, p.1 311 Kamu binalarinin yuzdde 80i Radikal 17 08 05

géophysique, de la sismologie, mais aussi de la minéralogie, de la pétrologie, du génie civil et de l’architecture ont joui d’une popularité jamais connue auparavant.

Certains ont préféré échapper le plus possible à « l’appréciation du public ». Le directeur de l’observatoire de Kandilli (Istanbul), par exemple, Ahmet Mete Işıkara, n’a cependant pas pu mener une vie normale pendant des mois : cet observatoire étant officiellement responsable des mesures scientifiques sur les activités sismiques, Işıkara était devenu une sorte de prophète dont un seul mot suffisait pour que la population d’Istanbul passe la nuit dans les parcs. Sollicité partout, il était suivi même dans sa vie privée (s’il sortait dehors la nuit, par exemple, des rumeurs sur un éventuel séisme se répandaient instantanément). S’il contestait vivement cette pression, il a quitté son poste en 2002 pour se présenter aux élections législatives de 2002. Un parti politique avait décidé d’avoir cet homme « emblématique » parmi « ses rangs » à cause de sa popularité.312

Tout cela peut paraître anecdotique, mais il est nécessaire d’en parler pour mieux décrire le contexte paradoxal. Malgré toute la gravité de la situation, la société et les autorités souhaitent plutôt que les scientifiques agissent contre les principes de la science en sous-estimant délibérément le risque, au lieu de diminuer la vulnérabilité contre le séisme. D’ailleurs, un certain nombre d’universitaires turcs n’ont pas hésité à s’adapter à cette situation pour « remonter le moral des citoyens », ce qui a dégradé encore la situation, d’autant plus que la partie la plus occidentale de la Faille Nord-Anatolienne n’était pas encore étudiée lorsque ces discussions « sans fin » avaient lieu devant le public. Celal Şengör, géophysicien turc très réputé, écrivait dans une lettre adressée au journaliste Emin Çölaşan : « C’est très gentil de votre part d’appeler les personnes qui s’affichent dans les journaux et à la télévision des scientifiques. En tant que journaliste qui a consacré sa vie à rendre publics les cas de corruption, vous n’avez qu’à visiter le site Internet www.isi.com pour avoir plus d’informations sur ces ‘scientifiques’. Combien d’entre eux ont eu des publications dans des revues internationales sérieuses ? Combien de fois sont-ils cités dans une année ? 313 […] S’il vous plaît, prenez une citation par an comme critère et dressez une

312 Dans ses mémoires, Işıkara affirme qu’il n’avait aucune ambition politique et qu’il souhait avoir du

pouvoir politique afin de construire un système de gestion d’urgence et d’intervention de catastrophe en Turquie. ISIKARA Ahmet Mete, Depremden Kalan Anılar, Boğaziçi Üniversitesi Yayınevi, Istanbul, 2004, pp. 92-107.

313 Il est très intéressant de jeter un coup d’œil au Science Citation Index pour constater le nombre annuel de

citations reçues par les universitaires turcs qui ont été « très présents » sur la scène publique à la suite des séismes. À notre avis, c’est un bon indice pour distinguer les scientifiques les plus « crédibles » et nous nous apercevons vite que ceux qui était les plus désireux de s’adresser au public étaient souvent ceux qui avaient été les moins cités ou jamais cités du tout par leurs collègues turcs et étrangers. Un autre géologue éminent, Aykut Barka, suggérait lui aussi de considérer l’ISI comme indice : dans KURTULUŞ, Özgür, « Depremi Çalışmak », Bilim ve Teknik, Décembre 1999, p.38.

liste. C’est un critère bien drôle pour le monde civilisé, mais faites-le quand même. […] Ainsi, vous distinguerez les vrais scientifiques de ceux qui courent après leur satisfaction personnelle devant le public en se cachant derrièredes titres [universitaires] dont le mode d’obtention demeure suspect. »314

Les Istanbuliotes désiraient reprendre leur vie « normale », mais cela ne s’avérait pas facile avec le bombardement médiatique continu : journaux télévisés, débats, dossiers de presse, dans lesquels on retrouvait (naturellement) les points de vue de différents « experts ». Ces derniers ont été critiqués pour être irresponsables : « Je ne suis pas sûr qu’il y ait un autre pays où les scientifiques se montrent aussi fréquemment à la télévision. En plus, les nôtres font le tour de toutes les chaînes pour annoncer la catastrophe. […] Or, nos scientifiques aiment probablement être médiatiques, vu le fait qu’ils parlent sans cesse, mais leurs propos sont souvent contradictoires. […] Une concertation préalable entre eux avant de se montrer à la télévision ne serait-elle pas préférable ? La science prend les faits réels comme objet, donc il peut y avoir des désaccords entre différents points de vue. Mais si on débat des 4-5 modélisations différentes sous les yeux du public en ce qui concerne la question du séisme, les disciplines comme la géophysique, la géologie et la sismologie ne prennent-elles pas l’allure de para-sciences ? »315 D’après l’auteur, on ne devrait pas demander aux savants de compromettre la démarche scientifique, surtout pour des raisons politiques. D’autre part, il admettait que la publicisation du débat et la conduite de certains scientifiques mettaient en cause la fiabilité de ces derniers.

À la suite du séisme de Düzce (12 novembre), les débats télévisés sont devenus particulièrement déplaisants pour le gouvernement qui « voulait en finir avec la littérature autour du séisme » car lors des débats on revenait souvent (et inévitablement) sur l’incapacité du gouvernement à gérer la crise. À cela s’ajoutait la pression des milieux d’affaires qui étaient mécontents de « la fuite des investisseurs » d’Istanbul et du fait que l’économie en souffrait.316 Au cours de sa réunion du 14 novembre, la Commission d’enquête parlementaire à propos du séisme du 17 août s’est focalisée sur la question. Les députés étaient unanimes sur la « nécessité de discipliner les débats sur les séismes » : « les déclarations des scientifiques causent l’inquiétude parmi le peuple » et il fallait les limiter « si nécessaire par le biais du RTÜK » ; « …seul le gouvernement devrait avoir la

314 ÇÖLAŞAN, Emin, « Magnitüdü 7’den büyük bir deprem Istanbul’u en geç önümüzdeki 30 yıl içinde

yeniden vuracak », Hürriyet, 17 novembre 1999, p.5.

315 KAYA, Yalçın, 17 Ağustos’un Ardından Deprem, Devlet ve Toplum, Otopsi Yayınları, Istanbul, 2000,

p.184.

compétence pour faire des déclarations sur cette question », il était « nécessaire d’étouffer ce brouhaha. »317

Le Premier ministre Ecevit a tenu un discours similaire. D’après lui, « certains experts » présentaient quotidiennement leurs suppositions comme des résultats de recherche, ce qui poussait la population à vivre dans le souci « d’un séisme qui surviendra le lendemain ». « Bien sûr » disait-il « que ce n’est pas ce que les experts désirent, mais si vous parlez des probabilités comme si vous annonciez des résultats de recherche, vous suscitez la peur et la panique chez les citoyens. […] A cet égard, il faut que les experts des risques naturels et des séismes nous transmettent leurs estimations ou suppositions […] pour que nous puissions prendre les mesures nécessaires. »318 D’après le titre d’un article paru dans Sabah, c’était un ordre pour imposer le silence : « D’Ecevit aux experts : ‘Taisez-vous’ ».319 Il faut cependant souligner qu’à peine un mois après, Ecevit a lui-même causé la panique à Istanbul par une annonce qu’il a faite devant les caméras : un prétendu physicien lithuanien avait averti l’État de la probabilité d’un grand séisme qui aurait lieu entre le 14 et le 17 décembre [1999]. L’information était déjà transmise à toutes les instances publiques concernées.320 Ainsi, le Premier ministre en personne répandait une information qui n’avait aucune valeur scientifique : une « rumeur officielle ».

Mais l’inquiétude, déclenchée une deuxième fois par le séisme de Düzce, ne se calmait pas. Par exemple, d’après le quotidien Cumhuriyet, un grand nombre de citoyens ont dû passer la nuit du 15 novembre dehors car le Préfet d’Istanbul avait pris le jour précédent un décret sur l’évacuation des écoles endommagées, ce qui avait conduit à une rumeur.321 Le gouvernement a décidé de rendre publique une carte « jusqu’alors gardée secrète ». Il s’agissait d’une carte de la Compagnie Nationale du Pétrole et du Gaz de Turquie (TPAO) sur laquelle figurait la partie sous-marine de la Faille Nord-anatolienne. Rappelons que cette partie de la faille n’était presque pas étudiée avant les séismes, et au moment où le gouvernement a transmis cette carte à la presse, les études étaient en cours et même des résultats préliminaires n’existaient pas. Cette carte a donc été accueillie avec beaucoup de suspicion par la presse. « Scandale de la Faille » disait Emin Çölaşan : « Une carte des failles dont on affirme qu’elle a été préparée par TPAO il y a des années est sortie

317 Les affirmations (respectivement) de Yaşar Dedelek (député d’Eskişehir, ANAP), d’Abdülkadir Aksu

(député d’Istanbul, FP) et de Cumali Durmuş (député de Kocaeli, MHP) dans « Deprem Tartışmalarına Yasak Istemi », Cumhuriyet, 17 novembre 1999, p.4.

318 « Moral Bozan Açıklamalar Yapmayın », Cumhuriyet, 17 novembre 1999, p.19. 319 « Ecevit’ten Deprem Uzmanlarına : Susun », Sabah, 17 novembre 1999, p.7. 320 « Ecevit’in Açıklamasına Tepki », Cumhuriyet, 15 décembre 1999, p.1 et 3. 321 « Istanbul’da Deprem Paniği », Cumhuriyet, 16 novembre 1999, p.1.

sur le marché et tout a basculé d’un seul coup ! Ceux qui parlaient d’une faille qui passait à 15 km du sud d’Istanbul il y a deux jours […] ont fait marche arrière et se sont montrés sur les écrans en brandissant cette nouvelle carte. Ils ont affirmé que la faille passait en réalité à 60 km de distance d’Istanbul et qu’un séisme éventuel ne ferait pas beaucoup de dégâts. D’autres ont dit que cette carte ne fournissait pas suffisamment d’informations en termes de sismologie. Eh bien, qui faut-il croire dans ce cas-là ? Alors si la carte est bonne, nos ‘experts en séisme’ dormaient-ils debout jusqu’à maintenant ? […] Si la carte est bidon, comment osent-ils essayer de nous la faire avaler ? C’est un manque de sérieux, c’est un scandale. »322

Fatih Altaylı écrivait « Ainsi, la faille dans [la mer de] Marmara est entrée dans l’histoire mondiale en tant que la première faille qui ait été déplacée 45 kilomètres vers le sud par une décision gouvernementale. Bien entendu, les imbéciles qui ont poussé la faille 45 kilomètres plus au sud n’ont pas pris la peine de se poser la question suivante : ‘Si nous la déplaçons 45 kilomètres vers le sud, cette fois-ci elle se situera entre Yalova et Bursa. Qu’est-ce que nous ferons de ceux qui vivent là-bas ?’ Et quand les journalistes ont posé des questions à ce sujet, on a essayé d’éviter de leur répondre en disant ‘Oui, oui, la faille s’est éloignée d’Istanbul mais elle ne s’est pas approchée de Bursa non plus.’ Je ne comprends pas de quelle sorte de scientifiques il s’agit là.»323

Serdar Turgut faisait une analyse plus « poussée » en parlant de la faille étatique : « Il y a longtemps, un des nos hommes d’État importants – en s’énervant contre les communistes [turcs] qui étaient en train de fonder leur parti politique – avait dit : ‘Mais qu’est-ce qu’ils font ces types ? Si ce pays a besoin d’un parti communiste, c’est aussi nous qui le créerons !’ Ceci n’est qu’un des exemples qui prouvent que notre État a toujours eu une raison supérieure dans tous les domaines : économique, social, culturel. Notre peuple, même difficilement, a appris qu’une théorie sociale qui n’est pas admise par l’État ne peut pas être réalisée. […] Il est bien entendu inimaginable que l’État n’impose pas non plus sa supériorité indiscutable dans le domaine de la géophysique. Cela est survenu hier. Comme vous le savez, nos hommes d’État s’étaient mis en colère contre nos scientifiques. Certains des scientifiques continuaient toujours à se croire en Europe et à s’exprimer. C’est alors que la puissance de l’État turc s’est mise en évidence. Tout comme le peuple turc, la faille a pris une nouvelle position pour ne pas fâcher l’État. »324

322 ÇÖLAŞAN, Emin, « Fay Hattı Rezaleti », Hürriyet, 19 novembre 1999, p.5. 323 ALTAYLI, Fatih, « Kararname ile Fay Nakli », Hürriyet, 19 novembre 1999, p.25. 324 TURGUT, Serdar, « Devletin Fay Hattı », Hürriyet, 19 novembre 1999, p.4.

Il y a eu des tentatives de faire oublier « la gaffe » mais elle était trop grande pour passer inaperçue. Dans sa rubrique Türenç écrivait : « D’après les informations que j’ai reçues, TPAO n’a pas le droit de rendre publiques ses données d’après les traités internationaux. Autrement dit, les informations concernant les sondages du pétrole et du gaz sont considérées comme secrètes. Mais comme l’ampleur des débats est devenue nuisible pour la santé psychique de la population, on a décidé de publiciser certaines informations. Le ministre de l’Energie, Cumhur Ersümer, a demandé au TPAO de « trier » les données critiques et de donner le reste au Prof. Işıkara [Directeur de l’Observatoire de Kandilli]. »325 Ce dernier semblait justifier cette explication : « Lors de la conférence de presse sur la carte du TPAO, il y a eu un malentendu en ce qui concerne la distance de la faille. Personne ne peut m’empêcher de parler. Je n’ai pas modifié les failles. On a avancé que les failles ont été modifiées à cause de la pression du gouvernement. Néanmoins, il ne s’agit nullement d’une pression gouvernementale sur moi, si c’était le cas je démissionnerais tout de suite.»326

En conséquence, nous pouvons penser que « l’opération de TPAO » n’a pas été une réussite, d’autant plus que la thèse de la faille plus éloignée avait été démentie par les travaux ultérieurs. Cependant, les critiques contre les scientifiques ont continué. Dans un article intitulé « Les scientifiques doivent doubler leur classe » paru dans Cumhuriyet, un lecteur écrivait : « Vulgariser les données scientifiques, les transmettre, les expliquer à ceux qui sont étrangers à un domaine scientifique, surtout à ceux qui sont limités en termes de culture [générale] est une autre qualité, une autre capacité. On ne parle pas de la science avec la manière d’un politique. […] Les scientifiques, qui sont tombés dans le piège des médias et qui ont été trompés par les journalistes dont le but était de provoquer les parties dans le débat, avaient-ils besoin de l’avertissement des hommes politiques pour prendre conscience de leurs responsabilités ? Etait-il vraiment nécessaire que les membres de la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale soient unanimes sur la nécessité de discipliner les scientifiques, voir même de les empêcher de parler ? Etait-il nécessaire que les scientifiques soient qualifiés d’annonciateurs de catastrophe par cette commission ? […] En tout cas, les gens n’auraient pas dû être amenés à ce stade. Si la science est abaissée à ce niveau-là, si elle devient vulgaire, les charlatans, les médiums, les fous et les marchands de foi remplacent les scientifiques.»327

325 TÜRENÇ, Tufan, « TPAO Haritayı Neden Bu Kadar Geç Açıkladı ? », Hürriyet, 19 novembre 1999, p.21. 326 « Beni Kimse Susturamaz », Cumhuriyet, 29 novembre 1999, p.3.

L’Académie nationale des sciences de Turquie (TUBA) a tenu des propos allant dans le même sens. Dans sa déclaration à la presse du 1er décembre, elle invitait tous les scientifiques à agir de façon responsable et à respecter les principes éthiques.328 D’après l’Académie, « le fait que les scientifiques portent les travaux et les débats hypothétiques sur la scène publique était contraire à l’éthique ». Ces déclarations « secouaient le respect et la confiance envers les scientifiques » et « veiller à ce que l’équilibre entre la liberté scientifique et la responsabilité scientifique soit protégé était une charge éthique qui incombait aux scientifiques. »329

Finalement, le gouvernement a décidé d’appliquer la solution évoquée depuis quelques mois. Le Conseil national du séisme (UDK) a été créé par une circulaire du Premier ministre.330 Dans le texte, on expliquait les raisons qui avaient conduit le gouvernement à prendre une telle mesure : « A la suite des tremblements de terre de Gölcük du 17 août 1999 et de celui de Düzce du 12 novembre 1999, les autorités et les scientifiques ont essayé d’informer l’opinion publique sur la question du séisme [risque sismique] en transmettant des informations de valeur. Néanmoins, l’action de rendre publique et de soutenir des approches personnelles, des suppositions et même des

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