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La portée du concept des économies d’échelle et les industries de réseau réseau

Section 2 : Les économies d’échelle et les industries de réseaux

2.3 La portée du concept des économies d’échelle et les industries de réseau réseau

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2.3 La portée du concept des économies d’échelle et les industries de réseau

D’après Joskow (1974), pendant les décennies des années cinquante et soixante au 20ème siècle, l’industrie électrique aux Etats Unis a connu une croissance productive rapide, des prix réels et nominaux décroissants, une performance financière excellente et très peu de régulation ou de controverse politique. En dépit de nombreuses études économiques soulignant les imperfections sur les performances de l’industrie électrique, notamment « sur la nécessité d’acquérir une meilleure coordination entre les firmes, dont une bonne partie étaient considérées très petites pour exploiter les économies d’échelle disponibles »77, le marché de la production électrique n’a pas connu de grandes réformes structurelles. Ce qui nous intéresse ici, c’est de montrer que l’exploitation des économies d’échelle disponibles est liée à l’existence d’une industrie de réseau énergétique.

Il n’est pas abusif d’estimer que c’est la notion d’économies d’échelle qui est située à la base du corpus théorique de l’économie industrielle. Cela offre une approche objective des industries de réseau. Plusieurs niveaux doivent être pris en compte. Tout d’abord, les économies d’échelle ont un rôle déterministe sur la structure et sur la stratégie des firmes.

Autrement dit, elles agissent sur l’intégration verticale78 à cause de l’augmentation de la taille des firmes et de la nécessité de coordonner la production à grande échelle pour bénéficier de la réduction de coûts qui en résulte (Carlton et Kramel, 1983). Ensuite les économies d’échelle en déterminant la taille minimale optimale introduisent des barrières à l’entrée79. En effet, toute firme qui souhaite entrer sur le marché doit atteindre la taille minimale optimale

77 Joskow Paul, 1974, Inflation and Environmental Concern : Structural Change in the Process of Public Utility Price Regulation, Journal of Law and Economics, vol 17, p291-327.

78 Carlton Dennis et Klamer M., 1983, The Need for Coordination Among Firms with Special Reference to Network Industries, University of Chicago Law Review 50, p446-65.

79 Bain Joe S., 1956, Barriers to New Competition, Cambridge, Harvard University Press.

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afin de bénéficier des économies d’échelle (Bain, 1956). Enfin, bien que les économies d’échelle ne soient pas une condition nécessaire pour l’existence d’un monopole, elles se trouvent à la base des conditions de sous-additivité. Celle-ci est une propriété déterminante du monopole naturel (Sharkey, 1982).

L’une des études pionnières sur l’industrie électrique a été développée par Nerlove (1963) en utilisant des données de l’industrie électrique nord-américaine de 1955. Celle-ci est censée être une source d’économies d’échelle. La fonction de coût de Cobb-Douglas était à la base de l’étude de Nerlove :

[ ]

+ +

= pi

y S K S

C 1 ln

1ln

ln α1 .

Le degré des économies d’échelle d’une industrie d’énergie électrique, considérée comme un monoproduit, a été représenté dans le modèle par S ; le facteur rapporte les prix de la main d’œuvre, du combustible et du capital et,

pi

αi est un facteur scalaire qui peut être pondéré jusqu’à 1. Néanmoins, la contrainte à l’égard des rendements d’échelle constituait un inconvénient dans la mesure où ces rendements devaient être les mêmes pour tous les niveaux d’outputs et les prix des facteurs de production, (Panzar 1989)..

Ensuite, Nerlove avait travaillé sur l’hypothèse dite de « rendements d’échelle avec des variations neutres et continues », c’est-à-dire que le degré des économies d’échelle dépendait plus du niveau d’output plutôt que des prix des facteurs de production auxquels la firme devait faire face. L’équation se transforme ainsi :

[ ] [ ]

+ +

∑ [ ]

+

=K y y i pi

C ln ln ln

ln α β 2 α .

Christensen et Greene (1976) ont précisé que l’erreur de Nerlove se situait sur les paramètres d’évaluation qu’il avait utilisés afin de calculer son degré d’économies d’échelle.

Si bien qu’ils ont analysé les économies d’échelle de l’industrie électrique en utilisant des données de 1970 avec la fonction de coût logarithmique suivante :

[ ]

lnC =K+αY+βY2 +

αiPi +

∑∑

bijPiPj +

γiYPi ,

où les majuscules représentent les logarithmes naturels des variables indépendantes y et pi.

Les études de Nerlove, Christensen et Greene ont défini des références rigoureuses, une vision générale et des études empiriques des économies d’échelle. Pourtant, ils n’ont traité l’énergie électrique que comme un monoproduit, négligeant le caractère multiproduit de

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la production électrique et le fait que les industries nord-américaines vendaient du gaz associé à l’électricité (Panzar, 1989).

Lorsqu’on cherche à expliquer la structure et les stratégies des firmes, l’étendue de la notion des économies d’échelle est limitée. Dans ces conditions, elle doit être nuancée, car la présence d’économies d’échelle n‘est pas le seul facteur déterminant de la taille et de la croissance des firmes ; encore faut-il penser aux coûts de transaction80 (Williamson, 1975) et au concept des actifs spécifiques81 comme le capital physique, le capital humain et le capital localisé en un lieu spécifique. Ces actifs spécifiques évoquent les caractéristiques des réseaux électriques dans la phase de la distribution à moyen et haut voltage, notamment pour fournir de l’électricité aux industriels et aux grands commerçants (Williamson, 1968).

Par ailleurs, l’existence d’une taille optimale des firmes ne conduit pas toutes les firmes à l’adopter. Cela s’explique, d’abord par une première limite pratique basée sur l’évaluation du concept d’économies d’échelle. C’est un phénomène économique qui, parmi d’autres concepts, se heurte à de nombreux problèmes lorsqu’on cherche à le mesurer et à le quantifier. En second lieu, cela tient à la caractérisation de la fonction de production de chaque firme82, afin de rendre compte de la spécificité de chaque entreprise en ce qui concerne la technique de production (Legendre, 1992). Enfin, comme Cette et Szpiro (1989) le montrent, les effets de taille varient d’une branche à l’autre83, sur la base du rapport établi entre la productivité et la taille. Ce type de travail toutefois reste fortement dépendant de l’échantillon considéré, les résultats étant très sensibles aux définitions des branches et de la fiabilité des statistiques84.

Finalement, la taille optimale dépend aussi bien de chaque pays, de chaque économie, car comme dit Silberton (1972), « une unité qui ne représente que 1% du marché aux Etats Unis, peut représenter néanmoins une partie très importante dans le marché australien ou dans le marché nigérien. Il en découle que si les économies d’échelle sont « importantes » ou non, c’est en fonction du marché aussi bien que du capital nécessaire pour construire l’unité de

80 Williamson Oliver, 1975, Markets and Hierarchies-Analysis and Antitrust Implications : A Study in the Economics of the Internal Organization, New York, The Free Press.

81 Wiliamson Oliver, 1968, p95-6.

82 Legendre F., 1992, La distribution des rendements d’échelle dans l’industrie, une illustration à partir d’un panel de plus de 700 entreprises françaises, Revue Economique, N°1, vol 43, p71-100.

83 Cette G. et Szpiro D., 1989, Les entreprises françaises, sont elle bien dimensionnées ?, Economie et Statistique, janvier - février.

84 Selon la considération de Dang Nguyen Godefroy, 1995, Economie industrielle appliquée. Librairie Vuibert, Paris, p139.

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l’échelle optimale. Et même, l’aspect du capital a son composant relatif car un grand capital pour un pays peut ne pas l’être pour un autre. Les grands pays sont évidement mieux placés que les petits, dès lors ils profitent beaucoup plus des économies d’échelle »85. Dans le domaine électrique, nous pouvons prendre la liberté de substituer le mot « centrale électrique » par exemple, au mot « usine » dans l’expression de Silberston.

Le plus souvent, les entreprises fabriquent différents produits qui ont souvent des points communs et utilisent la même structure productive. Lorsqu’une entreprise fabrique plus de deux produits, elle peut être qualifiée d’entreprise multiproduit, ce qui a été analysé de façon détaillée par Baumol, Panzar et Willig (1982), ainsi que par Panzar (1989) sous le nom d’économies d’envergure, ce qui nous allons traiter maintenant.