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Le rétablissement des conditions économiques et financières (1974-1979)

Section 1 Le Chili : le pionnier de la privatisation en Amérique Latine

1.1 Le rétablissement des conditions économiques et financières (1974-1979)

1.1 Le rétablissement des conditions économiques et financières (1974-1979)

Au cours de cette étape, on peut relever deux aspects essentiels de la politique économique nationale. D’une part, avec la déréglementation de l’économie, les prix domestiques ont été libéralisés en Octobre 1973, sauf pour une trentaine de biens de consommation de masse qui le seront plus tard. Cette ouverture au marché s’est accompagnée de la libéralisation et de la privatisation du système financier dans les années 1974-75.

D’autre part, l’ouverture de l’économie au commerce international, à travers la réduction des droits de douane et l’abolition des barrières administratives et quantitatives, a augmenté la pression concurrentielle à laquelle devaient faire face les entreprises domestiques, et a forcé les entreprises publiques à fonctionner à partir de critères de maximisation de profit (Larrain, 1996).

En ce qui concerne le secteur électrique, cette période se caractérise par une politique de réajustement de tarifs. En fait, il n’était pas question de réformer les critères légaux de tarification en vigueur jusqu’en 1973. Jusqu’à cette date, c’était la Commission des Tarifs qui, en théorie et en appliquant un critère comptable pour évaluer le patrimoine, définissait les prix de manière à ce qu’ils garantissent un taux de retour sur capitaux de 10%10. Cependant, dans la pratique, le travail de la Commission ne déterminait pas de façon définitive les tarifs de l’électricité, car « c’était le gouvernement qui les fixait sur la base de critères plus politiques qu’économiques »11.

Par ailleurs, au cours de cette étape, la modification de la politique tarifaire ne semblait pas être d’ordre juridique, puisqu’en utilisant la même loi et le même système de prix, le critère politique se traduisait par un résultat opposé : si, au départ, les tarifs étaient fixés de façon à en faire bénéficier le citoyen, après 1973, il était question d’assurer aux entreprises leur financement même si cela altérait le bien-être des consommateurs (Inostroza, 1995).

Ainsi, dans le cadre d’une politique de réforme de l’économie chilienne, l’objectif fut d’amener le secteur électrique à une situation d’alignement des prix de l’électricité sur les prix internationaux, afin d’assurer à ce secteur les conditions de son autofinancement ( Altomonte,

10 Il s’agit des aspects techniques et réglementaires de la troisième loi du secteur électrique qui, à cet égard, ne représente pas de changements par rapport à ce qui avait été défini dans les lois de 1925 (la première) et de 1931 (seconde). Leighton Patricio, 1995, Estudio sobre el Comportamiento de las Empresas Eléctrices en Chile, CEPAL, Santiago de Chile, p4.

11 Inostroza Gabriel, 1995, Control del Estado y Gestion Empresarial en el Sector Eléctrico de Chile, CEPAL, Santiago de Chile, p5.

2001). Le graphique n°3.1 indique une montée des prix de l’électricité à partir de 1974 jusqu’en 1981, mouvement qui coïncide avec l’affirmation d’Altomonte.

Graphique n°3.1 : Les prix de l’électricité après la déréglementation au Chili

0 2 4 6 8 1 0 1 2 1 4 1 6

1 9 7 4 1 9 7 5 1 9 7 6 1 9 7 7 1 9 7 8 1 9 7 9 1 9 8 0 1 9 8 1 1 9 8 2 1 9 8 3 1 9 8 4 1 9 8 5 1 9 8 6 1 9 8 7 1 9 8 8 1 9 8 9 1 9 9 0 1 9 9 1 1 9 9 2 1 9 9 3

[ccUSA$/kWh]

In d u strie l R e sid e n tie l C o m m e rcia l

Source : Tohà, 1995, p10.

Entre 1974 et 1981, période considérée par Tohà (1995) comme très importante, des modifications plus drastiques des systèmes de tarifs et d’impôts ont été rendues possibles par la déréglementation. Ici, la politique de prix « cherchait à refléter les coûts réels inhérents aux prix d’investissement et d’exploitation, puis, à partir de 1980 initiant la tarification au coût marginal de la production et de la distribution électriques »12.

Dans les deux monopoles publics, ENDESA et CHILECTRA, la rationalisation de la gestion du personnel a eu lieu grâce à la externalisation de certains services, comme les activités de construction directe, ce qui « dans le cas d’ENDESA a entraîné une réduction de plus de 3000 travailleurs »13.

Au terme de ces mesures, le Chili a pu accéder aux crédits de la Banque Interaméricaine de Développement (BID) et de la Banque Mondiale. Cette arrivée des capitaux a financé les

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12 Tohà Jaime, 1995, p11.

13 Berstein Juan, 1995, Establecimiento de une politica energética basada en el funcionamiento de mercados competitivos y en la participacion privada. La experiencia de Chile. CEPAL, Santiago de Chile, p14.

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projets les plus urgents et a répondu ainsi à la satisfaction d’une demande croissante d’électricité.

Enfin, selon Berstein (1995), l’un des protagonistes de ce processus, l’idée de la dé-integration des activités de production et de transmission n’avait pas encore émergé jusqu’en 1978. La participation du privé était, quant à elle, conçue comme un idéal éloigné. « Même à cette époque, au sein des débats, on discutait de l’opportunité de fusionner ENDESA et CHILECTRA en une seule entreprise étatique en suivant le modèle français d’EDF, opportunité écartée étant donné l’orientation politique du gouvernement de l’époque »14. Ceci nous permet de comprendre les tâtonnements de l’époque, pour des raisons qui tiennent à l’expérience en déréglementation, mais aussi à l’absence de solutions théoriques sur le sujet.

En résumé, la rationalisation des prix de l’électricité, ainsi que la réforme administrative et de gestion des monopoles publics, n’ont pas permis d’atteindre un degré majeur d’efficacité dans le secteur électrique. Selon Maldonado (1995), parmi ces problèmes, on peut distinguer :

i) un fort engagement du gouvernement dans le développement du secteur, ce qui signifiait un important financement de l’ordre de 200 millions de dollars par an ; ii) l’accroissement du monopole étatique ENDESA ;

iii) la confusion des rôles réglementaires et d’entrepreneur de l’Etat dans le secteur ; iv) l’absence de critères objectifs d’efficacité économique et de procédures

transparentes dans la fixation des tarifs.

L’ensemble de ces problèmes, ajoutés aux faiblesses de l’ancienne loi dans un contexte d’inflation élevée, ont provoqué une « rentabilité des entreprises électriques inférieure à celle à laquelle elles pouvaient théoriquement aspirer » (selon la loi)15. Cette situation nécessitait des mesures qui dépassaient le secteur électrique et impliquait la recherche de solutions stratégiques pour le gouvernement, allant dans le sens de la privatisation générale, ce qui s’est produit dans les années 1980.

14 Berstein, 1995, p14.

15 Maldonado P., Marquez M., 1995, Reestructuracion energética y desarrollo sustentable : El caso del sector eléctrico chileno, CEPAL, Santiago de Chile, p32.

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1.2 Deuxième étape : la privatisation et la constitution d’un marché de