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Section 3 Les économies d’envergure et les industries de réseau

3.1 La notion et la mesure des économies d’envergure

aux réseaux électriques. Cela tient au fait que l’électricité doit être délivrée à différents voltages, temps de livraison et facteurs de charge.88.

En outre, depuis la seconde guerre mondiale, les changements technologiques ont conduit les firmes électriques à internaliser leurs services de télécommunications en utilisant les mêmes structures pour le transport d’énergie et les signaux de voix, de protection et de contrôle. Avec la croissance du trafic des signaux, certaines firmes ont externalisé ce service, en utilisant celui offert par les entreprises de télécommunications. Aujourd’hui, certaines firmes de transport électrique89 utilisent des fibres optiques. Ces dernières transportent des signaux de télécommunications par l’intermédiaire des lignes à haute tension. C’est un phénomène typique d’un multiproduit, témoin de l’existence des économies d’envergure.

Autrement dit, il s’agit des économies atteintes grâce à la production de différents outputs au sein d’une même structure industrielle, par opposition à leur production isolée dans des structures spécialisées.

3.1 La notion et la mesure des économies d’envergure

Bien que le terme d’économie d’envergure soit nouveau dans la caractérisation des propriétés de la technologie productive de la fonction de coût multiproduit90, son origine remonte à la notion marshalienne de « produits joints » du 20ème siècle que Marshall définissait ainsi :

« Certaines choses ne peuvent être produites aisément de manière séparée ; au contraire elles proviennent d’une origine commune et peuvent dès lors être considérées comme des produits joints, comme dans les cas de la viande du bœuf et le cuir, du blé et de la paille. »91 Ainsi, pour Marshall, d’un même input peuvent parfois découler des produits divers. Selon l’exemple de Marshall, notre agriculteur, en cultivant du blé destiné à la production de farine, obtient systématiquement deux produits, du blé et de la paille.

Cependant, il semblerait impossible de séparer la production de chacun des deux produits du fait de la nature jointe de la production. Cela nous conduit à penser que si le producteur

88 Joskow Paul, 1989, Regulatory Failure, Regulatory Reform, and Structural Change in the Electrical Power Industry, Broking Papers on Economic Activity, p140.

89 C’est notamment le cas de l’entreprise de transport d’électricité ISA (Interconexion Electrica SA) en Colombie.

90 Le terme « économies d’envergure » fut introduit et défini précisément par Panzar et Willig en 1975. Panzar (1989), p16.

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décide de se spécialiser dans la production de l’un des deux outputs, il devra faire face à des coûts supplémentaires, afin de se débarrasser de l’autre produit qui découle obligatoirement de son processus productif.

La notion des économies d’envergure définie par Panzar et Willig n’est pas similaire à celle du phénomène technologique de « intrinsic jointness » de l’approche marshalienne, dans la mesure où celle-ci entraîne fatalement la production d’un multiproduit. La notion des économies d’envergure considère qu’au delà des économies d’échelle dérivant de la taille de la firme, il existe des économies d’envergure qui sont le résultat de la production simultanée des n outputs divers dans une seule entreprise et selon un choix stratégique.

Certes, Marshall (1920) mentionne, en complément de la notion de production jointe, la possibilité pour une firme déterminée de tirer avantage d’une même structure productive afin de produire différentes catégories de produits. Cela constitue une notion germinale du véritable concept d’économies d’envergure mais elle reste pourtant une notion allusive dans les écrits de Marshall92.

Dans l’approche néoclassique la notion d’économies d’envergure apparaît plus clairement : « les économies de coûts peuvent résulter d’une production simultanée de différents outputs dans une même entreprise, au contraire de leur production isolée, chacun dans sa firme particulière, ce qui signifie qu’il y a des économies dérivant de l’importance de l’activité de l’entreprise. »93 Par contre, l’approche marshalienne est pertinente à l’égard du caractère intrinsèque des branches productives où la production d’un output implique des outputs dérivés. Ce phénomène est assez fréquent notamment dans les industries chimique et pétrolière, dont Marshall avait connu l’essor.

3.1.1 Le concept d’économies d’envergure

C’est pendant les années 70 que Panzar et Willig développent des études sur les économies d’échelle, par rapport à la taille et aux activités d’une firme. Ils constatent que les économies de coût proviennent de l’envergure des activités de la firme, c’est-à-dire de la production simultanée de différents produits dans une seule entreprise. Sur ces observations, il

91 Marshall Alfred, 1920, p321-322.

92 Marshall Alfred, 1920, p323.

93 Baumol William, Panzar John et Willig Robert, (1982 ), Contestable Markets and the Theory of Industry Structure, Harcourt Brace Jovanovich, Publishers, New York, p71.

se sont attachés à la recherche des liens existant entre les économies d’envergure et d’échelle (Panzar et Willig 1977). Ces travaux ont ensuite été repris dans les années 80 par Baumol, Panzar et Willig (1982). S’il est moins coûteux de fabriquer deux produits ensemble (production jointe) plutôt que séparément, on dit qu’il existe une économie de multi-production. En termes mathématiques le concept des économies d’envergure est formalisé de la manière suivante :

Soit P =

{

T1,...,Tm

}

une partition non vide et non triviale de Z Où d’abord : , ensuite

.

N

U

ii==1mTi=S Ti Tj =Ø pour i ≠ j, et finalement : Ti ≠ Ø et m > 1.

Il y a des économies d’envergure pour le plan ys par rapport à la partition P, si :

[ ]

=

= m >

i

i

S

T C y

y C i

1

) ( )

( , les économies d’envergure seront faibles si cette inégalité est faible plutôt que stricte. En revanche, les déséconomies d’envergure se réalisent si cette inégalité est inversée. En outre, les économies d’envergure se produisent lorsque, pour un groupe donné de produits, la somme des coûts de production isolée, SAC94, est supérieure au coût total de la production simultanée de tous les produits du groupe.

Par exemple, dans le cas d’un simple double produit, N =

{ }

1,2 et . On peut dire que les économies d’envergure sont donc présentes dans le vecteur d’output (y

{ }

1,2

= P

1, y2) si : C (y1, y2) < Cy1,0)+C(0,y2).

Selon les auteurs95 : « des épargnes de coût peuvent résulter d’une production simultanée des outputs différents dans une firme unique, au contraire de sa production isolée, chacun par sa firme propre et spécialisée, ce qui apparaît comme des économies qui résultent de l’envergure des opérations de la firme ».

Dans le cas général de l’exemple de l’équation (4), il y a des économies d’envergure à condition que : F12 <F1 +F2.

3.1.2 Degré des économies d’envergure

Le degré des économies d’envergure en y SCT(y) à l’égard de l’ensemble de produits T et la partition P=

{ }

T,Tˆ de N est défini de la façon suivante :

94 Stand-alone cost dont sa traduction : coût de production isolée.

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[ ]

Autrement dit, le degré des économies d’envergure en y, SCT(y), quantifie en pourcentage l’accroissement de coût qui résulterait de la division du vecteur de production y de la firme selon les lignes de produits T et Tˆ . Si SCT(y)>0, nous sommes en présence d’économies d’envergure.

En outre, si tous les produits ont des coûts incrémentaux positifs, nous pouvons dire aisément que le degré des économies d’envergure doit être inférieur à l’unité pour une partition binaire. Ainsi, en présentant les termes dans un nouvel ordre, la définition (21) peut être réécrite comme :

Par ailleurs, l’équation (22) nous permet d’examiner le rôle des économies d’envergure à l’égard du degré du produit spécifique et des économies d’échelle globales.

Ainsi, en reprenant (22), l’équation (19) peut être réécrite comme :

[ ]

Disons d’emblée que dans le cas d’une entreprise multiproduits, il est nécessaire de bien distinguer les économies d’échelle des économies d’envergure, car les définitions peuvent être contradictoires. Selon Panzar (1989) : « c’est la présence des économies d’envergure que magnifie l’étendue de toutes les économies d’échelle au-delà de ce qui résulterait d’une simple somme pondérée de chaque produit spécifique ». C’est ainsi que la définition du degré des économies d’envergure permet d’appréhender le rapport entre, d’une part, les économies d’envergure, les économies d’échelle spécifiques à un produit et, d’autre part, les économies d’échelle agrégées.

Lorsque le degré des économies d’envergure est égal ou inférieure à zéro, nous sommes devant des déséconomies d’envergure. Le degré des économies d’échelle agrégées s’exprime tout simplement comme la somme pondérée des économies d’échelle spécifiques à chaque output.

95 Baumol William, Panzar John et Willig Robert, (1982 ), Contestable Markets and the Theory of Industry Structure, Harcourt Brace Jovanovich, Publishers, New York, p71.

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En revanche, lorsque que nous sommes en situation d’économies d’envergure, c’est-à-dire quand le degré des économies d’envergure est supérieur à zéro, le degré des économies d’échelle agrégées est supérieur à la simple somme pondérée des économies d’échelle spécifiques à un produit.

Par conséquent, c’est l’ensemble du triptyque des coûts incrémentaux moyens décroissants, des économies d’envergure et des économies d’échelle agrégées qui produisent un ensemble d’outputs amplifiés. Ainsi, même s’il existe des déséconomies d’échelle propres à un produit déterminé, la seule présence des économies d’envergure permet de conférer des économies d’échelle générales à l’ensemble des produits96.