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Chapitre 4. Le pôle de compétitivité Systematic Paris-Région : structure, géographie et histoire

4.2. Caractéristiques géographiques et historiques du territoire

4.2.2. Le plateau de Saclay : une trajectoire historique ancienne

Le plateau de Saclay est devenu une concentration importante d'étudiants, de chercheurs et d'entreprises de hautes technologies, puisqu'il s'est développé depuis plus de 60 ans. En effet, dans le cadre de la planification d'après-guerre, l’État a installé sur le plateau de Saclay des centres de recherche et d'enseignement supérieur, avec pour objectif d'assurer à la France une indépendance, tant sur le plan technologique que militaire (Lamarche, 2011, p.384). Les grands programmes de l’État ont contribué à structurer le pôle de compétitivité autour de quelques secteurs. Le CNRS s'installe à Gif-sur-Yvette en 1946, puis l'Office national d'études et recherches aérospatiales (ONERA) s'installe dans l'ancien fort de Palaiseau en 1947 (ADPP, 2014, p.8). En 1952, le Général De Gaulle décide d'implanter un site du Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) sur le plateau de Saclay. Une première vague de création d'entreprises a lieu dans les années 1950, dans le sillon du Centre d'études nucléaires de Saclay de manière à exploiter les résultats et les valoriser en les transférant au civil (Decoster et al., 2004, p.392). Les organisations qui parviennent à exploiter les résultats sont généralement d'anciens sous-traitants du CEA. En 1958, une partie de la faculté des sciences de Paris est implantée à Orsay. Plusieurs grands projets d'aménagement du territoire vont tout de même susciter des tensions entre les autorités nationales, les élus locaux et les associations, en particulier au sujet de la préservation des terres agricoles (Brédif, 2009, p.253).

Dans les années 1960-1970, une deuxième vague de création d'entreprises apparaît, en particulier autour des domaines de l'informatique et de l'électronique. Ces arrivées entraînent une forte concentration des activités autour de ces domaines puisque les relations entre les entreprises « se transforment en co-traitance et exigent des chefs d’entreprise ayant un savoir-faire technique important » (Decosteret al., 2004, p.392). En 1964, l’école des Hautes Études Commerciales de Paris (HEC) s'installe à Jouy-en-Josas et est inaugurée par le Général de Gaulle. L'arrivée d'HEC démontre également que les compétences techniques sont nécessaires mais non suffisantes : les compétences managériales reflètent aussi le besoin d'une élite managériale pour gérer les grandes

entreprises publiques. En 1975, Supélec (l'Ecole Supérieure d'Electricité) déménage à Gif-sur-Yvette et est inaugurée par le Président de la République Valéry Giscard d'Estaing.

L'augmentation des effectifs des promotions et l'étroitesse des anciens locaux conduit également l’École Polytechnique à déménager et s'installer à Palaiseau en 1976. L'Ecole Polytechnique a accepté de s'installer à Palaiseau parce que de nombreuses écoles étaient présentes dans la région (Université d'Orsay, Supélec à Gif-sur-Yvette…).

Toutefois, les débats au sujet des terres agricoles se poursuivent. En 1976 est ainsi décidé la plantation d'une forêt domaniale de 20 hectares entre le fort de Palaiseau et Polytechnique pour empêcher la construction d'une ville nouvelle (ADPP, 2014, p.62).

Comme le rappelle Gilli, des années 1970 jusqu'aux années 2000, l'ensemble de la région Île-de-France vit une mue industrielle dans une indifférence généralisée. Il qualifie cette transformation de la base économique comme étant « aussi violente que d'autres territoires industriels historiques comme le Nord et la Lorraine en France ou la Rust Belt aux Etats-Unis : plus de la moitié des effectifs disparaissent dans les activités mécaniques, métallurgiques ou sidérurgiques » (Gilli, 2014, p.38). Cependant cette transformation se réalise dans l'indifférence générale parce que les chiffres du chômage sont toujours plus faibles que dans les autres régions françaises. Le plateau de Saclay est représentatif de la région Île-de-France dans la mesure où de nouveaux métiers apparaissent « dans la logistique, les services opérationnels, l'hôtellerie, la téléphonie, la recherche fondamentale ou les métiers du conseil » (Gilli, 2014, p.38) et finissent par remplacer les anciens métiers des secteurs métallurgiques, mécaniques, etc.

Dans les années 1980, les relations entre les organisations sont essentiellement animées par les grandes entreprises et le Centre d’études nucléaires. Les laboratoires universitaires sont laissés de côté et utilisés occasionnellement en dehors de toute préoccupation liée à l'activité productive. Decoster qualifie cette stratégie de « stratégie de cueillette » puisque les entreprises utilisaient des chercheurs pour réaliser leur veille technologique, pendant que les organisations de recherche y voyaient l'occasion d'obtenir des ressources financières supplémentaires. À partir des années 1990, les relations entre la sphère industrielle et la sphère académique se développent à travers des partenariats, des financements de doctorants, etc. en particulier grâce à la politique incitative du Conseil Général de l'Essonne, qui contribue à la création de nombreux instituts de recherche au cours des années 1990. Ces instituts ont constitué la source des transferts

de connaissances entre la sphère industrielle et la sphère académique (Decoster et al., 2004, p.395).

À partir de 2001, des grandes entreprises (Danone, Thalès) s'installent sur le plateau et les relations entre les organisations s'intensifient indépendamment du soutien des pouvoirs publics. Decoster et al. notent aussi que « les actions les plus importantes concernent Alcatel, France Télécom et le CNRS. En février 2000, Alcatel et le CNRS ont décidé de constituer un pôle de recherche et développement en optoélectronique situé dans le centre de recherche d’Alcatel à Marcoussis » (Decosteret al., 2004, p.403). En d'autres termes, Alcatel laissait ses infrastructures à disposition des chercheurs du CNRS, permettant à l'entreprise de passer d'une stratégie d'internalisation à une endogénéisation des ressources externes (Decoster et al., 2004, p.405). Le début des années 2000 est aussi marqué par un tournant dans l'histoire du plateau de Saclay. En 2005, l’État qualifie le plateau de Saclay d'Opération d'Intérêt National (OIN). L'OIN est un régime juridique d'exception qui permet à l’État de s’octroyer des compétences en termes « d’autorisations d’occuper ou d’utiliser le sol, telles que permis de construire, de lotir ou encore de créer une zone d’aménagement concerté » (Brédif, 2009, p.256). Ce régime juridique relève essentiellement d'une logique géographique et centralisatrice puisqu'il s'agit d'imposer

« une vision d'intérêt supérieur » (Gilli, 2014, p.252). Certains justifient le caractère centralisé de la décision puisque le plateau est composé de quatre intercommunalités et qu'il n'existe pas de lieux permettant de discuter des orientations à donner à ce territoire (Brédif, 2009, p.263). L'OIN a suscité de nombreuses oppositions, en particulier sur les questions liées aux terres agricoles, mais également avec le Schéma Directeur de la Région Ile-de-France (SDRIF) qui prévoyait un aménagement différent de la zone.

Finalement, en septembre 2010, l'Etat annonçait que Agro Paris Tech, l’École Centrale de Paris, l’École nationale de la statistique et de l'administration économique, l’École normale supérieure de Cachan et l'ensemble École des Mines de Paris-Institut des télécoms, seraient déplacés sur le plateau de Saclay. Ainsi, de nombreuses disciplines sont représentées sur et autour du plateau de Saclay : « l’informatique, les mathématiques, l’optique, l’instrumentation physique et les lasers, la physique nucléaire, les biotechnologies, les nouveaux matériaux et l’agroalimentaire » (Decosteret al., 2004, p.391). Au-delà des débats sur l'intérêt des déplacements d'écoles sur le plateau de Saclay, cette concentration de disciplines a vraisemblablement contribué à renforcer la

visibilité du pôle de compétitivité dans le secteur des technologies de l'information et de la communication.

4.2.3. La localisation des organisations du pôle Systematic sur et autour du

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