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Chapitre 1. Institution et histoire des pôles de compétitivité

2.1. Les fondements théoriques de la coopération inter-organisationnelle

2.1.3. Les différentes formes de coopération inter-organisationnelle

Les coopérations inter-organisationnelles au sein des projets collaboratifs des pôles de compétitivité peuvent être considérées à partir des approches transactionnelles, cognitivistes et contractualistes. Les coûts de production sont peu abordés par ces approches. Pourtant certaines études montrent que la réalisation d'économies d'échelle est un facteur important de la coopération inter-organisationnelle (Rullière et Torre, 1995, p.215 ; Maskell, 2001, p.926). Toutefois, la volonté de réaliser des économies d'échelle se manifeste particulièrement dans le cas des systèmes territoriaux de production (par exemple dans le cas des districts industriels ou des systèmes productifs locaux), dans lesquels une division du travail productif est établie. Cette volonté se manifeste moins dans les systèmes territoriaux d'innovation, tels que les pôles de compétitivité, qui sont

plus focalisés sur la création de nouvelles connaissances, activités situées davantage en amont des marchés.

De plus, les stratégies collusives sont également peu abordées par ces approches.

Selon cette approche, les coopérations permettraient de freiner la concurrence, par exemple en imposant de nouveaux standards (pour ralentir l'arrivée de nouveaux entrants) ou bien en transférant une technologie existante à un concurrent pour retarder sa capacité à innover (stratégie de lock-in relationnel) (Rullière et Torre, 1995, p.216). Parmi les comportements collusifs, Jacquemin distingue la collusion tacite (les entreprises n'ont pas besoin de se « constituer en cartel chargé de faire respecter l'accord » (Jacquemin, 1987, p.3)) de la collusion explicite (les entreprises sont liées par un accord contractuel). Nous ne pouvons pas exclure l’existence de cette approche stratégique au sein des coopérations inter-organisationnelles des projets des pôles de compétitivité. Son existence est toutefois difficile à prouver et à mesurer, car elle est rarement dévoilée ouvertement.

Au-delà des justifications qui le fondent et en dehors du cas des projets des pôles de compétitivité, le phénomène de la coopération inter-organisationnelle n'est pas nouveau et est caractérisé par une grande diversité de formes (Morvan, 1991, p.463). De nombreux auteurs soulignent que les coopérations entre les entreprises sont en augmentation en raison des variations émanant de leur environnement économique et qui les conduisent à innover sur une base collaborative (Baudry, 2005, p.3 ; Dulbecco, 1990, p.345), en particulier dans le domaine des TIC (Mouline, 1999, p.85). La coopération inter-organisationnelle concernerait plus de huit entreprises sur dix et peut être aussi bien liée à la R&D, la production, que la commercialisation, etc. Rullière et Torre nuancent toutefois l’argument selon lequel le nombre de coopérations aurait augmenté depuis les années 1980 sous l'impulsion de la mondialisation et de la complexité du développement technologique. Les approximations méthodologiques des études ne permettent pas de quantifier précisément le phénomène et ne permettent pas non plus de dire si ces systèmes concernent tous les secteurs d'activité économique et s'ils sont présents dans toutes les régions du monde (Rullière et Torre, 1995, p.219), De plus, aucune étude économétrique ne permet de démontrer la supériorité de ce modèle sur le recours à l'internalisation des activités (Dulbecco, 1990, p.349). Bien que la dynamique soit difficilement quantifiable, les nombreuses coopérations inter-organisationnelles traduisent

une interdépendance croissante des organisations, où les liens relationnels durables permettent de transférer des ressources matérielles et immatérielles, susceptibles de produire des opportunités ou des contraintes pour les individus (Wasserman et Faust, 1994, p.4). Les coopérations inter-organisationnelles peuvent prendre plusieurs formes : les relations de sous-traitance, de franchise, de licence, partenariales, de coentreprise, de cartels, de coopératives, etc. (Todeva et Knoke, 2005, p.124). Suivant la typologie de Ménard, quatre types principaux de coopérations peuvent être distingués, selon leur degré de centralisation (Ménard, 2004, p.21) : la relation de sous-traitance, la relation de franchise, la relation partenariale et la relation de coentreprise :

1. la relation de sous-traitance est le cas où une entreprise est un donneur d'ordre et demande à un prestataire de service de sous-traiter une partie de la production pour son compte. Le donneur d'ordre maîtrise la conception du produit et transmet verticalement une information au sous-traitant qui se charge de l'appliquer. Ce dernier ne dispose d'aucune initiative (Baudry, 2005, p.4). Ce cas ne s'applique pas aux partenaires des projets collaboratifs des pôles de compétitivité, car les prestations de service ne sont pas autorisées à l'intérieur d'un même consortium.

2 . la relation de franchise, dans le cas où une entreprise appelée ''franchiseur'' fournit à une entreprise appelée ''franchisée'' une marque ou un savoir-faire, en contrepartie d'une rémunération. Cette relation n'est pas présente dans le cas des projets des pôles de compétitivité, pour la même raison que celle évoquée précédemment.

3. la relation partenariale, dans le cas où différentes organisations situées sur différents segments d'une même chaîne de valeur coordonnent leurs activités pour combiner des ressources complémentaires. Ce type de coopération inter-organisationnelle se retrouve dans le cas des projets de R&D des pôles de compétitivité. Les alliances peuvent se distinguer des transactions qui caractérisent les relations de franchise, dans lesquels une partie reçoit de l'argent de l'autre partie (Teece, 1992, p.20). Dans de nombreux projets des pôles de compétitivité, les transactions entre les organisations ne font pas l’objet de compensations financières. Les relations partenariales peuvent porter sur des aspects spécifiques : des relations formalisées de R&D, des relations informelles de transferts de connaissances, des coopérations de transferts de technologies, des coopérations avec des communautés d'utilisateurs, etc. (Barlatier et al., 2016, p.55).

4. Enfin la relation de coentreprise, lorsque deux entreprises décident de créer une entité en copropriété afin de réaliser certaines tâches, par exemple de recherche et de développement. Ce cas de figure peut se retrouver dans les projets collaboratifs du pôle.

Au-delà de ces formes de coopération, d’autres modèles existent comme la firme-réseau, organisée autour d'une firme-pivot (plusieurs petites firmes lui gravitent autour dans le cadre d'un accord contractuel et vont mobiliser certaines ressources pour la firme pivot) qui elle-même se distingue du réseau de firmes, organisé autour d'une coopération entre différentes firmes (Morvan, 1991, p.480). Le modèle de la firme-réseau correspondrait à la relation de sous-traitance ou de franchisage, alors que le modèle du réseau de firmes correspondrait plutôt à la relation de partenariat. Nous pensons que ce dernier cas fait davantage écho à la notion de projets collaboratifs, telle que considérée par la politique des pôles de compétitivité. De leur côté, Rullière et Torre énumèrent trois types de relation de coopération : un type vertical, par exemple une coopération entre un client et un fournisseur dans le cadre d'une relation de sous-traitance ; un type horizontal entre des organisations qui appartiennent à des marchés différents, ou concurrentes sur le même marché ; et enfin des liaisons entre le milieu académique et le milieu industriel (Rullière et Torre, 1995, p.224). Dans la continuité des propos précédents, les projets collaboratifs des pôles de compétitivité relèvent davantage des relations horizontales, ainsi que des relations académiques-industriels. Selon Rullière et Torre, ces coopérations ont pour caractéristiques la préservation de l'identité juridique des firmes, l'existence d'un projet commun, l'existence d'une relation équilibrée avec des obligations et des contreparties et une relation qui s'inscrit dans le temps (Rullière et Torre, 1995, p.225). À travers ces éléments, nous retrouvons d'ailleurs les caractéristiques des coopérations inter-organisationnelles telles que définies en particulier par Richardson.

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