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Chapitre 1. Institution et histoire des pôles de compétitivité

1.3. Un portrait des pratiques et des performances dans les pôles de compétitivité

1.3.1. L'organisation des pôles de compétitivité

1.3.1.2. La cellule d'animation et ses missions internes et externes

Les pôles de compétitivité peuvent être considérés comme des tiers, qui sont à la fois des institutions et des organisations (Gadille, 2008, p.61). D'abord des institutions parce qu'ils contribuent à mettre en œuvre une politique publique. À ce titre, ils sont évalués par les pouvoirs publics et les rapports d'évaluation peuvent conduire à leur faire perdre leur label. Ensuite des organisations parce qu'ils produisent des services en faveur de leurs membres. La dimension organisationnelle démontre la capacité du pôle à conserver une marge d'autonomie dans la mise en œuvre de la politique. Par exemple ils peuvent décider la mise en place d'actions destinées à soutenir la communication des activités des petites entreprises, sans que cela soit affiché comme une priorité par les pouvoirs publics. Les dimensions organisationnelles et institutionnelles sont imbriquées l'une dans l'autre parce que les missions assurées par les pôles de compétitivité sont

subordonnées « à un objectif plus global de développement économique territorial (local) » (Gadille et Pélissier, 2009, p.211). Les contrats de performance signés lors de la deuxième phase de la politique des pôles de compétitivité (entre les pôles de compétitivité, l'Etat et les collectivités territoriales) sont probablement les moyens qui permettent à ces structures de conserver une part d'autonomie dans la définition des objectifs et des moyens à engager pour y parvenir, tout en offrant la possibilité aux pouvoirs publics de conserver une influence.

Le budget consacré aux structures d'animation atteint 111 millions d'euros pour la première phase (2005-2008), avec des disparités importantes entre les pôles nationaux (600 000 euros en moyenne) et les pôles mondiaux (1,4 million d'euros en moyenne) (CM International, 2008, p.33). Par conséquent, certains pôles concentrent les moyens sur la mise en relation des organisations, alors que d'autres préfèrent concentrer les moyens sur l'expertise en termes d'aide au montage des projets. Une structure d'accompagnement des projets collaboratifs est présente dans 47 pôles de compétitivité grâce à la mise en place de groupes thématiques. Le rapport note que 40 % des membres des pôles de compétitivité sont actifs dans les groupes thématiques mis en place (CM International, 2008, p.24). De manière générale, en 2008, les pôles consacraient 33 % de leur temps aux activités d'usine à projets (émergence et montage de projets), la mise en réseau représentait 21 % du temps passé, la gestion administrative 18 %, la communication 16 % et les actions à l'international 7 % (CM International, 2008, p.38). Le nombre de missions est devenu plus important avec le passage de la première à la deuxième phase de la politique des pôles de compétitivité (figure 4). En moyenne, sept membres se consacraient à la structure d'animation en 2008. Avec l'augmentation du nombre de missions, ce sont désormais 14 personnes en moyenne (dont 8 personnes à temps plein) qui se consacrent à la structure d'animation d'un pôle en 2012 (BearingPoint et al., 2012, p.39).

L'augmentation du nombre de missions a incontestablement eu un impact sur le temps de travail consacré aux missions originelles des cellules d'animation.

Figure 4 – Le temps consacré par les structures d'animation des pôles de compétitivité à différentes activités (en pourcentage du temps total consacré à l'animation de l'écosystème)

Sources : CM International (2008) et BearingPoint et al. (2012)

Les activités d'émergence, d'aide au montage et de suivi des projets sont les principales sources d'activité pour les pôles de compétitivité. La baisse relative entre 2007 et 2011 est expliquée par les activités supplémentaires exercées à partir de la deuxième phase de la politique : la mise en relation avec les financeurs privés, la gestion des ressources humaines (Calamel et al., 2011, p.188), le montage de projets structurants, le renouvellement de la stratégie, etc. Ces derniers éléments représentent 25 % du temps passé par une structure d'animation d'un pôle de compétitivité en 2011 (alors que ces activités n'existaient pas en 2007). Aussi, les activités liées au fonctionnement du pôle de compétitivité, telles que l'organisation de réunions, de séminaires, les actions de communication, le recrutement de membres, la gestion administrative, etc. représentent

52 % du temps consacré par les structures en 2011 alors que ces activités représentaient 67 % du temps en 2007. Cette baisse relative cache tout de même une augmentation en valeur absolue. Cela conduit le deuxième rapport d'évaluation à s'interroger sur la capacité des pôles de compétitivité à mener toutes ces activités de front. L'élargissement des missions des pôles de compétitivité porte le risque de voir les pôles s'éloigner de leur cœur de métier, à savoir la mise en relation et l'aide au montage des projets collaboratifs.

Le deuxième rapport préconise d'ailleurs la réduction du temps passé sur les éléments relevant notamment de la gestion administrative, pour consacrer davantage de temps aux missions originelles (BearingPoint et al., 2012, p.40).

Du point de vue des missions liées à l'internationalisation, le premier rapport d'évaluation de la politique des pôles de compétitivité révèle que les cellules d'animation nouent des partenariats avec d'autres pôles de compétitivité (situés dans d'autres régions ou dans d'autres pays) qui se situent sur des thématiques similaires (CM International, 2008). Les porteurs de projet cherchent de plus en plus à co-labelliser des projets collaboratifs par plusieurs pôles de compétitivité : le nombre de projets co-labellisés a triplé entre 2008 et 2011 (BearingPoint et al., 2012, p.11). L'inter-clustering permettrait une combinaison de ressources plus étendue spatialement et d'éviter le risque d'enfermement cognitif (Cusin et Loubaresse, 2015, p.14). Au niveau européen, de nombreux systèmes territoriaux d'innovation coexistent : 102 réseaux de compétences en Allemagne, 16 clusters à visée internationale en Autriche, 12 clusters flamands en Belgique, 14 clusters wallons en Belgique, 13 clusters régionaux et 16 clusters nationaux au Danemark, 142 systèmes productifs locaux en Espagne, 199 districts industriels en Italie, 154 clusters régionaux au Royaume-Uni, etc. (Capron, 2011, p.111). Les pôles de compétitivité français, en nouant des partenariats avec des homologues étrangers (aussi appelés

« alliances parapluie »), jouent un rôle important en termes d'internationalisation des PME, dans la mesure où elles disposent d'une faible connaissance des marchés internationaux (Colovic, 2013, p.138).

Du point de vue de la perception de l'intérêt des missions par les adhérents, l'étude de Colovic permet de remarquer que 10 PME sur 12 s'étaient déjà internationalisées avant l'adhésion à un pôle de compétitivité (Colovic, 2013, p.143). Des travaux menés sur les pôles I-Trans et PACA Mer montrent que les missions de la structure d'animation sont perçues positivement par les coordinateurs, bien qu'il subsiste des problèmes liés aux

financements tardifs et à la crainte de recréer ce qui a déjà été créé (Bidan et Dherment-Férère, 2009, p.263). D'autres travaux, portés sur les pôles PASS et PACA Mer, sont beaucoup plus critiques puisqu'ils montrent que les pôles ne sont pas toujours adaptés à une communauté de PME dans la mesure où ils sont perçus comme une « strate administrative supplémentaire sans garantie d’obtention de moyens » (Boquet et al., 2009, p.242).

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