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Chapitre 3. Dynamique collaborative et dynamiques de proximités au sein des pôles de compétitivité

3.1. Des systèmes territoriaux de production aux systèmes territoriaux d'innovation

3.1.3. Les clusters de M. Porter, un outil au service de l'innovation

Le concept de cluster se distingue du DI et du SPL dans la mesure où il s'agit d'une forme de système territorial d'innovation. Les organisations des clusters sont des entreprises petites, moyennes et grandes, ainsi que des universités, laboratoires de recherche, grandes écoles, concentrés géographiquement. Les organisations coordonnent leurs activités orientées vers la recherche et le développement, afin de faire émerger des innovations. Michael Porter définit ainsi les clusters comme des « concentrations géographiques d'entreprises inter-connectées et d'institutions dans un champ particulier (…) ils incluent, par exemple, les clients d'imputs spécialisés tels que les composants, la machinerie et les services, et les fournisseurs d'infrastructures spécialisées (…) Finalement, beaucoup de clusters incluent des institutions gouvernementales et autres, telles que les universités, think tanks (…) » (Porter, 1998, p.78). Dans les clusters, ce ne sont pas les ressources internes qui confèrent un avantage concurrentiel à une entreprise, mais ses ressources externes : « la santé d'un cluster est important pour la santé d'une entreprise » (Porter, 2000, p.16). L'origine de la performance des organisations n'est ainsi plus endogène mais exogène à une organisation (Audretsch et Feldman, 2004, p.2). De ce point de vue, la proximité géographique « accélère le flux de l'information au sein de l'industrie nationale et accroît le taux de diffusion de l'innovation » (Porter, 1993, p.173).

Porter a contribué à populariser le concept en plaçant la focale sur les facteurs clefs qui peuvent offrir un avantage concurrentiel à une nation. Il fonde sa théorie sur la réalisation d'une étude d'une durée de quatre ans sur dix nations particulièrement exportatrices, ainsi que sur l'historique d'une centaine de secteurs (Porter, 1993, p.2). La notion est devenue populaire, parce qu'il a réussi à l'imposer au-delà du champ économique : elle s'est retrouvée ainsi au cœur des outils utilisés par les pouvoirs publics (Martin et Sunley, 2003, p.6). Le Diamant de Porter repose sur quatre facteurs qui sont les déterminants clefs de l'avantage concurrentiel des nations (Porter, 1993, p.141). La réunion des quatre facteurs déterminants, doit permettre à une organisation d'accroître sa compétitivité en favorisant sa productivité et en stimulant sa capacité à innover. On distingue :

1. Le premier facteur est la présence d'organisations connexes (amont, aval et apparentées) qui entretiennent des relations complémentaires (relations client-fournisseur ou partage du même réseau de distribution). Porter qualifie les fournisseurs de « vecteurs d'informations et d'innovations pour l'ensemble de leurs clients (…) » (Porter, 1993, p.113).

Au-delà des industries, les universités jouent également un rôle important du point de vue des transferts issus de la recherche académique (Bercovitz et Feldman, 2006, p.175).

2. Porter s'éloigne des avantages comparatifs traditionnels (travail, capital, terre) pour analyser la compétitivité d'un territoire à partir de la notion de ressources (humaines, en capital, naturelles, en savoir) et d'infrastructures (de télécommunication, de transports, de santé, etc.) (Porter, 1993, p.83). Tous ces facteurs ne se valent pas, dans la mesure où

« le niveau de compétences des ressources humaines et celui des connaissances sont peut-être les deux types de facteurs les plus déterminants pour la valorisation d'un avantage concurrentiel (…) » (Porter, 1993, p.88).

3. La localisation à proximité d'une demande importante peut conduire à réaliser des économies d'échelle. Elle peut également influer sur l'innovation en anticipant les besoins futurs et les exigences des consommateurs (Porter, 1993, p.95).

4. Enfin, la concurrence domestique est un facteur positif qui permet aux entreprises d'enclencher une dynamique positive par la baisse des prix et la hausse de la qualité de l'offre via l'investissement dans l'innovation. La rivalité entre des organisations nationales peut conduire à obtenir un avantage sur les organisations étrangères, grâce à une circulation des connaissances plus intense : « Les idées circulent plus vite à l'intérieur d'un pays qu'au travers des frontières, et les concurrents domestiques ont sur les étrangers l'avantage d'être au cœur de ce processus d'échange » (Porter, 1993, p.133).

Le développement des interactions entre ces facteurs – qui sont interdépendants et se renforcent mutuellement – permet d’accroître la compétitivité des entreprises. Deux facteurs extérieurs complètent le concept de cluster. Tout d'abord le rôle des pouvoirs publics, à la fois locaux et nationaux (Porter, 1998, p.89). Ils peuvent agir sur l'environnement réglementaire, l'environnement fiscal, l'environnement juridique, l'environnement monétaire, etc. et influer sur les quatre facteurs clefs. Ensuite, le hasard désigne les événements extérieurs susceptibles d'impacter l'avantage concurrentiel des organisations, sans que cela ne soit prévisible (choc pétrolier, crise internationale, etc.).

Toutefois, les quatre facteurs clefs du diamant de Porter ne font pas mention du secteur concerné, du périmètre géographique, du degré d'agglomération, de l'existence des liens, de la nature des connaissances échangées, etc. Ils restent relativement flous, ce qui a contribué à faire émerger une dizaine de définitions différentes de la notion de clusters (Martin et Sunley, 2001, p.15 ; Gordon et McCann, 2000, p.528). Aussi, les clusters ne sont quasiment jamais abordés sous l’angle des dynamiques collaboratives (Ter Wal et Boschma, 2007, p.1). Certains clusters survivent face à l'apparition de nouveaux marchés alors que ceux incapables de s'adapter finissent par disparaître (Huggins, 2008, p.11). De ce point de vue, cette notion reste opaque et il n'y a pas d'explication quant au lien entre l'agglomération des activités et le développement économique local (Martin et Sunley, 2003, p.47 ; Maskell, 2001, p.925). Malgré des fondements théoriques faibles, le concept a été particulièrement répandu comme outil de politique économique.

Les exemples de clusters sont nombreux aux Etats-Unis (Porter, 1998, p.82) : Hollywood pour le divertissement, la Silicon Valley pour la microélectronique, Las Vegas pour les casinos et le divertissement, Boston pour la biotechnologie et les logiciels, etc, mais également dans le monde avec des concentrations à Tokyo, Pékin, Stuttgart, Munich, etc. (Huggins, 2008, p.2). Les secteurs de haute technologie sont particulièrement abordés par la littérature académique (Audretsch et Feldman, 2004, p.24). La Silicon Valley est l'exemple le plus cité et le plus pris en modèle pour illustrer la notion de cluster (Porter, 1998, p.77 ; Saxenian, 1991, p.423). Selon Saxenian, la Silicon Valley doit son succès et ses performances supérieures à d'autres clusters, grâce à sa culture d'interdépendance et aux liens développés entre les individus pendant des dizaines d'années (Audretsch et Feldman, 2004, p.14 ; Mabile, 2007, p.170). La Silicon Valley se situe dans le sud de San Francisco, « (…) compte 6000 entreprises dans le secteur des TIC et le siège de 26 multinationales (…) » (Gosse et Sprimont, 2010, p.14), parmi lesquelles Google, Facebook, Apple, eBay, Yahoo, Hewlett-Packard, etc. 17 prix Nobel enseignent à l'université de Stanford (en 2014), 13 000 nouveaux brevets ont été accordés dans la région de la Silicon Valley (ce qui représente 12 % des brevets américains en 2010) et les investissements s'élèvent à 7,6 milliards de dollars (soit 27 % des flux américains) (Morabito, 2014, p.23). Weil, d'après les travaux de Riveline, cite

quatre facteurs qui permettent d'expliquer le succès de la Silicon Valley : la matière (les circuits électroniques), les hommes (Terman et ses collaborateurs), les institutions (l'Université de Stanford, le ministère de la Défense, etc.) et le sacré (le goût pour l'innovation, la volonté d'entreprendre, etc.) (Weil, 2010, p.130). La présence de l'université de Stanford est soulignée comme un facteur déterminant dans le lancement du cluster, grâce à des start-up qui ont émergé de la recherche académique (Bercovitz et Feldman, 2006, p.179). De plus, l'entraide et la solidarité entre les individus (y compris lorsqu'ils se situent dans des organisations concurrentes) est un ingrédient essentiel de la réussite de la Silicon Valley puisque « si un fabricant de semi-conducteurs manquait d’un ingrédient et ne pouvait être livré immédiatement par son fournisseur, le chef de fabrication « s’arrangeait » avec son homologue de l’entreprise concurrente pour se faire prêter les quantités nécessaires, sans juger utile d’en informer leurs hiérarchies » (Weil, 2010, p.143). D'autres clusters permettent aussi d'illustrer le concept, tels que Bangalore en Inde ou l'industrie viticole en Australie. Bangalore regroupe dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, 2 000 entreprises employant 600 000 personnes (Morabito, 2014, p.25). Le cluster réunit des multinationales telles que Cisco, IBM ou Intel. En Australie, l'industrie viticole s'est développée lorsque les producteurs se sont regroupés en association de manière à innover sur « la gestion de l'eau et l'irrigation, la qualité des cépages, la gestion des pesticides et la fertilisation », ainsi que dans le domaine du marketing (Blanc, 2004, p.15). Ce pays représente 6,4 % des vins exportés dans le monde alors que le pays était auparavant inexistant sur le marché mondial.

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