• Aucun résultat trouvé

La majorit´e des approches qui visent `a mod´eliser l’interaction entre un syst`eme normatif et un syst`eme multi-agents utilisent une variante ou une autre des logiques modales. Cela dit, trois logiques importantes utilis´ees afin de mod´eliser l’´evolution d’un syst`eme dans le temps (en informatique), de par la repr´esentation du passage d’un ´etat `a un autre, sont les logiques dynamiques (cf. chapitre 4), ATL (Alternating-Time Temporal Logic) et CTL Computational Tree Logic (cf. Dellunde 2008, p.265).

L’approche de Dellunde (2008) vise `a construire une logique g´en´erale qui permet de rendre compte de plusieurs logiques diff´erentes. Ainsi, plutˆot que de d´efinir une logique d´eontique sp´ecifique, Dellunde pr´esente un cadre de travail g´en´eral pouvant servir de fon- dation pour la construction de diff´erentes logiques multi-modales. L’id´ee est d’obtenir des fondements unificateurs permettant d’englober diff´erentes approches qui partagent des car- act´eristiques communes. En ce sens, Dellunde d´efinit un syst`eme qui englobe une classe de syst`emes sp´ecifiques, lesquels varieront d´ependamment des axiomes (ou r`egles) ajout´es. Plutˆot que de pr´esenter l’analyse propos´ee par Dellunde en d´etails, ce qui recouperait plusieurs chapitres vus jusqu’`a maintenant, nous allons seulement pr´esenter le mat´eriel n´ecessaire `a la compr´ehension du syst`eme g´en´eral permettant la repr´esentation et la comparaison de diff´erentes logiques multi-modales. Nous avons jug´e bon de pr´esenter l’approche de Dellunde consid´erant, d’une part, que cela offre un cadre commun `a partir duquel diff´erentes logiques peuvent ˆetre analys´ees, et que d’autre part, l’auteur propose une interpr´etation d’un syst`eme normatif diff´erente de ce que l’on retrouve usuellement dans la litt´erature.

L’objectif de Dellunde est de d´efinir un cadre de travail commun pour les logiques qui visent `a formaliser la structure d’un syst`eme normatif (Dellunde 2008, p.262). Cependant, contrairement `a la d´efinition usuelle d’un syst`eme normatif, Dellunde (2008, p.261) con¸coit un syst`eme normatif η comme un ensemble de contraintes restreignant la transition d’un ´etat `a un autre dans un syst`eme.

Plus pr´ecis´ement, `a supposer une structure hU, Ri, o`u U est un ensemble d’´etats et R un ensemble de paires ordonn´ees (voire une relation, R ⊆ U × U ), η ⊆ R contient les tran- sitions interdites pour un syst`eme donn´e. En ce sens, si (w, v) ∈ η (ou encore wRηv), alors

la transition de l’´etat w `a l’´etat v est interdite. (Soulignons que dans les approches qui sont plutˆot ax´ees vers l’informatique, nous parlons d’´etats (statiques) plutˆot que de sc´enarios consid´erant qu’il y a toujours une forme ou une autre de logique temporelle en arri`ere plan.) En supposant une logique L visant `a mod´eliser un syst`eme multi-agent, Dellunde (2008, p.262) consid`ere la logique d’un syst`eme normatif Lη comme l’augmentation de L `a

Mˆeme si le langage d´evelopp´e par Dellunde (2008, p.264) peut, dans une certaine mesure, ˆetre compris comme un m´eta-langage (il s’agit d’un langage g´en´eral qui permet de parler de plusieurs autres langages plus sp´ecifiques), il faut garder `a l’esprit que l’objectif est de d´evelopper un cadre de travail abstrait permettant de voir sous le mˆeme angle des syst`emes qui sont fondamentalement diff´erents. Soit τ = hF, ρi un type qui contient un ensemble de modalit´es F pour lesquelles ρ : F −→ N assigne un nombre naturel `a chaque modalit´e (et T l’ensemble de tous les types). Un langage L pour un type τ est compos´e des connecteurs logiques (propositionnels classiques) usuels, des symboles > et ⊥ (qui repr´esentent respectivement une tautologie et une contradiction arbitraire) et un nombre fini de modalit´es 21, ...,2n.

Rappelons-nous qu’une logique peut ˆetre d´efinie comme « le plus petit ensemble de formules bien form´ees ´etant ferm´e sous les r`egles r1, ..., rk et contenant les axiomes

(A1),...,(An) ». Lorsque con¸cue ainsi, on consid`ere un ensemble d’axiomes Γ avec qu’une

relation de cons´equence ` (ou encore Cn) qui r´epond aux r`egles d’inf´erence d´esir´ees, et on d´efinit la logique (i.e., l’ensemble des th´eor`emes) comme Cn(Γ), soit l’ensemble qui contient toutes les cons´equences logiques de Γ. Autrement dit, Cn(Γ) est la logique ayant comme axiomes Γ et comme r`egles d’inf´erence les conditions sur Cn.

L’objectif de Dellunde est de proposer une logique contenant le plus petit ensemble d’axiomes (communs `a toutes logiques modales) possibles, En ce sens, Dellunde (2008, p.264) d´efinit une relation de cons´equence `τ relativement `a un type τ (i.e., relativement

`

a un langage; un langage contient un nombre fini de modalit´es et Dellunde d´efinit la logique pour tout langage modal). La relation de cons´equence se r´esume de la mani`ere suivante:

1. `τ contient les axiomes de la logique propositionnelle classique;

2. `τ est ferm´ee sous le modus ponens;

3. `τ est compacte;

4. `τ est transitive;

5. `τ est monotone;

6. `τ est ferm´ee sous une r`egle de substitution pour les propositions ´equivalentes;

7. `τ est ferm´ee sous la r`egle (RE) pour chaque modalit´e 2i du langage;

8. toute proposition membre d’un ensemble de propositions est la cons´equence de cet ensemble.

Malgr´e que Dellunde (2008, p.265), faisant appel `a l’ouvrage de Gabbay (1994), nomme les logiques qui r´epondent `a ces crit`eres des logiques modales classiques, il s’agit en fait de la d´efinition propos´ee par Chellas (1980, p.231). Notons que la d´efinition est plus succincte chez Chellas: un syst`eme classique est ferm´e sous (RE) et poss`ede la d´efinition de l’op´erateur dual par 2 =def ¬♦¬ (cette derni`ere condition est introduite par la suite

` A ≡ B (RE) `2A ≡ 2B

Notons qu’un syst`eme classique ne doit pas ˆetre confondu avec un syst`eme normal. En g´en´eral, le syst`eme K est la logique modale utilis´ee comme point de r´ef´erence dans la litt´erature pour quiconque veut mod´eliser un ph´enom`ene avec une logique modale. Cela dit, K est un syst`eme normal (cf. Chellas 1980, p.114). Un syst`eme normal, plutˆot que d’ˆetre ferm´e sous (RE), est ferm´e sous (RK).

` (A1∧ · · · ∧ An) ⊃ B

(RK) avec n ≥ 0 ` (2A1∧ · · · ∧2An) ⊃2B

Au mˆeme titre que KD est une extension de K, les syst`emes normaux sont des extensions (conservatrices) des syst`emes classiques. En ce sens, le syst`eme classique est plus faible que le syst`eme normal, c’est-`a-dire qu’il permet de prouver moins de th´eor`emes. Les conditions 2–6 repr´esentent la notion de cons´equence pour la logique proposi- tionnelle classique, que l’on obtient en ajoutant la condition 1. La condition 3 (compacit´e) signifie que si une proposition est la cons´equence d’un ensemble de propositions Γ, alors elle est la cons´equence d’un sous-ensemble fini de Γ. Autrement dit, s’il existe une d´eri- vation de A `a partir de Γ, alors il existe une d´erivation de A `a partir d’un sous-ensemble fini de Γ (ou de mani`ere similaire, si A est prouvable `a partir de Γ, alors il existe une d´erivation de longueur finie de A `a partir de Γ). La condition 7 fait appel `a la r`egle (RE), que l’on retrouve dans la d´efinition de Chellas.

` A ≡ B (RE)

`2iA ≡2iB

Finalement, 5 signifie que si A est la cons´equence de Γ et que Γ ⊆ ∆, alors A est aussi la cons´equence de ∆.

Nous avons donc la logique L = {Lτ : τ ∈ T } o`u Lτ = {A : `τ A}. En d’autres

termes, L est la logique multi-modale qui contient toutes les logiques multi-modales de type τ .

En supposant un type τ et une structure S = hU, Ri (avec U 6= ∅ et un ensemble de relations d’accessibilit´e pour chaque modalit´e R = {Rf : f ∈ F }), Dellunde (2008, p.265)

d´efinit un syst`eme normatif η comme un sous-ensemble de l’ensemble: U ∗ = {(w1, ..., wn) : pour tout i < n il y a f t.q. wiRfwi+1}

Autrement dit, U ∗ est un ´el´ement de ℘(U ) qui contient des s´equences finies d’´etats pour lesquelles chaque wi+1est accessible `a son pr´ed´ecesseur wi par le biais d’une relation

Rf pour une modalit´e f donn´ee. L’ensemble U ∗ contient donc des s´equences w1, . . . , wn

o`u chaque ´etat wi+1 est un successeur `a son pr´edecesseur wi en vertu d’une modalit´e (et

Ainsi, ´etant un sous-ensemble de U ∗, un syst`eme normatif isole les s´equences finies o`u chaque transition de wi `a wi+1 est interdite. Le syst`eme normatif stipule qu’une s´equence

d’accessibilit´e est interdite, peu importe le chemin par lequel on passe de w1 `a wn. En

ce sens, U ∗ contient les s´equences (w1, ..., wn) pour lesquelles toute sous-s´equence binaire

(wi, wi+1) est interdite. Un syst`eme normatif est un ensemble qui contient des s´equences

finies `a l’int´erieur desquelles chaque wi+1 est accessible `a l’´etat qui le pr´ec`ede wi de par

une relation Rf quelconque, mais o`u le passage de wi `a wi+1 est interdit.

`

A partir d’un type τ , le langage est augment´e afin d’obtenir un type τη, o`u η ∈ N

est ´el´ement d’un ensemble de symboles d´enotant des syst`emes normatifs. Le langage est alors augment´e par les modalit´es 2η1, ...,2ηn, o`u 2ηiA se lit « A est obligatoire selon le syst`eme normatif η (cf. Dellunde 2008, p.261) ». En ce sens, A appartient `a tout sc´enario accessible `a w, c’est-`a-dire que les s´equences qui admettent la transition d’un sc´enario w `

a un sc´enario o`u A est faux sont interdites.

En un mot, l’id´ee est de prendre une logique multi-modale L et de cr´eer une extension conservatrice Lη `a l’int´erieur de laquelle la relation d’accessibilit´e Rηf ⊆ Rf d´etermine les

transitions interdites, o`u le langage de Lη est celui de L augment´e par τη. Autrement

dit, pour chaque Lτ = {A : `τ A} on d´efinit Lτη = {A : `τη A} afin d’obtenir

Lη = {Lτη : τη ∈ Tη}, o`u Tη est l’ensemble qui contient tous les types et types aug-

ment´es (Dellunde 2008, p.265). La relation de cons´equence pour `τη est d´efinie de la

mˆeme mani`ere, seul le langage est augment´e. De fait, nous obtenons une logique multi- modale pour les syst`emes normatifs capable de rendre compte d’une diversit´e de logiques sp´ecifiques qui seront obtenues en ajoutant des conditions sur Cn et des axiomes.

Dans la suite de son article, Dellunde (2008, pp.267-8) concentrera son attention sur les syst`emes normatifs ´el´ementaires, `a savoir ceux dont la structure (et plus partic- uli`erement les relations d’accessibilit´e) peut ˆetre d´ecrite par une logique de premier ordre monadique. Le lecteur int´eress´e par les formules de Sahqlvist trouvera chez Dellunde (2008, p.268) une d´efinition pr´ecise.

* * *

Tout compte fait, les logiques multi-modales offrent un cadre de travail riche permet- tant une analyse d´etaill´ee du discours. Bien qu’il se trouve une panoplie d’approches multi- modales en logique d´eontique, celles-ci utilisent toutes les diff´erentes relations qui peuvent ˆetre d´efinies sur un mod`ele s´emantique afin de mod´eliser le langage et les raisonnements. Dans chaque cas, l’id´ee est de repr´esenter s´emantiquement une modalit´e en d´efinissant des relations qui permettent d’isoler les sc´enarios qui seront accessibles suite `a son instanci- ation. Le pr´esent chapitre clˆot pour le moment la pr´esentation des logiques d´eontiques modales, auxquelles nous retournerons bri`evement `a la fin de cette partie au chapitre 8. Pour l’heure, nous allons tourner notre attention `a deux autres types d’approches, notam- ment les logiques i/o et les approches alg´ebriques.

Chapitre 6