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Suite aux nombreux paradoxes de la logique d´eontique standard, mais surtout en r´eaction au paradoxe de Chisholm (1963), les approches en logique d´eontique se sont complexifi´ees afin de mod´eliser certains param`etres mis en lumi`ere par ces probl`emes. Mˆeme si d’embl´ee la logique d´eontique visait l’analyse de l’inf´erence normative, les travaux des chercheurs ayant un int´erˆet en informatique et en droit ont fait que la logique d´eontique est parfois consid´er´ee comme un outil pertinent `a la mod´elisation d’un syst`eme normatif. Par syst`eme normatif, Carmo et Jones (2002, p.265) entendent un ensemble d’agents dont le comporte-

ment et les interactions sont contraints par des normes. Bien que leur objectif soit de formaliser l’impact des normes sur les agents individuels, ceux-ci n’incluent cependant pas de logique de l’action `a leur approche.

L’objectif de Carmo et Jones est de mod´eliser l’interaction qui se trouve entre un ensemble de normes et le comportement d’un agent. Outre la dimension temporelle im- plicite `a l’´evolution des obligations d’un agent expos´ee par le paradoxe de Chisholm, ce dernier met aussi en ´evidence qu’une logique d´eontique qui traite d’un syst`eme normatif doit ˆetre en mesure de rendre compte du fait que certaines obligations sont parfois vi- ol´ees. De telles situations donnent souvent lieu `a des obligations contraires au devoir (contrary-to-duty obligations). Afin de rendre compte de ce ph´enom`ene mais en laissant de cˆot´e la dimension temporelle, Jones et P¨orn (1985) ont introduit la notion d’alternative sous-id´eale (sub-ideal world ), o`u certaines obligations ne sont pas r´ealis´ees.

Cela dit, en plus de mettre en ´evidence que les obligations d’un agent ´evoluent dans le temps et varient lorsque certaines obligations sont viol´ees, le paradoxe de Chisholm montre aussi que certaines obligations sont conditionnelles. Or, les obligations condition- nelles, qui sont souvent trait´ees `a l’aide d’un op´erateur dyadique, font face au probl`eme du d´etachement et `a celui de la d´efinition de l’op´erateur dyadique.1 Plus encore, il y a la

question de d´eterminer quels sont les liens qui se trouvent entre les obligations condition- nelles et les obligations actuelles, et quelles sont les r`egles qui gouvernent le passage d’une obligation conditionnelle `a une obligation actuelle.

Afin de r´epondre `a ces probl`emes, Carmo et Jones (2002) ont d´evelopp´e une logique d´eontique multi-modale conform´ement `a la notion d’alternative sous-id´eale introduite par Jones et P¨orn (1985).2 Leur syst`eme vise `a rendre compte de sept principales caract´eris- tiques mises en ´evidence par le paradoxe de Chisholm. Rappelons nous bri`evement le paradoxe (cf. chapitre 2):

OA (1)

O(A ⊃ B) (2)

¬A ⊃ O¬B (3)

¬A (4)

Parmi les caract´eristiques mises de l’avant par Carmo et Jones (2002, pp.275-7), les plus importantes sont:

1. les propositions 1–4 sont coh´erentes dans la langue naturelle; 2. les propositions 1–4 sont ind´ependantes dans la langue naturelle; 3. il est possible de d´eriver des obligations actuelles;

1Voir le chapitre 15 du pr´esent ouvrage. 2

Voir aussi Jones et P¨orn (1986) et Jones (1991). Voir Peterson (2011, p.45) pour une synth`ese de leur approche.

4. il est possible de d´eriver des obligations id´eales;

5. les obligations sont parfois viol´ees, ce qui donne lieu `a des alternatives sous-id´eales.

Principalement en raison du fait que le paradoxe de Chisholm peut survenir mˆeme dans un contexte o`u il n’y a aucune consid´eration temporelle (Carmo et Jones 2002, p.275), les auteurs proposent une logique multi-modale sans modalit´e temporelle. `A la base, l’id´ee est de distinguer entre les obligations id´eales et les obligations actuelles d’un agent, ce qui a une incidence sur la distinction entre les contextes qui d´ependent des agents versus ceux qui n’en d´ependent pas.

Du cˆot´e de la syntaxe, le langage

L = {P rop, (, ), ¬, ⊃, ∧, ∨, ≡, O(/), Oa, Oi,2, }

contient les connecteurs logiques usuels, un ensemble d´enombrable de variables proposi- tionnelles P rop = {⊥, >, p1, ..., pn, ...} ainsi que les op´erateurs O(/), Oa, Oi, 2 et 

(Carmo et Jones 2002, p.289). Les op´erateurs ♦ et  sont respectivement les op´erateurs duaux de2 et , d´efinis par:

♦A =def ¬2¬A (def. ♦)

A =def ¬¬A (def. )

L’ensemble des expressions bien form´ees (EBF ) n’est pas explicitement d´efini mais les auteurs mentionnent que celui-ci est d´efini de mani`ere habituelle. Consid´erant que l’axiome (A9) admet la combinaison de diff´erentes modalit´es, cela sugg`ere que l’it´eration et la combinaison des op´erateurs est possible, et donc que l’ensemble peut ˆetre d´efini r´ecursivement par:

1. si p ∈ P rop, alors p ∈ EBF ;

2. si A, B ∈ EBF , alors ¬A, A ⊃ B, A ∧ B, A ∨ B, A ≡ B ∈ EBF ;

3. si A, B ∈ EBF , alors O(A/B), OaA, OiA,2A, A ∈ EBF .

En prenant pour acquis les axiomes de la logique propositionnelle classique, les sch´e- mas d’axiomes propos´es sont (Carmo et Jones 2002, p.293):

KM pour 2 (A1)

KD pour  (A2)

2A ⊃ A (A3)

¬O(⊥/C) (A4)

(O(A/C) ∧ O(B/C)) ⊃ O(A ∧ B/C) (A5)

O(A/C) ⊃ O(A/A ∧ C) (A6)

♦O(A/C) ⊃ 2O(A/C) (A7)

(♦(A ∧ (B ∧ C)) ∧ O(A/C)) ⊃ O(A/C ∧ B) (A8)

(OiA ∧ OiB) ⊃ Oi(A ∧ B) (A9)

(OaA ∧ OaB) ⊃ Oa(A ∧ B) (A10)

A ⊃ (¬OaA ∧ ¬Oa¬A) (A11)

2A ⊃ (¬OiA ∧ ¬Oi¬A) (A12)

(A ≡ B) ⊃ (OaA ≡ OaB) (A13)

2(A ≡ B) ⊃ (OiA ≡ OiB) (A14)

[O(A/C) ∧ (C ∧ (A ∧ ¬A))] ⊃ OaA (A15)

[O(A/C) ∧ (2C ∧ (♦A ∧ ♦¬A))] ⊃ OiA (A16)

O(A/C) ∧ ((A ∧ C) ∧ ((¬A ∧ C))) ⊃ Oa(C ⊃ A) (A17)

O(A/C) ∧ (♦(A ∧ C) ∧ (♦(¬A ∧ C))) ⊃ Oi(C ⊃ A) (A18)

Les axiomes (A1) et (A2) signifient que les modalit´es 2 et  sont axiomatis´es re- spectivement par les syst`emes modaux KM et KD. L’op´erateur2 repr´esente une forme de n´ecessit´e qu’un agent ne peut ´eviter (Carmo et Jones 2002, p.287). Autrement dit, 2A signifie que A est n´ecessairement vrai, ind´ependamment des choix ou des actions d’un agent. De la mˆeme mani`ere, ♦A signifie que A a le potentiel d’ˆetre r´ealis´e (A n’est pas fix´e actuellement). L’op´erateur  repr´esente ce qui est n´ecessaire relativement aux choix et aux actions pos´ees par l’agent. Il s’agit de ce qui est n´ecessaire en vertu de ce qui est fix´e actuellement. Quant `a , cela repr´esente la possibilit´e actuelle. Par exemple, il peut ˆetre physiquement possible pour un agent de sauver une personne de la noyade (♦A) sans pour autant qu’il soit actuellement possible de le faire (¬A), comme dans un cas o`u l’agent ne sait pas nager. Informellement, l’op´erateur  restreint l’ensemble de choix possibles pour un agent relativement au contexte et `a ses capacit´es.

L’axiome (A3) signifie que ce qui est n´ecessaire est aussi n´ecessaire actuellement. La contrapos´ee de cet axiome permet de mieux en saisir le sens: ce qui est possible d’ˆetre fait actuellement est possible. En ce sens, la notion de possibilit´e exprim´ee par ♦ est plus large que celle exprim´ee par . S’il est possible actuellement de faire A, alors il est logiquement, physiquement et temporellement possible de faire A.

Dans le mˆeme ordre d’id´ees, l’op´erateur Oi repr´esente ce qui est id´ealement obliga-

De l’autre cˆot´e, Oa repr´esente ce qui est actuellement obligatoire, et qui peut ˆetre le fruit

de la violation d’une obligation id´eale. L’op´erateur dyadique O(A/C) se lit « dans les cir- constances C, A est obligatoire », et l’axiome (A4) signifie que dans toutes circonstances C, il est faux que l’absurde (l’impossible, le faux) est obligatoire. (A5) est le principe d’agr´egation pour les obligations dues `a un mˆeme contexte: si A est obligatoire dans le contexte C et que B l’est aussi, alors la conjonction de A et B est aussi obligatoire dans ce contexte. (A6) stipule que si A est obligatoire conditionnellement au contexte C, alors A est aussi obligatoire dans un contexte o`u la conjonction C ∧ A est vraie.

L’axiome (A7) g`ere la relation entre la n´ecessit´e et l’obligation conditionnelle. S´e- mantiquement, l’axiome exprime que s’il est possible que A soit obligatoire dans le contexte C pour un sc´enario w, alors il est vrai que A est une obligation conditionnelle `a C dans les alternatives possibles `a w. En d’autres termes, si O(A/C) est vrai pour un sc´enario accessible, alors O(A/C) est vrai pour tous les sc´enarios accessibles. Quant `a l’axiome (A8), cela signifie que s’il est possible que trois ´ev`enements A, B et C se produisent con- jointement, alors si A est obligatoire dans les conditions C, A est aussi obligatoire dans les conditions C ∧ B.

Les axiomes (A9) et (A10) repr´esentent respectivement l’agr´egation pour les obliga- tions id´eales et les obligations actuelles. Les axiomes (A11) et (A12) posent que la n´ecessit´e influence ce qui est obligatoire. (A11) indique que si A est actuellement n´ecessaire, alors ni A ni ¬A n’est actuellement obligatoire. De mˆeme pour l’obligation id´eale: si A est n´ecessaire, alors ni A ni ¬A n’est id´ealement obligatoire. Ces axiomes expriment qu’il doit ˆetre possible pour un agent d’agir `a l’encontre de ses obligations. Il s’agit du principe de contingence.

(A13) et (A14) expriment que les ´equivalences peuvent ˆetre substitu´ees au sein des obligations. (A13) signifie que si A et B sont ´equivalent dans un contexte, alors A est actuellement obligatoire si et seulement si B l’est aussi. Par exemple, si dans un contexte « Paul sauve la vie de Pierre si et seulement si Paul conduit `a 150 km/h », alors si Paul dans ce contexte a l’obligation actuelle de sauver la vie de Pierre, il aura aussi l’obligation actuelle de conduire `a 150 km/h. La mˆeme interpr´etation s’applique pour (A14): s’il est n´ecessaire que A est vrai si et seulement si B est vrai, alors A est une obligation id´eale si et seulement si B en est aussi une. Notons que la n´ecessit´e actuelle rend n´ecessairement actuellement vraies des propositions qui ne sont pas n´ecessairement vraies. L’op´erateur  restreint les interpr´etations o`u une proposition est vraie `a un certain contexte.

L’axiome (A15) quant `a lui signifie que si A est une obligation conditionnelle `a un contexte C, alors si C est n´ecessairement actuellement vrai (les interpr´etations sont re- streintes aux sc´enarios o`u C est vrai), qu’il est actuellement possible que A soit vrai et qu’il est actuellement possible que A soit faux, alors A est actuellement obligatoire. Autrement dit, si A est une obligation conditionnelle `a C et que le contexte C est n´ecessairement vrai dans les circonstances actuelles (il est actuellement impossible que C soit faux), alors si un agent a la possibilit´e actuelle de faire A ou de ne pas faire A, et donc que l’agent n’est pas contraint dans le contexte `a ne pas faire A, alors A est actuellement obligatoire. La condition (¬A ∧ C) vise `a assurer que l’agent a la possibilit´e d’agir `a l’encontre de

ses obligations. La mˆeme lecture s’applique pour (A18) quant `a l’obligation id´eale et `a la n´ecessit´e.

La pr´esentation axiomatique est accompagn´ee de quelques r`egles d’inf´erences usuelles, incluant le modus ponens et les deux r`egles de substitution suivantes, qui permettent de rendre compte des ´equivalences logiques du point de vue de l’ant´ec´edent (REA) et du cons´equent (REC).

` B ≡ C (REA)

` O(A/B) ≡ O(A/C)

` C ⊃ (A ≡ B)

(REC) ` O(A/C) ≡ O(B/C)

En ce qui `a trait `a la s´emantique, Carmo et Jones (2002, p.289) d´efinissent un mod`ele M = hW, av, pv, ob, V i, o`u W 6= ∅ est un ensemble de sc´enarios possibles et V : P rop −→ ℘(W ) une fonction qui d´etermine l’ensemble des sc´enarios pour lesquels une proposition atomique est vraie. La fonction av : W −→ ℘(W ), o`u av 6= ∅, d´etermine l’ensemble des alternatives actuelles `a un sc´enario w (cf. Carmo et Jones 2002, p.287), lesquelles prennent en compte le contexte.3 Dans le mˆeme ordre d’id´ees, la fonction

pv : W −→ ℘(W ) d´etermine les alternatives potentielles `a w (Carmo et Jones 2002, p.288). La fonction pv est restreinte par les clauses av(w) ⊆ pv(w) et w ∈ pv(w). Autrement dit, toute alternative actuelle est une alternative potentielle (cf. axiome A3) et tout sc´enario w est une alternative potentielle `a lui mˆeme (cf. KM ). Cependant, w n’est pas n´eces- sairement une alternative actuelle `a lui-mˆeme puisque  est axiomatis´e par KD, et de fait la relation induite sur le mod`ele s´emantique n’est pas r´eflexive pour cet op´erateur. Finalement, la fonction ob : ℘(W ) → ℘(℘(W )) s´electionne les sc´enarios dans lesquels une proposition est obligatoire relativement `a un certain contexte (Carmo et Jones 2002, p.286). Elle prend un ensemble de sc´enarios et l’associe `a un ensemble d’ensembles de s´ecnarios. Si Y ∈ ob(X), alors Y est un ensemble de sc´enarios qui sont obligatoires dans le contexte X. La fonction est restreinte par quatre conditions (Carmo et Jones 2002, p.290), o`u X, Y, Z ∈ ℘(W ):

1. ∅ /∈ ob(X);

2. si Y ∩ X = Z ∩ X, alors Y ∈ ob(X) ssi Z ∈ ob(X); 3. si Y, Z ∈ ob(X), alors Y ∩ Z ∈ ob(X);

4. si Y ⊆ X, Y ∈ ob(X) et X ⊆ Z, alors ((Z − X) ∪ Y ) ∈ ob(Z).

3Tel que mentionn´e dans Peterson (2011, p.58, note 10), il y a un fort parall`ele entre l’op´erateur Oδ, introduit par Jones (1991) afin de rendre compte des obligations conditionnelles et le traitement de l’obligation conditionnelle que fait Chellas (1974). On trouve ici le mˆeme parall`ele en ce qui concerne les clauses s´emantiques pour2 et .

Carmo et Jones (2002, p.291) mentionnent que la premi`ere condition indique qu’une contradiction ne peut pas ˆetre obligatoire (cf. axiome A4): l’absurde n’est pas obligatoire dans un contexte exprim´e par un sc´enario membre de X. En fait, la condition exprime que la relation pour l’obligation conditionnelle est s´erielle (rappelons-nous que dans KD il y a une ´equivalence entre D et ¬O⊥): pour n’importe quel contexte exprim´e par un sc´enario membre de X, il y a minimalement une alternative obligatoire, c’est-`a-dire que l’ensemble qui contient les ensembles qui contiennent les sc´enarios obligatoires dans le contexte X n’est pas vide. La seconde condition vise `a assurer que si deux propositions sont ´equivalentes dans un contexte, alors l’une est obligatoire dans le contexte X si et seulement si l’autre l’est aussi (cf. REC et Carmo et Jones 2002, p.291). Cela se comprend par le fait qu’un sc´enario est un ensemble de propositions, lesquelles d´ecrivent un ´etat de choses dans le monde. `A supposer que l’intersection des ensembles X et Y est ´egale `a celle de X et Z, et donc que chacune des intersections d´ecrit la mˆeme chose, alors la description faite par Y est membre de l’ensemble qui contient les sc´enarios obligatoires relativement au contexte X si et seulement si celle faite par Z l’est aussi. La troisi`eme condition correspond au principe d’agr´egation et signifie que si deux propositions sont obligatoires dans un contexte X, alors leur conjonction l’est aussi (cf. A5, A9 et A10). Finalement, dans les mots de Carmo et Jones (2002, p.292), la derni`ere condition signifie que si Y est sous-ensemble de X, que X est sous-ensemble d’un contexte Z et que Y est obligatoire dans le contexte X, alors ce qui est obligatoire dans le contexte Z se trouve soit dans Y ou dans la partie de Z qui ne contient pas X. En quelque sorte, l’id´ee est d’isoler l’ensemble de sc´enarios obligatoires Y relativement `a un contexte plus large X, o`u le compl´ement de Y par rapport `

a X n’est pas n´ecessairement obligatoire, et de dire que dans un contexte encore plus large Z, ce qui est obligatoire dans le contexte Z est soit dans Y ou dans le compl´ement de X par rapport `a Z.

La v´erit´e dans le mod`ele s´emantique est d´efinie r´ecursivement de mani`ere usuelle (Carmo et Jones 2002, p.290). Soit kAk = {w ∈ W : |=M,w A} l’ensemble qui contient les

sc´enarios o`u la proposition A est vraie pour le mod`ele M.4

|=M,w p ⇔ w ∈ V (p) (1) |=M,w ¬A ⇔ 6|=M,w A (2) |=M,w A ∧ B ⇔ |=M,wA et |=M,wB (3) |=M,w A ∨ B ⇔ |=M,wA ou |=M,w B (4) |=M,w A ⊃ B ⇔ 6|=M,wA ou |=M,w B (5) |=M,w A ≡ B ⇔ (|=M,w A et |=M,w B) ou (6|=M,w A et 6|=M,w B) (6) |=M,w A ⇔ av(w) ⊆ kAk (7) |=M,w 2A ⇔ pv(w) ⊆ kAk (8)

4Nous avons explicit´e les conditions s´emantiques des connecteurs propositionnels, laiss´ees implicites chez Carmo et Jones.

|=M,wO(A/C) ⇔ kAk ∩ kCk 6= ∅ et

X ⊆ kCk et X ∩ kAk 6= ∅ ⇒ kAk ∈ ob(X) (9)

|=M,wOaA ⇔ kAk ∈ ob(av(w)) et av(w) ∩ k¬Ak 6= ∅ (10)

|=M,wOiA ⇔ kAk ∈ ob(pv(w)) et pv(w) ∩ k¬Ak 6= ∅ (11)

Comme `a l’habitude, A est vrai pour un mod`ele M `a condition que |=M,w A pour

tout w, et A est valide lorsque A est vrai pour tout mod`ele.

Les six premi`eres clauses sont les conditions habituelles pour les connecteurs clas- sique. Les clauses (7) et (8) signifient respectivement que A est vrai `a condition que l’ensemble qui contient les alternatives actuelles `a w soit inclus dans l’ensemble qui con- tient les sc´enarios o`u A est vrai, et 2A est vrai `a condition que l’ensemble qui contient les alternatives potentielles `a w est inclus dans l’ensemble qui contient les sc´enarios o`u A est vrai. La clause (9) signifie que la proposition « A est obligatoire dans les conditions C » est vraie si et seulement si il y a au moins un sc´enario o`u `a la fois A est vrai et C est vrai et que si X est un ensemble de sc´enarios o`u C est vrai et qu’il y a au moins un sc´enario membre de X o`u A est vrai, alors l’ensemble qui contient les sc´enarios o`u A est vrai est obligatoire dans les conditions exprim´ees par les sc´enarios de X. Autrement dit, O(A/C) est vrai pour w `a condition qu’il y ait au moins un sc´enario v tel que A, C ∈ v et que s’il y a au moins un sc´enario v0 membre de X ∩ kAk (o`u X contient des sc´enarios o`u la condition C est vraie), alors tout sc´enario o`u A est vrai est obligatoire dans un contexte o`u les membres de X sont vrais. En isolant un ensemble X ⊆ kCk, on d´etermine des sc´enarios o`u la proposition C est vraie mais o`u il n’y a pas d’autres conditions C0 qui viennent s’ajouter au sc´enario et qui pourraient faire changer la valeur de v´erit´e de l’obligation actuelle Oa.

La premi`ere partie de la clause (10) indique que A est actuellement obligatoire pour un sc´enario w si tout sc´enario o`u A est vrai est obligatoire dans les conditions v, o`u v est une alternative actuelle `a w. La seconde indique qu’il y a au moins un sc´enario v0 qui est une alternative actuelle `a w mais o`u A est faux pour v0. En ce sens, ce qui est obligatoire n’est pas in´evitable. Enfin, la clause (11) stipule qu’il est vrai que A est id´ealement obligatoire pour un sc´enario w si tout sc´enario o`u A est vrai est obligatoire dans les conditions v, o`u v est une alternative potentielle `a w, et qu’il y a au moins un sc´enario v0 tel que v0 est une alternative potentielle `a w et A est faux pour v0. La seconde partie de cette clause exprime, `a l’instar de la clause (10), que ce qui est id´ealement obligatoire n’est pas in´evitable. La seconde partie des clauses (10) et (11) se comprend en fonction de l’argument de Jones et P¨orn (1985, p.279): puisqu’il est impossible d’agir `a l’encontre d’une tautologie, il s’ensuit que les tautologies ne sont pas obligatoires.

Somme toute, le syst`eme propos´e par Carmo et Jones vise `a rendre compte des obligations conditionnelles dans un cadre qui admet des situations non id´eales, o`u certaines obligations sont enfreintes. L’id´ee de base est d’ˆetre en mesure de d´eterminer ce qu’un agent devrait faire, et ce mˆeme dans des situations o`u le comportement de l’agent n’est pas conforme `a celui prescrit par les normes. Le lecteur int´eress´e par l’approche de Carmo

et Jones trouvera une critique et une r´eduction de leur syst`eme dans l’article de Gabbay et Schlechta (2010), ainsi que la preuve de compl´etude et de la d´ecidabilit´e du syst`eme dans Carmo et Jones (2013).