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Par souci de clart´e et de concision, nous allons d’abord lister les arguments g´en´eraux pouvant ˆetre object´es aux principaux courants en logique d´eontique, en les justifiant d’un point de vue juridique. Soulignons que cette critique s’op`ere relativement `a notre objectif de d´epart, `a savoir l’utilisation de la logique aux fins de l’analyse des inf´erences l´egales. Cela fait, nous discuterons de chacun des types d’approches pr´esent´es jusqu’`a pr´esent en respectant l’ordre de pr´esentation de la revue de la litt´erature. D’autres arguments seront ins´er´es dans les sections appropri´ees lorsque cela sera pertinent.

D’embl´ee, une logique d´eontique ad´equate `a la mod´elisation du discours juridique doit ˆetre de type Ought-to-do. En effet, d’un point de vue l´egal, ce ne sont pas des propositions qui sont obligatoires mais bien des actions. Lorsqu’un acus´e est inculp´e d’un crime, on ne lui reproche pas d’avoir « rendu une certaine description du monde vraie »: on lui reproche d’avoir agit `a l’encontre de certaines lois.

Argument 1: Une logique d´eontique ad´equate `a la mod´elisation du discours l´egal est de type Ought-to-do.

Argument 2: Ce sont les actions qui sont obligatoires, et non les propositions. Par cons´equent, une logique d´eontique doit distinguer entre les actions et les propositions, et seules les actions doivent pouvoir ˆetre plac´ees dans la port´ee des op´erateurs d´eontiques.

Par ailleurs, la v´erit´e des propositions l´egales ne d´epend pas d’une forme na¨ıve de correspondance avec une « r´ealit´e normative ». La v´erit´e des propositions normatives, en droit, est le r´esultat d’un processus de construction. Comme le mentionne l’honorable Jean-Louis Baudoin, la v´erit´e « se cache dans le discours du l´egislateur qui d’autorit´e d´ecr`ete ce qui est vrai et ce qui doit ˆetre cru et vu comme tel pour la bonne ordonnance du syst`eme juridique dans son ensemble (Baudoin 2010, p.5). »

Argument 3: Toute obligation d´epend d’une norme, laquelle est ´etablie par une certaine autorit´e (Alchourr´on et Bulygin 1981, pp.97,102). La valeur de v´erit´e d’une proposition de la forme Oϕ ne d´epend pas de la valeur de v´erit´e de la proposition ϕ dans la port´ee de l’op´erateur d´eontique. La valeur de v´erit´e de Oϕ d´epend d’une norme, qui ´etablit que l’action d´ecrite par la proposition ϕ est obligatoire.

Argument 4: Il y a une dichotomie s´emantique entre les propositions descriptives et les propositions normatives. La valeur de v´erit´e d’une proposition descriptive ne d´epend pas des mˆemes conditions que de celle d’une proposition normative (cf. Hume 1740, Poincar´e 1913 et Jørgensen 1937).

Argument 5: En vertu de l’argument 3 et suivant Chellas (1974, p.24), une logique d´eontique ∆ ne doit donc pas admettre d’obligation absolue, c’est-`a-dire de th´eor`eme de la forme `∆ O>, o`u > est une tautologie. Autement dit, il est possible d’avoir une

situation o`u aucune obligation n’est en force.

Argument 6: Une obligation peut potentiellement ˆetre viol´ee (Jones et P¨orn 1985, p.279). De fait, une logique d´eontique ∆ ne doit pas admettre de tautologie comme obligation d´eriv´ee, et donc elle doit satisfaire 0∆Oϕ ⊃ O>.

Argument 7: Une cons´equence de l’argument 2 est que l’it´eration d’un mˆeme op´erateur d´eontique n’est pas acceptable, puisque seule une action peut se trouver dans la port´ee d’un op´erateur d´eontique.

Argument 8: L’it´eration d’un mˆeme op´erateur d´eontique n’est pas acceptable (Cas- ta˜neda 1981, p.66). En effet, la signification d’un op´erateur d´eontique change lorsque celui-ci est it´er´e (Jones et P¨orn 1985, p.286).

Argument 9: Une logique d´eontique ad´equate `a la mod´elisation du discours juridique doit ˆetre fond´ee sur la pr´esomption de coh´erence normative.

Les corollaires de l’argument 9 sont:

Argument 10: Une logique d´eontique ad´equate `a la mod´elisation du discours juridique doit admettre le sch´ema d’axiome (D): une mˆeme action ne peut ˆetre `a la fois obligatoire et interdite au mˆeme moment et selon la mˆeme autorit´e.

Argument 11: Dans un syst`eme qui admet plusieurs types d’obligations, et donc o`u il y a des conflits potentiels, une relation de hi´erarchie doit pouvoir ˆetre utilis´ee afin de pouvoir r´esoudre les conflits d’obligations.

Argument 12: Une logique d´eontique ad´equate `a la mod´elisation du discours juridique doit inclure une relation de cons´equence logique permettant de valider le principe de con- s´equence d´eontique.

Interpr´etation modale

L’interpr´etation modale de la logique d´eontique occupe une place importante dans la lit- t´erature. Mˆeme si, comme nous l’avons vu, plusieurs approches ne traitent pas l’obligation comme une modalit´e de type K, il n’en demeure pas moins que la logique d´eontique est souvent pr´esent´ee comme une branche des logiques modales. De mani`ere g´en´erale, les interpr´etations modales de la logique d´eontique, o`u l’obligation est interpr´et´ee comme une modalit´e O faisant changer la valeur de v´erit´e d’une proposition ϕ dans sa port´ee, succombent aux arguments 1, 2, 3, 4, 7 et 8.

Cela dit, les syst`emes normaux prˆetent le flanc `a encore plus d’objections. Une logique d´eontique normale, au sens de ˚Aqvist (2002), est un syst`eme o`u l’obligation est ax- iomatis´ee comme une modalit´e de type K, et donc qui admet minimalement les th´eor`emes

du syst`eme K. Un syst`eme fortement normal admet minimalement les th´eor`emes de KD. Sans compter les arguments d´ecoulant du paradoxe de Chisholm en faveur des logiques dyadiques ou des logiques non-monotones, mettant en ´evidence que les logiques d´eon- tiques normales ne traitent pas ad´equatement des obligations conditionnelles et des conflits d’obligations, les syst`emes normaux succombent aussi aux arguments 5 et 6. Lorsqu’un syst`eme est simplement normal, et non fortement normal, le syst`eme tombe aussi sous l’argument 10. Par ailleurs, un syst`eme normal ou fortement normal succombera aussi `a l’argument 12, `a moins d’admettre d’autres modalit´es ou certaines restrictions ad hoc sur le mod`ele s´emantique (`a ce sujet, voir Peterson et Marquis 2012).

Logique dyadique ´

Etant des interpr´etations modales, les arguments 1, 2, 3, 4, 7 et 8 peuvent s’objecter aux logiques dyadiques. De mˆeme, les logiques dyadiques normales ou fortements normales succombent aux arguments 5 et 6, et aussi `a l’argument 12, `a moins d’admettre d’autres modalit´es ou certaines restrictions ad hoc sur le mod`ele s´emantique. On peut aussi objecter l’argument 10 `a un syst`eme dyadique simplement normal.

Malgr´e que les logiques dyadiques permettent la r´esolution du paradoxe de Chisholm, il s’av`ere qu’elles ne permettent pas la mod´elisation ad´equate des obligations condition- nelles, puisque soit elles admettent (sans restriction) le d´etachement factuel, soit elles l’excluent totalement, sans compter qu’elles ne sont pas en mesure de rendre compte des conflits d’obligations. Comme nous le verrons au chapitre 15, les raisonnements qui se font sur la base d’obligations conditionnelles sont beaucoup plus nuanc´es, et une logique ad´equate `a la repr´esentation des raisonnements normatifs conditionnels doit admettre une forme restreinte de d´etachement.

Argument 13: Une logique d´eontique capable de repr´esenter formellement les raison- nements l´egaux conditionnels doit ˆetre en mesure de permettre le d´etachement restreint. Argument 14: Une logique d´eontique capable de repr´esenter formellement les raison- nements l´egaux conditionnels doit bloquer l’augmentation.

Finalement, `a l’instar des syst`emes monadiques, la logique dyadique ne permet pas de g´erer les conflits d’obligations.

Argument 15: Une logique d´eontique capable de repr´esenter formellement les raison- nements l´egaux conditionnels doit ˆetre capable de repr´esenter les diff´erents types de d´e- faisabilit´es (cf. van der Torre et Tan 1997).

Argument 16: Une logique d´eontique capable de repr´esenter formellement les raison- nements l´egaux conditionnels doit ´eviter l’explosion.

Argument 17: Une logique d´eontique ad´equate `a la repr´esentation du discours l´egal doit ˆetre en mesure de repr´esenter de mani`ere consistante les conflits (conditionnels) d’obligations.

Logique stit

Bien que la logique stit tente de traiter de l’obligation par rapport `a l’action, celle-ci succombe malgr´e tout aux arguments 1, 2, 3 et 4. De plus, si l’obligation est axiomatis´ee comme une modalit´e de type K, alors les mˆemes arguments que pour les syst`emes normaux et fortement normaux pourront ˆetre object´es.

Par ailleurs, la logique stit n’offre pas une repr´esentation formelle ad´equate de l’action. En effet, la logique stit r´eduit l’action `a une description du monde, et cela n’est simplement pas repr´esentatif de ce qu’est une action. Une description ϕ peut ˆetre le r´esultat d´esir´e d’une action, tout comme elle peut ˆetre un r´esultat non d´esir´e, ou mˆeme une cons´equence (d´esir´ee ou non) de l’action. En ce sens, mˆeme si l’action engendre quelque chose dans le monde, l’action ne se r´eduit pas `a la description qu’elle engendre: mˆeme si un agent i, en volant une banque (disons) fait advenir qu’un ancien crime est r´esolu (p. ex., i fait tomber une pile de vieux documents o`u un ´el´ement de preuve est trouv´e), on ne dira pas que l’agent a accompli l’action de r´esoudre le crime mˆeme si dans les faits il est vrai que [i : stit]ϕ.

Logique dynamique

D’entr´ee de jeu, la logique dynamique r´eduit l’obligation `a la r´ealisation d’une violation dans un ´etat, et en ce sens elle tombe sous l’argument 3 puisqu’elle fait d´ependre la valeur de v´erit´e d’une proposition normative `a la valeur de v´erit´e d’une proposition descriptive. Par le fait mˆeme, elle est aussi sujette `a l’argument 4. Cela dit, un argument important que l’on peut objecter `a la logique dynamique est le suivant.

Argument 18: Une logique d´eontique appropri´ee doit reposer sur une alg`ebre d’action ad´equate `a la mod´elisation des actions humaines.

En effet, la logique dynamique est principalement une logique de la programmation. Or, comme nous le verrons au chapitre 14 (auquel le lecteur est r´ef´er´e pour une anal- yse d´etaill´ee du sujet), la logique dynamique n’est pas fond´ee sur une alg`ebre visant `a repr´esenter les action humaines. En ce sens, puisque la logique dynamique ne fournit pas une mod´elisation ad´equate de l’action humaine, et que les inf´erences l´egales portent sur les actions humaines, il en r´esulte que la logique dynamique n’est pas suffisante `a l’analyse des raisonnements juridiques.

Logique i/o

Les logiques i/o offrent un cadre de travail int´eressant autre que celui de la logique modale K. Cela dit, d’un point de vue fondationnel, elles contreviennent `a l’argument suivant. Argument 19: Un syst`eme formel ad´equat `a la repr´esentation du discours juridique doit laisser place a l’interpr´etation de la loi.

La pertinence d’une logique d´eontique quant `a l’analyse des inf´erences l´egales est du cˆot´e de leur forme. En effet, la logique vise l’´etude des structures, et, lorsqu’elle est utilis´ee comme outil en vue de l’analyse des raisonnements, elle permet l’analyse de la structure des inf´erences. Elle permet l’analyse de la structure des raisonnements, mais pas de leur contenu. En ce sens, l’´evaluation des pr´emisses afin de d´eterminer si, en plus d’ˆetre valide, un argument est probant, ne rel`eve pas de la logique (cf. Peterson 2013b). Bien que la logique puisse ˆetre utilis´ee afin d’analyser et d’aider les raisonnements des juristes, l’´evaluation des pr´emisses et l’interpr´etation des lois sont de leur ressort.

La signification des lois n’est pas univoque, et les ensembles de normes ainsi que la jurisprudence sont des choses qui ´evoluent dans le temps. En ce sens, l’information pertinente `a un jugement en 1996 n’est pas la mˆeme que celle qui serait pertinente si le mˆeme jugement avait plutˆot ´et´e fait en 2011. Les lois et la jurisprudence ne sont pas des choses fixes, elles ´evoluent, et cette ´evolution ne peut pas ˆetre anticip´ee logiquement. D’o`u la n´ecessit´e d’un facteur humain dans l’´evaluation des pr´emisses d’un argument l´egal: la v´erit´e d’une pr´emisse l´egale ne peut pas ˆetre d´etermin´ee uniquement par un algorythme et requiert l’examen attentif d’un juriste. D’un point de vue m´eta-logique, un syst`eme formel doit donc laisser place `a l’interpr´etation des lois afin de pouvoir mod´eliser ad´equatement le discours juridique.

Or, les logiques i/o ´echouent `a rendre compte de ce principe fondationnel. En con- sid´erant un syst`eme normatif comme un simple processus input-output, on pr´esuppose que le syst`eme formel, les ensembles de normes ainsi que les ensembles de count-as conti- ennent d’embl´ee toute l’information pertinente et n´ecessaire `a la prise de d´ecision. Cette vision du discours l´egal est cependant r´eductrice et ne tient pas compte ad´equatement du facteur humain prenant place lors des raisonnements juridiques. Dans les logiques i/o, on pr´esusuppose que l’ensemble des count-as est bien d´efini. Au niveau du discours juridique, cela est toutefois trivialement faux: la question de savoir si une action particuli`ere compte pour une action qui est interdite, ou encore si une action particuli`ere tombe dans la port´ee d’une loi ou d’un jugement sont souvent l’objet de litige.

En pr´esupposant qu’un syst`eme normatif est bien d´efini et poss`ede toute l’information pertinente et n´ecessaire `a la prise de d´ecision, les logiques i/o ne parviennent pas `a rendre compte ad´equatement du principe de cons´equence d´eontique. Bri`evement, la cons´equence d´eontique permet de conclure des obligations d´eriv´ees `a partir d’obligations fixes. Le principe est tel que si ϕ est obligatoire et que ϕ implique ψ, alors ψ est aussi obligatoire. Au sein des logiques i/o, la cons´equence d´eontique se formalise par un ensemble g´en´erateur G = {(>, x), (>, x → y)}, o`u l’on obtient y ∈ outi(G, x) par (AND) et (WO).

Cependant, cela pose probl`eme lors de l’interpr´etation normative de G. En effet, si G repr´esente un code normatif, c’est-`a-dire un ensemble de normes, il est peu plausible que celui-ci contienne d’embl´ee (>, x → y). Le propre de la cons´equence d´eontique est de prendre un ensemble fini de normes afin d’en d´eriver les cons´equences (d´enombrables). Consid´erant que le propre d’une obligation d´eriv´ee est, par d´efinition, de ne pas ˆetre une obligation fixe, il s’ensuit que les obligations d´eriv´ees pour un syst`eme normatif donn´e ne peuvent pas simplement ˆetre d´etermin´ees `a l’aide d’un ensemble g´en´erateur fix´e au d´epart.

Lorsque l’on cherche `a d´eterminer si Oψ est la cons´equence d´eontique de Oϕ, il faut ´evaluer premi`erement s’il est vrai que Oϕ, et deuxi`emement s’il est vrai que ϕ ⊃ ψ. En ce sens, l’´evaluation d’une cons´equence d´eontique se fait `a partir d’un ensemble g´en´erateur de normes et d’un ensemble de propositions qui sont postul´ees vraies. Mˆeme si la question de savoir si ψ compte pour ϕ peut ˆetre d’entr´ee de jeu fix´ee au sein de G, il n’en demeure pas moins qu’il est possible que cela soit l’objet d’un litige. En ce sens, un raisonnement l´egal ne se r´eduit pas simplement `a un processus intput-output qui contient toute l’information pertinente et n´ecessaire `a la prise de d´ecision.

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Evidemment, on pourrait r´epondre `a cette objection qu’un syst`eme normatif op`ere selon un processus input-output, et que les r´esultats obtenus (les outputs) d´ependent de ce que l’on met dedans (le input) au d´epart. En ce sens, le syst`eme normatif, con¸cu comme un proc´ed´e input-output, n’est qu’un outil prˆet `a ˆetre utilis´e par les juristes. Il y a la boˆıte, et il y a ce que l’on met dans la boˆıte.

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A cette objection, on pourrait alors r´epondre que les logiques i/o ne rendent pas compte ad´equatement du discours juridique dans la mesure o`u elles succombent aux ar- guments 5 et 6.

Approches alg´ebriques

La critique que l’on peut faire `a l’´egard des approches alg´ebriques s’ins`erent dans la lign´ee de l’argument 18. Dans le cas des approches qui utilisent des alg`ebres d’action, il n’est pas ´evident que la structure propos´ee soit repr´esentative des actions humaines. En fait, mis `

a part les logiques dynamiques ainsi que l’approche de Lucas, les syst`emes fond´es sur des alg`ebres d’action utilisent des alg`ebres de Boole. Cependant, comme nous le verrons au chapitre 14, la logique de l’action humaine, si elle existe, n’a certainement pas la structure d’une alg`ebre de Boole (le lecteur est r´ef´er´e au chapitre susmentionn´e pour une analyse d´etaill´ee).

Logique non-monotone

De mani`ere usuelle, la logique non-monotone est pr´esent´ee comme une alternative aux logiques monadiques et dyadiques, permettant de r´epondre `a la fois aux probl`emes du d´e- tachement, de l’augmentation et aux conflits d’obligations. Cela dit, les logiques d´eontiques non-monotones sont souvent d´evelopp´ees en vue de l’intelligence artificielle, o`u l’objectif est de d´eveloper un cadre de travail permettant de mod´eliser ad´equatement les inf´erences normatives quotidiennes.

Or, il s’av`ere que la non-monotonie de l’inf´erence normative quotidienne vient prin- cipalement du fait que les agents ne poss`edent pas toute l’information pertinente `a leur raisonnement. Le probl`eme de l’augmentation, par exemple, vient du fait qu’il est possible que l’on ajoute de l’information pertinente qui viendra changer la conclusion `a laquelle on parvient. Cela dit, d`es que toute l’information pertinente `a un raisonnement normatif est pr´esente, la non-monotonie de l’inf´erence normative et le probl`eme de l’augmentation

disparaissent. En droit, par exemple, un juge prendra en consid´eration la l´egislation, la jurisprudence ainsi que la doctrine pertinente et prendra sa d´ecision `a la lumi`ere des faits admissibles. Si l’on fait appel `a cette d´ecision en Cour d’appel et que l’on cherche `a d´e- faire l’inf´erence du juge de premi`ere instance, alors on tentera d’´etablir qu’il y a eu une erreur de droit et que ce n’est pas toute la l´egislation et la jurisprudence pertinente qui ont ´et´e prises en compte (sans compter les questions d’interpr´etation). En ce sens, une logique d´eontique ad´equate `a la repr´esentation du discours juridique doit ˆetre en mesure de repr´esenter que certaines inf´erences sont d´efaisables alors que d’autres ne le sont pas.

En logique non-monotone, on « complexifie » la syntaxe et la s´emantique afin de r´epondre aux objections contre les logiques standards. Comme nous le verrons au chapitre 15, il est cependant possible de r´epondre `a ces objections en « simplifiant » le syst`eme utilis´e pour raisonner `a l’aide d’obligations conditionnelles.

Notons qu’en plus de mod´eliser les conflits d’obligations et leur r´esolution, les logiques d´eontiques non-monotones visent aussi `a repr´esenter les conflits irr´eductibles d’obligations, c’est-`a-dire les conflits qui ne peuvent ˆetre r´esolus. En ce qui nous concerne, nous sommes d’avis qu’une th´eorie qui admet des conflits irr´eductibles d’obligations est irrationnelle. L’objectif d’une th´eorie normative est de d´eterminer l’action d’un individu, et lorsqu’il y a conflit irr´eductible, la th´eorie ne permet pas de dire comment l’agent devrait agir. En ce sens, une th´eorie qui admet des conflits irr´eductibles d’obligations est une th´eorie qui d’embl´ee ne peut atteindre son objectif (qui est de guider l’action). D’ailleurs, en vertu de la pr´esomption de coh´erence, cela est impossible en droit: tout conflit sera r´e- solu, localement (au cas par cas) ou globalement, soit par une nouvelle l´egislation ou par un jugement. Rappelons-nous que la coh´erence est un crit`ere assurant la rationalit´e du