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Les d´eveloppements r´ecents en logique d´eontique qui proposent une analyse du discours l´egal sont souvent bas´es sur une logique de l’action. Suivant Segerberg et al. (2009, p.1), la banni`ere logique de l’action regroupe deux principaux types bien distincts en philosophie, `

a savoir les logiques stit et les logiques dynamiques. Alors que le pr´esent chapitre porte sur les logiques de l’action de type stit, les logiques d´eontiques dynamiques seront con- sid´er´ees au chapitre 4. L’int´erˆet d’int´egrer une logique de l’action `a la logique d´eontique se comprend en fonction des notions de syst`eme normatif (ns, pour normative system) et de syst`eme normatif avec plusieurs agents (nmas, pour multiagent normative system).

Malgr´e que l’on retrouve une certaine ambigu¨ıt´e au sein de la litt´erature quant `a l’utilisation de ces deux termes, la distinction entre un syst`eme normatif et un nmas se comprend en fonction de l’emphase mise sur la notion d’agent. Cette ambigu¨ıt´e vient principalement du fait que le concept de nmas est parfois subsum´e sous le concept de syst`eme normatif. En effet, alors que le concept de syst`eme normatif est actuellement majoritairement utilis´e conform´ement `a la d´efinition propos´ee par Carmo et Jones (2002), ce dernier est aussi parfois utilis´e selon sa signification originelle, que l’on retrouve chez Alchourr´on et Bulygin (1971).

D’entr´ee de jeu, Alchourr´on et Bulygin (1971, p.54) consid`erent un syst`eme normatif comme un ensemble de normes qui contient toutes ses cons´equences (i.e., un ensemble de normes d´eductivement ferm´e). Cette d´efinition est similaire `a celle de Føllesdal et Hilpinen (1970, p.16): « by a ‘normative system’ we understand simply any set of normative sen- tences closed under deduction ». Elle a ´et´e reprise par plusieurs auteurs, trop nombreux pour tous les ´enum´erer. `A l’inverse, Carmo et Jones (2002, p.265) proposent la d´efinition suivante1:

Deontic logic is one of the formal tools needed in the design and specification of normative systems, where the latter are understood to be sets of agents (human or artificial) whose interactions can fruitfully be regarded as norm-governed; the norms prescribe how the agents ideally should and should not behave, what they are permitted to do, and what they have a right to do.

D’autres auteurs ont aussi utilis´e cette d´efinition de syst`eme normatif, par exemple Pacheco et Santos (2004, p.210), pour qui un syst`eme normatif est un « set of interact- ing agents whose behaviour is ruled by norms ». ´Evidemment, ces derni`eres conceptions d’un syst`eme normatif correspondent plutˆot `a un nmas. Afin d’´eviter toute ambigu¨ıt´e, nous proposons d’utiliser la d´efinition d’Alchourr´on et Bulygin (1971) pour les syst`emes normatifs et celle de Carmo et Jones (2002) pour les nmas.2

Consid´erant que la logique d´eontique peut servir `a la mod´elisation des nmas, l’int´erˆet d’y intr´egrer une logique de l’action devient ´evident. Les logiques stit, dont l’acronyme signifie seeing to it that, sont des logiques qui visent `a rendre compte de la r´ealisation de certaines actions par des agents.3 Ces logiques visent la mod´elisation des nmas dans la

mesure o`u l’on observe l’impact des normes sur le comportement des agents et des groupes d’agents.

Bien que l’origine de la logique stit soit g´en´eralement attribu´ee `a Belnap et Perloff (1988), qui ont introduit l’op´erateur [i stit : ϕ], l’origine des logiques de type stit peut ˆetre retrac´ee aux travaux de Kanger (1957)4, qui a ´et´e le premier `a traiter des notions d´eontiques `a l’aide d’une logique de l’action (cf. Kanger 1972, p.111). Quoique Chellas (1969) ait ´et´e le premier `a proposer une s´emantique bien d´efinie pour les logiques de type stit (cf. Segerberg 1992, p.369), l’op´erateur Ei index´e `a un agent i est apparu avec P¨orn

(1970) (cf. Carmo et Pacheco 2001, p.131), o`u l’auteur cherchait `a rendre compte des relations d’influences et des relations normatives qui se trouvent entre certains agents. L’op´erateur Ei, qui en fran¸cais peut se lire ‘i r´ealise ...’, se comprend mieux en fonction de

sa formulation anglaise, o`u l’op´erateur signifie « i sees to it that ... » ou encore « i brings it about that... ». C’est d’ailleurs en raison de cette premi`ere formulation que Belnap et Perloff (1988) ont utilis´e l’acronyme stit pour d´efinir l’op´erateur [i stit : ϕ]. `A strictement parler, la logique stit telle que d´evelopp´ee Belnap et Perloff (1988) inclue une dimension temporelle, conform´ement aux travaux de Chellas (1969). N´eanmoins, le pr´esent chapitre aborde ce que nous nommons les logiques de type stit, qui incluent les approches o`u l’on utilise un op´erateur du type « i r´ealise... ».

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Etant donn´e que les logiques de types stit utilisent un formalisme similaire `a celui d´evelopp´e par P¨orn (1970), nous avons jug´e bon de pr´esenter son approche afin de don- ner un aper¸cu de l’origine de ce genre de logique. Nous avons aussi choisi de pr´esenter l’approche de Horty (2001) consid´erant qu’il s’agit, `a notre avis, de l’ouvrage le plus com- plet proposant une analyse de la logique d´eontique dans le cadre d’une logique stit. Con- sid´erant que l’objectif du pr´esent ouvrage est d’utiliser la logique d´eontique afin d’analyser la structure des inf´erences l´egales, les deux autres approches pr´esent´ees ont ´et´e choisies en fonction du fait qu’elles utilisent la logique d´eontique afin d’´eclaircir certaines notions

2Certains auteurs, comme Boella et al. (2006), refusent la d´efinition de Carmo et Jones (2002) pour les nmas et proposent de les d´efinir comme la jonction entre un syst`eme multi-agents et un syst`eme normatif au sens de Alchourr´on et Bulygin (1971).

3Le lecteur int´eress´e par les logiques de l’action est invit´e `a consulter Segerberg (1992) et Peterson (2014a).

4Le texte de Kanger (1957) a ´et´e r´eimprim´e dans Kanger (1971) et ses travaux se sont d´evelopp´es dans Kanger et Kanger (1966) et Kanger (1972).

juridiques. Nous pr´esenterons d’abord l’approche de Pacheco et Carmo (2003), qui s’ins`ere plutˆot dans la tradition de P¨orn (1970), et ensuite celle de Broersen (2011a), qui propose d’augmenter la logique stit `a l’aide d’une modalit´e ´epist´emique.

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Evidemment, plusieurs auteurs utilisent des logiques de type stit, et faire une revue compl`ete de cette litt´erature d´epasserait la port´ee de notre propos. Le lecteur int´eress´e est invit´e `a consulter Xu (1995) pour le d´eveloppement formel de la logique stit, et Horty et Belnap (1995) pour une introduction d´etaill´ee `a la logique d´eontique de type stit.