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La logique d´eontique non-monotone constitue une branche importante de la logique d´eon- tique. Ses principales applications se trouvent en informatique th´eorique et en program- mation, plus pr´ecis´ement en intelligence artificielle, o`u l’on cherche `a mod´eliser le raison- nement et l’apprentissage. La logique non-monotone est pertinente en intelligence ar- tificielle consid´erant qu’elle permet de mod´eliser les raisonnements qui se font `a la lu- mi`ere d’une information sp´ecifique, o`u la conclusion du raisonnement peut varier lorsque l’information change. L’objectif de ce chapitre est de familiariser le lecteur avec la logique d´eontique non-monotone. Notre objectif n’est pas de dresser un portrait exhaustif de la litt´erature sur le sujet, mais plutˆot de fournir au lecteur le mat´eriel n´ecessaire `a la com- pr´ehension des approches que l’on y trouve, ainsi que des enjeux fondamentaux qui guident cette discipline. Le lecteur int´eress´e par la logique d´eontique non-monotone est invit´e `a consulter l’ouvrage ´edit´e par Nute (1997).

La premi`ere section expose les principales motivations qui guident l’introduction des logiques d´eontiques non-monotones. Les notions de monotonie et de non-monotonie y sont expliqu´ees, et les arguments en faveur de la non-monotonie des inf´erences normatives sont expos´es. Par la suite, l’approche de Horty (1997) est pr´esent´ee `a titre d’exemple d’approche non-monotone en logique d´eontique. Ce choix a ´et´e r´ealis´e en fonction du fait que l’approche de Horty est tr`es claire et est moins ax´ee vers ses applications en informa- tique, ce qui rend le texte plus abordable pour le lecteur qui provient de la philosophie plutˆot que de l’informatique th´eorique. Finalement, diff´erentes notions de d´efaisabilit´e sont pr´esent´ees `a la derni`ere section, conform´ement `a la proposition de van der Torre et Tan (1997).

Motivations

La logique non-monotone vise la formalisation des inf´erences quotidiennes (ou ordinaires), qui se font `a la lumi`ere d’une information qui est plus souvent qu’autrement incompl`ete. Ce type d’approche a une incidence directe en intelligence artificielle, o`u l’objectif est de programmer des machines capables de raisonner `a l’instar de l’homme. Ainsi, la logique

non-monotone permet la repr´esentation formelle des inf´erences o`u les conclusions sont adapt´ees en fonction de l’information que l’on a. Elle permet `a une machine de « changer d’id´ee ». En termes de input et de output, la logique non-monotone permet de faire varier le output d´ependamment du input, ce qui n’est pas possible dans les cadres de travail monotones. Outre ses applications en informatique et en intelligence artificielle, la logique d´eontique non-monotone vise aussi la repr´esentation des inf´erences l´egales, o`u certaines conclusions sont parfois renvers´ees, notamment lorsque celles-ci sont prises `a partir d’information incompl`ete.

Grossi`erement, l’id´ee de base derri`ere les cadres de travail non-monotones est de fournir des syst`emes qui permettent de modifier les conclusions auxquelles on arrive en fonction de l’information que l’on poss`ede. Une relation de cons´equence est dite monotone lorsque l’ajout de certaines pr´emisses `a une inf´erence valide ne change pas la conclu- sion. Autrement dit, une relation de cons´equence monotone respecte la r`egle structurale d’affaiblissement (i.e., weakening, cf. Gentzen 1934):

A ` B (wk) A, C ` B

Si B est une cons´equence de A et que la relation de cons´equence est monotone, alors B sera aussi la cons´equence d’un ensemble de pr´emisses qui contient A. Une relation de cons´equence est donc monotone lorsque celle-ci est stable et produit toujours le mˆeme r´esultat `a partir d’un ensemble de pr´emisses. Lorsque la relation de cons´equence est monotone, l’ajout de certaines pr´emisses ne change pas la conclusion.

Certains raisonnements quotidiens ne respectent cependant pas ce sch´ema d’inf´erence. En effet, certaines inf´erences peuvent ˆetre d´efaites, voire d´econstruites. Dans certains cas, l’ajout d’information change la conclusion `a laquelle on parvient. Cela peut ˆetre mis en ´evidence `a l’aide des deux exemples suivants. Consid´erons d’abord les ´enonc´es qui suivent.

p = Il pleut.

q = Paul va au cin´ema. r = Marie appelle Paul. s = Paul va chez Marie.

Supposons que Paul planifie sa journ´ee et qu’il en arrive `a la conclusion que s’il pleut, alors il va au cin´ema, mais cependant si Marie appelle, alors il ira chez elle. Supposons maintenant que cette information est transmise `a Pierre, et qu’en plus on lui dit que cette journ´ee l`a il pleuvait. On demande `a Pierre ce qu’a fait Paul. Son raisonnement sera alors

p ⊃ q, r ⊃ s, p ` q

et ce dernier conclura que Paul est all´e au cin´ema. Cela dit, si par la suite on apprend `a Pierre que Marie a appel´e Paul, alors son raisonnement sera

et il conclura plutˆot que Paul est all´e chez Marie. De plus, si on lui demande si Paul est all´e au cin´ema, alors Pierre r´epondra que non puisque Paul est all´e chez Marie. De fait, l’ajout de l’information r `a l’ensemble de pr´emisses {p ⊃ q, r ⊃ s, p} fait changer la conclusion. En ce sens, l’inf´erence de Pierre n’est pas monotone consid´erant que

p ⊃ q, r ⊃ s, p ` q mais

p ⊃ q, r ⊃ s, p, r 0 q et donc que la r`egle (wk) n’est pas respect´ee.

Par ailleurs, la non-monotonie s’aper¸coit aussi de par le fait que certaines inf´erences ne respectent pas la r`egle (cut), qui repr´esente la transitivit´e de la relation de cons´equence.1

A ` B B ` C (cut) A ` C

Cette r`egle indique que lorsque B est une cons´equence de A et que C est une con- s´equence de B, alors n´ecessairement il en r´esulte que C est une cons´equence de A. Cepen- dant, certaines inf´erences quotidiennes ne respectent pas cette r`egle. Prenons par exemple les propositions suivantes.2

p = Paul est qu´eb´ecois.

q = La langue maternelle de Paul est le fran¸cais. r = Paul est n´e en France.

Supposons que l’on transmet l’information suivante `a Pierre: 1. La langue maternelle de la plupart des qu´eb´ecois est le fran¸cais. 2. La plupart des fran¸cais sont n´es en France.

Pierre acceptera donc comme pr´emisses que p ⊃ q et que q ⊃ r. Toutefois, ce n’est pas parce que Pierre accepte ces deux pr´emisses qu’il acceptera aussi n´ecessairement que p ⊃ r. Malgr´e que, de mani`ere g´en´erale, si une personne est qu´eb´ecoises, alors sa langue maternelle est le fran¸cais, et que dans la plupart des cas si la langue maternelle d’un individu est le fran¸cais alors celui-ci est n´e en France, cela n’implique pas que si un individu est qu´eb´ecois alors celui-ci est n´e en France.

1Soulignons cependant que ce type d’argument n’est pas pr´esent´e en faveur de la non-monotonie des inf´erences normatives.

Dans le cas de la logique d´eontique, l’introduction d’un cadre de travail non-monotone peut ˆetre justifi´ee de deux mani`eres. Alors que certains utilisent la logique d´eontique non- monotone afin de pouvoir repr´esenter les conflits d’obligations, comme Ryu et Lee (1997) et Horty (1997), d’autres l’utlisent plutˆot afin de pouvoir repr´esenter formellement les obligations conditionnelles, par exemple van der Torre et Tan (1997).

Prenons le syst`eme standard `a titre d’exemple. Consid´erant l’axiome (D), qui est propositionnellement ´equivalent `a

¬(OA ∧ O¬A)

il en r´esulte que dans une situation o`u il y a un conflit d’obligations, alors n’importe quelle action est obligatoire puisque:

`KD (OA ∧ O¬A) ⊃ OB

Il s’agit l`a de l’explosion d´eontique. Si, par exemple, Paul a le devoir d’aider sa patrie en allant `a la guerre, mais qu’il a aussi le devoir moral de rester `a la maison pour aider sa m`ere qui est parapl´egique, alors Paul est dans une situation o`u il est dans l’obligation d’aller `a la guerre et de ne pas aller `a la guerre. Au sein de KD, cela entraˆıne que Paul est dans l’obligation de voler une banque, ce qui, ´evidemment, n’est pas un r´esultat d´esir´e.

Par ailleurs, la non-monotonie des inf´erences normatives s’aper¸coit de par le fait que celles-ci ne respectent pas le sch´ema d’inf´erence (wk). Le lecteur est r´ef´er´e au chapitre 15 pour une analyse d´etaill´ee des arguments en faveur de la logique d´eontique non-monotone. Ayant maintenant vu les principales motivations pour l’introduction de la logique d´eon- tique non-monotone, passons maintenant `a l’approche de Horty (1997), qui nous servira `

a titre de paradigme afin d’exemplifier la strat´egie derri`ere les cadres de travail non- monotones.

John Horty

L’introduction des relations de cons´equences non-monotones vise la repr´esentation des inf´erences ordinaires ou quotidiennes, o`u les conclusions auxquelles on parvient varient en fonction de l’information que nous avons. En plus de viser `a repr´esenter comment les individus r´efl´echissent au quotidien, ces relations de cons´equences sont aussi appliqu´ees dans le domaine de l’intelligence artificielle, o`u l’objectif est de faire le tri dans l’information fournie afin d’obtenir les conclusions d´esir´ees. Ainsi, on s’assure que les machines soient en mesure d’atteindre certains de leurs buts mˆeme lorsque que ceux-ci sont contradictoires. Un des principaux objectifs qui a motiv´e l’introduction des logiques non-monotones ´etait de d´evelopper une logique qui soit capable de rendre compte des inf´erences humaines afin de pouvoir servir `a des fins de programmation en intelligence artificielle (Horty 1997, p.23). Dans le contexte de la logique d´eontique, les logiques non-monotones sont pertinentes lorsque l’on cherche `a formaliser les conflits d’obligations ou les obligations conditionnelles.

Le texte de Horty (1997) offre une introduction quant aux motivations qui guident les d´eveloppements de la logique d´eontique non-monotone (voir aussi Horty 1994). D’embl´ee, ce dernier consid`ere que la logique non-monotone est pertinente lorsque l’on cherche `a formaliser les conflits d’obligations. Un conflit d’obligations survient lorsque deux normes dictent des actions incompatibles, c’est-`a-dire qui ne peuvent ˆetre r´ealis´ees simultan´ement. Afin de mettre en ´evidence l’importance des fondements non-monotones pour une logique d´eontique, Horty (1997, p.18) insiste sur le fait que les conflits d’obligations ne sont pas possibles au sein du syst`eme standard. En vertu de l’axiome (D), il est impossible d’avoir une situation telle que OA∧O¬A est vrai, et par cons´equent le syst`eme standard ne permet pas de rendre compte des conflits d’obligations. Consid´erant que les conflits d’obligations sont courants, Horty en conclut qu’une logique d´eontique digne de ce nom se doit de rendre compte de telles situations.

Comme il le mentionne (Horty 1997, p.20), on trouve d´ej`a des approches monotones au sein de la litt´erature qui permettent de rendre compte des conflits d’obligations. Le syst`eme propos´e par Chellas (1974), par exemple, permet la repr´esentation des conflits d’obligations. La proposition de Chellas est de mod´eliser les obligations conditionnelles `a l’aide d’une logique modale non-normale plus faible que le syst`eme K, construite comme une extension de la logique propositionnelle `a laquelle on ajoute la r`egle d’inf´erence (ROM) et l’axiome ¬O⊥.3 Les conflits d’obligations sont possibles au sein d’un tel syst`eme dans

la mesure o`u, contrairement au syst`eme standard, il n’y a pas d’´equivalence entre (D) et ¬O⊥, ce qui r´esulte du fait que l’agr´egation (OA ∧ OB) ⊃ O(A ∧ B) n’est pas d´erivable. Or, Horty (1997, p.22) soutient que le rejet complet de l’agr´egation rend le sys- t`eme de Chellas trop faible. En effet, malgr´e qu’il soit souhaitable de rejeter l’´enonc´e (OA ∧ O¬A) ⊃ O(A ∧ ¬A), sans quoi nous obtiendrions (OA ∧ O¬A) ⊃ OB puisque O(A ∧ ¬A) ⊃ OB en vertu de (ROM) et du fait que (A ∧ ¬A) ⊃ B, l’agr´egation est n´eanmoins parfois d´esirable, notamment lorsqu’il n’y a pas de conflit.

Afin de mettre ce point en ´evidence, Horty (1997, p.21) propose l’argument suivant, qui pour ˆetre valid´e dans une approche comme celle de Chellas doit utiliser une instance du principe d’agr´egation. Supposons qu’un agent est dans l’obligation de soit payer ses taxes en un seul paiement ou de les payer en deux versements. Supposons maintenant que cet agent est dans l’obligation de ne pas payer ses taxes en un seul paiement en raison de contraintes financi`eres familiales. Dans une telle situation, nous voulons conclure que l’agent est dans l’obligation de payer ses taxes en deux versements. Cependant, afin que ce raisonnement soit valide dans le syst`eme de Chellas, il faudrait ˆetre en mesure de passer de O(p ∨ q) ∧ O¬p `a O((p ∨ q) ∧ ¬p) `a l’aide de l’agr´egation afin de pouvoir ensuite utiliser (ROM) et le fait que ((p ∨ q) ∧ ¬p) ⊃ q pour conclure que Oq. Cependant, l’agr´egation n’est pas disponible au sein du syst`eme de Chellas, et par cons´equent ce dernier n’est pas en mesure de valider l’argument susmentionn´e.

La conclusion `a laquelle arrive Horty est que le principe d’agr´egation ne doit pas permettre de conclure un conflit d’obligations, mais doit n´eanmoins pouvoir ˆetre utilis´e

3Pour une pr´esentation d´etaill´ee, voir Chellas (1980) sections 6.5 et 10.2 et Peterson (2011) section 4.4.

lorsque les conflits sont pr´evenus. La solution propos´ee par Horty (1997, p.22) est inspir´ee de la d´efinition de la cons´equence d´eontique chez van Fraassen (1973, p.17). Soit Γ un ensemble de propositions qui contient des ´enonc´es du type OA et M un mod`ele de la logique classique. Le pointage d’un mod`ele M relativement `a un ensemble Γ est d´efini par:

scoreΓ(M) = {OA ∈ Γ : |=M A}

Autrement dit, l’ensemble scoreΓ(M) contient les propositions OA membres de Γ

pour lesquelles A est vrai dans M. Par exemple, si Γ = {Op, O¬q, O(p ⊃ q)}

alors il y a M1 = {p} M2 = {p, ¬q} M3 = {p, p ⊃ q} M4 = {¬q} M5 = {¬q, p ⊃ q} M6 = {p ⊃ q} tels que scoreΓ(M1) = {Op}

scoreΓ(M2) = {Op, O¬q}

scoreΓ(M3) = {Op, O(p ⊃ q)}

scoreΓ(M4) = {O¬q}

scoreΓ(M5) = {O¬q, O(p ⊃ q)}

scoreΓ(M6) = {O(p ⊃ q)}

Cependant, il n’y a pas de mod`ele M qui satisfasse `a la fois p, ¬q et p ⊃ q. Main- tenant, soit |A| = {M : |=M A} l’ensemble qui contient les mod`eles pour lesquels A est

vrai. Par exemple, |p| = {M1, M2, M3}.

Ayant ces notions en mains, la cons´equence d´eontique `F est d´efinie par:

Γ `F OA ⇔ il y a M1 ∈ |A| pour lequel il n’y a pas de

Conform´ement `a l’exemple pr´ec´edent, nous avons: scoreΓ(M1) ⊆ scoreΓ(M2) scoreΓ(M1) ⊆ scoreΓ(M3) scoreΓ(M4) ⊆ scoreΓ(M2) scoreΓ(M4) ⊆ scoreΓ(M5) scoreΓ(M6) ⊆ scoreΓ(M3) scoreΓ(M6) ⊆ scoreΓ(M5) et |q| = {M3} |¬q| = {M1, M2, M4, M5, M6}

Selon cet exemple, on voit ais´ement que Γ `F O¬q puisque M2 ∈ |¬q| et

scoreΓ(M2) 6⊆ scoreΓ(M3). De mˆeme, nous pouvons conclure que Γ `F Oq puisqu’il

n’y a pas de mod`ele dans |¬q| tel que scoreΓ(M3) ⊆ scoreΓ(Mi) pour i ∈ {1, 2, 4, 5, 6}.

Cependant, nous avons Γ 0F O(q ∧ ¬q) puisque |q ∧ ¬q| = ∅ et donc il n’y a pas de

M ∈ |q ∧ ¬q| qui satisfait la condition.

L’objectif de Horty est donc de repr´esenter ces id´ees dans le cadre d’une logique non-monotone. Pour ce faire, il utilise la logique des conditions de base (default logic) de Reiter (1980). Ici, l’id´ee est d’indexer une inf´erence de A vers B `a une condition C. Autrement dit, plutˆot que de repr´esenter une inf´erence comme une paire (A, B), o`u A est une pr´emisse et B une conclusion, l’inf´erence est repr´esent´ee par un triplet (A, B|C) o`u la conclusion B ne peut ˆetre inf´er´ee `a partir de A que lorsque cela est consistant avec C (Horty 1997, p.24).

Une th´eorie de base (a default theory) ∆ = hW, Di est d´efinie comme un ensemble de propositions W auquel on ajoute un ensemble de r`egles D qui guident les inf´erences. Ayant une th´eorie de base `a notre disposition, l’objectif est de d´efinir ce qu’est une extension E pour une th´eorie ∆. Une extension E pour une th´eorie ∆ = hW, Di est d´efinie par les trois conditions suivantes.

W ⊆ E (8.1)

E = Cn(E) (8.2)

pour tout (A, B|C) ∈ D, A ∈ E et ¬C /∈ E ⇒ B ∈ E (8.3) Alors que la premi`ere condition stipule que E est une extension de W, c’est-`a-dire que toute formule de W est contenue dans E , la seconde indique que l’extension contient l’ensemble de ses cons´equences logiques. La troisi`eme condition assure que l’extension contient les conclusions qui peuvent ˆetre d´eriv´ees `a partir des r`egles de base (default rules), et donc pour chaque r`egle de la forme B est d´erivable `a partir de A `a condition que cela est consistant avec C, on conclut que B est dans l’extension lorsque A s’y trouve et que rien ne permet de contredire C.

Cela fait, Horty (1997, p.28) en vient `a faire le parall`ele entre la relation de con- s´equence `F et le cadre de travail non-monotone. En d´efinissant la th´eorie de base ∆Γ

pour un ensemble d’obligations Γ par W = ∅ et l’ensemble de r`egles de base par D = {(>, A|A) : OA ∈ Γ}

Horty obtient que Γ `F OA si et seulement si A ∈ E pour une extension E de ∆Γ. En mots,

ce r´esultat signifie qu’une obligation OA peut ˆetre inf´er´ee d’un ensemble d’obligations lorsque A est consistante avec les autres propositions au sein d’une extension de la th´eorie de base.

Afin d’illustrer cela, consid´erons l’exemple susmentionn´e. L’ensemble de r`egles de base de ∆Γ est D = {(>, p|p), (>, ¬q|¬q), (>, p ⊃ q|p ⊃ q)}. Cette th´eorie poss`ede

plusieurs extensions, d´ependamment de l’ordre dans lequel elles sont construites. Par exemple, si l’on prend d’abord (>, p|p), alors nous avons > ∈ E1 puisque W = ∅ et

> ∈ Cn(∅), et puisque ¬p /∈ E1 nous obtenons p ∈ E . Ensuite, il y a deux possibilit´es.

Si l’on consid`ere d’abord (>, p ⊃ q|p ⊃ q), alors on obtient p ⊃ q ∈ E1 par le mˆeme

raisonnement et puisque E1 = Cn(∅ ∪ {p, p ⊃ q}), on obtient que q ∈ E1, voire que

¬¬q ∈ E1. Dans cette optique, la condition (3) ne permet pas de conclure que ¬q ∈ E1´etant

donn´e que ¬¬q ∈ E (pour que ce soit le cas il faudrait que ¬¬q /∈ E1). Par ailleurs, si plutˆot

nous avions opt´e pour l’ajout de (>, ¬q|¬q), alors nous aurions obtenu que ¬q ∈ E2puisque

> ∈ E2 et ¬¬q /∈ E2, et par cons´equent ¬(p ⊃ q) ∈ E2 puisque ¬(p ⊃ q) ∈ Cn(∅∪{p, ¬q}).

Finalement, si l’on d´ebute par consid´erer (>, p ⊃ q|p ⊃ q) et ensuite (>, ¬q|¬q), on obtient une extension E3 = Cn(∅ ∪ {p ⊃ q, ¬q}) pour laquelle ¬p ∈ E3. En ce sens,

d´ependamment de l’ordre dans lequel les propositions sont consid´er´ees, on peut obtenir diff´erentes extensions pour une mˆeme th´eorie.

E1 = Cn(∅ ∪ {p, p ⊃ q})

E2 = Cn(∅ ∪ {p, ¬q})

E3 = Cn(∅ ∪ {p ⊃ q, ¬q})

Certaines th´eories peuvent avoir aucune, une ou plusieurs extensions. Lorsqu’il y a plusieurs extensions disponibles, les deux strat´egies possibles sont soit la strat´egie cr´edule, qui consiste `a prendre une extension au hasard et `a accepter comme conclusion ce qui se trouve dans cette extension, ou la strat´egie sceptique, qui consiste `a n’accepter comme conclusion que ce qui fait partie de chaque extension (Horty 1997, p.26).

Le fait qu’une th´eorie de base puisse poss´eder plusieurs extensions am`ene Horty (1997, p.32) `a d´efinir une relation de cons´equence d´eontique sceptique `S, pour laquelle

une obligation OA peut ˆetre d´eriv´ee d’un ensemble d’obligations Γ seulement lorsque A appartient `a toutes les extensions E de ∆Γ. Autrement dit, la relation de cons´equence est

d´efinie par Γ `S OA si et seulement si A ∈ E pour tout E extension de ∆Γ. Selon cette

d´efinition et conform´ement `a l’exemple susmentionn´e, cela entraˆıne que mˆeme si Γ `F Op

Γ `F O¬q

nous avons cependant

Γ 0S Op

Γ 0S O¬q

Γ 0S O(p ⊃ q)

puisque E1∩ (E2∩ E3) = Cn(∅). Cela dit, si nous avions plutˆot Γ0 = Γ ∪ {Or}, alors

E10 = Cn(∅ ∪ {p, p ⊃ q, r}) E20 = Cn(∅ ∪ {p, ¬q, r}) E30 = Cn(∅ ∪ {p ⊃ q, ¬q, r}) et donc Γ0 `S Or.

Outre la relation de cons´equence d´eontique sceptique, Horty discute des relations qui se trouvent entre le syst`eme de Chellas, KD et la relation de cons´equence `F. Par

la suite, ce dernier aborde aussi la question des obligations conditionnelles, ce qui ne sera pas pr´esent´e consid´erant que les d´eveloppements qu’il propose ne sont que pr´eliminaires et sujets `a plusieurs probl`emes (cf. Horty 1997, p.40).

Pour conclure, soulignons que mˆeme si les approches non-monotones peuvent sembler souhaitable, celles-ci laissent n´eanmoins place `a des r´esultats ind´esirables. Dans le cas de Horty, par exemple, autant `F que `S nous laissent dans une impasse.

D’un cˆot´e, l’interpr´etation de `F nous laisse le choix entre les diff´erentes extensions

qui s’offrent `a nous. Ainsi, conform´ement `a l’exemple susmentionn´e, on peut autant choisir entre Γ `F Op et Γ `F O(p ⊃ q) que Γ `F O¬q. Cependant, certaines obligations au

sein d’un conflit sont prioritaires `a d’autres, et par cons´equent il est plausible que plutˆot que d’avoir un choix `a faire entre deux obligations, l’une domine l’autre. En ce sens, si l’objectif de la logique d´eontique non-monotone est de permettre de d´eterminer quelles sont les obligations en place lors d’un conflit, la strat´egie cr´edule ne permet pas d’atteindre