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l’entreprise libérée et de ses effets sur la performance sociale

S ECTION 1 : L ECTURE INTEGRATIVE DE LA DECISION D ’ ADOPTION DE L ’ ENTREPRISE LIBEREE

1.3. A PPORT DES PERSPECTIVES RATIONNELLE ET INSTITUTIONNELLE DE L ’ INNOVATION MANAGERIALE POUR ETUDIER LES ANTECEDENTS ET LES

1.3.2. Perspective institutionnelle de l’adoption de l’entreprise libérée

L’entreprise libérée s’étant aussi construite en opposition au modèle classique de l’organisation centré sur la seule recherche de profit (Aigouy et Granata, 2017 ; Carney et Getz, 2009 ; Getz, 2009 ; Gilbert et al., 2018c) et représentant un objet d’étude émergent et largement médiatisé (Antoine et al., 2017 ; Gilbert et al., 2018b ; Picard, 2015), les dirigeants peuvent être soumis à une forme de pression sociale car ils appartiennent à un système social dans lequel les leaders d’opinion sont à même d’influer sur leurs décisions (Rogers, 1995). L’adoption peut donc être perçue comme « nécessaire » par crainte de voir les résultats sociaux et/ou économiques impactés négativement (ibid.) et de perdre en légitimité. Les arguments issus de la perspective institutionnelle sont donc de nature à enrichir et compléter l’étude des antécédents à l’adoption de l’entreprise libérée. En effet, dans cette perspective, l’adoption ne répond plus seulement à une décision rationnelle mais trouve ses fondements dans les comportements mimétiques, de conformité sociale ou symbolique, d’isomorphisme coercitif ou non, indépendamment des gains associés en termes de performance (Sturdy, 2004). Les pressions, provenant d’une diversité d’acteurs (i.e. régulateurs, concurrents, clients, actionnaires, associations professionnelles, société mère et organisations non gouvernementales (Walker et al., 2015)) appellent les organisations à se conformer aux règles et aux normes en adoptant des pratiques similaires (Kostova et Roth, 2002). Dans ce cadre, l’adoption va être influencée par une dimension sociale comprenant les canaux de communication (média ou interpersonnels), la nature du système social (e.g. normes, réseaux…) ainsi que les acteurs externes, agents de changement (Rogers, 1995). La

Chapitre 2 - Une lecture intégrative de l’adoption de l’entreprise libérée

recherche de légitimité externe et de réputation prendrait alors le pas sur les motivations économiques (Abrahamson, 1996 ; Mol et Birkinshaw, 2014 ; Walker et al., 2015 ; Wang, 2010). Dès lors, les managers basent leurs désisions sur « la cotation » de l’innovation managériale en question parmi celles disponibles sur le marché plutôt que sur des attentes en termes de résultats (Damanpour et al., 2018 ; Walker et al., 2015 ; Yeung et al., 2006). Ainsi, en imitant les autres, les organisations pallient l’incertitude à laquelle elles font face quant aux résultats attendus en adoptant une innovation managériale qui semble avoir donné satisfaction dans d’autres contextes organisationnels (Abrahamson, 1991). Les études sur les modes managériales cherchent à comprendre quelles sont les caractéristiques des managers « qui achètent » les innovations managériales (Birkinshaw

et al., 2008, p. 826 ; David, 1996, p.25). L’entreprise libérée étant fortement soumise à

l’engouement médiatique et à la promotion de gourous (Gilbert, Raulet-Croset et al., 2017 ; Gilbert et al., 2018b ; Marmorat et Nivet, 2017), cette perspective semble intéressante, voire presque indissociable. Elle peut permettre de comprendre les raisons qui poussent les dirigeants, figures centrales de la « libération », à adopter l’entreprise libérée pour assumer leurs responsabilités sociales, sociétales et économiques47 en

cohérence avec leur vision (Dortier, 2016 ; Getz, 2016b ; Gilbert, Raulet-Croset et al., 2017 ; Gilbert, Teglborg et al., 2017 ; Robertson, 2006). La question des antécédents est d’autant plus importante compte tenu de la nouveauté conceptuelle de l’entreprise libérée puisque cela implique de fait une plus grande incertitude lors de l’adoption (Harder, 2011 ; Rogers, 1995). Elle peut être également soumise à l’influence des acteurs internes et externes, notamment sur le marché des modes managériales (Birkinshaw et al., 2008 ; Harder, 2011). Dans cette perspective, l’innovation managériale peut s’observer en termes de discours ou de pratiques (Birkinshaw et al., 2008).

Cette perspective institutionnelle est donc de nature à compléter la perspective rationnelle permettant une compréhension de l’adoption de l’entreprise libérée sous différents angles. Elle est particulièrement cohérente dans ce cas puisque, dans son essence, l’entreprise libérée invite à dépasser un mode de pensée purement rationnel :

« a fearless rationality and the wisdom that can be found in emotions, intuition, events, and paradoxes—and Evolutionary-Teal turns

47 La responsabilité environnementale n’est pas mise en avant dans la littérature sur l’entreprise libérée.

Chapitre 2 - Une lecture intégrative de l’adoption de l’entreprise libérée

the page from the rational-reductionist worldview […] and the post-modern worldview […] to a holistic approach to knowing. » (Laloux, 2015)

Au-delà, elle invite à considéréer concommitamment des approches a priori contraires, ou du moins en apparence inconciliables et paradoxales :

« the F-form company embraces a paradox of both pursuing its self-

interests and being considerate to other companies. The company is self- interested because, as a business with world-class vision, it relentlessly pursues its own good often at the expense of its competitors. However, with its suppliers, customers, and partner companies the F-form company is more considerate, because what is good for them is generally good for the company itself. » (Getz, 2009, p. 50‑51)

« le potentiel « hégémonique » des nouveaux modèles et en montrant le paradoxe de ceux-ci, se voulant « libérateurs » mais reposant sur des mécanismes renforcés de contrôle notamment normatifs » (Picard, 2015,

p. 76)

À l’instar de Damanpour et Aravind (2012), nous considérons donc que l’intégration des perspectives rationnelle et institutionnelle est possible et hautement souhaitable dans le cadre de l’étude de la décision d’adoption de l’entreprise libérée. Tout comme dans les entreprises libérées qui agrégent un certain nombre de paradoxes, cette lecture intégrative montre qu’il n’existe pas de réelle opposition entre les deux perspectives et que leur combinaison est au contraire porteuse d’une nouvelle perspective (Poole et Van de Ven, 1989). A cette étape, il convient toutefois de préciser les antécédents et les types d’effets à considérer dans le cadre de l’entreprise libérée au regard des deux perspectives.

1.3.3. Antécédents managériaux à l’adoption de l’entreprise

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