• Aucun résultat trouvé

L’ ENTREPRISE LIBEREE : UNE INNOVATION MANAGERIALE AUX EFFETS CONTRASTES EN TERMES DE PERFORMANCE

IDENTIFIES V ERBATIMS ILLUSTRATIFS

S ECTION 3 : E FFETS DE L ’ ADOPTION DE L ’ ENTREPRISE LIBEREE

3.1. L’ ENTREPRISE LIBEREE : UNE INNOVATION MANAGERIALE AUX EFFETS CONTRASTES EN TERMES DE PERFORMANCE

La section 2 a montré que les dirigeants peuvent adopter l’entreprise libérée pour des raisons rationnelles et/ou institutionnelles. De cette décision d’adoption, trois effets se dégagent de la littérature sur l’entreprise libérée, avec des résultats attendus en termes de performance économique et non-économique. En effet, « l’adoption […] ne se limite pas à l’atteinte d’objectifs économiques » (Gilbert, Teglborg et al., 2017, p.44).

Tout d’abord, au regard de la performance économique, les auteurs notent des « effets en termes de performance rapides et importants » (Foss, 2003, p. 334) suite à l'adoption des pratiques représentatives de l'entreprise libérée, même s’ils n'ont pas étudié précisément et empiriquement ce lien. Cette observation est basée sur l'augmentation du bénéfice d'exploitation et du rendement des capitaux propres (DeFillippi et Lehrer, 2011 ; Verona et Ravasi, 2003). Des effets positifs sur l’innovation produits et la créativité sont également relevés (Carney et Getz, 2009 ; Getz, 2009 ; Poli, 2019).

Ensuite, plusieurs auteurs font également le lien entre performance économique et performance sociale. En effet, la littérature traitant de l’entreprise libérée laisse penser

Chapitre 2 - Une lecture intégrative de l’adoption de l’entreprise libérée

à une potentielle amélioration de la performance économique et sociale (Colle et al., 2017 ; Foss, 2003 ; Getz, 2009 ; Verona et Ravasi, 2003) même si le second volet est largement controversé (Dortier, 2016 ; Picard, 2015). L’objectif d’accommoder profit et bien-être des salariés est régulièrement affiché mais le projet de libération reste « capitaliste » et la voie (critique) des salariés est parfois passée sous silence (Daudigeos

et al., 2019 ; Dortier, 2016). À ce titre, Getz (2009) présente un cercle vertueux dans

lequel la satisfaction des besoins des salariés mènerait à leur satisfaction et à une performance économique de « classe mondiale », les deux se renforçant mutuellement. Ce cercle vertueux est clairement suggéré dans le sous-titre du livre de Carney et Getz (2009) : « Free Your Employees and Let Them Lead Your Business to Higher

Productivity, Profits, and Growth ». Picard et Lanuza (2016), par le biais d’une étude

empirique reposant sur une étude de cas dans un service « libéré » d’une banque, indiquent que certains employés perçoivent des effets positifs, au-delà de gains en termes de productivité, grâce à une réappropriation du travail due notamment à davantage de cooopération. Les résultats de Ramboarison-Lalao et Gannouni (2018), selon une analyse prospective qualitative auprès d’assistants de managers, révèlent un effet positif sur le bien-être au travail suite à l’adoption de l’entreprise libérée. De même, Colle et al. (2017) et Corbett-Etchevers et al. (2019), par le biais d’une étude de cas au sein de l’entreprise Sogilis, montrent un effet positif de l’entreprise libérée sur la qualité de vie au travail54.

Enfin, les effets sur la qualité de vie au travail pourraient être renforcés par les capacités d’innovation (Corbett-Etchevers et al., 2019). À travers une étude de cas unique, Colle et al. (2017) et Corbett-Etchevers et al. (2019) montrent, en effet, un effet positif des pratiques managériales des entreprises libérées sur les capacités d’innovation, ceci conformément aux résultats attendus (Carney et Getz, 2009 ; Getz, 2009 ; Hamel, 2011 ; Peters, 1992) (Corbett-Etchevers et al., 2019). Dans le même ordre d’idée, Ramboarison-Lalao et Gannouni (2018) révèlent que les assistants managers perçoivent des effets positifs sur la créativité et le changement technologique avec un effet médiateur de la performance sociale.

Parmi les rares études empiriques disponibles sur les effets des entreprises libérées sur la performance sociale, les résultats ne font pas consensus. Par exemple, Hamel et

54 Les auteurs utilisent le modèle SLAC (Sens du travail, Lien, Activité et Confort) développé par Abord

Chapitre 2 - Une lecture intégrative de l’adoption de l’entreprise libérée

Zanini (2016), Rousseau et Ruffier (2017) et d’Iribarne (2017) indiquent une augmentation du turnover lorsque l’entreprise libérée est adoptée, tandis que Carney et Getz (2009) concluent que ce taux est « inférieur à la moyenne ». D’autres recherches décrivent des résultats négatifs. Au niveau individuel, la revue critique de Picard (2015) montre un malaise profondément enraciné parmi les salariés à travers des entretiens et des observations utilisant une approche interprétativiste. Certains ressentent également davantage de pression à cause des processus participatifs ou ne parviennent pas à s’adapter au changement ce qui révèle « l’inconfort et la désillusion » derrière ces « lieux de travail agréables » (Daudigeos et al., 2019, pp. 12–13). Les entreprises libérées seraient « exigeantes » envers leurs salariés (Hamel et Breen, 2007) et semblent exclure les salariés qui ne sont pas à l'aise avec la liberté et l'autonomie (Chabanet et al., 2017 ; Colle et al., 2017 ; Fox et Pichault, 2017 ; Ramboarison-Lalao et Gannouni, 2018 ; Rousseau et Ruffier, 2017). La pression hiérarchique est remplacée par le contrôle social (Chabanet et al., 2017 ; Corbett-Etchevers et al., 2019 ; Ramboarison-Lalao et Gannouni, 2018). Cette forme de contrôle est davantage institutionnelle et normative. En effet, les salariés seraient dépendants du regard des pairs dans les entreprises libérées (Colle et al., 2017 ; Hamel, 2011 ; Hamel et Breen, 2007), ce qui peut être source de « pression », telle une forme d’injonction à être heureux au travail (d’Iribarne, 2017). Par ailleurs, certains salariés peuvent avoir des difficultés à s'adapter au changement induit par l’adoption de l’entreprise libérée et sont ainsi exposés à des risques psychosociaux (Holtz, 2017 ; Picard, 2015). Chez Zappos, une entreprise libérée, 15% des employés auraient quitté l’entreprise à cause du travail supplémentaire dû au manque d’encadrement (d’Iribarne, 2017). Même si la littérature décrit certains effets négatifs des entreprises libérées, ceux- ci semblent être limités à une partie seulement des employés.

Les résultats des études empiriques portant sur les effets de l’entreprise libérée sont synthétisés dans le tableau 21 ci-dessous. Au niveau des méthodes mobilisées, nous notons qu’elles relèvent toutes de démarches qualitatives.

Chapitre 2 - Une lecture intégrative de l’adoption de l’entreprise libérée

Tableau 21. Synthèse des études empiriques portant sur les effets de l’entreprise libérée

ETUDES EMPIRIQUES METHODOLOGIE INDICATEURS RESULTATS EFFETS Résultats économiques ou « hard outcomes »

Getz (2009), Carney et Getz (2009)

Qualitative ethnographique

Innovation, créativité,

profit, chiffre d’affaires Positif

Résultats non économiques ou « soft outcomes »

Picard (2015) Qualitative (Etudes de cas) Discours / dynamiques psychiques Négatif Ravasi et Verona (2001) Qualitative (Etude de cas unique)

Intégration des

connaissances Positif

Les deux

Colle et al. (2017) Qualitative (Etude de cas unique)

SLAC (Sens du travail, Lien, Activité et Confort), Innovation

Positif

Corbett-Etchevers et

al. (2019)

Qualitative (Etude de cas unique)

Innovation, créativité,

qualité de vie au travail Positif

Ramboarison-Lalao

et Gannouni (2018) Qualitative

Bonheur au travail, bien- être au travail, bonnes conditions de travail Changement technologique (Créativité et intelligence collective)

Positif

3.4. P

ERFORMANCE SOCIALE DE L

ENTREPRISE LIBEREE

:

L

APPORT DE

Outline

Documents relatifs