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Modèle de Clarkson : un cadre d’analyse porteur pour étudier les effets de l’entreprise libérée sur la performance sociale

IDENTIFIES V ERBATIMS ILLUSTRATIFS

S ECTION 3 : E FFETS DE L ’ ADOPTION DE L ’ ENTREPRISE LIBEREE

3.4. P ERFORMANCE SOCIALE DE L ’ ENTREPRISE LIBEREE : L ’ APPORT DE L ’ APPROCHE DE LA P ERFORMANCE S OCIETALE DE L ’E NTREPRISE (PSE)

3.4.3. Modèle de Clarkson : un cadre d’analyse porteur pour étudier les effets de l’entreprise libérée sur la performance sociale

Nous proposons d’examiner le lien qui existe entre l’entreprise libérée et la performance sociale à travers le modèle de PSE par les parties prenantes développé par Clarkson (1995). Contrairement aux autres conceptualisations de la PSE, ce modèle est pertinent pour trois raisons.

(1) D’une manière générale, la littérature sur la PSE propose des modèles intégrateurs permettant de « faire le pont » entre approches normative et positive (ou stratégique) (Daudigeos, 2009, p.127). On retrouve ici à la fois l’essence rationnelle de la PSE, i.e. dans sa conception positive qui recouvre une dimension managériale et instrumentale (« la performance c’est mesurer » (Clarkson, 1995, p. 109)), mais aussi l’essence institutionnelle de la PSE, i.e. dans sa conception normative qui se fonde sur des principes éthiques et normatifs (en référence aux « responsabilités » de l’organisation envers ses « parties prenantes » (ibid.)). En conclusion, le modèle de Clarkson (1995) est donc de nature à proposer une lecture intégrative des effets de l’adoption de l’entreprise libérée.

(2) Il établit un lien clair entre la dimension managériale (selon Clarkson la PSE est « la capacité de gérer et de satisfaire les différentes parties prenantes de l’entreprise » (Igalens et Gond, 2005, p. 133)) et la dimension résultats (i.e. la performance sociale en termes de satisfaction des parties prenantes). De ce point de vue, la dimension institutionnelle est intégrée au modèle dans la mesure où l’entreprise doit répondre aux demandes des parties prenantes par un management adapté (Gond et Crane, 2010) (cf. figure 10 ci-dessous).

Chapitre 2 - Une lecture intégrative de l’adoption de l’entreprise libérée

Figure 10. Représentation du modèle de Clarkson (1995) (D’après Bourgel, 2018)

(3) Le modèle permet d’opérationnaliser ce lien et la mesure de la performance sociale. D’après Clarkson (1995), l’approche par les parties prenantes est la plus adaptée pour saisir la réalité de la PSE (Gond, 2010). En effet, elle permet notamment de « distinguer les questions sociétales des questions des parties prenantes puisque les firmes et leurs managers gèrent des relations avec des parties prenantes et non pas avec la société » (Clarkson, 1995, p. 100). Il marque ainsi un tournant par rapport à la conception normative largement prédominante jusque-là dans les modèles de PSE. Le concept de PSE est rendu plus opérationnalisable en la replaçant au niveau organisationnel (et non plus seulement institutionnel comme le courant Business & Society). Clarkson (1995) propose un modèle complet dans lequel « la PSE peut être

définie et mesurée de manière plus efficace en utilisant un cadre fondé sur le management des relations entre la firme et ses parties prenantes » (p.92). En ce sens, ce modèle semble aller au-delà d’une approche purement instrumentale en intégrant une dimension managériale. En effet, il lie explicitement la dimension managériale (management des parties prenantes) et la dimension résultats (performance de l’entreprise) (cf. figure 10 ci- dessus), le tout se jouant au niveau de l’organisation. Pour Clarkson (1995, p.104) « le niveau organisationnel est identifié comme celui de l’entreprise et de ses parties prenantes » soit « le niveau d’analyse approprié pour analyser et évaluer la PSE ». Selon l’auteur, chaque entreprise est libre de définir le niveau d’intégration des responsabilités pour chacune des parties prenantes. En effet, dans ce modèle, les problématiques organisationnelles sont traitées selon des groupes de parties prenantes : employés, actionnaires, clients, fournisseurs, parties prenantes publiques et concurrents. Les parties prenantes sont définies comme des « personnes ou des groupes qui ont, ou revendiquent, une propriété, des droits ou des intérêts dans une société et ses activités, passées, présentes

Dimension managériale Management des relations avec les parties prenantes et des demandes des parties prenantes

Pratiques managériales

Dimension résultats Performance sociale en termes de satisfaction des parties prenantes

Chapitre 2 - Une lecture intégrative de l’adoption de l’entreprise libérée

ou futures » (Clarkson, 1995, p.106). Parmi eux, les salariés sont considérés comme des parties prenantes primaires (Clarkson, 1995), voire des parties prenantes « saillantes » (Mitchell et al., 1997), car ils contribuent au succès de l'entreprise (Backhaus et al., 2002) et leur satisfaction est essentielle à la survie de l’entreprise (Clarkson, 1995 ; Jenkin

et al., 2011). Si les entreprises libérées cherchent à intégrer leurs responsabilités sociales,

et non pas seulement leurs responsabilités envers leurs actionnaires (Jack, 2018), la définition de Getz (2009), mais aussi les pratiques managériales associées à cette forme organisationnelle, positionnent les salariés comme des parties prenantes clés.

La dimension résultats est traitée à l’aide de mesures qui ne sont pas strictement économiques, conformes en cela aux effets attendus suite à l’adoption de l’entreprise libérée en termes de « soft outcomes » (i.e. performance sociale). Selon Clarkson, « la performance peut être mesurée et évaluée » (1995, p. 105). Les mesures subjectives sont alors mobilisées, en lien avec la satisfaction des parties prenantes. Ainsi, pour Clarkson (1995, p. 109) :

« la performance, c'est mesurer la satisfaction des parties prenantes en évaluant les données relatives aux actions et aux résultats de l'entreprise en ce qui concerne la gestion d'enjeux particuliers pour les parties prenantes et les niveaux de responsabilité que l'entreprise a assumés ou définis. »

Ainsi, il dépasse une critique majeure formulée dans la littérature sur la PSE selon laquelle la perspective des salariés a été largement négligée dans les recherches sur la PSE (Van Buren III, 2005). Ce modèle fournit une réponse complémentaire à notre développement théorique pour concevoir le lien entre l’adoption de l’entreprise libérée et ses résultats.

D’une part, selon Clarkson (1995), mais aussi plus largement en accord avec la littérature sur la PSE qui permet de palier certaines zones d’ombre du modèle, les salariés, en qualité de parties prenantes primaires, sont amenés à évaluer la performance sociale de l'entreprise à l'aide de mesures subjectives en termes d'attentes, de perception ou de satisfaction (Clarkson, 1995 ; Jamali, 2008 ; Vong et Wong, 2013). En effet, selon la littérature sur la PSE par les parties prenantes, la performance sociale doit être évaluée « telle qu'elle est vécue par les salariés » (Van Buren III, 2005, p. 688).

Chapitre 2 - Une lecture intégrative de l’adoption de l’entreprise libérée

Cela est conforme à la littérature sur l’entreprise libérée dans laquelle les salariés devraient être les principaux bénéficiaires. Dès lors, ces deux littératures sont en phase quant au rôle clé des salariés (en tant que parties prenantes) qui consiste à évaluer les résultats (Clarkson, 1995). Les perceptions des parties prenantes offrent une bonne mesure (Igalens et Gond, 2005) pour évaluer si les pratiques managériales de l’entreprise libérée ont un effet sur la performance sociale.

D’autre part, bien que Clarkson (1995) ne détaille pas ce que recouvre la dimension managériale, il précise que la PSE est ancrée dans la réalité de l’organisation (1995), c’est-à-dire ce qu’elle fait et dans quelle mesure elle le fait (Gond et Crane, 2010). Par conséquent, alors que ce modèle interroge « le comportement réel des entreprises » (Gond et Crane, 2010, p. 687), nous considérons que la dimension managériale est observable par le biais de pratiques managériales permettant de « capturer les actions » (ibid., p.681). La littérature sur l’entreprise libérée présente les salariés comme les premiers bénéficiaires (Picard, 2015) et met en avant l’effet des pratiques managériales sur le bonheur des employés dans son modèle théorique (Getz, 2009). Comme nous l’avons montré précédemment, les parties prenantes impliquées ont une fonction évaluative à travers leurs perceptions et leur satisfaction. Dès lors, il semble approprié que le management de la partie prenante « salariés » soit évalué au moyen des pratiques managériales. Conformément à la définition de l’entreprise libérée mobilisée59,

cette dimension managériale sera observée au moyen des pratiques managériales.

C

ONCLUSION DE LA SECTION

3

Dans cette section, nous avons proposé de mobiliser le modèle de Clarkson (1995) afin d’étudier l’effet de l’entreprise libérée sur la performance sociale. Deux raisons principales conditionnent ce choix.

Premièrement, ce modèle nous permet de proposer une lecture des effets de l’adoption de l’entreprise libérée par les perspectives rationnelle et institutionnelle de l’innovation managériale. En effet, tel que nous l’avons observé, la PSE comprend à la fois une dimension managériale et instrumentale (perspective rationnelle) et se fonde sur

59 Pour mémoire, au terme du chapitre 1 nous avions défini l’entreprise libérée comme « une nouvelle

combinaison d’une philosophie humaniste, d’une structure de type adhocratique, de processus qui assurent l’autonomisation et la responsabilisation des employés, et de pratiques de management démocratique basées sur la confiance. »

Chapitre 2 - Une lecture intégrative de l’adoption de l’entreprise libérée

des principes éthiques et normatifs (perspective institutionnelle). S’agissant d’un modèle de PSE par les parties prenantes, il permet de considérer que la performance sociale est le résultat d’une réponse aux demandes sociales et non uniquement le résultat d’une intention rationnelle.

Deuxièmement, le modèle de Clarkson permet de traiter deux difficultés liées à notre problématique, (1) le lien entre l’entreprise libérée et la performance sociale ; (2) l’opérationnalisation de ce lien. En effet, il propose de lier la dimension managériale et la dimension résultats. L’approche par les parties prenantes, rend ce modèle facilement opérationnalisable. En effet, puisque nous nous intéressons à la performance sociale de l’organisation (i.e. sur les effets sur les salariés), la dimension managériale peut être mesurée en termes de pratiques managériales et la dimension résultats en termes de performance sociale évaluée par la satisfaction et la perception des salariés telles que proposées par Clarkson (1995).

À l’issue de cette section, nous pouvons enrichir notre modèle conceptuel sur les résultats de l’adoption de l’entreprise libérée en réponse à notre problématique (cf. figure 11 ci-dessous).

Figure 11. Lecture intégrative des résultats de l’entreprise libérée

Antécédents managériaux (Chapitre 2 section 2) Résultats (Chapitre 2 section3) Performance sociale de l’organisation captée par la perception et la satisfaction des salariés Facteurs contextuels Entreprise libérée (Chapitre 1) « Une combinaison nouvelle d’une philosophie humaniste, d’une structure de type adhocratique, de processus qui assurent l’autonomisation et la responsabilisation des employés, et de pratiques de management démocratique basées sur la

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