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Carte 2 : Relief et hydrographie du Gabon

1.2.1. Un pays sous-peuplé

Sur la base des données duRecensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) de 2003, la population gabonaise compte 1 517 685 habitants. D’autres sources avancent des données inférieures, cependant proches. L’Atlas de l’Afrique. Gabon de Pourtier et al (2004) et Atlas de l’Afrique de Pitte et al. (2009) l’estimaient respectivement à 1 300 000 habitants en 2004 et en 2007. Cette poulation est répartie sur 9 provinces : l’Estuaire, le Haut-Ogooué, le Moyen-Ogooué, la Ngounié, la Nyanga, l’Ogooué-Ivindo, l’Ogooué-Lolo, l’Ogooué-Maritime et le Woleu-Ntem. Le Gabon a une densité démographique d’environ 5 habitants par kilomètre carré (Pitte et al., 2009 ; Pourtier et al, 2004). Sa faible densité le caractérise comme un pays sous-peuplé. Elle est l’une des plus petites d’Afrique centrale. Son sous-peuplement est aussi observable à l’échelle mondiale. Il fait partie des pays les moins densément peuplé du monde, c'est-à-dire de moins de 10 habitants au km² (Baudelle, 2003).

Tableau 1 : La population du Gabon par rapport aux autres pays d’Afrique centrale

Pays Population Superficie (km²) Densité (hab/km²)

1999 2007 1999 2007 Cameroun 15 500 000 18 100 000 475 442 32,6 38 Rép. Centrafricaine 3 400 000 4 300 000 622 984 5,5 6,9 Congo 2 700 000 3 800 000 342 000 8 11 Gabon 1 200 000 1 300 000 267 667 4,5 4,8 Guinée Equatoriale 440 000 515 000 28 052 16 18 R. D. Congo 50 500 000 62 600 000 2 345 409 21,5 26,8 Sao tome et Principe 160 000 157 300 965 165 206 Tchad 7 700 000 9 900 000 1 284 000 6 7,7

45 Tableau 2 : Les pays les moins denses du monde

Pays Population (2001) (milliers d’hab.) Superficie (km²) Densité (hab/km²) Mongolie 2 400 1 565 1,5 Namibie 1 800 823 2,2 Australie 19 400 7 682 2,5 Mauritanie 2 700 1 031 2,6 Surinam 430 163 2,6 Botswana 1 600 600 2,7 Islande 290 103 2,8 Lybie 5 200 1 759 2,9 Canada 31 000 9 976 3,1 Guyana 710 215 3,3 Gabon 1 200 268 4,5 Kazakhstan 15 000 2 717 5,4 Centrafrique 3 600 623 5,8 Tchad 8 700 1 284 6,8 Bolivie 8 100 1 099 7,7

Source : INED, 2003. In Baudelle, 2003.

Le sous-peuplement d’un pays se détermine en fonction de plusieurs critères qui ont une influence sur le regroupement d’une population sur un espace donné. Les plus importants sont la superficie, les ressources et le développement. Baudelle (2003) nous en parle dans les termes suivants :

« Le sous-peuplement intervient lorsqu’une région à potentiel de ressources et de développement reste peu attractive comparée à d’autres. Il y a sous-peuplement lorsque les ressources pourraient satisfaire une population plus abondante sans dommage pour le niveau de vie ou lorsque les effectifs sont trop faibles pour permettre la mise en valeur de ces ressources ».

Le Gabon a toujours été un pays sous-peuplé. Déjà dans les années 1960, Sautter (1966) l’évoque dans son étude sur la population de l’espace qui va de l’océan Atlantique au fleuve Congo. Il décrivait le Gabon et le Congo comme des pays où il y a une « indigence de la population », des pays « mal peuplés » par rapport aux autres pays

46 d’Afrique tropicale : « aucun autre pays de l’Afrique chaude et pluvieuse n’est aussi mal peuplé ». Leur densité était inférieure à 10 hab. /km², respectivement de 1,68 hab. /km² et 2,4 hab. /Km². De nos jours, la densité de la population du Congo dépasse les 10 hab. /km² (soit 11 hab. /km² en 2007) et celle du Gabon est restée inférieure à cette marge (5 hab. / km² en 2004). Même si sa population a quasiment triplé entre 1960 et 2004, le Gabon demeure un pays sous-peuplé. Quelles sont les causes de son sous-peuplement ?

Tableau 3 : Evolution de la population du Gabon de 1960 à 2004

Année 1955 1960 1970 1980 1993 2003 2004

Population 388 000 448 000 546 000 800 000 1 015 000 1 517 685 1 300 000

Densité 1,68 3,8 5

Sources : Sautter, 1966 ; Pourtier et al., 2004 ; RGPH, 1993 ; RGPH, 2003.

Le sous-peuplement du Gabon ne résulte pas de prime abord d’un dépeuplement comme c’est souvent le cas dans les pays industrialisés (Baudelle, 2003). Il est lié à des causes historiques, sociales, humaines et naturelles.

Les facteurs historiques et sociaux s’articulent autour des guerres tribales, la traite négrière, le travail forcé lié à la colonisation, les deux guerres mondiales, les nombreux recrutements engendrés par la ruée vers l’exploitation forestière et un peu plus tard vers l’exploitation minière (pétrole, uranium, manganèse, or, etc.). Ils ont engendré des pertes humaines considérables (IPN, 1983 ; Sautter, 1966). Concernant la traite négrière (traite d’esclaves), Sautter (1966) nous éclaire sur ce phénomène qui a causé un important déficit humain dans le centre du continent africain :

« En dehors du moyen Oubangui et de la Likouala-aux-Herbes, où les hommes disparaissaient aussi, mais d’une autre façon, pas une région du Congo ou du Gabon n’a été épargnée. Ni les plus éloignées du rivage (…). Ni celles qu’occupaient les Fang (…) au point que vers le milieu du siècle dernier les négriers français sous couvert d’« émigration volontaire », transportaient « des Fang dans une proportion très considérable » (Du Chaillu, 1963)36. Ni même les contrées englobées dans les organisations politiques de la côte méridionale et du bas Congo ».

Les facteurs humains sont liés à la stérilité, l’alcoolisme, le manque d’hygiène, l’impuissance et l’inefficacité de la médecine traditionnelle face à certains maux (IPN, 1983). Ce sont des obstacles considérables à la reproduction de la population. Le

47 peuplement récent du Gabon, seulement à partir du XIV-XV siècle37, pourrait également être une des raisons humaines du sous-peuplement si l’on s’en tient à la théorie de Beaujeu- Garnier (1966). Selon cet auteur, l’ancienneté du peuplement ou de l’occupation signifie souvent, à conditions naturelles égales, une densité plus forte. Il faut cependant émettre une réserve car cette théorie peut être contrecarée en cas d’invasions ou de guerre (Baudelle, 2003).

Quant aux facteurs naturels, ils reposent sur l’omniprésence de la forêt qui favorise les maladies (paludisme, tripanosomiase ou maladie du sommeil, lèpre, fièvre typhoide, etc.), les épidémies (variole, etc.), une faible fécondité des femmes et une faible espérance de vie (Gourou, 1982 ; IPN, 1983 ; IPN, 1993 ; MINPET38, 1996 ; Baudelle, 2003).

Si de nombreux facteurs ont contribué au sous-peuplement du Gabon, de nos jours, ils seraient principalement d’ordre humain : natalité, fécondité et mortalité (notamment infantile). La DGSEE39 (2007) souligne que « la cause immédiate du sous-peuplement du Gabon est la faiblesse du solde naturel qui résulte d’une natalité et d’une fécondité relativement basses, conjuguées avec une mortalité assez élevée ». Le taux de mortalité est très élévé et l’espèrance vie reste faible40. Le taux de mortalité infantile est de 60/1000, le taux de mortalité maternelle est de 519/100000 et l’espèrance de vie est de 56,6 ans (DGSEE, 2007). L’indice conjoncturel de fécondité41 dans le monde pour l’année 1990 (Noin, 2005), nous éclaire sur la particularité de la fécondité au Gabon. Avec 4,3 à 5,0 enfants par femmes, le pays a la plus faible fécondité de l’Afrique subsahrienne alors que la majorité des pays du continent tourne autour de 5,7 à 6,8 enfants pour certains et entre 6,9 à 8,5 pour d’autres. Le Gabon a par ailleurs, la plus faible fécondité d’Afrique centrale où elle varie chez ses plus proches voisins de 5,7 à 6,8 enfants pour le Cameroun et la Guinée- équatoriale, et de 6,9 à 8,5 pour le Congo.

Bien qu’elle soit à peine d’un million et demi de personnes, la population gabonaise est constituée d’une multitude d’ethnies et de langues.

37 Les grandes migrations des Bantou vers le Gabon se sont achevées seulement au milieu du XIXème siècle

avec l’arrivée des Fang dans les pays de l’Ogooué (Pourtier et al., 2004).

38 Ministère de la Planification de l’Environnement et du Tourisme. 39 Direction Générale de la Statisque et des Etudes Economiques.

40 En 1985, l’espérance de vie au Gabon oscillait entre 46 et 53 ans. Même si elle a augmenté, elle reste faible

(Noin, 2005). De nos jours, elle est de 56,6 ans (DGSEE, 2007). Elle n’est cependant pas la plus petite du continent africain. En nous référant à l’année 1985, par rapport aux données de Noin (2005), l’espérance de vie au Gabon correspond à celle de nombreux pays d’Afrique subsaharienne (Nigéria, Cameroun, Zaïre, …). Elle est par contre supérieure à celle des pays du Sahel (Sénégal, Mali, Niger, …).

41 L’indice conjoncturel de fécondité est la somme des taux de fécondité ou la somme des naissances réduites

48 1.2.2. … Mais une pluralité ethno-linguistique

La population gabonaise est composée d’une diversité d’ethnies et de langues, entre une quarentaine et une cinquantaine (RGPH, 1993 ; Pourtier et al, 2004). L’imprécision dans leur dénombrement est due à la confusion courante entre ethnie42 et langue. Cette imprécision s’étend aussi sur le nombre de groupes ethno-linguistiques. Le RGPH (1993) en distingue 8. D’autres sources en comptabilisent 9 (Onkra, 2004)43.

Les grands groupes etniques ou ethno-linguistiques sont par ordre les Fang, les Punu-Eshira, les Nzebi-Aduma, les Mbede-Teke, les Kota-Kele, les Myene, les Okande- Tsogho et les Pygmées (RGPH, 1993). Les premiers peuplent le nord-est, l’ouest et le centre ; les seconds le sud ; les troisièmes l’est et le sud-est ; les quatrièmes le nord-est ; les cinquièmes le sud-est ; les sixièmes le centre et le sud ; et, les derniers sont repartis par petit nombre dans le pays. Chaque groupe ethnique était dans le temps représentatif d’une région bien précise. Mais les migrations de travail des années 197044 ont quelque peu modifié cette logique. Ainsi, les provinces de l’Estuaire et de l’Ogooué-Maritime sont aujourd’hui des représentations en miniature du Gabon, ce sont des melting-pots ethniques45. En 1993, le groupe Punu-Eshira par exemple était plus représenté dans ces deux provinces (respectivement 101 012 et 43 756) que dans ses provinces d’origines c'est-à-dire la Nyanga (35 915) et la Ngounié (35 264) dans le sud. Il en est de même pour le groupe Nzebi- Aduma. Il est plus important dans l’Estuaire (40 249) que dans le Haut-Ogooué (18 113), la Ngounié (22 614) et l’Ogooué-Lolo (23 221).

42 L’ethnie est un « groupement d’individus appartenant à la même culture (mêmes langues, mêmes costumes,

…), se reconnaissant, se désignant et agissant comme tels » (Gresle et al., 1994).

43 Onkra In Pourtier et al. (2004) distingue 9 grands groupes. Elle dissocie les Mbédé (ou Mbété) des Téké. 44 Migration de travail ou migration économique.

45 Dans les années 1970, Libreville a attiré une masse importante de gabonais pour la construction d’édifices

devant accueillir le sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) en 1977. Au cours de la même décennie, la province de l’Ogooué-Maritime a également connu une importante affluence pour l’exploitation pétrolière. Son influence économique était déjà marquée par l’exploitation forestière qui avait auparavant connu des vagues humaines importantes pour combler les besoins en main -d’œuvre.

Tableau 4 : Répartition des groupes ethniques au Gabon en 1993 Groupe

ethnique

Provinces de résidence

Est H-O M-Og Ng Ny O-I O-L O-M W-N Total

Fang 136 892 2 704 12 467 1 013 523 11 443 763 10 223 82 573 258 601 Kota-Kele 19 268 8 458 3 175 2 435 203 28 985 6 357 1 652 818 71 351 Mbede-Teke 21 837 58 185 173 192 61 342 896 1 048 156 82 890 Myene 25 162 416 3 873 140 103 98 88 18 788 99 48 767 Nzebi-Aduma 40 249 18 113 2 871 22 614 11 815 319 1 045 23 221 4 898 326 113 656 Okande-Tsogho 8 817 901 3 065 35 264 347 1 087 5 106 1 541 114 32 793 Punu-Eshira 101 012 4 017 13 560 1 094 35 915 2 103 5 157 43 756 1 170 241 954 Pygmées 38 469 1 17 77 1 279 412 1 163 3 534 Naturalisés 1 941 83 79 74 584 2 205 27 293 592 3 239 Total gabonais 460 939 93 346 39 264 2 718 37 550 46 587 42 027 82 200 86 011 856 785 Total étrangers 105 723 10 237 2 897 1.699 2 164 1 777 15 385 10 890 153 490 Total 460 939 103 583 42 161 77 302 48 751 43 804 97 585 96 901 1 010 275

Source : Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH), 1993.

Est = Estuaire ; H-O = Haut-Ogooué ; M-O = Moyen-Ogooué ; Ng = Ngounié ; Ny = Nyanga ; O-I = Ogooué-Ivindo ; O-L = Ogooué-Lolo; O-M = Ogooué-Maritime ; W-N = Woleu-Ntem.

Le Gabon dispose d’une langue officielle : le français. Elle a été instaurée pendant la colonisation et a démeuré telle qu’elle après la proclamation de l’indépendance. À l’instar de certains pays africains46, il n’existe pas de langue nationale. La multiplicité des langues (et/ou des ethnies) et la crainte de la domination d’un groupe linguistique47 sur d’autres a eu raison de ce choix.

La pluralité ethno-linguistique du Gabon lui permet de bénéficier d’une diversité culturelle. Cette dernière se caractérise par des rites, des folklores et un artisanat tous aussi variés selon les groupes ethniques, les ethnies et le sexe. L’art et la culture gabonaise se distingue par les danses, les chants, les rites initiatiques, les masques, les instruments de musique, les techniques agricoles, la cuisine, les vêtements traditionnels, le pleur, etc. Il existe autant d’art et de culture que de groupes ethno-linguistiques voire d’ethnies.

Comment la population gabonaise est-elle repartie sur ce territoire de forêt ?