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NATURE ET DES HOMMES A VALORISER

Section 2 La forêt, un bien vital pour les populations du parc de Loango

2.1. Caractéristiques socioculturelles et socioéconomiques des populations locales

2.1.2. Les populations des villages du sud du parc

Sounga est le seul village situé dans le sud du parc national de Loango. Les localités périphériques au parc sont Sette-Cama et Pitonga. Elles sont situées dans le département de Ndougou, un territoire de 50.000 hectares composé de 380 îles. Le chef-lieu de ce département est la ville de Gamba autour de laquelle s’articulent 14 villages répartis dans les cantons Lagune, Bongo et Basse Nyanga. Seul le canton Lagune abrite le sud du parc national de Loango.

181 La pointe de la plaine renvoie à la plaine Tchongorové, située au nord du village.

190

Sounga

Sounga, dont la signification est inconnue des habitants, est le seul village situé dans la partie sud du parc. Il compte 6 habitants permanents, tous de la même famille183 et à dominante féminine. Ils sont de l’ethnie Balumbu et Eshira. Lors des vacances scolaires, la population s’agrandit grâce à la présence des petits enfants scolarisés à Gamba qui viennent aider les parents pour les travaux agricoles. Seule une famille installée à Sette-Cama vit de façon temporaire à Sounga dans le cadre des activités agricoles. Elle a obtenu l’autorisation des habitants de Sounga d’établir son campement agricole. Selon les accords établis entre l’ANPN et les habitants des localités situées dans le parc national (Sounga, Yombé, Obiro et Bonne Terre), ne peuvent pratiquer l’agriculture ou toute autre activité dans ces villages que ceux qui y vivent. Toute personne non résidente doit obtenir l’accord du chef de village pour faire ses champs. Bien que le parc soit régi par l’ANPN qui est une institution publique, la gestion du terroir villageois en matière des droits d’usage reste du ressort du droit coutumier.

Sounga est accessible par voie lagunaire et lacustre (lac Sounga). Sounga ne dispose pas d’école, ni d’eau potable et de dispensaire. Une situation due à la petite taille de sa population. En cas de besoins (médicaux, eau potable, école, etc.) les habitants vont à Sette- Cama ou Gamba.

Le chef de village de Sounga est une jeune femme184 du clan Moussanda. Elle a hérité de ce poste après le décès de son père, ancien chef.

Les actuels185 habitants de Sounga viennent d’Inyoungou186 (un ancien village) d’où ils sont partis en 1994 principalement à cause des problèmes d’acheminement des produits agricoles, destinés à la vente, jusqu’à Gamba. Avant de s’installer dans le site actuel, ils marchaient 18 km dans la forêt, d’Inyoungou à Sounga. Ensuite ils devaient chercher une embarcation pour Gamba. En s’installant à Sounga, cette difficulté a été réglée. La famille a également trouvé un sol aussi fertile que celui d’Inyoungou.

Lorsqu’ils étaient à Inyoungou, ils étaient 11 adultes. La plupart des membres sont décédés et le reste s’est installé à Gamba. Aujourd’hui, le village Inyoungou n’existe plus. L’essentiel de ces anciens habitants, en dehors de la « famille Diallo » qui vit à Sounga, se

183 La mère, les enfants et le frère de la mère. Le pére, l’ancien chef de village est décédé.

184 C’est une exception. La direction d’un village, signe de pouvoir est traditionnellement confié e à un homme,

désigné par les habitants.

185 Ceux qui vivaient auparavant sur ce lieu, ce sont installés à Sette -Cama, Pitonga et Mougambi dans le cadre

des regroupements villageois. Certains sont allés vivre à Gamba.

186 Inyoungou est un ancien village qui était situé au nord de Sounga. C’était auparavant un campement forestier.

La fin des activités forestières, l’enclavement du village et le regroupement des villages ont mis fin à son existence.

191 sont installés à Pitonga, à Mougambi (pour se rapprocher de Gamba et des structures de base : école, eau potable, dispensaire, etc.) et à Gamba (pour les opportunités d’emplois offerts par les secteurs du pétrole et du bâtiment).

Contrairement aux autres villages où il est d’un rayon de 5 km, le terroir villageois concédé aux habitants de Sounga pour leurs activités agricoles est de 3,14 km. Selon l’ANPN, la taille du terroir dépend de celle de la population : plus la population est petite, plus son terroir est petit. La délimitation se fait en accord avec le chef de village.

● Sette-Cama

Sette-Cama est situé dans la périphérie du secteur sud du parc. Il est à 36 km de Gamba (en empruntant la piste sableuse). A la différence de Sounga et Pitonga, Sette-Cama est bâti sur un cordon littoral sableux qui sépare l'océan Atlantique de la lagune de Ndougou. L’accès à Sette-Cama se fait par route, lagune, mer et par petit avion.

L’existence du village Sette-Cama daterait des années 1760 (WWF-CARPO, 2001). Selon l’hypothèse la plus avancée par les locaux, le nom Sette-Cama, qui signifie « sept tombes » en portugais, serait lié aux sept Portugais qui auraient péri noyés près des côtes. Ils auraient été enterrés la même année aux alentours d’une rivière. Un cimetière de sept tombes a été créé en leur souvenir sur la plage.

Sette-Cama est le village le plus peuplé du canton Lagune-Ndougou et de la périphérie du parc national. Il est aussi le plus grand du département de Ndougou. Environ 130 personnes, dont près de 90 habitants permanents, pour 45 habitations principales, y vivent187. Les activités liées à la brigade de Faune de Sette-Cama (écogardes, …) et au tourisme (trois opérateurs touristiques, écoguides, etc.) ont permis de stabiliser le mouvement de ses habitants.

Les ethnies que l’on y retrouve sont respectivement par ordre d’importance, les Balumbu, les Lumbu, Vili, Ngowe, Bapunu, Eshira. Le village est sous la chefferie de deux personnes qui ont été désignés par les villageois (‘‘les chefs Makaya188’’). Ils sont suppléés par un sous-chef (un ‘‘notable’’ auto désigné) car les principaux chefs sont souvent dans leur campement agricole et de pêche. Les habitants de Sette-Cama font leurs activités agricoles hors du village. Ils vont pour la plupart à Paga (à environ 3 km de Sette-Cama, l’autre côté de

187 D’après les entretiens avec l’écoguide Ghislain IBAMBA, le chef du village, nos observations à Sette -Cama

et Dethier et al., 2005.

188 Le hasard a fait qu’ils aient le même nom alors qu’ils ne sont pas de la même famille. Les villageois les

192 la lagune) et quelques uns à Doubinda, à Miguéla et à Sounga (dans le parc, à condition d’avoir l’autorisation des habitants). De tous les villages, Sette-Cama est celui où la population s’éloigne le plus des habitations pour effectuer les activités agricoles. Certains habitants disent qu’ils vont si loin parce que le sol du village et de ses environs est très peu fertile189. Le terroir villageois concédé aux habitants est d’un rayon de 5 k m. À cause du manque de palmiers dans le village, l’approvisionnement en vin de palme se fait généralement sur les petites îles alentours, entre les campements agricoles de Paga et Doubinda.

Sette-Cama dispose de structures de base : une école, un dispensaire, une pompe publique. Il abrite également une brigade de faune, deux opérateurs touristiques privés (Sette- Cama safari et Missala lodge), un opérateur touristique communautaire (la Case Abietu) et un centre d’accueil et d’informations pour touristes. Bien que le village dispose d’un château d’eau, les habitants s’approvisionnent régulièrement à la source (eau de source naturelle) de Paga qui offre une eau ‘‘ plus propre à la consommation’’190 que celle de la pompe publique.

● Pitonga

Le village de Pitonga aurait été créé au début des années 1900. Il compte environs 15 habitants permanents même si le nombre de maisons191 (une trentaine, dont certaines sont inhabitées) nous amènerait à porter ce chiffre à près de 50 à 60 personnes sur la presqu’île192. Les ethnies dominantes sont les Balumbu et le Lumbu. L’accès à Pitonga se fait par voie lagunaire et par route (une piste). Il y a un chef de village.

Selon ‘‘les anciens193’’, pour paraphraser le chef du village et l’infirmier, le village de Pitonga était à l’origine un petit campement agricole fondé par une famille qui avait fini par s’y installer. Quelques années plus tard, se sentant un peu seule, elle proposa aux habitants de l’île Nama, juste en face de la presqu’île de Pitonga, de venir s’installer et profiter d’un grand espace et de la fertilité du sol194. C’est ainsi que Pitonga devint un village et que celui de

189 Le sol de Sette-Cama est sableux.

190 Selon les habitants, nos observations et notre expérience sur le terrain. 191 Maisons en planche et en dur.

192 Selon nos entretiens avec le Chef du village (une quinzaine) et l’infirmier (douzaine ou quinzaine), il y a

environ une quinzaine de personnes qui vivent en permanence dans le village. Par rapport à Sounga où le nombre de maisons correspond à celui des habitants, à Pitonga, et surtout à Sette-Cama, de nombreuses maisons demeurent vides. Certaines sont des maisons de vacances, d’autres sont occupées uniquement pendant les fins de semaines ou à des périodes de faibles activités agricoles (par exemple de novembre à janvier, lorsque les plantes poussent). L’estimation rejoint celle faite par Dethier et al (2005).

193 L’expression locale ‘‘les anciens’’ désigne les ancêtres ou les personnes agées.

194 A la différence de Sette-Cama où les sols sont sableux, les habitants peuvent faire de l’agriculture dans le

village de Pitonga. « Le sol est très fertile ». Malgré la fertilité, les habitants de Pitonga optent de plus en plus pour les jardins plutôt que des champs pour limiter les invasions des animaux (les éléphants en particulier) dans le village.

193 Nama disparut. Dans les années 1990, la population a augmenté suite au regroupement villageois (anciens habitants d’Inyoungou et de Sounga) et à l’installation de retraités et de jeunes chômeurs en provenance de Gamba.

Les populations de Pitonga exercent leurs activités agricoles à la périphérie du parc, dans le domaine de chasse de Sette-Cama. Les principaux lieux sont Koumaga et l’île Ngaley. Elles y pratiquent aussi la pêche (de subsistance et commerciale), la chasse (uniquement de subsistance) et font la récolte de vin de palme (sur les îles Nama et Ngaley). Le village dispose d’une école primaire, d’un dispensaire, d’une case de passage et d’un château d’eau.

Dans l’ensemble, la présence humaine est réduite dans le parc national de Loango. Sa population, de l’intérieur et de sa périphérie, est principalement rurale. Tous les villages situés dans le parc sont accessibles par voie lagunaire. Ceux de la périphérie le sont par voie lagunaire et routière. Les populations qui vivent dans le parc de Loango, à l’exception de Sounga, exercent, sur autorisation de l’ANPN, leurs activités traditionnelles dans leur terroir villageois, sur un rayon de 5 kilomètres.

Chaque village est dirigé par un chef de village, lui-même sous la tutelle d’un chef de canton. Ce dernier est le représentant des populations de son canton auprès de l’administration locale. Son rôle consiste à aviser les populations de toutes décisions prises par l’administration locale. L’ethnie195 la plus représentée est celle des Lumbu196. Elle est suivie des Ngové, des Eshira, des Punu, des Vili et des Varama. Cette diversité ethnique s’explique par les origines variées de ces populations. Les Lumbu viennent de la province de la Nyanga (Tchibanga et Mayumba) et de Pointe-Noire (Congo). Les Vili sont également originaires de la Nyanga (Mayumba) et de Pointe-Noire. Les Punu sont originaires de la Nyanga (Tchibanga). Les Eshira, les Varama et les Ngové proviennent de la province de la Ngounié. Les Nkomi sont originaires des provinces de l’Ogooué-Maritime et du Moyen-Ogooué. Cette multiplicité d’origines et d’ethnies dans la région s’explique par des mouvements migratoires liés principalement à l’emploi, d’abord dans l’exploitation forestière (au début des années 1900) et ensuite dans le secteur du pétrole (à partir des années 1960). La diversité ethnique est aussi due à la plygamie et au mariage entre personnes d’ethnies différentes.

195 L’ethnie est une collection d’individus, de population, considérée comme cohérente, dont les membres

partagent une culture commune, principalement la langue, les institutions, les rites (Brunet et al., 1998).

196 Dans l’ethnographie du Gabon, les Lumbu ou les Balumbu constituent une seule et même eth nie. Le préfixe

« ba » est mis pour le pluriel et Lumbu sans le préfixe « ba » représente le singulier. Cependant, lors de notre enquête de terrain, il s’est avéré que les « Lumbu » de la région du parc national de Loango font une distinction entre eux et ceux qu’ils appellent les « Balumbu ». Selon les premiers, les seconds les auraient retrouvés sur leur terre, ce sont « les Lumbu venus d’ailleurs, d’autres régions » (Mayumba, Pointe-Noire), « ceux qui sont arrivés après » ; d’où le préfixe « Ba ». Ces Lumbus venus d’ailleurs ont migré pour le travail (pétrole et bois), le mariage, etc.

194 Si la prédominance de certaines ethnies est perceptible sur la représentativité dans les villages, c’est le cas des Lumbu et des Eshira, elle n’a pas d’impact sur la gestion du parc. Les différents problèmes de gestion que nous avons observés sont liés aux rapports entre population locale et institutions environnementales (ANPN, ONG, etc.), entre population et faune sauvage, etc.

Figure 18 : Localisation des villages par rapport à la délimitation du parc de Loango

Réalisation : Chiberth MOUSSAVOU Sources : Administration des aires protégées et enquêtes de terrain, 2008.

Bonne Terre Sette-Cama Pitonga Obiro Sounga Yombe Ntchongorové Idjembo Parc Zone périphérique : zone tampon Zone périphérique

195 Tableau 37 : Composition ethnique des villages du parc de Loango et de sa périphérie

Localités Ethnies

Bonne Terre Eshira, Lumbu et Ngové

Idjembo Ngové, Lumbu, Echira et Punu

Ntchongorové Ngové, Myènè, Lumbu, Eshira et Punu

Obiro Ngové

Pitonga Lumbu, Vili, Punu

Sette-Cama Lumbu, Vili, Ngové, Punu, Eshira

Sounga Lumbu, Eshira

Yombe Ngové, Nkomi, Lumbu, Varama, Eshira,

Source : enquêtes de terrain, août-septembre 2008 et Blaney, 1998/1999.

Photo 14 : Village Sounga 1 Photo 15 : Village Sounga 2

Photo. Chiberth MOUSSAVOU, Août 2008.

Ces deux photographies montrent la cohabitation entre maison en écorces et maison en bois (planches) au sein du village Sounga. Le village est entouré par la forêt. Quelques abres fruitiers font office de barrière entre les maisons et la forêt ; ils servent aussi de répère pour localiser (retrouver) le village.

196 Photo 16 : Village Pitonga, débarcadère Photo 17 : Habitants du village Pitonga

Photo. Chiberth Moussavou, Pitonga, Août 2008. Photo. Ghislain Ibamba, Pitonga, Septembre 2008.

Photo 17 : De gauche à droite, le petit frère du chef du village de Pitonga, le chef du village de Pitonga, Stagiaires du RAPAC (nous) et du WWF lors d’un entretien collectif.

Les habitants du parc de Loango vivent essentiellement de la pêche et de l’agriculture. La chasse, généralement deuxième activité en milieu rural, est une activité complémentaire dans la région.

2.2. Les ressources naturelles au centre des activités de subsistance et